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30/11/2014

(UK) Grantchester, saison 1 : un (crime) period drama empreint de chaleur humaine

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De The Vicar of Dibley à Father Ted, en passant par Rev., on peut sans nul doute dire qu'il existe une solide tradition de comédies cléricales dans le petit écran anglais. Mais depuis l'année dernière, les téléspectateurs d'outre-Manche ont désormais l'occasion de se familiariser avec un autre genre de fictions cléricales, des whodunit les replongeant dans les années 50. En janvier 2013, BBC1 a ainsi lancé Father Brown (diffusée dans la journée). Cet automne 2014, c'est ITV1 qui proposait à son tour son propre homme d'Église pour résoudre quelques intrigues criminelles, en prime-time cette fois, dans Grantchester, une série basée sur les romans de James Runcie.

Six épisodes plus tard, il faut reconnaître qu'il est bien difficile de rester insensible au charme de cette série pleine d'humanité (et de ses acteurs, James Norton en tête, dans un rôle qui tranche du tout au tout par rapport au personnage qu'il interprétait dans Happy Valley un peu plus tôt cette année). On retrouve dans Grantchester cette saveur caractéristique des 'period dramas réconforts', un peu hors du temps, très prisés des téléspectateurs britanniques pour conclure leur week-end (même si la série a été diffusée le lundi - les dimanches soirs d'automne, sur ITV1, étant réservés à Downton Abbey). Une fiction donc typiquement anglaise, pour laquelle une seconde saison a (heureusement) d'ores et déjà été commandée.

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Le charme de Grantchester repose sur une chaleur humaine qu'elle a communicative, bien plus que sur les enquêtes relatées dont les atours sonnent quelque peu datés. Se déroulant dans un coin de campagne anglaise, près de Cambridge -un décor champêtre que la réalisation sait admirablement mettre en valeur avec des plans soignés et une photographie lumineuse-, la série se situe dans l'après Seconde Guerre Mondiale. Il ne faut cependant pas attendre d'elle un tableau critique et acéré de l'Angleterre d'alors. Par petites touches, la série aborde certes de manière très classique certains thèmes de société et les préjugés qui ont cours dans ce cadre resté rigide et conservateur, mais elle n'en fait jamais l'objectif premier du récit. Et si l'ombre de la guerre est omniprésente -jusque dans des flashbacks-, c'est avant tout pour éclairer ses conséquences humaines et mieux souligner combien elle hante toujours les esprits et pèse sur les consciences, au premier rang desquelles figure celle de Sidney Chambers, jeune prêtre anglican officiant dans cette petite communauté. La dimension policière -au rythme d'un crime à résoudre par épisode- ne dépareille pas dans cet ensemble, cependant les investigations servent surtout de ressorts narratifs -d'aucuns parleraient de prétextes- parfaits pour faire évoluer et pousser dans leurs retranchements des protagonistes qui constituent le cœur véritable de l'histoire.

En effet Grantchester est entièrement dédiée à ses personnages. La série cultive l'art de mettre en scène des duos inattendus, dont les interactions, vivantes et rafraîchissantes, fonctionnent extrêmement bien à l'écran. Dans le premier épisode, c'est un doute concernant la réalité d'un suicide qui conduit Sidney à pousser pour la première fois les portes du commissariat local. Il y rencontre Geordie Keating (impeccable Robson Green), le policier en charge de l'enquête. Complémentaires dans la résolution des crimes, les deux hommes nouent très vite une solide amitié qui saura par la suite traverser diverses turbulences. L'entourage de Sidney n'est pas en reste et trouve aussi très bien ses marques, de Mrs Maguire, gouvernante énergique à la franchise toujours très directe, au jeune vicaire Leonard et ses débats théologiques abstraits qu'ils accueillent à la mi-saison. L'écriture accorde une large place aux états d'âme des personnages, et tout particulièrement de Sidney. Hanté par la guerre, mais aussi par les déchirements causés par un amour impossible et une vie sentimentale compliquée, il s'évade dans ses disques de jazz -des goûts musicaux accueillis avec perplexité- et noie ses regrets dans l'alcool. Au fil des épisodes et des péripéties, Grantchester s'attarde sur les failles de chacun, mais aussi sur les émotions et les doutes qui menacent de les submerger. Elle dresse ainsi des portraits, plein de sincérité et profondément attachants, qui ne laissent pas le téléspectateur insensible et représentent le vrai fil rouge de la série.

