Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

22/09/2011

(Pilotes US) Mini-reviews : Ringer, The Secret Circle, The Playboy Club

Cette rentrée, j'ai pris quelques résolutions, notamment celle d'étendre mes principes de "sériephilie sans frontières" aux États-Unis, et plus précisément aux fictions des grands networks américains. Si vous me lisez plus ou moins régulièrement, vous savez que je n'ai plus vraiment d'affinités avec ces séries depuis quelques saisons. Un désintérêt que ces trois premiers essais de la saison 2011-2012 n'auront malheureusement pas remis en cause.

[Cet article fait office de test, puisqu'il inaugure une nouvelle forme de critique sur ce blog : la "mini-review", pour les séries au sujet desquelles tout a déjà été écrit et/ou sur lesquelles je n'ai pas envie de prendre le temps de rédiger une review classique. Je ne sais pas encore si l'expérience se poursuivra.]

thesecretcircle0.jpg

The Secret Circle (The CW)

Une héroïne orpheline apprend qu'elle est une sorcière, et qu'elle est destinée à compléter un cercle de magie puissant où chacun va apprendre à contrôler ses pouvoirs. Ses parents ont eux-mêmes suivi ce chemin à son âge. Fera-t-elle les mêmes erreurs qu'eux ?

The Secret Circle, "série fantastique à destination des jeunes adultes", est un objet télévisuel assez fascinant dont le visionnage fait naître de vraies questions existentielles d'écriture : comment est-il rationnellement possible de condenser en un seul épisode un tel empilement de clichés ? Est-ce que The CW cache quelque part dans ses locaux un super-ordinateur qui se charge d'assembler bout à bout les développements les plus couramment attendus dans pareille histoire, statistiques à l'appui ? Il y a quelque chose de mécanisé, privé de la moindre spontanéité, derrière cet assemblage faussement policé, déshumanisé et sans âme d'ingrédients fantastiques trop classiques. On peut presque visualiser, lors de la genèse, la petite lumière qui devait clignoter à la moindre idée originale : *attention, risque de surprendre (!?) le téléspectateur*. Un peu effaré, l'esprit de ce dernier finit d'ailleurs par se rebeller contre un tel traitement et se met à divaguer, se persuadant qu'il doit s'agir du travail d'un Terminator ayant conçu cette série pour protéger John Connor.

Face au surréalisme ambiant, tandis que le pilote glisse peu à peu dans une forme de second degré involontaire, on admire aussi les acteurs pour le sérieux qu'ils conservent, à défaut de les sentir bien impliqués par les dialogues qu'ils récitent. Il faut dire que les multiples chansons parsemant la bande-son ont sans doute été plus recherchées que les lignes de ces derniers.

NOTE : 3/10

Verdict : Ne poursuivra pas.

ringer0.jpg

 Ringer (The CW)

Une jumelle poursuivie par la mafia, une autre jumelle vivant dans la haute société new yorkaise avec ses secrets et ses manipulations. La seconde disparue, la première prend sa place. Une place peut-être plus dangereuse que celle qu'elle occupait avant.

Moi aussi, j'ai été adolescente dans les années 90. Mais si Ringer marquait certes le retour au petit écran de Sarah Michelle Gellar, avec mon sens des priorités tout personnel, j'en avais surtout retenu le casting masculin l'accompagnant, fort sympathique, où l'on retrouvait notamment un des acteurs figurant sur la bannière de ce blog, Ioan Gruffudd (Warriors, Hornblower).

Ayant échoué sur The CW après avoir été d'abord destiné à CBS, il est flagrant que Ringer n'est pas un produit formaté pour sa chaîne d'adoption (à la différence de la série précédemment évoqué). Sur la forme d'abord, la série adopte un étonnant style rétro. Le choix est original, même si son opportunité peut être discutée. Malheureusement cette volonté de développer une identité esthétique propre, souvent maladroitement mise en image, déroute plus que ne convainc. Elle échoue à intriguer et ne suscite au mieux qu'une incompréhension polie (même si, une lecture conseillée sur le sujet : cet article de décryptage défendant cette option artistique).

