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28/02/2011

(Pilote US) Camelot : les légendes arthuriennes, une source d'inspiration inépuisable

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Les légendes arthuriennes... Voilà bien un sujet d'inspiration par excellence. Livres, films et bien entendu séries, depuis le Moyen-Âge, cet univers qui fait vibrer notre imaginaire s'est modelé en fonction de son public et a pu se décliner en autant d'adaptations, semblables et différentes à la fois. Chacun y va de son interprétation pour révisiter le mythe ces dernières années dans le petit écran, des shortcom françaises (Kaamelott) aux séries fantastiques familiales anglaises (Merlin), en passant par des mini-séries, elle-mêmes déclinaisons d'adaptations littéraires, comme Les brumes d'Avalon. Le sujet demeure une source d'inspiration pour les scénaristes.

Si bien qu'en ce début d'année 2011, c'est la chaîne câblée américaine Starz qui se lance à son tour dans sa propre version du mythe arthurien, en repartant aux origines de la légende. Elle confirme par là-même tout son attrait pour les séries historiques - un genre dans lequel elle finit par se faire une place. A défaut d'avoir de grandes attentes sur la série elle-même, le casting avait l'air plutôt sympathique et comme je ne sais résister à l'appel d'un plongeon dans un univers médiéval (qui plus est légendaire), j'ai donc jeté un oeil sur le pilote que Starz a diffusé ce vendredi.

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La série part sur les bases d'un récit initiatique classique. Le rêve de Camelot n'existe dans ce premier épisode que dans les visions aléatoires d'un Merlin qui craint plus que tout l'anarchie et le chaos menaçant de déchirer le royaume en l'absence de dirigeant suffisamment fort et juste pour maintenir l'ordre. Comme un symbole de l'idéal perdu et du pouvoir à reconstruire, le château de Camelot, celui-là même au sein duquel la légende se forgera, n'est que ruine dans ce pilote qui va efficacement poser les jalons de l'histoire à venir.

L'épisode s'ouvre dans une autre demeure, celle du roi Uther Pendragon, le jour du retour d'une fille prodigue, Morgane, envoyée au loin par un père qui ne voulait plus d'elle. Les retrouvailles se passent forcément mal, la simple vue de la nouvelle reine ayant remplacé sa mère, Ygraine, rendant la jeune femme folle de rage. Après une énième répudiation, cette fois, Morgane décide de définitivement tourner la page, en empoisonnant son père pour pouvoir réclamer ses droits d'unique héritière sur ses terres. Si l'arrivée précipitée de Merlin ne pourra sauver le roi, il a cependant le temps de lui faire signer un document reconnaissant et instituant un autre héritier, un fils que Merlin prit et éloigna dès sa naissance, à la fois fruit et prix des amours magiques entre Ygraine et un Uther qui avait pris l'apparence de son mari d'alors. 

Loin de ces intrigues létales, Arthur a grandi dans une ferme, détaché de toutes ces préoccupations. Il cultiverait même plutôt une insouciance puérile propre à la jeunesse. Mais lorsque Merlin le retrouve, désormais jeune adulte, c'est toute sa vie qui va prendre un brusque tournant inattendu avec la révélation de sa naissance et du destin que l'on entend lui faire accomplir. Avec le soutien de son frère adoptif, Kay, Arthur quitte donc le confort familial pour se lancer dans une lutte de pouvoir dont il ne prend pas réellement conscience initialement, à la poursuite d'un idéal que seul Merlin semble à même de voir. Le jeune homme a peut-être les habits d'un roi, mais il lui reste encore tout à apprendre pour en devenir un... et tout à conquérir. Car Morgane n'entend pas laisser échapper les droits qui lui reviennent.

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Le pilote de Camelot démarre avec la tranquillité et l'assurance des fictions qui savent où elles vont. Sachant capitaliser sur cette impression de retrouvailles avec un mythe familier qu'éprouve forcément le téléspectateur, l'épisode se contente, sans trop en faire, presque modestement mais non moins efficacement, de poser les bases d'une histoire de toute façon connue. Son ambition narrative est simple : il s'agit d'une invitation à se laisser entraîner dans un récit où les dynamiques ont fait leur preuve. Il y parvient avec sobriété en nous introduisant dans les grands enjeux qui vont constituer le coeur de la série. La mort d'Uther sert de prétexte catalyseur parfait pour nous permettre d'assister aux bouleversements déterminants et à la redistribution des cartes qui s'opère entre les différents protagonistes. Tandis que parmi eux, certains se forgent déjà ces oppositions irréductibles qui ne flétriront plus, Camelot trouve progressivement son équilibre.

Au fond, ce que réussit ce pilote, c'est d'avoir su parfaitement coller à ce qui pouvait légitimement être attendu d'un tel projet. Nul n'attendait des innovations, des surprises ou encore d'être impressionné par une recherche de réalisme, une intensité dramatique particulière ou une esthétique marquante. Il s'agissait simplement de proposer une adaptation s'inscrivant dans le divertissement historique, suffisamment plaisante à suivre pour que le téléspectateur ait envie de se laisser entraîner... Et puis, ultérieurement, il sera toujours temps, pourquoi pas, de la voir grandir. Porté par ses dialogues aux réparties insufflant une dynamique à l'ensemble, le pilote de Camelot remplit d'autant mieux son office que les personnages qu'il met en scène vont facilement retenir l'attention d'un téléspectateur qui se surprend à rapidement s'attacher. La spontanéité rafraîchissante d'Arthur, les mystères de Merlin, le machiavélisme de Morgane ou encore le soutien fraternel de Kay, aussi calibrés soient-ils, embrassent certes des stéréotypes attendus, mais ils le font tout en sachant paradoxalement conserver une certaine distance.