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Ainsi, Grantchester ne saurait se réduire à une simple -énième- fiction d'enquêtes. Plaçant l'humain, avec ses failles et ses passions, au cœur du récit, elle repose sur les dynamiques -entre respect, petites piques et soutien- qui s'installent entre ses personnages, ayant l'art d'associer des figures inattendues pour former des duos fonctionnant très bien à l'écran. Portée par un casting convaincant et une réalisation soignée, elle s'impose comme un period drama empreint de chaleur humaine dont le charme communicatif et sincère ne laisse pas indifférent. Une série qui se révèle donc attachante et parvient à se démarquer dans un genre -whodunit- saturé. Avis aux amateurs.

NOTE : 7,25/10


La bande-annonce de la série :

09/09/2013

(Mini-série UK) Southcliffe : récit brut et intense autour d'un massacre

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Certaines fictions se démarquent par leur concept et la force de leur thème. C'était le cas, cet été, de Southcliffe. Cette mini-série explore une tragédie, mettant en scène une fusillade mortelle et ses conséquences sur une petite ville anglaise. Elle partage donc des ambitions assez proches avec la série estonienne Klass : Elu Pärast, qui traitait d'un massacre commis dans un lycée, évoquant l'après en abordant le choc, le deuil, mais aussi le travail de reconstruction à mener. Klass : Elu Pärast (qui faisait suite à un film abordant la fusillade en elle-même et ses origines) s'est imposée comme une oeuvre marquante par la sobriété, la retenue et la nuance de son récit, exigences qui sont inhérentes à un tel sujet. En ayant en tête cette précédente réussite, il était donc intéressant de se tourner vers Southcliffe.

Écrite par Tony Grisoni (qui s'est notamment illustré en adaptant Red Riding pour Channel 4 en 2009), Southcliffe s'appuie également, pour sa réalisation, sur l'américain Sean Durkin (Martha Marcy May Marlene). Si Channel 4 l'a diffusée, du 4 au 18 août 2013, suivant un format de mini-série comptant 4 épisodes de 45 minutes environ, il faut savoir qu'elle a aussi été projetée cet été au Festival International du Film de Toronto sous la forme d'un long métrage de 3h10. Ma critique est basée uniquement sur le découpage à destination de la télévision, telle que la mini-série a été proposée en Angleterre. Outre l'équipe rassemblée derrière la caméra et la force du sujet choisi, le casting n'était pas non plus étranger à mon impatience de la découvrir. Cette fiction a-t-elle tenue ses promesses ?

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Le 2 novembre 2011 est le jour où tout bascule pour les habitants de Southcliffe, une petite ville fictive perdue dans la campagne anglaise. Tôt dans la matinée, des coups de feu retentissent et troublent le calme ambiant. Le tireur est quelqu'un que tout le monde connaît, au moins de vue : Stephen Morton, un local, homme à tout faire. Il va abattre à bout portant sa mère, des connaissances, mais aussi tous ceux qui vont avoir le malheur de croiser sa route meurtrière ce matin-là. Bientôt encerclé par les autorités, il finit par se donner la mort, laissant la douleur et l'incompréhension s'abattre sur Southcliffe.

Tout en s'intéressant aux habitants touchés par les évènements, évoquant l'avant et l'après de la tragédie, la mini-série intègre aussi un point de vue semi-extérieur, par l'intermédiaire d'un journaliste ayant grandi dans cette ville. Correspondant pour la télévision, David Whitehead revient cependant avec réticence sur les lieux de son enfance, il est loin de garder un bon souvenir de cette ville.