Sur le fond ensuite, Ringer oscille entre des poncifs tout droit sortis d'un thriller de série B et un certain penchant assumé pour le soap. Ce cocktail pourrait avoir du potentiel, si le problème de la série ne résidait pas avant tout dans son concept : une substitution improbable dont on imagine mal les développements pouvoir s'inscrire sur une durée qui excèderait une saison. La prévisibilité de l'écriture n'aide guère à installer l'ambiance, en dépit des mystères et des twists multiples. Car à défaut de subtilité dans les ficelles narratives utilisées, il faut reconnaître que l'ensemble ne manque pas de rythme. L'épisode propose sa dose de rebondissements, avec son lot d'intrigues aux ressorts trop calibrés mais qui ont le mérite d'éviter au téléspectateur tout ennui.

Le pilote de Ringer est un produit en quête d'identité, offrant une partition hésitante, entre idées inachevées ou maladroitement exécutées, qui perplexifie plus qu'elle ne captive. Pour se prendre au jeu, le pré-requis indispensable est d'avoir une affection particulière pour le casting.

NOTE : 4,5/10

Verdict : Ne poursuivra pas.

playboyclub0.jpg

The Playboy Club (NBC)

Dans les années 60, "Bunny" Maureen arrive de sa campagne, se rêve chanteuse, et commence donc par venir égayer un club de Chicago. Dès sa première semaine, elle provoque la mort d'un chef mafieux, tombe dans les bras de l'avocat ambitieux et s'assure l'inimitié de sa supérieure hiérarchique.

The Playboy Club était probablement parmi ces trois nouveautés, celle qui pouvait le plus m'intéresser. Les années 60 à Chicago offrent un décor propice ne manquant pas d'attrait. D'ailleurs, le pilote l'a bien compris : capitalisant sur l'atmosphère, il offre une carte postale, jolie et colorée, pleine de musiques au rythme entraînant, sur laquelle les scénaristes vont venir greffer quelques caricatures issues de polars noirs (de la jolie demoiselle au métier de petite vertu en prise avec la mafia, jusqu'au ténébreux protecteur qui surgit). Pour se donner une légitimité dans son utilisation du cadre des années 60, a été aussi négligemment ajouté un soupçon d'enjeux sociaux, parachutage pas toujours très subtile : en guise de parenthèse, entre les scènes supposément "importantes", on pourra donc incidemment parler de la place des femmes, du statut des noirs et des homosexuels.

Cela donne un pilote de premier abord pas désagréable à suivre, clinquant comme il faut, mais qui manque de relief et de caractère. Trop générique, il reste cantonné dans un registre très superficiel. En résumé, la couverture est jolie, mais le fond sonne creux. Cette faiblesse est amplifiée par les caricatures fades que sont les personnages principaux, n'arrivant pas à s'imposer dans cette énième variante d'une histoire déjà trop revue. De manière surprenante, c'est finalement au-delà de la pièce principale que l'attention du téléspectateur se porte, attirée vers des détails et des éléments a priori plus secondaires : vers ces thématiques sociales esquissées qui semblent glissées comme de simples transitions presque anecdotiques, mais aussi vers certains personnages au sujet desquels on perçoit un potentiel et dont on aimerait qu'ils ne restent pas de simples faire-valoirs sous-utilisés.

The Playboy Club propose un pilote assez paradoxal : parvenir à intéresser sur des sujets non prioritaires aux yeux des scénaristes est en soi une vraie réussite, mais faire le choix de s'appuyer sur une dynamique centrale aussi pauvre et sans éclat risque bien d'être un défaut insurmontable.

NOTE : 4,75/10

Verdict : Ne poursuivra (sans doute) pas.

