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09/03/2010

(US) Southland, saison 2 : sobre chronique humaine du quotidien de policiers à L.A.


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La semaine dernière débutait la seconde saison de Southland. Nous avions quitté nos policiers de Los Angeles au printemps dernier sur NBC, en croisant les doigts pour que ce grand network, peu réputé dernièrement pour ses politiques téléphagiques, veuille bien consentir à octroyer quelques épisodes supplémentaires à une série dont le potentiel était manifeste. Dans un étrange éclair de lucidité passager, elle renouvelait initialement Southland, commandant 13 nouveaux épisodes. Mais l'automne revenant, soudain, la série ne parut plus à sa place dans la grille des programmes de sa chaîne. Six épisodes étaient déjà dans la boîte. Nouveaux atermoiements. Timidement, une chaîne câblée se manifesta : TNT. Après avoir été mise à mort sans diffusion, Southland se voyait ressuscitée sous perfusion : un sursis de six épisodes lui était octroyé, juste de quoi diffuser les épisodes déjà tournés. C'est déjà ça.

Ainsi donc, c'est sur TNT que le téléspectateur retrouvait Southland mardi soir dernier. Cette création de John Wells (nom resté associé à Urgences et New York 911) n'offrira pas l'occasion de me réconcilier avec NBC.

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Southland choisit de nous faire partager le quotidien de policiers de Los Angeles, situés à plusieurs échelons, dans leur journée rythmée par la violence ordinaire, entre interpellations de suspects, querelles de voisinage, fusillades et autres crimes de sang. Cet angle diversifié permet à chaque épisode de bénéficier de plusieurs intrigues, traitées en parallèle, qui peuvent rester indépendantes, mais sont aussi parfois amenées à se recouper. L'intérêt de ce schéma narratif, c'est d'offrir ainsi l'occasion de s'intéresser à la dynamique des rapports existant au sein de plusieurs duos de partenaires. Nous nous situons au bas de la hiérarchie, mais à divers degrés.

Le duo le plus symbolique de la série, qui a marqué la première saison, reste l'association de l'apprenti flic, encore stagiaire, Ben Sherman (un Ben McKenzie qui m'a plutôt convaincue, après Newport Beach) avec son instructeur, John Cooper (Michael Cudlitz, croisé dans Standoff et Band of Brothers notamment), en officiers patrouillant leur secteur dans leur voiture de police. Optant de réellement s'investir dans leurs personnages, au fil des épisodes, les scénaristes révèlent peu à peu des personnalités à multiples facettes, bien plus complexes que l'on aurait pu imaginer de prime abord. Chacun balaye de nombreuses idées reçues, qu'il s'agisse des origines sociales de Ben Sherman ou des secrets de John Cooper. Initialement presque improbable, leur paire fonctionne finalement très bien, jouant sur le ressort classique ancien/nouveau. Plusieurs autres personnages gravitent dans l'équipe des patrouilleurs, incompétents notoires, policiers marchant sur une corde raide ou bien, simple agent faisant leur boulot. Il y a comme une réminescence de New York 911 qui règne, et ce n'est pas pour me déplaire.

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En parallèle, Southland choisit de se concentrer sur le service des homicides, permettant ainsi de suivre l'intégralité des enquêtes au côté des inspecteurs. Sur le même schéma que pour les patrouilleurs, c'est à nouveau sur les associations entre partenaires que la série se concentre, avec deux duos de détectives distincts. Il y a, d'une part, les très professionnels et efficaces Lydia Adams (Regina King) et Russell Clarke (Tom Everett Scott, vu dans Saved ou encore The Street), avec leur complicité presque naturelle, personnages posés et réfléchis qui apportent leur expérience et une intuition instinctive souvent bien inspirée sur les scènes de crimes. D'autre part, nous avons deux autres collègues, plus portés à parfois trop en faire, Nate Moretta (Kevin Alejandro, croisé dans Shark ou encore Ugly Betty) et Sammy Bryant (Shawn Hatosy). Un peu moins mis en avant, ils héritent de storylines plus classiques.