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Southcliffe opte pour une construction particulière, entremêlant les timelines entre flashforward d'ouverture, flashbacks et une ligne temporelle principale dans le présent qui reste son fil rouge. Initialement, cela semble quelque peu brouillon, mais à mesure que l'on progresse dans le récit, cette narration acquiert un sens, dévoilant une structure où les scènes se font écho : passé et présent se confrontent et se complètent, offrant les différents versants d'une même histoire. Southcliffe n'est pas une fiction policière, il ne s'agit pas d'y résoudre un crime, ni même d'apporter des réponses pour les proches des victimes. C'est un drame humain morcelé. Capturant des tranches de vie, la mini-série s'intéresse avant tout aux réactions des personnages mis en scène, qu'il s'agisse du meurtrier ou des proches de ses victimes. Autour et à partir de l'évènement catalyseur qu'est la fusillade, elle construit un récit éclaté voulant explorer toutes les ramifications de la tragédie, aussi bien en amont qu'après le drame. 

Cette ambition explique la chronologie suivie par Southcliffe. Le premier épisode s'intéresse ainsi aux origines immédiates du drame. Le ton de la mini-série est donné : abrupte et abrasive, elle décline sans fard les nuances et les ombres des relations humaines dans ce vase-clos de campagne anglaise. La caméra se fait le témoin extérieur de l'enchaînement d'évènements qui conduit à l'excès de folie meurtrière de Stephen Morton. La mini-série adopte une approche neutre : elle se contente de plonger le téléspectateur dans une noirceur ambiante générale. Les deux épisodes suivants mettent, eux, l'accent sur le brusque bouleversement du quotidien représenté par la perte d'êtres chers. Ils soulignent le déchirement qui intervient lorsqu'une présence tenue pour acquise vient soudain à manquer. Le choc, la douleur, le traumatisme sont ainsi mis en exergue. Enfin, le dernier épisode revient sur les lieux un an après : les déchirures sont toujours là, mais le travail de deuil, d'acceptation des évènements pour chacun, se poursuit malgré tout, imperturbable.

Pour offrir un récit dense, Southcliffe multiplie volontairement les points de vue, nous introduisant dans le quotidien de plusieurs familles, au risque de parfois paraître manquer de direction. C'est lorsqu'elle bascule véritablement dans le registre émotionnel qu'elle acquiert toute sa force. Quand la tragédie frappe, la caméra se glisse dans les moments les plus intimes de ses personnages. Elle n'a alors pas son pareil pour y capturer une douleur intense, à l'état le plus brut qui soit. Ce sont des effondrements, de l'incompréhension, de la colère, des questionnements qui se succèdent à l'écran. Dans sa deuxième partie, la mini-série délivre des scènes très marquantes. Il est d'ailleurs opportun d'avoir choisi de faire intervenir un observateur pas si extérieur pour compléter ce kaléidoscope de réactions. La vision de ce journaliste est affectée par son propre passif avec la ville et ses habitants. Il en résulte des explosions de colère, une prise à partie qui montre aussi combien il est difficile de rationaliser une telle tragédie.

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Sur la forme, Southcliffe est une oeuvre visuellement travaillée. La réalisation joue d'ailleurs un rôle important : la recherche d'authenticité, cette volonté de capturer de façon neutre une suite d'instantanés, est perceptible jusqu'aux passages où c'est caméra à l'épaule que l'on suit un protagoniste. L'alternance entre les larges plans d'ambiance qui posent la ville où se déroulent les évènements et des plans nerveux au plus près des personnages est très bien négociée. A saluer aussi une bande-son empruntant aux sources de musique (baladeur, concert) qui se révèle habilement gérée, d'autant que la mini-série démontre aussi sa capacité d'utiliser les silences. C'est donc formellement une fiction soignée.