11/09/2011

(US) Third Watch (New York 911) : In their own words

 ny911a.jpg

Sur le 11 septembre dans les séries, on a beaucoup écrit. Aujourd'hui, avec le recul, on garde l'image de la symbolique Rescue Me, développée après, dans l'ombre de ces évènements, et dont le dernier épisode a été diffusé cette semaine aux Etats-Unis. Mais sans revenir sur la décennie écoulée, repartir 10 ans en arrière, c'est retrouver les premières réponses du petit écran aux évènements, écrites sans recul dans les semaines qui ont suivi les attentats. A l'époque, en septembre 2001, la saison télévisée s'apprêtait à reprendre. Si les diffusions seront quelque peu décalées, les scénaristes américains ont su faire preuve de beaucoup de réactivité. Certains ont essayé d'apporter, à leur manière, une réponse plus didactique, à l'image de l'exercice proposé par Aaron Sorkin dans The West Wing, avec une pièce pédagogique intitulée Isaac & Ismaël. Ecrit et tourné en quelques semaines, cet épisode spécial fut diffusé dès le 4 octobre sur NBC.

En 2001, dans le paysage offert par les productions des grands networks américains, il existait une série en particulier qui avait la légitimité, et sans doute le devoir, d'évoquer directement les évènements : Third Watch (New York 911). Créée en 1999, la série de NBC relate en effet le quotidien des pompiers, secouristes et policiers de New York (elle n'avait pas encore effectué le virage "cop-show" des dernières saisons). Cet automne 2001, elle allait débuter sa troisième saison. Et cet après-midi, je me suis replongée dans les trois premiers épisodes qui ont ouvert cette saison qui a démarré le 15 octobre 2001.

ny911f.jpg

Third Watch était une série qui représentait New York. Au cours de ces trois épisodes, elle n'a sans doute jamais paru aussi proche des services de secours dont elle dramatise les vies pour le petit écran. Le premier épisode, In their own words, est un documentaire spécial, inédit en France, dans lequel des pompiers et policiers new yorkais racontent leur 11 septembre, et où plusieurs acteurs de la série interviennent à titre personnel pour s'adresser directement au téléspectateur. Molly Price (qui joue Faith Yokas), dont le mari est pompier, intervient comme une des interviewés. Cet épisode est et reste un témoignage, qui se conclut sous forme d'hommage par la liste des pompiers disparus ce jour-là.

Puis, les deux épisodes suivants marquent le réel début de la saison, reprenant le cours de la fiction pour y mêler la réalité. La série va intégrer les évènements dans ses intrigues. Je ne les avais jamais revus depuis leur diffusion sur France 2 à la fin de l'année 2001 lors d'une soirée spéciale au cours de laquelle la chaîne avait également diffusé Isaac & Ismaël. J'en gardais le souvenir d'une grande sobriété et de beaucoup de justesse dans la manière dont les scénaristes avaient su traiter de ce sujet, surtout en repensant au contexte dans lequel les épisodes avaient été écrits. Dix ans après, avec plus de recul, le travail réalisé pour prendre en compte ces évènements de manière si rapide apparaît encore plus admirable. Dans le même temps, devant cet exercice très particulier, on a conscience aussi qu'il s'agit désormais d'une part d'histoire qui s'écrit et que l'on peut l'analyser comme tel.

ny911e.jpg

De façon très bien dosée, Third Watch prend le parti scénaristique d'évoquer l'avant et ensuite l'après du 11 septembre, en sautant le "pendant" et laissant donc s'écouler une dizaine de jours dans sa ligne temporelle entre les deux épisodes.

Le premier, September Tenth, est une illustration parfaite de l'expression, "le calme avant la tempête". La vie suit son cours pour nos protagonistes, avec les tracas du quotidien. Tout y paraît très anecdotique, surtout du point de vue du téléspectateur. L'épisode se conclut le matin du 11 septembre, se terminant sur l'impact du premier avion dans une des tours. Aucune image des attentats ne nous sera montrée : c'est à travers les réactions des personnages à la nouvelle que l'épisode nous fait vivre, et surtout ressentir émotionnellement, l'évènement. Il se clôture sur l'effervescence qui règne en ville, chacun répondant aux sirènes et se rendant sur les lieux pour faire, tout simplement, le job qui est attendu d'eux.