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Honnête sur le fond, Camelot l'est aussi sur la forme. Les décors et les efforts de reconstitution historique permettent de se laisser entraîner sans arrière-pensée dans l'histoire. La réalisation reste classique, mais ne dépareille pas. La musique remplit également son office pour verser dans la dramatisation quand il le faut. Relevons tout particulièrement celle qui accompagne le long générique d'ouverture, agréablement soigné et qui reflète bien l'ambiance mi-sacralisée, mi-légendaire de l'histoire, et donne le ton à l'ensemble.

Enfin, point assurément non négligeable, Camelot bénéficie d'un casting sympathique, dans l'ensemble solide, qui compense certaines facilités narratives et explique aussi le relatif attachement que pourra vite éprouver le téléspectateur à l'encontre des personnages. Arthur est incarné avec conviction par Jamie Campbell Bower (The Prisoner), efficacement secondé par Joseph Fiennes (Flash Forward) qui propose une interprétation terre à terre assez rafraîchissante de Merlin, tandis qu'Eva Green incarne l'adversaire, en la personne de Morgane. Pour aider Arthur, on retrouve notamment à ses côtés, Peter Mooney (Falcon Beach, ZOS : Zone of Separation) qui joue son frère adoptif, Claire Forlani (Les Experts : Manhattan), sa mère. De plus, on croise également Clive Standen (aperçu dans quelques épisodes de Robin Hood), Philip Winchester (Crusoe) ou encore Sinéad Cusack (North & South, The Deep). Tamsin Egerton (dernièrement croisée dans Money, dont on retiendra pour l'anecdote qu'elle jouait déjà dans Les brumes d'Avalon) incarnera Guenièvre.

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Bilan : Sans démesure, avec la tranquille certitude d'exploiter un concept porteur, mais aussi une certaine humilité dans sa façon de s'attaquer à cette légende, le pilote de Camelot réussit son pari de poser les bases d'un divertissement médiéval aux accents initiatiques attrayants (en raison de la jeunesse d'Arthur). Portée par un casting dans l'ensemble solide et sympathique, la série s'installe avec simplicité. C'est typiquement le genre de fiction qui va s'attacher, sans arrière-pensée, ni prétention, à exploiter pleinement son histoire. Elle n'a rien d'incontournable, et chacun pourra sans doute passer son chemin sans nourrir de regret. Mais pour le téléspectateur en quête d'aventures moyen-âgeuses, c'est un début honnête que propose cette série à laquelle j'ai envie de donner sa chance. Rendez-vous donc pris pour avril.


NOTE : 6/10


La bande-annonce :

27/02/2011

(Pilote UK) Silk : un legal drama académique à humaniser

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Vous ai-je déjà dit combien j'aimais les legal drama ? C'est un genre à part, mais qui m'a toujours fasciné. J'en consomme sans doute moins qu'il y a quelques années. Je n'ai toujours pas jeté un oeil à Harry's Law, la dernière née américaine du maître en la matière, David E. Kelley. Mais cela reste une thématique que j'aime tout particulièrement voir abordée par la fiction, notamment pour l'éclairage sociétal inhérent à toute chronique du judiciaire.

Par conséquent, la première fois que j'ai entendu parler d'un tel projet écrit par Peter Moffat, lui-même ancien barrister et dont le nom reste notamment associé ces dernières années à la très intéressante Criminal Justice (déjà diffusée sur BBC1), j'étais assez impatiente de découvrir le résultat. D'autant plus que le casting conduit par Maxime Peake s'annonçait sympathique, avec également Rupert Penry-Jones à l'affiche. C'est donc avec beaucoup de curiosité que je me suis installée devant le pilote de Silk, qui a débuté ce mardi 22 février 2011, sur BBC1.

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Si Silk paraît immédiatement familière au téléspectateur, c'est qu'elle s'empare d'un sujet bien connu : relater le quotidien de jeunes barristers, cadencé par les audiences et les nuits blanches qui se succèdent pour tenir un rythme effréné qui leur permettra peut-être d'atteindre leurs hautes ambitions. Car, comme son titre l'indique, c'est sous couvert de la quête d'une ascension professionnelle particulière que la série nous plonge dans ce milieu où les civilités policées usuellement en vigueur cachent mal une concurrence exacerbée, qui se joue parfois au détriment du client et qui confine aussi à l'occasion à un machisme d'un autre âge. Car "taking Silk", c'est-à-dire réussir à être nommé Queen's Consel, a beau être l'objectif ultime de ces praticiens du droit , le nombre de femmes à avoir obtenu ce rang particulier est loin de refléter la relative féminisation de la profession. L'héroïne de la série, Martha Costello, n'entend toutefois pas se laisser intimider par ces considérations statistiques.

Ce pilote nous présente la jeune femme en l'introduisant dans ce que l'on pourrait qualifier de suite de "journées-types" : de l'enchaînement des audiences aux difficultés pour tenir professionnellement un tel rythme, rien ne sera épargné à Martha pour ce premier épisode. Si elle bénéficie du soutien sans faille de Billy Lamb, gestionnaire de la chamber dans laquelle elle travaille, elle doit également composer avec la rivalité directe de Clive Reader, un collègue qui entend bien être le prochain à devenir Queen's Consel. La chamber ne pouvant probablement espérer qu'une seule promotion, Martha et Clive se retrouvent donc en concurrence directe. L'arrivée de nouveaux assistants, Nick Slade et Niamh Cranitch, ne va faire qu'exacerber les tensions tandis que chacun des deux barristers accueille un de ces pupils sous sa direction.

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Sur le papier, Silk semble a priori réunir tous les ingrédients nécessaires à la création d'un attrayant legal drama. Un fil rouge assuré par cette ambition de devenir Queen's Consel, des protagonistes aux personnalités affirmées conduits à s'opposer, une pression permettant de maintenir une cadence soutenue qui évitera tout ennui possible, et des intrigues judiciaires qui constituent autant de challenges professionnels prompts à susciter des dilemmes éthiques insolubles pour les barristers. Parfaitement huilé, ce pilote s'efforce d'ailleurs de nous introduire ces éléments, déclinant sous forme de récital mécanique tous les enjeux que la série abordera.