L'attrait de Southland, c'est de sincèrement essayer de mettre en avant ses personnages, à travers leur vie professionnelle, par les enquêtes policières, mais pas seulement, s'intéressant aussi par intermittence à leur vie privée. La série ne dispose pas de personnages s'imposant comme sortant du lot et pouvant se présenter comme atypique. Cette absence de surenchère traduit une volonté de sobriété qui fait aussi la force de ce portrait qu'elle dresse : en dépit du cadre, sur fond de guerre des gangs à Los Angeles, il n'y a rien de la noirceur d'un The Shield, seulement une volonté de présenter un quotidien, presque monotone, mais qui n'est pas dépourvu d'accents réalistes. Sans apporter de nouveauté à ce genre de fiction, Southland s'inscrit honnêtement dans une tradition sous-représentée à la télévision américaine actuellement.

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Pour autant, si la série a ses atouts, elle n'est pas exempte de tout reproche. Son approche, caméra virevoltante entre les différentes intrigues, peut parfois donner une impression assez  brouillonne, perturbant la cohésion d'ensemble de l'épisode. Avec les passages répétés, parfois un peu abrupts, d'une storyline à l'autre, les scénaristes touchent peut-être à la limite du format proposé. Le traitement n'est pas toujours équilibré ; certains épisodes donnent ainsi le sentiment de survoler seulement certaines enquêtes, auxquelles ne sont consacrées que quelques brèves scènes, ce qui peut rendre difficile pour le téléspectateur de s'investir dans ces histoires. Si on devine l'atmosphère que la série tente de créer, les efforts faits - dont l'existence seule est déjà louable -, déployés parfois avec une certaine maladresse, ne paient pas toujours. Cependant, le potentiel est bien perceptible et donne envie de laisser à la série le temps de s'installer ; seulement, soyons franc, ce ne sont pas des petits bouts de 6 épisodes par saison qui vont lui permettre cela.

Si le fond demeure perfectible, il faut par contre rendre hommage à la forme et souligner la belle photographie d'ensemble dont bénéficie Southland. La réalisation est vraiment soignée, les cadres travaillés et bien choisis, et, surtout, l'image est retouchée avec inspiration, dotée d'une teinte saturée qui fait ressortir la dominante colorée ou plus sombre des scènes, reflet parfait de l'ambiance que cette série, se déroulant sous le soleil de Los Angeles, tente d'instaurer.

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Le season premiere, diffusé mardi dernier, a lancé la saison de la plus convaincante des manières, choisissant de traiter directement des conséquences des évènements de la fin de saison passée, sans s'arrêter sur leur découverte. Parmi les officiers de patrouille, Chickie Brown subit la mise à l'écart de ses collègues, suite à sa gestion des problèmes de dépendance de son partenaire. Elle se retrouve associée à un policier incompétent, incapable de faire son job, mais qui peut surtout se révéler dangereux sur le terrain. Ben Sherman entre lui dans la dernière phase de son stage. Du côté des détectives, sévèrement blessé dans le season finale, Russell Clarke n'a toujours pas quitté l'hôpital et se remet difficilement, avec une longue convalescence devant lui. Si Lydia n'oublie pas son partenaire, les doutes sur sa santé amènent un nouveau venu à devoir faire équipe avec la jeune femme. Ambitieux, assez hautain, mais également pragmatique, l'association commence par faire des étincelles. Le quotidien des patrouilleurs et des inspecteurs va se croiser, confrontés à la disparition d'un vieil homme. En parallèle, Moretta et Bryant tournent autour d'un dangereux trafiquant, auquel ils lient le mort de la dernière enquête qu'ils ont récupérée. Pour cela, ils se rapprochent d'une force d'intervention, une coopération entre différents services, destinée à le faire tomber.

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Bilan : Southland n'est pas parfaite, pourtant, le potentiel perçu donne incontestablement envie de s'investir dans cette série qui est, en quelques épisodes à la diffusion hasardeuse, parvenue à se créer un univers propre et clairement identifié. Construite sur les bases et avec les ficelles scénaristiques d'un cop-show classique, elle prend toute sa dimension lorsqu'elle laisse libre cours à sa dimension humaine. Le petit écran, croulant sous les formula-show aseptisés, manque cruellement de ces chroniques du quotidien qui ont marqué les dernières décennies. C'est aussi pour cela que Southland attire l'attention : c'est une petite bouffée d'air frais qui remplit, sans prétention, une case actuellement un peu oubliée par les chaînes américaines.


NOTE : 7/10


Vidéo promo diffusée par TNT pour la saison 2 :

04/03/2010

(Pilote US) Parenthood : un casting attirant, et puis... ?