Puis, le second épisode, After Time, s'ouvre dix jours après. Il se concentre une nouvelle fois sur la manière dont chacun vit l'après-coup, le deuil des disparus, la fatigue qui se fait de plus en plus sentir, et puis la nécessité de reprendre sa vie... Il frappe par la mise en lumière de la solidarité new yorkaise : en filigrane, c'est la reconnaissance du travail et du sacrifice des pompiers, dont un certain nombre ont trouvé la mort en accomplissant leur mission. Versant dans un émotionnel souvent poignant, l'épisode n'en fait pourtant jamais trop. Il y a une forme de début de deuil qui s'esquisse, dont l'épisode semble être finalement une partie intégrante. On perçoit la recherche d'une mise en scène de communion collective avec la population, et à travers elle, avec les téléspectateurs américains qui regardèrent NBC à l'époque. Il dépasse largement le seul cadre de la fiction, et cela en fait un objet télévisuel à part.

ny911i.jpg

Revoir ces épisodes dix ans après, c'est constater qu'ils n'ont rien perdu de leur force originelle. Aujourd'hui, plus qu'une intégration réussie d'un bouleversement réel dans les intrigues de la série, ces épisodes apparaissent comme un témoignage et le reflet d'un état d'esprit particulier, retranscrivant l'impact des évènements sur la population new yorkaise dans les semaines qui ont suivi. C'est un vrai instantané très poignant.

C'est pour cela qu'ils garderont toujours une place à part dans l'histoire télévisuelle. La fiction pourra sans doute se réapproprier de manière plus aboutie, plus recherchée, plus travaillée, ces quelques jours qui ont marqué les Etats-Unis, mais Third Watch aura proposé un apport d'une authenticité et d'une sincérité qui resteront inégalés en raison de la spontanéité de l'écriture de ces épisodes, faisant d'eux des sources d'Histoire, qui mériteront toujours un visionnage.

La fin de l'épisode September Tenth (le premier impact à travers les différents personnages) :


Le début de l'épisode After Time (dix jours après) :

28/07/2011

(US) A la Maison Blanche (The West Wing) : Hommage personnel à une grande série

 twwa.jpg

Hier soir, j'ai ressorti un des premiers, si ce n'est le premier, coffret DVD de séries que j'ai acheté, pour une célébration un peu particulière. Car en ce mois de juillet 2011, je fête un anniversaire d'un genre à part : il y a dix ans, je suis devenue sériephile. Certes, je regardais déjà beaucoup de séries auparavant. Mais un tournant s'est produit cette année-là, une prise de conscience. Au cours de l'été 2001, le vendredi soir en deuxième partie de soirée, France 2 diffusa la première saison d'une série créée en 1999 et qui connaîtra en tout 7 saisons sur la chaîne américaine NBC : A la Maison Blanche (The West Wing).

C'est étrange comme la mémoire humaine fonctionne, car je me souviens encore distinctement de cette soirée estivale. Ou plutôt du frisson, entre vertige et jubilation, qui accompagna mon visionnage du pilote. C'était une euphorie diffuse, unique, une sensation que je n'avais jamais éprouvée jusqu'alors devant aucune série. Ce soir-là, je me suis dit que si la sériephilie pouvait procurer ce genre d'émotions, si elle savait proposer ce type de créations, alors elle méritait qu'on s'y investisse sérieusement.

twwi.jpg

Lors du TV Meme, l'an dernier, je vous avais déjà confié qu'il n'y a pas de débat, ni d'hésitation, lorsqu'on me demande aujourd'hui quelle est ma série préférée : A la Maison Blanche s'impose comme une évidence. Elle m'a marqué plus que toute autre, et aucune fiction ne saura jamais rivaliser avec elle. Tout simplement parce qu'au-delà de ses qualités, il y a d'autres éléments purement conjoncturels qui ont installé cette série au sommet de mon panthéon personnel. A l'époque, j'avais 16 ans, une passion dévorante pour les États-Unis et une fascination pour la politique qui m'avait fait engloutir des rayonnages entiers de bibliographies de présidents américains. Un intérêt qui se faisait ressentir jusque dans les fictions : un des romans que j'ai le plus (re)lu cette année-là était Nulle part au monde, de Richard North Patterson.