Tout aussi classiquement, c'est par le regard des nouveaux assistants que le téléspectateur découvre ce milieu :  à travers les explications et rapides décryptages sur les moeurs judiciaires faites à l'attention de Nick, c'est à l'observateur extérieur devant son petit écran que le scénariste s'adresse. La distribution des fonctions au sein du système judiciaire nécessitera sans doute un temps de découverte au téléspectateur (non britannique) qui n'y serait pas familier. Dans cette optique, l'épisode dresse un tableau aux finalités surtout pédagogiques, esquissant notamment les rapports entre les solicitors et les barristers, mais aussi éclairant la procédure permettant de devenir Queen's Consel. Si cela semble une étape nécessaire, l'ensemble n'échappe cependant pas à l'écueil de l'exposé scolaire.

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Aussi appliqué soit-elle, c'est peut-être justement cet excès d'académisme qui empêche Silk de vraiment imposer sa marque dès ce pilote. En effet, si ce cocktail attrayant de quotidien judiciaire chroniqué laisse entrevoir les bases d'un potentiel incontestable, on sent confusément qu'il manque pour le moment quelque chose. A trop vouloir remplir le cahier des charges supposé du genre, l'épisode manque de spontanéité. La prévisibilité de sa construction narrative va plutôt lui donner l'allure d'une énième déclinaison d'un concept certes intéressant, mais auquel il est impératif de donner plus de relief pour s'investir sur le long terme.

En fait, tout s'emboîte trop parfaitement dans ce pilote. Plus que les storylines judiciaires dont le classicisme ne remet pas en cause l'efficacité et qui rejoignent cette tonalité scolaire liée à un premier épisode, c'est en priorité sa dimension humaine que Silk devra travailler. En effet, les personnages, pour le moment très unidimensionnels, sont trop facilement catégorisés dans des stéréotypes qu'il faudra nuancer à l'avenir. Pour autant, si Silk doit encore gagner en épaisseur, le pilote laisse entrevoir un potentiel, en témoigne la force des contre-interrogatoires par Martha du vieil homme agressé. La série dispose du cadre pour devenir un legal drama complet, à défaut de ré-inventer le genre.

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Sur la forme, Silk est une oeuvre soignée, dont la réalisation maîtrisée s'inscrit dans la lignée des fictions proposées en prime-time sur BBC1. L'image est travaillée, tout en restant dans un classique de circonstances. Signalons également l'effort réalisé pour les images d'un générique superbe, dont l'esthétique rappelle, par exemple, celui de l'élégante série policière Luther. Les deux sont une création de la compagnie Momoco, à laquelle on devait également dernièrement celui de Zen.

Enfin, Silk bénéficie d'un casting globalement homogène et assurément solide qui  conduit à être optimiste pour la suite. Derrière une Maxine Peake (Shameless, The Devil's Whore, Little Dorrit, Criminal Justice) fidèle à elle-même, aux interprétations toujours parfaitement maîtrisées, on retrouve à ses côtés Neil Stuke (Trust, Monday Monday, Reggie Perrin) en soutien indéfectible et Rupert Penry-Jones (Spooks, Whitechapel) en rival prêt à tout. Tom Hughes (Trinity) et Natalie Dormer (The Tudors) incarnent ces jeunes assistants qui vont rapidement comprendre les règles du jeu au sein de la chambers. Et Nina Sosanya (Meadowlands/Cape Wrath, Five Days) et John MacMillan complètent ce casting convaincant.

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Bilan : Derrière ses atours excessivement académiques, Silk laisse entrevoir au cours de ce pilote un potentiel indéniable dont il lui reste encore à prendre la mesure. Apparaissant surtout comme un épisode d'exposition pour servir d'introduction dans cet univers et en comprendre les codes, l'épisode souffre d'un déroulement prévisible qui manque de relief. Cependant, les bases étant désormais toutes posées, les protagonistes installés, les enjeux déclarés, la suite devrait permettre à la série de se départir de cette impression scolaire pour se construire une identité. La bande-annonce de l'épisode suivant apparaît en tout cas autrement plus pimenté. A suivre.


NOTE : 5,75/10


La bande-annonce de la série :

26/02/2011

[TV Meme] Day 26. OMG WTF season finale

La sensibilité du téléphage à ce jour du TV Meme est un des symptômes de sa passion. Elle représente la capacité des scénaristes à lui fixer un rendez-vous qu'il n'oubliera pas, celui qui aura lieu dans quelques mois pour le retour des inédits de la série. Dans la construction narrative d'une fiction dont le format lui permet de s'étendre sur plusieurs années, la gestion de ces transitions est fondamentale. Cela signifie pas que ces fins de saisons seront automatiquement des ruptures. Certaines optent pour une simple continuité à peine perturbée, laissant le téléspectateur à son confort déjà bien rodé. De manière générale, entre la sobriété d'une season finale sans à-coup et les excès de remises en cause versant dans la surenchère, je préfèrerais toujours la première.

En somme, jouer avec les nerfs du téléphage, c'est grisant. Mais attention, il existe un art du cliffhanger  pour ne pas laisser un arrière-goût désagréable d'artificialité à un téléspectateur qui n'aime pas non plus la manipulation à outrance.

 

J'ai tendance à penser qu'un cliffhanger réussi sera tout simplement un passage qui restera dans notre mémoire téléphagique. Tous n'ont pas à être "explosifs". On a aussi connu ces conclusions emportant d'innombrables questions existentielles, voire plus superficielles, qui laisseront un aspect particulier en suspens sans empêcher le téléspectateur de dormir pour les prochains mois. La vie personnelle des héros peut en susciter plus d'un. En symbolique de cet effet d'annonce facile, mais dont je garde un souvenir plein de tendresse : la demande en mariage particulière dans Lois & Clark, saison 2, avec le "who's asking Clark or Superman ?" (oui, j'étais une adolescente un tantînet fleur bleue !). Mais l'élément introduit peut être autrement plus dérangeant, comme découvrir la personne à côté de laquelle Lorelai se réveille à la fin de la saison 6 de Gilmore Girls.