Enfin, si Southcliffe s'offre de belles fulgurances et des passages extrêmement forts, la performance d'ensemble de son casting n'y est pas étrangère. Les acteurs sont au diapason de la tonalité particulière choisie par le récit. Plusieurs ont l'occasion de briller. Rory Kinnear (Black Mirror, The Hollow Crown, The Mystery of Edwin Drood) incarne le journaliste David Whitehead. Ses rancoeurs et son expérience passées à Southcliffe le placent en porte-à-faux des compte-rendus convenus attendus, troublant l'exercice médiatique collectif de compassion et provoquant plusieurs explosions chez son personnage - au cours d'un direct ou encore dans un bar - au cours desquelles l'acteur est magistral. De plus, qu'ils soient parents ou proches des victimes, ces survivants que sont Eddie Marsan (Criminal Justice, Ray Donovan), Anatol Yusef (Boardwalk Empire) ou encore Shirley Henderson (The Crimson Petal and the White) laissent également sans voix dans certaines de leurs scènes où ils exposent leur douleur à l'état le plus brut. Quant au tueur, il est interprété par un Sean Harris (The Borgias) sobre et tout en retenue qui trouve le ton juste. On croise aussi devant la caméra Joe Dempsie (Skins, Game of Thrones), Al Weaver (Secret State), Amanda Drew (Life of Crime), Geoff Bell (Top Boy) ou encore Kaya Scodelario (Skins).

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Bilan : Drame psychologique adoptant une construction éclatée, Southcliffe est une oeuvre intense entièrement dédiée aux personnages sur lesquels elle prend le temps de s'arrêter pour explorer toutes les ramifications de la fusillade. Parfois trop dispersée dans sa narration, cette fiction prend cependant tout son sens par l'émotion qu'elle est capable de capturer dans ses passages les plus forts. La caméra y joue le rôle de témoin neutre, proposant des images brutes. Si son approche peut dérouter au début (notamment dans le premier épisode), il faut admettre que Southcliffe n'est pas en quête de réponse sur la tragédie mise en scène : elle est simplement le récit de destinées fauchées ou ébranlées. La fin est à l'image de ce parti pris, sans véritable conclusion, chacun continuant le fil de sa vie.

En résumé, sans être exempte de reproches, Southcliffe est un essai intéressant sur un thème difficile et fort. Tous les publics ne s'y retrouveront pas, mais l'expérience mérite d'être tentée.


NOTE : 7,75/10


La bande-annonce de la mini-série :

15/12/2012

(Mini-série UK) Secret State : conspiration dans les coulisses du pouvoir

"You get to the top, and you realise, it's really only the middle."
(Tom Dawkins, Premier Ministre)


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Je vous parlais il y a quelques semaines de la très intéressante mini-série A Very British Coup, thriller politique pessimiste particulièrement happant des années 80, inspiré du roman éponyme d'un député britannique de l'époque, Chris Mullin. Channel 4 s'est proposée durant le mois de novembre de moderniser ce récit, en se réappropriant librement ces interrogations sur le pouvoir réel derrière le pouvoir politique. Cette nouvelle mini-série, Secret State, compte 4 épisodes.

Fiction ambitieuse, aux thèmes multiples, elle n'aura pas su mener sa démonstration jusqu'au bout, cédant trop souvent à une surenchère et à une escalade dans la complexification des intrigues au fil de laquelle le propos même de l'oeuvre s'est un peu dilué. Cependant elle n'en reste pas moins un honnête thriller, globalement prenant.

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Secret State débute à la suite d'une tragédie. Un accident industriel dévaste un petit bourg et fait plusieurs dizaines de victimes. Ce sont les installations d'une entreprise de pétrochimie, PetroFex, qui ont provoqué cette catastrophe. Après le choc et le temps du deuil, le Premier Ministre britannique s'envole pour les Etats-Unis pour négocier avec le géant pétrolier une compensation pour les citoyens britanniques touchés. Mais, sur le chemin du retour, son avion disparaît des écrans radars. L'épave est ensuite retrouvée, sans survivants.