Et puis, ma sériephilie même était encore en phase d'éveil et d'apprentissage, à la croisée des chemins. J'avais déjà regardé suffisamment de séries télévisées pour me construire un étalon qualitatif et une esquisse de sens critique, mais pas encore suffisamment pour être devenue cynique ou blasée. C'était une période charnière dans la construction de cette passion. La force d'A la Maison Blanche est d'avoir su parler aussi bien à mon coeur qu'à ma tête.

twwh.jpg

A la Maison Blanche a donné ses plus belles lettres de noblesse à la fiction politique, intimidant et servant désormais autant d'inspiration que de repère à tout un genre télévisuel. La génération des Borgen n'a-t-elle pas grandie devant cette oeuvre ? Ancrée dans le réel, elle a su s'adresser et toucher le téléspectateur-citoyen. Grâce au savoir-faire de ses scénaristes-orfèvres, elle a réconcilié le plus désabusé d'entre nous avec les ressorts et rouages d'une politique politicienne qui a soudain retrouvé un sens. La série fera toujours preuve d'une pédagogie consciencieuse, mais jamais rébarbatrice, restant constamment accessible à un public pas forcément familier des institutions américaines.

Si A la Maison Blanche a tant marqué, c'est aussi parce qu'elle n'a jamais hésité à aborder de manière frontale des thématiques sociales importantes, centrales dans les démocraties occidentales modernes. Ses sujets ont toujours paru très concrets. Jamais timorée, elle ne s'est pas défaussée devant les thèmes les plus sensibles ou difficiles. Elle n'a jamais avancé cachée, ne dissimulant pas le fait que parler politique, c'est effectivement émettre des opinions, pas forcément consensuelles. La série a toujours assumé son discours. Ses personnages ont argumenté, construit des réflexions, esquissé des réponses et prôné des principes et des valeurs, sans pour autant jamais s'égarer dans un élan moralisateur. Elle a su trouver ce bon dosage, cet équilibre si volatile, entre réalisme et idéalisme, pour faire vibrer la fibre particulière qui se trouve en chacun de nous : sans s'abaisser à un plus petit dénominateur commun hypothétique, elle nous a au contraire tous élevé dans son sillage.

twwg.jpg

A la Maison Blanche, c'est aussi un style d'écriture très reconnaissable et qui a forgé son identité. La série a été créée par Aaron Sorkin, un scénariste n'aimant rien tant que nous plonger dans l'envers du décor, comme l'illustrent ses autres séries, de Sports Night à Studio 60 on the Sunset Strip. Les quatre premières saisons portent indéniablement sa marque. Son départ bouleversera l'équilibre originel de l'oeuvre, mettant à mal ses fondations. Après une saison 5 hésitante et troublée, la plus faible des sept, la série retrouvera cependant ensuite une seconde vie, s'épanouissant dans un autre registre, au cours de ses deux dernières saisons qui complètent finalement pleinement le cycle politique et humain qu'elle nous aura fait vivre.

Ses fameuses "réunions pédestres", survoltées, hantant les couloirs de l'aile ouest resteront une des images caractéristiques à laquelle demeure associée la série, jusque dans cette parodie célèbre de Mad Tv qui les met en scène. En effet A la Maison Blanche est une série qui parle beaucoup, mais qui n'ennuie jamais. Ses dialogues admirablement ciselées, déclamés suivant un débit à donner le vertige, reflètent une maîtrise de l'écriture proprement jubilatoire pour un téléspectateur qui se laisse emporter. Alternant le sérieux mais aussi l'humour, cette série m'aura fait pleurer de tristesse, mais aussi de rire. La dureté des drames de certains épisodes trouve son pendant parfait dans la légèreté d'autres (ah, le plan secret de Josh pour lutter contre l'inflation !). S'épanouissant dans cette narration sur-dynamique, la série requiert une concentration de tous les instants pour être visionnée en version originale. Mais voyez-vous, ce sont justement les scénaristes de ce calibre, Aaron Sorkin, David E. Kelley, Amy Sherman-Palladino qui m'ont fait devenir sériephile.

twwd.jpg

Souvent brillante par sa façon d'aborder ses sujets, A la Maison Blanche n'en a pas pour autant négligé sa dimension humaine. Si elle a pu fidéliser les téléspectateurs, c'est en partie grâce à une galerie de personnages, hauts en couleur et attachants, qui auront tous su s'imposer. Certes, tout ne fut pas toujours parfait. Mais le point fort de la série aura été de savoir générer un véritable esprit d'équipe, en installant une complémentarité et, surtout, une complicité naturelle et instinctive à l'écran au sein de ce groupe si soudé et vivant. Les relations de travail, mais aussi d'amitié, ont toujours efficacement gérées ; et si les rapports plus sentimentaux ont pu être plus hésitants, voire maladroits, la série aura su mener à terme et récompenser ses plus fervents shippers, bouclant ainsi la boucle de la plus satisfaisante des manières.