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Parmi les  attentes téléphagiques américaines de ces dernières semaines, un titre revenait constamment dans les conversations : Parenthood. Avant même d'avoir visionné le pilote, chacun dissertait déjà sur son casting, ses retours, avec, au final, une question récurrente en arrière-plan : cette série allait-elle redonner ses lettres de noblesse au grand drama familial choral, en marquant un renouveau dans ce champ de ruines dévastées que constitue la grille des programmes de NBC ?

J'avoue que, comme souvent, plus on me martèle le nom d'une série, plus j'ai eu tendance à m'en méfier. C'est mon esprit de contradiction qui s'éveille. Au vu du synopsis qui laissait le champ libre à une telle palette de possibilités et de tonalités différentes que l'on ne pouvait absolument rien en déduire, je suivais donc cela de loin. Trop de casting aguichant tue le concept du casting aguichant. Même avec le culte que je voue à Lauren Graham.

Cependant, l'échéance approchant, l'attente a commencé à se faire ressentir. La semaine dernière, pour la première fois, je me suis surprise à me dire, en planifiant mon mois de mars sériephile : et si... ? Je commençais à envisager une potentialité. Mais l'effet est pervers : cette interrogation insidieuse génère, chez le téléphage, le plus pernicieux sentiment qui soit : une attente.
Parenthood
, NBC, mardi 2 mars 2010. C'était donc noté.

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Le premier contact aurait pu être plus concluant. Par son pilote, Parenthood nous propulse instantanément dans l'univers très rythmé d'une grande famille, où l'idéal est, pour le téléspectateur, de s'armer de l'arbre généalogique des différents personnages, afin de ne pas passer la moitié de l'épisode à se demander qui est qui, par rapport à qui. La déclinaison chorale du drama familial s'opère ici avec un classicisme extrême, sur fond d'une thématique prononcée tournant autour de l'éducation des enfants et sur ce que cela signifie d'être parent, de nos jours. Particulièrement dense, ce pilote introduit tant d'éléments que l'on s'y perd quelque peu. Entre les multiples personnages, les petites indications distillées à droite, à gauche, pour esquisser les personnalités et les histoires de chacun, tout virevolte sans que l'on parvienne à assimiler ce trop-plein d'information. C'est un pilote d'exposition, dans la plus pure tradition du genre : un brin brouillon, à la narration un peu saccadée et qui peine à trouver un ton homogène, mais ce sera la tâche que devront relever les épisodes suivants. Ici, c'est le cadre de départ qu'il faut poser.

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Au-delà de cette désorganisation orchestrée avec beaucoup d'entrain, Parenthood opte pour une approche très traditionnelle du grand drama familial. S'ouvrant sur le retour de la "fille rebelle" de la fratrie, qui ramène avec elle ses deux enfants adolescents, pour venir se ré-installer chez ses parents, la série décline toute une série de stéréotypes. Il y a le couple en apparence parfait, mais où le plus jeune garçon présente des signes d'un rapport à ce qui l'entoure assez particulier. D'ici la fin du pilote, la thématique de la différence est déjà introduite : son médecin pense qu'il pourrait souffrir du syndrome d'Asperger. Il y a aussi le couple qui pose la problématique - tellement connue - de l'équilibre entre le mari et la femme, avec une mère entièrement dévouée à sa carrière qui voit son lien avec sa fille se diluer sous ses yeux. Il y a, enfin, le faux "jeune" insouciant, allergique à tout engagement... mais qui va devoir faire face à de nouveaux défis et être obligé de grandir. Pour régir le tout, les grands-parents sont là, en figure de sagesse, avec un patriarche qui correspond en tous points à toutes ces images préconçues que l'on pouvait se faire à son sujet. Comme la thématique reste cependant le fait d'être parent, c'est à travers les différences dans les conceptions d'éducation, suivant les générations, que les conflits s'esquissent dans ce pilote.

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En résumé, Parenthood nous délivre un pilote d'exposition sans surprise, où l'absence de prise de risque et d'originalité semble prédominer. Tout apparaît parfaitement calibré, remplissant les grandes cases de stéréotypes auxquelles on associe le genre du drama familial choral. Au-delà de sa particularité, liée au thème premier de la série, je n'ai pas pu me départir d'une impression de déjà vu tenace, qui ne m'a pas aidé à entrer dans l'histoire. En fait, très concrètement, je ne m'attendais pas à avoir l'impression de retomber sur une version, au final aseptisée, du pilote de Brothers & Sisters, quatre ans après... Mais c'est pourtant le parallèle majeur que mon cerveau n'a cessé d'effectuer ; les scènes d'échange entre frères et soeurs, beaucoup moins hystériques (et sans doute plus naturelles) que chez les Walkers étant les moments où ce sentiment atteignait son paroxysme. Parenthood souffrait clairement, dans ces intéractions, de marcher sur des plates-bandes déjà trop de fois foulées. Surtout qu'entre l'esprit bon enfant qui règne sur NBC, et les scènes surréalistes des psychodrames des Walkers, j'avoue a priori avoir une nette préférence pour le côté bien plus piquant de ces dernières.