Alors que le pays est en pleine période électorale, le vice-Premier Ministre, Tom Dawkins, est contraint de prendre les choses en main pour assurer à la fois l'assise de son parti et la conduite du pays. Cependant l'affaire PetroFex ne fait que commencer, et ses ramifications vont bien au-delà de ce qui pouvait être imaginable. En plus de devoir rechercher les causes de l'accident industriel, les services de sécurité doivent enquêter sur la mort du Premier Ministre. Les réponses offertes ne satisfont pas Tom Dawkins. Dans sa quête pour la vérité, il va se trouver confronter à des forces d'un système dont il n'est que le leader apparent.

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Secret State bénéfici tout d'abord d'un sujet particulièrement intéressant, ayant beaucoup à dire sur la réalité de nos démocraties modernes et sur ses illusions. Là où A Very British Coup s'inscrivait dans un contexte particulier de prise de pouvoir d'un parti travailliste socialisant à une époque où l'URSS n'était pas encore tombée, Secret State modernise ses problématiques en évoquant pêle-mêle les enjeux énergétiques et pétroliers, le pouvoir de la finance et des banques, mais aussi le spectre du terrorisme et des guerres énergétiques du Moyen-Orient. Entre le thriller politique, la fiction conspirationniste, le tout saupoudré de journalisme d'investigation et d'espionnage, la mini-série jongle avec ces différentes thématiques. Le fil rouge de l'ensemble est le nouveau Premier Ministre britannique, Tom Dawkins, qui manoeuvre comme il peut au milieu de ces intérêts contradictoires. Il est un homme de principes, mais surtout une figure isolée dans un monde où le politique s'efface devant la puissance d'autres pouvoirs de l'ombre, et où une oligarchie qui n'a jamais de comptes à rendre au peuple s'active et sert ses propres intérêts.

Avec son récit dense et une histoire complexe, Secret State retient l'attention du téléspectateur, et s'avère dans l'ensemble globalement efficace. Pourtant, elle laisse malgré tout un arrière-goût d'inachevé. L'ambition du scénario est manifeste, voulant englober toutes les problématiques actuelles des enjeux géostratégiques à la finance internationale. Mais la mini-série tend à verser dans la surenchère. Complexifiant à outrance certains développements de l'histoire, multipliant les interventions de protagonistes qui ne trouvent pas toujours leur place, Secret State donne parfois l'impression de tout survoler sans être capable d'aller vraiment au fond des choses. Ainsi, si son propos, passionnant, trouve indéniablement un écho particulier à l'heure actuelle, la démonstration aurait vraiment gagné en force à faire plus simple et percutant. Vous m'objecterez qu'il vaut sans doute mieux une fiction qui pèche par excès de richesses qu'une oeuvre creuse et vide, cependant il est frustrant de voir laisser inexploité ce vaste potentiel juste effleuré dans la précipitation avec laquelle tout est traité.

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Sur la forme, Secret State est une mini-série parfaitement maîtrisée. Sa réalisation est soignée, et le format choisi, le même que Top Boy l'an passé sur Channel 4 également, étire l'image dans sa longueur dans un style cinématographique inhabituel pour le petit écran, mais qui apporte un cachet supplémentaire à l'ensemble. La série sait aussi jouer sur l'ambiance qui se dégage de certaines images symboliques, n'ayant pas son pareil pour présenter un temps grisâtre, où les nuages menaçants s'amoncellent dans le ciel, signe des drames passés et des difficultés à venir.

Enfin, Secret State rassemble un casting extrêmement solide, dont on regrettera surtout qu'en seulement 4 épisodes, beaucoup ne soit que trop peu exploité au goût du téléspectateur (parmi lesquels Charles Dance (Bleak House, Game of thrones), Stephen Dillane (John Adams), Gina McKee (The Lost Prince) ou encore Rupert Graves (Garrow's Law, Sherlock)). Le rôle de Tom Dawkins revient à un Gabriel Byrne (In Treatment) qui, tout en subtilité et en nuance, construit un personnage complexe, plus fort et persévérant que l'on aurait pu lui donner crédit à première vue, homme providentiel -ou non- se retrouvant soudain placé devant des responsabilités énormes. Sa progression aboutit à un extrêmement discours final qui mérite le détour. A noter, sur le plan de l'anecdotique, que Chris Mullin lui-même - l'auteur de A Very British Coup - fait une brève apparition dans la mini-série.