Autour de cette figure présidentielle quasi-idéale, mais pourtant très humaine et donc faillible, incarnée Jed Bartlet, A la Maison Blanche rassemble un staff, porté par une dynamique propre, que l'on prendra toujours plaisir à retrouver. Leo, Josh, Donna, C.J, Toby, Sam, Charlie... Ils ont tous eu une place. Leo fut la voix de la sagesse, C.J., un modèle de pragmatisme et de sang-froid. Josh représentera l'arrogance et la brillance des élites démocrates, tandis que le caractère de Toby restera légendaire. La pointe d'idéalisme de Sam, le bon sens de Donna, le regard neuf de Charlie, étranger à cette sphère politique, constitueront autant de portes d'entrée pour le téléspectateur, de points d'accroche dans une fiction qui aura compris qu'il ne faut jamais perdre de vue l'importance des personnages, qui sont le coeur d'une oeuvre, aussi solide que puisse être le sujet de départ.

twwe.jpg

Par ailleurs, la force d'A la Maison Blanche a aussi été de réunir un casting cinq étoiles qui saura proposer une interprétation des plus solides, à la hauteur des scénarios. Débutant avec un groupe de rêve, composé de Martin Sheen, John Spencer (La loi de Los Angeles), Allison Janney (Mr Sunshine), Bradley Whitford (Studio 60 on the Sunset Strip, The Good Guys), Richard Schiff (Past life), Rob Lowe (Brothers & Sisters, Parks & Recreation), Janel Moloney et Dulé Hill (Psych), on y croisera dans les saisons suivantes Stockard Channing (Out of Practice), Joshua Malina (Sports Night), Jimmy Smits (La loi de Los Angeles, New York Police Blues, Cane), Kristin Chenoweth (Pushing Daisies) ou encore Alan Alda.

Mais A la Maison Blanche, ce fut aussi de très nombreuses apparitions en guest-stars de visages déjà familiers du petit écran ou qui le deviendraient plus tard : Mary-Louise Parker (Weeds), Edward James Olmos (Battlestar Galactica), Elisabeth Moss (Mad Men), Gary Cole ou encore Jorja Fox (Les Experts) et Emily Procter (Les Experts Miami).

twwc.jpg

Enfin, et c'est aussi pour cela qu'elle est si importante : A la Maison Blanche demeure irrémédiablement attachée à ce tournant du XXIe siècle aux États-Unis. Elle n'est pas vieille, puisqu'elle a été diffusée de 1999 à 2006. Mais elle est pourtant précisément datée et conservera toujours le parfum de son époque. Tour à tour contre-utopie, puis reflet-écho de la société américaine, la fiction a su rejoindre ou croiser le fer avec la réalité, supportant les comparaisons comme peu de fictions en sont capables. Elle s'est imposée et a marqué dans un contexte particulier. Si elle sera à jamais associée à Jed Bartlet, c'est aussi parce que l'idéalisation de cette figure sera sortie grandie du contraste avec la réalité offerte par son homologue texan d'alors. Plus généralement, c'est la série qui a su proposer le didactique et pédagogique Isaac & Ismaël dans les semaines immédiates qui ont suivi le 11 septembre.