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Pour en revenir au coeur de Parenthood, il faut quand même souligner que choisir un tel sujet (la signification d'être parent, etc...), a priori fédérateur, mais aussi tellement de fois traité et analysé, peut aboutir à deux résultats presque opposés : ou bien, la fiction réussit à capitaliser sur sa thématique, qui trouve un écho facile dans les préoccupations personnelles de chaque téléspectateur ; ou bien, cela aboutit à une énième déclinaison du genre, finalement dispensable, où seul le casting va lui conférer une identité.

Car, incontestablement, l'atout majeur qui a, en partie, façonné le buzz autour de la série, c'est évidemment les acteurs qui la composent. A ce sujet, je ne peux cependant que conseiller fortement aux scénaristes de ne pas vouloir trop en faire. Parce que commencer un pilote avec Peter Krause qui fait son jogging, tandis que Lauren Graham l'appelle en panique, s'exprimant avec un débit de paroles mitraillette dont elle a le secret... En clin d'oeil appuyé, c'est difficile de faire moins subtile..! Cet "hommage" se transforme en invitation fatale, pour l'esprit du téléphage, à dresser des parallèles qui ne sont pas dans l'intérêt immédiat de Parenthood. Le but de ces premières minutes est de nous introduire dans un nouvel environnement, pas d'amener le téléspectateur à penser à ses DVD de Six Feet Under et de Gilmore Girls - chose qu'il aurait de tout façon faite quasi naturellement. Oui, le casting de Parenthood est impressionnant en têtes connues. Mais, encore une fois, passer le premier quart d'heure à concurrencer imdb en entreprenant de dresser, de tête, la liste des séries qui figurent dans la filmographie de ces vétérans du petit écran, c'est un passe-temps qui empiète quelque peu sur notre intérêt pour l'histoire et perturbe notre attention (et vu le caractère fouillis et dense du pilote, il n'a pas besoin de distraction supplémentaire !).

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Bilan : Ce pilote de pure exposition, qui introduit les bases d'un drama familial dans la plus pure tradition du genre, souffre d'une trop grande densité, ce qui about à un manque d'homogénéité préjudiciable. La transition entre les différentes tonalités n'est pas toujours bien maîtrisée. Si bien que, face à ce récit un peu chaotique, le téléspectateur peine à trouver la porte d'entrée pour entreprendre la découverte de cette famille.

Plus que son extrême classicisme qui confine, par certains côtés, au défilé de clichés, Parenthood souffre aussi d'arriver "après" : après toutes ces fictions déclinant à l'envie, et pour tous les publics, la thématique de la famille ; mais aussi après une dramédie familiale et chorale comme Brothers & Sisters, déjà installée dans le pays téléphagique américain, et par rapport à laquelle ce pilote conduit, fatalement, à des comparaisons.

Si ce pilote se laisse regarder sans trop de difficulté, il ne marque pas... Reste à savoir s'il donne vraiment envie d'en apprendre plus sur cette famille ? En ce qui me concerne, je reste dubitative.


NOTE : 5,5/10


La bande-annonce :


27/02/2010

(US) The Black Donnellys : Family above all

"The gates of hell are open night and day; Smooth the descent, and easy is the way." (Virgil)
(Citation d'ouverture de l'épisode 13, "Easy is the way")

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Parfois, la téléphagie nous conduit sur des chemins quelque peu masochistes. Se replonger dans des productions qui n'ont pas été entièrement diffusées, qui ont été conduites au cimetière des séries en moins de temps qu'il ne faut pour les laisser s'installer dans une case horaire, voilà le côté sombre du quotidien du sériephile. Car le coeur du téléphage ne suit pas toujours - loin s'en faut - les dures réalités des audiences. Combien de coups de coeur pour des fictions si vite annulées qu'il ne reste plus qu'à se tourner vers les DVD, en jouant de façon compulsive avec sa télécommande, afin de se remémorer quelques bons souvenirs et tout un ensemble de potentialités sacrifiées sur l'autel de l'audimat ?