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Bilan : Thriller politique et conspirationniste ambitieux, Secret State suit le parcours d'un politicien propulsé à la tête du pays suite à une tragédie. Tenant son mandat du peuple, il se heurte pourtant rapidement aux limites du politique et à la réalité du pouvoir de l'ombre, entre enjeux financiers et énergétiques. Dressant un portrait pessimiste et sans complaisance de la réalité de nos démocraties modernes s'apparentant à de véritables oligarchies, la mini-série ne parvient cependant pas à exploiter complètement son potentiel. Voulant traiter trop de thématiques à la fois, elle n'en traite au final véritablement aucune en profondeur, se contentant de tout survoler. Cela reste certes une fiction très correcte dans son genre, mais qui laisse malgré le téléspectateur quelque peu frustré.


NOTE : 7/10


La bande-annonce de la mini-série :

24/12/2010

(Mini-série UK) The Nativity : ce soir, c'est Noël...

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En ce vendredi 24 décembre, tâchons de rester dans cet esprit particulier qui semble flotter dans l'air. Je vais donc vous parler d'une mini-série, conçue pour les fêtes, diffusée cette semaine, sur BBC1, et qui s'est achevée hier soir. Son titre semble suffisamment explicite sur le thème traité : The Nativity. Ecrite par le scénariste Tony Jordan (à qui l'on doit un certain nombre d'épisodes de Hustle ou encore de Life on Mars) et composée de 4 épisodes, d'une trentaine de minutes chacun, elle relate donc en deux petites heures une version romancée de la nativité.

Si c'est en grande partie pour son casting - on y retrouve notamment Andrew Buchan - que je me suis d'abord intéressée à cette mini-série, j'ai finalement passé une soirée pas déplaisante devant cette fiction qui est parfaite et uniquement destinée à être visionnée durant cette veille de fête. Les deux heures passent toutes seules, en partie grâce à une dimension humaine quelque peu inattendue que la mini-série va efficacement parvenir à exploiter.

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Construite de façon très académique, sur 4 épisodes, la mini-série se concentre sur le couple formé par Marie et Joseph au cours de l'année précédant la naissance de Jésus et sur les épreuves qu'ils vont devoir traverser, tout en prenant soin de recontextualiser ce récit principal. Pour évoquer la situation du royaume de Judée à l'époque, opprimé et ployant sous les taxes, elle met en scène un jeune berger de Bethléem, Thomas, tout en faisant apparaître pour quelques scènes un roi Hérode dégénéré. Quant à l'aspect théologique, il est incarné par les rois mages dont les discussions éclairent la dimension prophétique de l'évènement qui est appelé à se produire.

Pour autant, l'intérêt de The Nativity va résider dans l'approche narrative particulière choisie pour relater une histoire trop connue et trop re-écrite pour surprendre ou ménager encore une part d'originalité. Tony Jordan a donc choisi de se placer dans une perspective résolument humaine, en s'intéressant en priorité à ce couple en devenir que formaient alors Marie et Joseph. Ils étaient promis l'un à l'autre, mais non encore formellement mariés. Comment cette relation non encore consommée survivra-t-elle à la visite de Gabriel et au passage du Saint-Esprit ? Car l'affirmation de Marie, sur le fait d'être enceinte et vierge, constitue un non-sens biologique pour son entourage avant tout profondément blessé par ce qui est perçu comme une trahison de la par de la jeune femme. Si bien que finalement, ce sur quoi la mini-série s'arrête, c'est sur la manière dont ces deux jeunes gens, qui étaient encore insouciants, vont être placés devant des responsabilités et des choix qu'ils n'ont jamais demandés et la façon dont ils vont peu à peu accepter cette destinée, consolidant ainsi leur couple.