Lois & Clark : Les nouvelles aventures de Superman, saison 2


Néanmoins, les cliffhangers les plus aboutis, ceux dont on se souvient encore parfaitement lorsque l'on jette un regard rétrospectif sur la série, ce seront avant tout ceux qui auront fait vasciller les bases même du récit. S'ils sont bien maîtrisés, ils peuvent être géniaux. En leur sein, deux grandes catégories se distinguent : ceux qui optent pour le suggestif, en laissant la storyline en suspens (par exemple en mettant en danger la vie d'un (ou plusieurs) personnage mais sans que l'on sache ce qu'il va lui advenir), et ceux qui provoquent le bouleversement avant la fin, pour nous abandonner devant un "to be continued" qui n'aura jamais été aussi frustrant que lorsque vous venez d'assister à une telle redistribution des cartes.


Des season finale appartenant à la première catégorie, parmi ceux qui me viennent instinctivement à l'esprit, je citerais notamment : certaines des fins de saison de Spooks (MI-5), série qui nous laissa plus d'une fois sans voix notamment lors de ses deux premières saisons ; mais également Babylon 5 (saison 3 - Za'ha'dum) ; ou encore Farscape qui en a fait une spécialité maîtrisée (saison 2 - Die Me Dichotomy ; saison 4 - Bad Timing) ; et enfin The West Wing, saison 1 : What Kind of Day Has It Been ?. Le seul que j'ai vécu pleinement (c'est-à-dire pour lequel je n'ai pas pu lancer le DVD de l'épisode suivant dans la foulée) est le dernier, c'est sans doute pourquoi il demeure emblématique dans mon esprit, tout en mettant en scène un indémodable classique : une fusillade. Plus que le contenu, ceci s'explique par les conditions (compliquées) dans lesquelles je l'ai suivi : dans l'anonymat des soirées du vendredi de l'été 2001, France 2 avait confidentiellement diffusé la saison 1. Elle ne reprit sa diffusion de la saison 2 à destination des noctambules que plusieurs années après (2005 ?). Entre temps, je vous rassure, j'avais pu me ruiner en investissant dans les coffrets DVD sortis. Il reste que c'est sans doute le season final que j'ai ressenti le plus intensément parce que j'ai été forcée de respecter ce délai théoriquement imparti entre les deux saisons. Ce qui m'amène à penser que pour qu'un cliffhanger puisse être vraiment apprécié, il faut que son visionnage respecte le rythme de diffusion pour lequel il a été conçu ; mais aussi éviter de tomber dans cette chasse aux spoilers quasi-obsessionnels pour certains. Il faut rester dans sa bulle et apprécier le récit pour ce qu'il est (une utopie à notre époque).

The West Wing, saison 1 : What Kind of Day Has It Been ?



Cependant, les fins les plus marquantes restent sans conteste celles qui ont su bouleverser vraiment les bases narratives de la série, celles qui ont remis en cause tout ce quotidien confortable dans lequel le téléspectateur avait pris ses habitudes, faisant voler en éclat toutes ses certitudes conquises après plusieurs saisons à fréquenter les personnages et la dynamique d'ensemble. Ne nous voilons pas la face : ce sont aussi les cliffhanger les plus risqués. Il est si facile de trop en faire, d'égarer la recette de la série, voire de jump-er the shark en étant ensuite incapable de rebondir à partir des nouvelles données.

Parmi ces cliffhangers les plus ambitieux, deux me viennent tout particulièrement à l'esprit. Tout d'abord, celui de la fin de la saison 2 d'Alias. Je vous l'ai déjà dit : je n'aime pas le style de J. J. Abrams ; quelque part au milieu de Ses conceptualisations mythologiques, de sa gestion d'écriture et des personnages, j'ai un jour eu une réaction épidermique de rejet que je n'ai depuis jamais surmontée. Alias fut la dernière série que j'ai, un temps (2 saisons), pu apprécier - je crois qu'elle est aussi celle qui m'a vacciné de l'illusion des fictions mythologiques. Mais j'ai beau nourrir nombre de griefs à l'encontre du scénariste, je suis la première à reconnaître que ce final de la saison 2 était... magistral ! Je m'en souviens encore comme si c'était hier : il mêlait absolument tous les ingrédients, une vraie remise à plat générale, avec du mystère, de la mythologie et des instants shipper. Je me rappelle trépignant devant ma télé en m'écriant (intérieurement) : "non, ce n'est pas possible !".

L'autre grand final de ce genre conclut aussi une saison 2, il s'agit de  Battlestar Galatica (Lay down your burden). Sur New Caprica, les colons sont désormais installés, Gaïus est président... Une illusion de presque happy end balayée et réduite à néant en un instant, par ces quelques dernières minutes qui relancent ce cycle fatal sans fin : l'arrivée des cylons.

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Pour autant, si la science-fiction offre des possibilités fascinantes pour conclure une saison, j'ai aujourd'hui opté pour un autre genre de bouleversement. Une fin plus basique mais tout aussi intense qui vient consacrer, de la plus terrible des façons, une autre spirale : un glissement hors de contrôle déjà perceptible, désormais irréversible. Il s'agit d'une mort particulière, comme un symbole, celle qui vient marquer la fin de la saison 5 de The Shield.

Ce meurtre glaçant prend au dépourvu par ses circonstances, tant par la victime que par l'identité du tueur... Elle marque véritablement la fin de l'idée même de la Strike Team, telle qu'on a pu la connaître en dépit de tous les aléas. La sentence de Vic, à la toute fin de l'épisode, où il promet une vengeance implacable nous confirme que plus rien ne pourra être comme avant. Même s'il ne le sait pas encore, la confrontation avec Shane se profile irrémédiablement à l'horizon. L'engrenage infernal lancé des années plus tôt vient soudain de s'accélérer dangereusement, le téléspectateur étant pleinement conscient que cela ne peut que mal se terminer.