Parmi mes plus grands crève-coeurs de ses dernières années figurent une brève série de NBC, petite incursion rafraîchissante et prenante de l'autre côté de la barrière de la loi, qui aurait mérité bien mieux : The Black Donnellys. Diffusée au printemps 2007, la série subit un enterrement de première classe (son annulation était plus ou moins déjà pressentie avant même la diffusion), qui me chagrina au plus haut au point. Ce fut mon plus grand regret de la saison 2006-2007. A l'époque, je n'avais eu le courage que de regarder quelques épisodes, puis je préférais passer à autre chose avant de trop m'attacher. Mais, il y a quelques semaines, je suis tombée sur le coffret DVD de l'intégrale de la série - soit 13 épisodes - à un prix très raisonnable. Le temps ayant adouci - mais sans la faire disparaître entièrement - l'amertume de son annulation, je saisissais sans arrière-pensée cette opportunité de découvrir (enfin) intégralement cette fiction. Depuis, mes regrets sont revenus, mais je ne regrette pas d'avoir pris le temps de savourer ces 13 épisodes.

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Créée par Paul Haggis et Robert Moresco, The Black Donnellys raconte l'histoire de quatre frères, d'origine irlandaise, qui vivent dans un quartier populaire de New York, Hell's Kitchen. Habitués des petits larcins, les circonstances vont peu à peu les entraîner dans de dangereuses intrigues touchant au crime organisé. Essayant de survivre tout en se retrouvant embarquer dans des histoires qui les dépassent parfois, leur priorité va demeurer la même au fil des épreuves : rester unis et se protéger les uns les autres. En guise d'anecdote, il faut préciser que si la série se déroule dans le présent, son titre fait cependant référence à un fait divers célèbre de la fin du XIXe siècle. Dans l'Ontario canadien, les vrais "Black Donnellys" connurent un destin funeste en 1880, où cinq membres de la famille furent massacrés au cours de représailles.

Le casting se révèle homogène et plutôt convaincant. Les quatre frères sont incarnés par des acteurs qui avaient surtout été cantonnés à des rôles de guest-stars auparavant. Le téléspectateur les découvre donc en grande partie en même temps que la série. Ils parviennent très bien à mettre en valeur tant leurs différences que ce lien indestructible qui les unit. Jonathan Tucker (Tommy) est plus ou moins leur leader, doté d'un sens des responsabilités très développé ; Tom Guiry (Jimmy), celui qui verse dans les drogues et les intrigues dangereuses ; Billy Lush (Kevin) (Generation Kill), l'as pour s'attirer des ennuis, avec un côté débrouillard, mais loser, qui le lâche pas ; et, enfin, Michael Stahl-David (Sean), le plus jeune frère, apprenti play-boy plus en retrait. A leurs côtés, Olivia Wilde (House MD) représente l'intérêt amoureux, amie de toujours de la famille. Parmi les autres têtes connues, on retrouve notamment Kirk Acevedo (Oz, Band of Brothers, Fringe) qui joue le chef local de la mafia italienne. Enfin, Keith Nobbs est le narrateur extérieur de l'histoire, un ami des frères qui raconte, a posteriori, du fond de sa cellule, l'engrenage criminel dans lequel les Donnellys ont été pris.

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The Black Donnellys se place habilement à la croisée des genres, entre histoires de famille, instants d'insouciance très légers et drames pesants, où la réalité se heurte, parfois de façon très cruelle, aux rêves et projets de chacun des personnages. C'est une série de gangsters, nous immergeant dans les eaux troubles du crime organisé. Cependant, elle s'inscrit dans une tradition narrative plutôt "old school". En effet, même si elle est sensée se passer en 2005, l'ambiance de quartier qu'elle décrit évoque plus le début des années 90. Pour autant, et peut-être grâce à cela, le téléspectateur n'a aucune peine à se laisser entraîner dans ce récit au dynamisme contagieux. 

