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23/11/2014

(NOR) Dag, saison 1 : un conseiller conjugal atypique pour une comédie acerbe

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"Listen. I don't despise you, or find you to be loathsome specimens. This isn't personal to me in any way. But I've heard everything you say from a hundred other couples. So please allow me to repeat : compatible personalities do not exist. When living together for an extended period, you end up repressing the other person's personality. Do yourself a favour : get divorced. End this misery. It'll be a mercy killing." (Dag, S01E01)


Imaginez un conseiller conjugal dont la philosophie de vie repose sur l'idée que chacun devrait vivre en solitaire. Cette certitude, Dag n'hésite pas à la partager avec les clients les plus divers qui osent pousser la porte de son cabinet. En guise de consultation, son écoute se conclut invariablement par un laïus déconstruisant minutieusement la notion de couple et, plus généralement, le soi-disant besoin de socialiser présenté comme inhérent à l'être humain. Ses thérapies ont donc l'avantage d'être courtes... et le taux de divorce, vertigineux, y défie toutes les statistiques.

Ce synopsis constitue le point de départ de Dag, une comédie norvégienne qui a rencontré un joli succès aussi bien critique que public dans son pays. Elle compte à ce jour trois saisons diffusées entre 2010 et 2013 sur la chaîne TV2. Après l'expérience concluante qu'avait été le visionnage de l'inclassable -et jubilatoire- Hellfjord l'an dernier, j'étais très curieuse de poursuivre l'exploration du petit écran norvégien, ainsi que la découverte de cet humour typiquement scandinave que l'on peut y croiser. Dag était la série parfaite pour cela. C'est en une petite semaine que j'ai terminé les 10 épisodes de la première saison - d'une durée d'environ 25 minutes chacun. En attendant la suite, aujourd'hui, poussons ensemble la porte du cabinet de ce thérapeute atypique.

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Dag est une comédie noire, à l'humour caustique, parfois féroce, souvent absurde. Centrée sur son personnage principal, la série fonctionne cependant comme un ensemble au sein duquel les figures secondaires contribuent tout autant à la tonalité corrosive ambiante. Tandis que Dag a toute latitude pour développer amplement ses théories sur l'asociabilité de l'être humain et l'incompatibilité naturelle entre deux individus auxquelles se heurte fatalement tout projet de vie commune, les autres protagonistes ne sont pas en reste. Chaque épisode est ainsi le témoin des derniers désastreux choix relationnels de Benedict, le -seul- ami de Dag, qui démarre la saison en abandonnant sa compagne, sur le point d'accoucher, à la maternité, se retrouvant poursuivi par les parents bouchers serbes de celle-ci pendant une bonne partie des épisodes. Au cabinet, les remarques de Malin, secrétaire intrusive pour qui la confidentialité est une notion inconnue, et les brèves sessions avec des clients, réguliers ou nouveaux venus, toujours hauts en couleurs, parachèvent de poser l'ambiance. La série se construit par petites touches souvent mordantes et sombres sur la nature humaine en général et les relations portées à l'écran en particulier. Agrémentée de tirades désillusionnées qui font mouche, elle cultive une tonalité résolument corrosive, rafraîchissante à sa manière dans cette façon atypique et décalée d'aborder ces grands thèmes classiques que sont la vie, la mort, la solitude... et l'amour.

Pour autant, derrière ces apparences aussi désenchantées qu'acérées, la série n'en est pas moins pourvue d'une certaine sensibilité. Car, au fil de la saison, le portrait de Dag se nuance à mesure qu'il se précise. Si le conseiller conjugal tient farouchement à son indépendance, faisant tout pour que rien ne puisse ni l'atteindre, ni le toucher (en témoigne le véritable sas qu'il s'est aménagé dans son appartement entre l'extérieur et les pièces dans lesquelles il vit), des informations sur son passé et sur sa famille, dévoilées progressivement, viennent nous donner une meilleure compréhension du personnage. Mieux encore, sa carapace se fissure face à l'obstination de sa sœur, puis d'Eva rencontrée justement par son intermédiaire. En effet, Eva s'immisce dans la vie minutieusement réglée de Dag, perturbant son quotidien et faisant dérailler quelques-uns de ses principes cardinaux, sans qu'il puisse vraiment refuser quoique ce soit à cette jeune femme qui brouille les défenses qu'il a érigées autour de lui. La mort de son père vient aussi le questionner. En filigrane, une interrogation se dessine : cela vaut-il la peine de tenter de s'ouvrir au monde, ou du moins à quelqu'un d'autre ? Sa philosophie de vie solitaire, aussi rationalisée qu'elle paraisse, ne dissimule-t-elle pas surtout la peur du rejet, de l'échec, de l'aléa tout simplement inhérent à toute relation ? Construire quelque chose à deux, c'est accepter de prendre un risque. De donner et de recevoir. Dag en est-il capable ? Sans rien brusquer, cette saison 1 est ainsi une histoire d'évolutions, sans que nul ne sache vraiment où elles conduisent...

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Dotée d'un humour acerbe et mordant, Dag est une comédie noire chargée de désillusions sur la nature humaine, qui excelle dans un registre à la fois provocateur et absurde. Sa tonalité à part repose en partie sur les épaules de sa figure centrale, conseiller conjugal atypique à la philosophie de vie solitaire revendiquée, mais aussi sur une galerie de personnages secondaires qui contribuent pleinement au décalage ambiant. Souvent féroce, délicieusement corrosive, mais non dépourvue d'une humanité qui pointe derrière son désenchantement, Dag est une série qui peut faire office d'introduction parfaite dans le registre comique venu du Nord. Avis aux amateurs (et aux sériephiles curieux) !


NOTE : 7,5/10


Pour conclure, laissons le mot de la fin à Malin, la secrétaire de Dag, qui explique les raisons qui l'ont conduite à choisir son métier :

"I love human disappointment. Or, not disappointment, exactly. But suffering. People who obliterate their sense of dignity. People banging their head against the wall, their heart on their sleeve... I just love it. It's just my cup of tea." (S01E03)


Les premières minutes du pilote (sous-titrées en anglais) :


[Retrouvez ce billet dans la sélection hebdomadaire Séries Mania]