The Shield, le superbe teaser de la saison 6 :



The Shield
- Entre la 5 et la 6, un webisode effectuait un lien entre les saisons :

24/02/2011

(Humeur) La sériephilie sans frontières peut-elle exister ?

Quand Livia met les pieds dans une cinémathèque et se prend à rêver...

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Je ne suis pas cinéphile. Cependant, je reste une grande consommatrice de culture. J'essaye de parfaire un peu mes explorations au-delà de mon obsession télévisuelle, de crainte de devenir trop exclusive. C'est ainsi qu'hier soir, je me suis retrouvée à la cinémathèque où le ciné-club local organisait une projection du magistral Château de l'araignée de Kurosawa (et pouvoir apprécier ce film sur grand écran, c'est classe). Dans les discussions qui suivirent, certains intervenants expliquant que le film avait mis de nombreuses années avant de parvenir jusqu'en France par le biais de festivals, la discussion a rapidement porté sur l'étanchéité des frontières à l'époque et les trésors qui pouvaient rester inaccessibles... Pourquoi est-ce que je vous parle de la cinéphilie de la fin des années 50 me direz-vous ? Outre que le fait que cet échange ne m'a pas paru sans faire écho à d'autres discussions sur cet autre média qu'est la télévision, mon cerveau a logiquement dérivé sur, justement, la sériephilie.

Parce que hier soir, j'ai mis les pieds au sein d'une communauté que je connais peu et j'ai pu assister - presque surprise et fascinée - à un quart d'heure d'échanges de vrais passionés comparant les différentes adaptations du MacBeth shakespearien, citant tour à tour Orson Welles, Kurosawa, puis dérivant sur les adaptations soviétiques (!) de Shakespeare. Chacun évoquait les influences qu'il y percevait, les spécificités culturelles, le classicisme de l'un, le théâtralisme de l'autre... Aucune des productions n'était dépréciée. Un vrai dialogue où chaque film était considéré comme recevable. Une fois rentrée chez moi, je n'ai pu m'empêcher de me demander... Et s'il me prenait l'envie de disserter et de réfléchir sur la perception de l'adolescence à travers le petit écran et les cultures, en comparant quelques-unes des séries emblématiques de ces dernières années, par exemple : Life Unexpected (Etats-Unis), The Secret Life of the American Teenager (Etats-Unis), Skins (Angleterre), Life (Japon), Jungle Fish (Corée du Sud), Gloomy Salad Days (Taiwan), pourquoi ai-je le sentiment que c'est avec une polie réserve que l'idée serait accueillie ? Pourquoi le premier débat est-il possible et, surtout, considéré comme normal et parfaitement légitime entre cinéphiles, tandis que le second paraîtrait impensable et sans pertinence ? Est-ce que je me suis trompée de passion ?

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 Entre défendre les frontières acquises ou explorer, il faut choisir.

Le premier contre-argument que l'on pourrait m'opposer serait sans doute celui-ci : comment parler de séries qui n'arrivent pas jusqu'à nous ? Vous aurez beau étudié vos programmes avec attention, vous ne croiserez pas un j-drama dans les grilles de vos chaînes. Notons cependant que l'alternative légale se développe peu à peu : il existe des services permettant de faire découvrir légalement au téléspectateur européen ces séries d'horizons si lointains, en témoigne le site dramapassion avec les séries sud-coréennes. Reste que, cessons la naïveté un instant, il n'y a aucune différence dans le mode opératoire du sériephile qui regarde sa série américaine le lendemain de la diffusion aux Etats-Unis et celui qui va visionner une série taiwanaise.

Serait-ce alors un problème linguistique ? Encore une fois, c'est un faux argument, tous les passionnés ne sont pas anglophones et le travail des fansubbers existe indifféremment dans tous ces domaines. D'autant qu'en France, la programmation des chaînes ne permet pas de vivre sa sériephilie par leur seul biais (le dernier massacre en date, avec The Good Wife, en étant une énième illustration) ; au minimum, le sériephile se rabat sur les DVD. Or les DVD édités ne sont pas cantonnés aux seules séries américaines, le net ouvrant la voie à des achats à l'autre bout du monde.

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Aujourd'hui, la magie des technologies fait que ces frontières longtemps rédhibitoires ont depuis des années été virtuellement abolies, alors pourquoi est-ce si difficile de s'éloigner du seul giron anglo-saxon pour découvrir - émerveillé - qu'il existe des productions dans des contrées lointaines dont on aurait presque fini par se demander s'ils possédaient bien la télévision ? Aujourd'hui, la question se pose avec d'autant plus d'acuité face à tous ces pays qui deviennent de nouveaux acteurs sur la scène internationale (économique, etc.) : avec le développement d'une industrie télévisée ayant plus de moyens et la perfection de leur savoir-faire, ces petits écrans ne vont-ils pas gagner en légitimité et en qualité ? 

J'ai tendance à voir, dans le réflexe anglo-saxon de mon entourage, en premier lieu un problème de nouveauté : chronologiquement, cet accès facilité est récent. Il n'a été consacré véritablement qu'au cours de la dernière décennie. Les sériephiles adultes actuels ont grandi à un moment où tous ces moyens n'existaient pas et donc devant une culture télévisée dépendante et façonnée par les programmations des chaînes, donnant une perception du petit écran sans doute amplifiée par la qualité des fictions proposées alors. Sauf que si les réflexes de curiosité ne naissent pas forcément spontanément, rien n'empêche de les encourager.

