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30/08/2013

(Mini-série UK) The Mill : ces enfants-ouvriers du XIXe siècle

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Cet été, Channel 4 avait décidé de ne pas offrir à ses téléspectateurs l'évasion et la légèreté promises pour la période estivale. Au contraire, la chaîne anglaise a proposé une trilogie de mini-séries, aux thèmes très différents, mais qui partageaient toutes une même noirceur. La première de ces fictions, Run, a été la moins aboutie, une semi-anthologie s'essayant à la chronique sociale sans trouver l'équilibre et le ton juste recherchés. Les deux autres mini-séries se sont révélées autrement plus marquantes, et méritent l'attention chacune à leur manière. En attendant de revenir prochainement sur Southcliffe, évoquons aujourd'hui celle qui s'est démarquée avec un succès public assez inattendu : The Mill.

Programmée le dimanche soir, en plein été (du 28 juillet au 18 août 2013), dans une case horaire qui n'est pas des plus faciles à négocier pour Channel 4, ce period drama a admirablement tiré son épingle du jeu : après des débuts très solides - 2,8 millions de téléspectateurs, soit rien moins que le meilleur lancement de la chaîne depuis trois ans -, il s'est maintenu jusqu'au final frôlant les 2 millions. Écrite par John Fay (à qui l'on doit notamment quelques épisodes de la saison 3 de Torchwood - et un passage par le soap Coronation Street), cette mini-série en quatre parties avait en plus un sujet dur, puisqu'elle traite des conditions de travail des enfants dans le premier XIXe siècle. Vous connaissez tout mon intérêt pour cette période : j'étais aussi curieuse qu'intriguée de voir un tel sujet porté à l'écran. Une bonne chose puisque The Mill s'est révélée très intéressante à suivre !

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The Mill relate le quotidien d'une manufacture de textile, située dans la campagne anglaise, dans le Cheshire. Elle se déroule en 1833 : les revendications sociales s'expriment alors par l'intermédiaire du Ten Hour Movement qui vise à faire adopter une loi permettant l'amélioration des conditions des ouvriers par la réduction du nombre d'heures travaillées dans la journée. Signe de la recherche d'authenticité manifeste, la mini-série s'inspire directement des archives de la Quarry Bank Mill. [Pour une utile re-contextualisation, je vous conseille l'article qu'a consacré sur le sujet RadioTimes : The real story of the child slaves of the Industrial Revolution, qui nous apprend notamment que les vues du personnage d'Esther sont basées sur les propres impressions de la jeune femme retrouvées dans les archives.]

La manufacture est dirigée par la famille Greg, dont le fils aîné, Robert, a pris la direction. Il est un des plus ardents opposants au Ten Hour Movement, faisant un lobbying incessant auprès du législateur. Mais au sein même de son entreprise, la rigidité paternaliste avec laquelle il gère ses employés va être remise en cause par certains. C'est le cas notamment d'une apprentie, Esther Price : cette adolescente n'entend pas se laisser faire face à divers abus d'autorité dont ses camarades sont victimes. L'arrivée d'un nouvel employé, ayant déjà un historique dans les mouvements ouvriers, va aussi ouvrir la Quarry Bank aux revendications qui traversent le pays.

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Traitant d'un sujet fort, The Mill est un period drama à la reconstitution historique convaincante qui immerge sans difficulté le téléspectateur dans les problématiques de son époque. Il choisit d'aborder la condition des ouvriers anglais dans le cadre de la révolution industrielle, en s'arrêtant tout particulièrement sur la situation des enfants placés dans ces manufactures de textile, qu'ils soient orphelins ou issus de familles n'ayant pas de moyens de subsistance. Ils forment ainsi une main d’œuvre agile et bon marché placée derrière les machines. La mini-série décrit avec précision leur quotidien, fait de journées interminables, de la cloche matinale à la prière du soir, et souligne d'entrée de jeu les dangers qui guettent ces jeunes apprentis. Dressant un portrait sans fard, très brut, elle évoque les difficultés et épreuves qui parsèment leurs journées, et ce sans misérabilisme.

Pointant les limites et, surtout, l'hypocrisie de la gestion paternaliste qui prévaut alors dans le patronat rural, The Mill entreprend de nous relater les premiers soubresauts émancipateurs de ces travailleurs. En filigrane, s'esquisse une démonstration lourde de symboles. Les Greg, propriétaires de manufactures en Angleterre, détiennent également, dans les colonies, une fabrique de coton. Ce n'est pas une main d’œuvre orpheline, mais esclave, qui y est exploitée. Alors que l'esclavage s'apprête à être aboli, The Mill insiste sur les différentes attitudes face aux deux situations mises en parallèles. Plus que le pragmatisme financier des Greg, décidés à instrumentaliser la loi pour servir leurs intérêts, ce sont les prises de position de la matriarche qui marquent. Elles témoignent de son incompréhension : militant en faveur de l'abolition, elle n'a pas conscience de la reproduction en Angleterre de schémas d'exploitation suivant la logique économique et juridique du capitalisme industriel d'alors.

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En raison de son sujet et de l'approche choisie, en voulant mettre en scène les difficiles conditions de vie et de travail passées, The Mill a pu être rapprochée, outre-Manche, des ambitions de The Village, dont la première saison a été diffusée au printemps sur BBC1 (elle se déroulait au début du XXe siècle). Cependant, The Mill se révèle moins pesante et éprouvante que cette dernière. Recherchant toujours le juste équilibre dans sa tonalité, la mini-série ne verse pas dans le mélodrame. Si elle peut être très dure, elle prend aussi soin de se ménager des passages plus légers, avec quelques instantanés chargés d'humanité, de solidarité. Si bien que, tout en conservant une certaine fatalité réaliste, le récit est traversé par une vraie vitalité.