Cependant, A la Maison Blanche n'a pas été seulement un refuge utopique démocrate dans une Amérique républicaine, ou une illustration de la supposée existence de deux Amériques, elle a aussi été, jusqu'au bout, une anticipation de politique fiction aboutie et, en un sens, visionnaire. Car cette série s'est conclu avec l'accession à la présidence de Matt Santos, figure construite sur le modèle et en s'inspirant de celui qui était alors seulement sénateur de l'Illinois, un certain Barak Obama. Tous les parallèles facilement identifiables entre ces deux politiciens, le premier fictif, le second réel, les verront partager jusqu'à leur destinée, empruntant la même route qui les conduira jusqu'à la Maison Blanche. En 2006, sur NBC, Matt Santos sera élu président des Etats-Unis, dans la dernière et septième saison de la série qui tira ainsi sa révérence ; en 2008, viendra le tour de Barak Obama.

twwb.jpg

Bilan : Brillante et inspirante, traversée par une dynamique grisante, A la Maison Blanche est une grande série. De celles qui marquent durablement non seulement le petit écran, mais aussi le genre qu'elle a investi, démontrant toute l'étendue et les possibilités offertes par la fiction politique. Pour sa représentation de la société américaine, pour son parfum d'idéalisme qui aura su redonner foi au téléspectateur-citoyen, pour tous ces instants jubilatoires qu'elle nous aura faits vivre, pour ces discours que l'on aurait tant voulus, nous aussi, applaudir, A la Maison Blanche demeure incontournable, un de ces phares du paysage téléphagique.


Je n'ai plus 16 ans. J'ai vu depuis, au cours des années qui ont suivi, des centaines, des milliers de séries... Ma consommation télévisuelle actuelle n'a plus grand chose à voir avec mes programmations d'alors à prédominance américaine NBC-ienne. Mais je vais vous confier un secret : hier soir, j'ai re-visionné le pilote d'A la Maison Blanche et une chaleur particulière a envahi mon coeur. Il y a dix ans, je suis devenue sériephile. Et j'en suis toujours fière.


NOTE : 9,5/10


Le générique de la série :

02/10/2010

[TV Meme] Day 7. Least favorite episode of your favorite tv show.

Le déroulement de The West Wing n'aura pas été un long fleuve tranquille, loin de là. Au-delà de quelques sauts qualitatifs, c'est notamment le départ d'Aaron Sorkin, en fin de saison 4, qui provoqua une phase transitoire débouchant sur une saison 5, hésistante, entre deux eaux. Le nouveau showrunner, John Wells, dut alors faire des choix narratifs qui conduisirent la série à progressivement évoluer et se transformer. Les deux dernières saisons furent différentes, mais trouvèrent cependant leur équilibre et une nouvelle jeunesse. Cependant, au fil de ces mutations chaotiques, il y eut quelques victimes collatérales. L'une d'elle fut, malheureusement, Toby Ziegler, dont je ne crois pas avoir jamais pardonné aux scénaristes pour cette forme d'exécution qu'ils firent subir au personnage en fin de saison 6 et début de saison 7...

twwc.jpg

The West Wing (A la Maison Blanche)
Episode 5, saison 7

Here Today

twwa.jpg

twwb.jpg

Quelque part, l'idée que Toby puisse organiser la fuite de l'information sur la navette militaire américaine m'a toujours semblé sonner extrêmement faux. Certes, l'histoire le touchait d'une certaine façon personnellement. Oui, il avait toujours su faire preuve d'une indépendance d'esprit assumée. Mais Toby était aussi un de ceux qui prenait le plus à coeur les obligations et les devoirs de sa fonction ; je me souviendrais toujours de sa réaction lorsque le président l'avait informé de sa maladie.

La déchéance du personnage ainsi organisée fut un vrai crève-coeur pour la fan que j'étais, exacerbé par la scène de confrontation finale que contient ce fameux épisode Hear today - et qui explique le fait qu'il ait été choisi aujourd'hui : Bartlet y refuse la démission de Toby afin de le renvoyer lui-même proprement et simplement. J'ai détesté le laïus d'un président en colère et ces paroles échangées entre les deux hommes qui, certes, ont toujours eu une relation compliquée, ne se comprenant pas toujours, mais dont les rapports restaient marqués par un profond respect l'un pour l'autre.

En voulant se séparer de certains personnages "réguliers" dont la présence ne s'imposait plus au vu de l'évolution prise par la série, c'est un personnage incontournable que les scénaristes ont trahi.

11/09/2010

[TV Meme] Day 4. Your favorite show ever.