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Certains se réfugieront peut-être derrière une question de représentativité. Après tout, les personnes susceptibles d'être intéressées par ce brassage des cultures téléphagiques représenteraient seulement une minorité : un public de niche au sein d'un public lui-même de niche, donc trop infime pour être pris en compte ? Si je veux bien croire que les supposées démocratisation et popularisation de la mode "séries" ressemblent parfois plus à des illusions d'optique qu'à une réalité, je pense (naïvement?) que c'est une erreur d'imaginer immuable le monopole culturel existant. L'exemple fera sans doute sourire, mais récemment, je lisais un article sur la déferlante des séries sud-coréennes en... Roumanie, où elles dominent désormais les anciens programmes préalablement installés.

Parmi les causes pour rechercher les raisons de ce succès, un argument en particulier a retenu mon attention : la volonté des téléspectateurs de voir de nouvelles choses. Certes le petit écran roumain (que je ne connais pas) n'a sans doute pas le dynamisme américain, mais il reste cet appel à l'exotisme qu'offrent des séries ouvrant les portes d'une autre culture plus lointaine et avec laquelle on est moins familier. Quiconque s'est déjà lancé dans ce type de drama a forcément ressenti ce petit frisson d'excitation quand on saute le pas. Je ne dis pas que les k-dramas pourront un jour être diffusés sur une grande chaîne, mais seulement que le paysage sériephile n'est pas une fatalité et une donnée irréductible qui ne peut évoluer. Je pense même qu'il est vital, à un moment ou à un autre, d'y introduire des variations, au risque sinon de finir par'épuiser le schéma que l'on reproduit.

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Cependant, parler de sériephilie sans frontière, c'est se heurter à d'autres obstacles plus pernicieux. Il faut aussi dépasser d'autres idées préconcues sur la télévision, celles-là mêmes qui sont entretenues par ceux qui, paradoxalement, prétendent défendre ce medium. Si on peut admettre que le téléspectateur ne va pas de lui-même s'ouvrir vers cet "au-delà" téléphagique, pourquoi est-ce que ceux qui sont supposés lui fournir les clés d'entrée dans cet univers ne se posent pas, eux, cette question de la télévision existant au-delà du pré carré confortable dans lequel ils ont pris leur quartier ? Si on veut vraiment construire la sériephilie, il est nécessaire et même vital de cesser cette compartimentalisation d'un autre âge qui ne peut, à terme, que s'essoufler. C'est dans la diversité que se trouvent le fondement et la réalité de tout art, et la pérennité de toute passion.

On ne peut pas en même temps défendre les fictions qui sont issues de la télévision - en décochant des accusations de snobisme à ceux qui médisent de ces "téléfilms" - et parallèlement déprécier par ignorance ou désintérêt toute une partie, importante quantitativement comme qualitativement, de ces productions. Certains journalistes, dont les articles ont pu me faire réagir ces dernières semaines, affirment promouvoir une télévision de qualité. Je ne doute pas qu'ils le pensent sincèrement. Mais en encourageant implicitement ou explicitement cette absence d'ouverture, ont-ils conscience du caractère improductif de la démarche ? C'est nuire au medium même qu'ils cherchent maladroitement à défendre que de se limiter ainsi.

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J'ai la naïveté de croire qu'à la manière de tous les arts, cette notion encore jeune et si fragile qu'est la sériephilie devra apprendre à s'ouvrir pour grandir et acquérir sa pleine dimension, ainsi que des lettres de noblesse méritées. Il ne s'agit pas de renier les penchants naturels de tel ou tel téléspectateur pour telle ou telle télévision, mais seulement d'être prêt à envisager l'idée et à reconnaître le fait que l'on effleure seulement la richesse et la diversité du petit écran. Parce que parfois, devant certains articles pourtant rédigés probablement sans arrière-pensée, j'éprouve le sentiment désagréable que cette fameuse échelle de valeurs tant décriée, née des rapports oedipiens de la télévision et du cinéma, ce mépris sur lequel tant de sériephiles formulent tant de plaintes (légitimes), nous le reproduisons tout aussi naturellement et arbitrairement dans la hiérarchie subliminale que l'on pose entre les Etats-Unis et le reste du monde.


Peut-être suis-je naïve ou/et trop ambitieuse. Peut-être est-ce que je place dans cette passion des espoirs démesurés qui n'ont pas lieu d'être. Ne voyez dans ce billet qu'un exutoire désordonné de frustrations qui ont beaucoup grandi dernièrement. Je devrais sans doute cesser ces réflexions vaines sur mon rapport au petit écran. Je n'ai pas de perspective suffisante pour problématiser et prendre du recul sur toutes ces questions... Mais j'ai quand même le droit de rêver tout haut du jour où je pourrais vraiment et en toute légitimité avoir cette discussion sur l'adolescence dans les séries télé dont j'ai parlé plus haut. Est-ce utopique ?

23/02/2011

(K-Drama / Pilote) President : la bataille pour la Maison-Bleue sera sans pitié


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Il ne sera pas dit que l'on peut passer tout un mois sur My Télé is Rich ! sans retourner en Corée du Sud, et c'est donc au pays du Matin Calme que nous entraîne ce dernier mercredi asiatique de février. Après plusieurs semaines désertiques, enfin, il y a eu une étincelle dans mes programmes sud-coréens ! Ou plutôt, une satisfaction personnelle tout d'abord : j'ai mis la main sur des sous-titres anglais de qualité pour apprécier les premiers épisodes d'un drama sur lequel je voulais jeter un oeil depuis plusieurs mois et que j'avais presque fini par oublier : President. Et cerise sur le gâteau : j'ai aimé (la série) !

Diffusé sur KBS2 depuis le 15 décembre 2010, ce drama s'achèvera demain soir en Corée du Sud, au terme de 20 épisodes, dans une relative confidentialité. Car parmi les séries politiques de ces derniers mois, c'est la calibrée Daemul qui s'est envolée vers les sommets, tandis que President n'a jamais pu ne serait-ce que frôler des taux d'audience à deux chiffres. Sauf qu'il m'avait fallu trois fois pour parvenir laborieusement au bout du pilote excessivement brouillon de Daemul, et qu'on a beau depuis m'en vanter les supposés mérites par la suite, honnêtement, je n'ai pas trouvé la motivation pour poursuivre cette expérience peu concluante. A l'opposé, ce week-end, une fois le premier épisode de President lancé, je n'ai plus pu décoller de mon petit écran avant d'avoir fini le... troisième épisode.