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S'il vous fallait une seule raison pour vous risquer devant The Nativity en cette période de fêtes (non, pas uniquement pour l'argument présenté dans la screen-capture ci-dessus), indépendamment de toute dimension religieuse, vous la trouverez incontestablement dans les scènes parfois brillantes que vont avoir, tout au long de la mini-série, Marie et Joseph.  La dynamique qui s'installe entre eux est admirablement bien décrite. Elle est portée à l'écran avec une vitalité plutôt innocente, couplée d'une connotation émotionnelle touchante qui sonne finalement très juste. Le téléspectateur, se sentant étonnamment impliqué, suit et partage avec eux les différentes étapes pourtant prévisibles de leur relation, de la progressive complicité, puis au rejet et à la trahison que constitue en apparence la grossesse de Marie, pour enfin parvenir à l'acceptation.

En fait, la mini-série s'attache à dépeindre avec beaucoup d'authenticité les réactions de chacun, d'incrédubilité comme d'acceptation, permettant ainsi de dépoussiérer une histoire trop connue. Au-delà de la naissance d'un Messie, ce qu'elle choisit de raconter, c'est la façon dont ces jeunes gens a priori anonymes vont être personnellement affectés par cette destinée hors du commun qui vient ainsi frapper leur couple. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si la qualité de l'écriture, globalement bien calibrée et tout en retenue, se ressent tout particulièrement lors des passages où prévaut une dimension dramatique. Les meilleures scènes sont ainsi celles de leurs confrontations. Loin du récit purement descriptif, où un aspect trop dogmatique aurait déshumanisé l'histoire, The Nativity surprend finalement par son exploitation d'une dimension très humaine dans son récit.

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A l'image de l'effort de recontextualisation très scolaire qui est fait, par l'utilisation du berger ou des rois mages pour replacer cette naissance dans le contexte spécifique où elle intervient, historiquement et théologiquement, les décors et la reconstitution d'époque restent sobres et plutôt minimalistes. En fait, c'est surtout par son arrière-plan musical que The Nativity se crée et plonge progressivement le téléspectateur dans l'atmosphère particulière de la mini-série. La bande-son prend progressivement de l'importance, utilisée notamment de façon prenante pour souligner l'importance de certains passages.

Enfin, The Nativity doit énormément à son casting. Non seulement pour les noms alléchants qu'elle rassemble dans notre petit écran, mais aussi pour l'alchimie qui s'installe instantanément entre ses deux acteurs principaux. Andrew Buchan (The Fixer, Cranford, Garrow's Law) et Tatiana Maslany (Heartland) délivrent en effet des prestations très convaincantes, pleines de fraîcheur et d'une touche d'innocence émotionnelle en parfaite adéquation avec la tonalité adoptée et, surtout, permettant à la mini-série de vraiment pleinement explorer cette dynamique de couple. A leurs côtés, se pressent d'autres figures familières du petit écran britannique, telles Peter Capaldi (The Thick of it, Torchwood), Al Weaver (Personal Affairs, Five Daughters), Art Malik (Holby City), Jack Shepherd (All about George) ou encore Obi Abili (Moses Jones).

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Bilan : The Nativity est une mini-série qui s'inscrit évidemment dans une période particulière, conçue pour être visionnée avec l'"esprit de Noël" en arrière-plan. Si elle mérite que l'on s'y attarde, c'est tout autant pour les performances de ses acteurs principaux, que pour la dimension très humaine explorée dans le récit mis en scène, qui opte pour une écriture assez innocente et émotionnelle qui sied parfaitement à ce 24 décembre.

Au final, disons que si jamais vous vous retrouvez ce soir bloqué par la neige, coincé chez vous avec votre frigo vide et pour seule perspective de se résigner à transmettre vos voeux par téléphone, voici un programme télévisé parfait pour la soirée afin de préserver l'esprit des fêtes. Mais attention, demain soir, le charme de cette mini-série sans prétention de circonstance sera déjà rompu. A mettre alors de côté pour l'an prochain.


NOTE : 6,5/10


La bande-annonce de la mini-série :