A première vue, il semble y avoir quelque chose d'un peu naïf et arbitraire à imaginer qu'il existerait une production à placer sur un piédestal, surclassant tout le reste, quand on envisage toutes les séries, si différentes, qu'un téléphage peut croiser lors de son parcours. Pourtant, c'est aussi une des rares questions de ce TV Meme, si ce n'est la seule, pour laquelle je n'ai eu absolument aucune hésitation.

La "série favorite", c'est celle qui a su bénéficier à la fois de qualités scénaristiques objectives et du ressenti subjectif propre à chaque téléphage. C'est celle qui nous a bluffés, fascinés, émus et faits rire aux larmes. Mais c'est aussi celle qui s'est arrogée une place à part, qui nous a marqués d'une façon très personnelle, sans qu'il soit réellement possible de traduire cela en mots. Elle est aussi le fruit d'une conjoncture, ayant eu le mérite d'arriver à une période charnière de notre téléphagie : il y aura forcément des accents générationnels en elle.

Si vous me lisez un peu, vous savez que je suis la reine des flirts télévisés sans lendemain, des coups de foudre qui rythment une passion tournée vers les découvertes et les nouveautés. La téléphagie est une "nouvelle frontière permanente". Mais m'interroger sur ma "série favorite" réveille un autre versant, plus ancien et peut-être moins sollicité désormais. Celui, solide, de la fidélité. "My favorite show ever" est devenu un fait établi, une donnée claire et constante de mon paysage téléphagique. Ce n'est pas un simple mélange de qualité et de ressenti, c'est la série qui a apporté le ciment à une passion alors en pleine croissance.

thewestwing.jpg


The West Wing
(A la Maison Blanche)

(1999-2006, NBC)


westwing2.jpg

Parce que The West Wing a su dépeindre avec brio une réalité politique empreinte d'idéalisme, créant un cadre aussi enrichissant que fascinant pour le téléspectateur.
Parce qu'elle a initié avec tact, subtilité et souvent beaucoup d'adresse, des réflexions abouties et osées sur les grandes thématiques sociales qui transcendent nos sociétés occidentales, ne reculant devant aucun sujet aussi sensible soit-il.
Parce qu'elle s'est montrée pédagogique, sans jamais être rébarbative, ni infantilisante, choisissant en conscience de faire confiance et de s'adresser à l'intelligence de ses téléspectateurs.
Parce que c'est rafraîchissant d'éteindre la télévision, encore porté par le dynamisme impulsé par 40 minutes bouillonnantes de brain-storming, en ayant l'impression de se sentir moins bête.
Parce qu'elle a réussi à percer et à vous faire comprendre certains des mystères socratiques et insondables de la démocratie, ou des Etats-Unis, comme aucune autre série. Même si cela ne vous intéressait pas a priori.
Parce que ses dialogues, ciselés à la perfection et vivants à l'excès, proposèrent des échanges jubilatoires qui résonnent encore dans les têtes, sur des thèmes sérieux aussi bien que sur des sujets frivoles.
Parce qu'elle avait cette capacité d'alterner les tons, pouvant faire réfléchir longuement un jour, et rire aux éclats le lendemain.
Parce qu'elle bénéficiait d'une galerie de personnages attrayants, aux caractères affirmés, à la fois différents et complémentaires, et auxquels il était tellement facile de s'attacher. 
Parce que, au moins une fois devant les urnes, on s'est dit : "I would have voted for Jed Bartlet".
Parce que Aaron Sorkin.
Parce que son casting était d'une homogénéité et d'une solidité enthousiasmantes, ayant trouvé le parfait équilibre à l'écran.
 Parce que elle aura su drastiquement augmenter votre capacité de conversation dans les cocktails (où vous brillez désormais en évoquant les Etats fédérés de Micronésie).
Parce que les réunions pédestres virevoltant dans les couloirs, c'est classe.

Parce qu'il est nécessaire... que dis-je, vital !.. de parfois se rappeler ce que c'est d'y croire vraiment, aussi désillusionné sur la politique politicienne que l'on puisse être.  

 

Le générique :

 

The good old times... The Big Block of Cheese Day :