Certes les amateurs de romances ou encore de comédies légères passeront sans doute leur chemin sans regret, mais pour le moment, ce cocktail accrocheur et pimenté entre dynamiques politique et familial se révèle franchement très addictif.

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President (프레지던트) nous plonge dans les tumultes d'une vie politique sud-coréenne qui s'agite à l'approche de la future élection présidentielle. [Parenthèse constitutionnelle : La Corée du Sud un régime présidentiel, dans lequel le président est élu au suffrage universel direct pour un mandat de cinq ans non renouvelable.] Au sein du parti au pouvoir (The New Wave Party), les ambitions de chacun s'affirment. De l'héritier présomptif, Premier Ministre à l'image policée, au jeune parlementaire ambitieux qui entend bien ne pas patienter et est prêt à brûler les étapes pour arriver au sommet, les primaires vont déjà offrir une première manche d'opposition très musclée, d'où un seul prétendant pourra émerger. Après avoir un temps hésité, appuyé par une épouse tout autant ambitieuse, Jang Il Joon décide de se lancer dans la bataille électorale, à quelques mois de la date fatidique des primaires, dans l'espoir d'obtenir l'investiture du Parti de la Nouvelle Vague.

Parallèlement, le jour-même de son annonce de candidature, dans une petite île éloignée de toutes ces préoccupations, une explosion de gaz, a priori accidentelle, dans une vieille maison, tue son habitante, tandis que son fils en réchappe de peu. Ce dernier, Yoo Min Ki, est un jeune réalisateur de documentaire travaillant à Séoul. Quelques jours après, encore sous le choc, alors qu'il reprend difficilement le travail, il est sollicité directement par l'équipe de campagne de Jang Il Joon : lui est offerte la possibilité de venir filmer un documentaire sur les coulisses de la campagne, avec des conditions d'accès particulièrement avantageuses. Peu politisé et guère intéressé par ces sujets, Min Ki reste un temps sceptique devant cette proposition dorée, n'en comprenant pas la raison.

Mais sa première rencontre avec Jang Il Joon va l'éclairer de la plus surprenante des manières et lui donner la clé manquante : ayant appris le décès de sa mère, le politicien lui révèle être ce père biologique absent dont elle avait toujours tu le nom, emportant son secret dans sa tombe. Peu disposé à l'égard de cette soudaine figure paternelle imposée dont il doute des réelles motivations, Min Ki va cependant essayer d'apprendre à le connaître, rapidement conscient de la puissance de nuisance dont il dispose. La révélation de l'existence d'un fils illégitime causerait en effet un scandale suffisant pour anéantir toute chance électorale. Mais quel est donc le degré de sincérité de Jang Il Joon ? Qui manipule qui dans ces jeux politiciens où les pions sont si facilement sacrifiables et sacrifiés ?

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L'attrait de President réside tout d'abord dans sa capacité à mêler et alterner habilement les deux grandes thématiques que la série investit, entre tumultes politiques et soubresauts familiaux. Deux thèmes au sein desquels le drama va introduire un même parfum de compromis et d'ambiguïté qui se révèle très accrocheur.

Le récit débute chronologiquement avec l'annonce par Jang Il Joon de son intention de briguer l'investiture de son parti, ouvrant la première étape de cette quête vers la Maison-Bleue : les primaires. Si la série se montre naturellement plus versée dans l'éclairage des rouages des basses oeuvres de la politique politicienne que dans le débat d'idées, un des aspects à mettre à son crédit sera incontestablement sa capacité à installer une tonalité chargée d'ambivalences. Portée par des protagonistes aux priorités équivoques, par rapport auxquels il est parfois difficile de se positionner pour le téléspectateur, la série n'est absolument pas manichéenne. Tout en dressant un portrait de ce milieu éloigné de tout idéalisme, elle ne tombe pourtant pas dans un excès désillusionné inverse. Notons que c'est faire preuve d'une maturité narrative à saluer que de savoir éviter cet écueil sur lequel tant d'autres séries politiques se sont échouées : President ne propose pas le récit de l'ascension d'une figure soi-disant providentielle. Conservant une distance opportune avec son sujet, c'est avant tout à une prenante quête du pouvoir que ce drama nous convie.

En effet, President apparaît surtout comme une série sur l'ambition. L'idée principale qui semble guider les scénaristes reste celle-ci : la politique est un combat, de conceptions du pouvoir autant que de personnes. C'est sur cette dimension que le drama appuie en s'attachant à dévoiler, sans complaisance aucune, la mécanique impitoyable de ces jeux de politique politicienne. Jang Il Joon aura beau se draper dans un étendard de probité qu'il porte haut, et qu'il respecte sur certains points par la grâce d'une morale à géométrie variable, le téléspectateur ne se départira jamais d'une certaine réserve à son égard, se demandant surtout si l'éthique à vraiment quelque chose à voir avec son refus de certaines compromissions. N'est-ce pas plutôt un prudent instinct de survie qui lui fera chercher à préserver le futur de ses ambitions ? Car quand les portes de la salle de stratégie se referment, face à la réalité des sondages, la fin justifiera toujours les moyens. Et il n'aura pas d'hésitation à user de toutes les armes dont il dispose... 

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Au-delà de son immersion dans ce cambouis politique, President va ainsi capter l'attention du téléspectateur par la complexité de ses personnages, transposant cette sourde ambiguïté jusque dans leurs rapports, même familiaux. Cette dimension humaine, que le drama n'oublie pas de soigner, permet de ne jamais dépersonnaliser ou déshumaniser ces jeux de pouvoir, offrant ainsi un pendant concret aux problématiques politiques. Cela permet de s'assurer de la fidélité d'un téléspectateur qui, sans forcément aimer instantanément les personnages, se sent rapidement impliqué dans le sort de chacun. Si President ne renie pas une influence proche parfois de la dynamique de certains soaps, elle évite pour le moment habilement d'en faire trop, tout en se ménageant des possibilités d'évolution familières (la fille aînée opportunément "adoptée", par exemple). Dans le même temps, la série intrigue par des protagonistes dont les personnalités semblent continuellement se complexifier.