Sa richesse réside dans l'intensité des relations humaines mises en scène, qui s'imposent rapidement comme le véritable coeur de cette fiction. En effet, si les intrigues, plus ou moins criminelles, sont parfaitement intégrées et se révèlent très solides, rythmant énergiquement la narration, l'ambiance repose surtout sur les personnalités très diverses des personnages et sur leurs intéractions. Il se dégage de l'ensemble une indéfinissable fraîcheur et une spontanéité très appréciable pour le téléspectateur, qui manifeste un attachement quasi-immédiat pour cet univers haut en couleurs, entre faux roman noir et vrai drame mettant en avant une humanité avec ses forces et ses travers.

L'exposé des relations intenses, tout aussi fusionnelles que conflictuelles, qui existent entre les frères, constitue incontestablement un des points forts, très accrocheurs, de la série. Souvent extrêmes, jamais unidimensionnelles, ni manichéennes, on y retrouve une explosivité, mais aussi une authenticité, vraiment prenante. Les très fortes personnalités de chacun permettent de donner du relief à leurs rapports, que rythment les ennuis qu'ils attirent invariablement.

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Au final, même si elle n'était peut-être pas faite pour un public de grands networks (toutes les productions n'ont pas la chance de Southland), la série se joue pourtant admirablement bien des contraintes que son exposition lui impose. En effet, elle parvient à nous plonger, d'une façon qui sonne très juste et réelle, dans le milieu du crime organisé new-yorkais, au sein d'un quartier où Irlandais et Italiens se disputent le leadership. Elle n'hésite pas à mettre en scène des scènes de violence ponctuées de drames, sans pour autant se départir d'une forme de dynamisme coloré qui alterne les tonalités. Plus que le fond du récit, c'est la manière dont il nous est raconté qui fait son originalité. Nous sommes loin d'une atmosphère contemplative que l'on retrouve dans les séries du câble, où les scénaristes prennent leur temps, telles Brotherhood ou les Sopranos, avec lesquelles le téléspectateur aurait tendance instinctivement à la comparer au vu de son synopsis.

Dans The Black Donnellys, tout est très rythmé. Famille et crime s'imbriquent presque naturellement à l'écran, chaque volet du récit servant et légitimant le traitement de l'autre. En ce sens, la série bénéficie d'une narration très aboutie, qui est instantanément en place dès le pilote. Le choix de faire intervenir un narrateur extérieur qui nous relate, a posteriori, l'engrenage dans lequel les frères Donnellys se sont laissés embarquer, se révèle être une bonne idée. Il permet de prendre un certain recul par rapport aux évènements racontés et de se ménager quelques effets de style pour alléger l'atmosphère quand elle devient trop pesante. Cela donne aussi initialement l'impression au téléspectateur qu'il s'agit d'une histoire qui s'est achevée : qu'il assiste à un enchaînement de faits qui a conduit les frères sur une pente dangereuse qui se termine en impasse.

Pour autant, l'annulation trop précoce de la série entraîne logiquement une absence de fin véritable. Elle ne laissera au téléspectateur que le loisir de spéculer sur une éventuelle conclusion, à partir notamment de diverses allusions cryptiques faites par le narrateur ou ses interrogateurs, sans que l'on sache à qui ou à quoi ils font vraiment référence. Une certitude : la route des Donnellys fut pavée de drames et de morts violentes, mais chacun est libre, au final, de prendre le parti qu'il souhaite. La scène finale nous laisse en pleine action, sur un suspense intense, tout en pouvant aussi constituer une forme de fin très ouverte.

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Bilan : The Black Donnellys fut une série mêlant les genres, mais aussi les tonalités sombres ou légères, de façon très habile. Les liens familiaux et intrigues criminelles s'imbriquent avec beaucoup de naturel et d'authenticité. Dotée d'un dynamisme contagieux, bénéficiant de personnages forts qui s'imposent instantanément à l'écran, elle exploite efficacement une narration assez ambitieuse et très aboutie. En conséquence, si je ne devais vous donner qu'un seul conseil : ne passez pas à côté d'un tel petit bijou par crainte d'une absence de réelle conclusion, vous ne regretterez pas la découverte !

Au fond, en dépit de ce que je râle souvent, je crois que mon problème, ce n'est pas tant que je n'aime pas les séries des grands networks US. C'est juste que toutes celles dans lesquelles j'aurais vraiment aimé m'investir sont si rapidement annulées qu'on oublie en quelques semaines jusqu'au fait qu'elles aient un jour existé... Tiens, prochainement, il faudra que je vous parle de Kings, par exemple.


NOTE : 9/10


Une brève promo diffusée par NBC :

Une bande-annonce plus longue qui expose les évènements du pilote :