Que penser de la facilité avec laquelle Jang Il Joon décide exposer son fils (légitime) à une humiliation, forme de punition qu'il a certes bien cherché, mais qui surtout permet à son père de récupérer politiquement l'affaire ? Comment interpréter le geste fait à l'égard de Min Ki ? La révélation spontanée laisse le téléspectateur songeur, tout comme l'explication sybilline donnée ("tout fils a droit de connaître son père"). A l'image du jeune homme, le téléspectateur ne peut qu'être troublé devant la coïncidence entre la mort de sa mère et l'annonce de candidature de ce père biologique qui aurait tout à perdre dans ces révélations. Pour autant, c'est bien Jang Il Joon qui a pris lui-même l'initiative de dévoiler la vérité à un fils caché qui ignorait tout. A l'instar des autres personnages, Min Ki prend rapidement la mesure de ce milieu teinté de faux-semblants où les rapports de force semblent la seule vérité. Si bien qu'à son tour, il délaisse sa relative naïveté initiale, se mettant au diapason d'un ensemble assurément très pimenté. 

De façon plus générale, President esquisse des rapports familiaux particulièrement ambivalents, qui vont rester difficiles à cerner. Certes la cellule familiale demeure fondamentale. Mais derrière une apparence faussement unie, chacun semble tiraillé par son propre sens de la grandeur et sa conception personnelle de la famille, à l'image de Jo So Hee, épouse et mère impliquée, décidée à atteindre les sommets tout en protégeant les êtres qui lui sont chers. Héritière d'un grand groupe industriel, c'est pour elle que Jang Il Joon a oublié, le temps d'un séjour en Europe, cette jeune femme simple perdue sur son île, enceinte de ses oeuvres. So Hee n'a pas une fonction de faire-valoir : elle est autant une alliée de poids, qu'un possible point faible, ses actions, moins réfléchies, pouvant se révéler dangereuses. Reste que sa priorité familiale apparaît sincère, face un époux tout à ses rêves présidentiels. Fragilisée par la campagne électorale, l'introduction (pour l'instant secrète) de Min Ki risque bien de déstabiliser un peu plus une famille plus fragile que l'image renvoyée.

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Sur la forme, President s'avère plutôt soigné et assez plaisant. La réalisation est dynamique, à l'image du rythme d'ensemble de la série. On ressent une volonté manifeste de bien faire qui est agréable. Cependant ces efforts n'échappent malheureusement pas à la tentation de trop en faire, notamment relativement à la bande-son. En effet, c'est un recours constant à la musique que propose ce drama, entre divers accompagnements instrumentaux et autre ces petits thèmes au piano - à l'écoute certes plaisante -, qui finit par banaliser cette utilisation. Quasiment aucune scène ne va se dérouler sans une touche musicale, plus ou moins envahissante, en arrière-plan sonore. Comme la série est peu contemplative et jamais figée, on échappe à l'impression clipesque que donnent certains k-dramas. Mais, même si cela ne gêne pas le récit, cette débauche musicale apparaît un peu excessive.

Enfin, le casting laisse une impression d'ensemble globalement satisfaisante, confirmant l'appréciation positive que l'on ressent à l'égard de la galerie de personnages rapidement identifiables. Choi Soo Jong (Emperor of the Sea), que j'avais déjà trouvé convaincant l'été dernier dans Comrades, incarne à merveille ce politicien charismatique qui, derrière des principes de moralité affichés, ne manque pas d'ambiguïté. Ha Hee Ra (Catch a Kang Nam Mother, Give me food), son épouse à la ville comme à l'écran, offre un pendant parfait pour compléter ce couple ambitieux, collaboratrice active aux projets de son mari. Pour incarner leurs enfants, Wang Ji Hye (Personal Preference), en fille aînée responsable, trouve rapidement ses marques, tandis que Sung Min (du groupe Super Junior) reste pour l'instant cantonné à quelques brèves apparitions. Vous savez que j'ai toujours un peu tendance à me méfier des chanteurs devenant acteurs surtout dans leurs premiers dramas ; mais pour incarner le fils illégitime, j'avoue avoir été agréablement surprise par la prestation de Jay Kim (du groupe Trax). En plus d'être plus que charmant (c'est le moment de vous confesser mon léger crush), j'ai trouvé qu'il délivrait une performance d'ensemble globalement solide. Quant aux rôles secondaires globalement plutôt bien travaillés - ce qui est appréciable -, signalons notamment la présence de Kang Shin Il (Call of the country), Im Ji Eun (The Painter of the wind), Lee Doo Il (Chosun Police 3) ou encore Kim Heung Soo (Invicible Lee Pyung Kang). 

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Bilan : President est un drama rythmé et accrocheur, qui trouve rapidement le juste équilibre entre politique et famille, sachant pleinement exploiter tous les ressorts émotifs et dramatiques, teintés d'un machiavélisme de circonstance, que ces thématiques permettent. Nous plongeant dans une arène politique qu'elle dépeint sans complaisance, la série fait preuve d'une maturité narrative louable pour intéresser le téléspectateur à ces jeux de pouvoir. Elle évite aussi bien la déshumanisation de ce versant aride de politique politicienne que la facilité qu'aurait offerte la mise en scène d'une supposée figure providentielle. Se construisant autour de personnages ambivalents, souvent intriguants, et dont le sort ne nous est pas indifférent, President se révèle un drama efficace, calibré mais atypique par son thème, qui sait donner envie de s'y investir.


NOTE : 7/10


Une bande-annonce de la série :


Une chanson de l'OST :