Malgré les injustices et les tragédies qui frappent durement ces jeunes gens exposés à trop d'abus potentiels, l'espoir ne s'éteint jamais complètement. La fiction est ici efficacement menée : jamais figée, l'histoire progresse, et de nouvelles ouvertures finissent toujours par apparaître. The Mill met en scène des personnages souhaitant prendre leur vie en main. Certains veulent croire en un avenir meilleur ; leurs actions parviennent à réaliser des choses, qu'importe si ce n'est parfois qu'anecdotique et éphémère. Le téléspectateur s'attache à ces protagonistes : il prend fait et cause pour les révoltes d'Esther et pour tout ce qui permet de faire évoluer, peu à peu, le rapport de force entre les apprentis et les ouvriers et leur patron. Tout est gris et nuancé dans cette fiction, et la fin confirme cela : satisfaisante sur certains points, frustrante sur d'autres, et révoltante quant au sort d'un jeune en particulier. 

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Sur la forme, The Mill convainc dans son registre de period drama : il s'agit d'une reconstitution historique sérieuse. La réalisation est solide, plongeant le téléspectateur dans des images où la dominante grisâtre trouve tout son sens. En guise de générique, une petite mélodie introductive nous glisse dans la manufacture, avec une sobriété qui correspond au traitement brut et authentique voulu.

Enfin, la mini-série rassemble un casting solide au sein duquel Kerrie Hayes (Good Cop) se démarque particulièrement dans le rôle d'Esther, inébranlable jeune femme qui n'entend pas accepter sa situation et les abus dont elle et ses camarades peuvent être victimes. Autre ouvrier refusant la soumission attendue, Matthew McNulty (Five Days, Lark Rise to Candleford, The Syndicate, Misfits, The Paradise) incarne Daniel Bates qui ouvre notamment la manufacture aux écrits revendicatifs des mouvements dont il est proche. Parmi les employés, on retrouve également Holly Lucas ou encore Connor Dempsey. De l'autre côté des rapports de travail, Robert Greg est interprété par Jamie Draven (Ultimate Force), Donald Sumpter (Our Friends in the North, Being Human, Game of Thrones) jouant son père, et Barbara Marten (Harry, Public Enemies, Kidnap and Ransom), sa mère. Claire Rushbrook (The Fades, Collision, Whitechapel, My Mad Fat Diary) et Kevin McNally incarnent quant à eux le couple en charge des apprentis. Quant à Aidan McArdle (All about George, Jane Eyre, Garrow's Law), il est un des leaders ouvriers du Ten Hour Movement.

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Bilan : Traitant d'un sujet fort - ces enfants apprentis que la révolution industrielle a installée derrière les machines -, The Mill est une fiction dure, mais pas dénuée d'espoir. Elle s'adresse au futur, annonçant et appelant les changements à venir, plus qu'elle ne les réalise (le Factory Act de 1833 comprendra finalement certes des avancées, mais il sera loin d'acter toutes les revendications ouvrières). Dressant un portrait précis et sans fard des relations de travail d'alors, où prédomine un paternalisme patronal amené à être remis en cause, la mini-série sait nous faire partager les aspirations de ses personnages. Doté d'un récit à la progression efficace, c'est donc une œuvre solide.

En résumé, tout en reconnaissant avoir une affinité toute particulière pour les thèmes de cette fiction - tous les publics n'y seront peut-être pas sensibles -, voilà une série que j'ai beaucoup aimée, et que je recommande sans hésitation.


NOTE : 7,5/10


La bande-annonce de la mini-série :

28/08/2013

(K-Drama / Pilote) Two Weeks : compte à rebours impitoyable aux portes du mélodrame

 
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En ce mercredi asiatique, retour en Corée du Sud, où une vague de nouveautés est arrivée ces dernières semaines. Depuis le printemps, vous avez dû remarquer que j'ai souvent jeté mon dévolu sur des séries sud-coréennes riches en tensions et/ou en actions (Empire of Gold, Cruel City, Shark... et même The End of the world ou The Virus), plutôt que sur des fictions légères. Chaque téléspectateur a ses affinités d'un jour et ses humeurs. Ceci dit, la lassitude commençant à pointer, je m'étais promis de rediversifier un peu mes visionnages... Mais, en attendant, j'ai été incapable de résister à tester Two Weeks, en guise de première nouveauté d'août. La diversification, ce sera pour le mois prochain !

Two Weeks est diffusé sur MBC depuis le 7 août 2013, les mercredi et jeudi soirs. Derrière ce drama promis d'être un thriller teinté de mélodrame, on retrouve à l'écriture So Hyun Kyung (Shining Inheritance, Prosecutor Princess, 49 Days) qui s'essaie donc cette fois au registre du suspense, tandis que la réalisation a été confiée à Son Hyung Suk (Personal Preference). Côté casting, le drama devrait s'assurer une certaine visibilité avec la présence de Lee Jun Ki. Sur le papier, Two Weeks laissait entrevoir des promesses, mais aussi certaines réserves au vu du projet annoncé. Et je dois dire que les trois premiers épisodes ne m'ont pas pleinement convaincu...

[Cette review a été rédigée après les trois premiers épisodes.]

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Jang Tae San est un petit escroc, obnubilé par les femmes et les jeux d'argent, qui vit au jour le jour et sans assumer la moindre responsabilité. Pas particulièrement apprécié dans son milieu, il ne se préoccupe guère de l'opinion des autres. Sa perspective change le jour où une ancienne petite amie, Seo In Hye, vient le voir sur son lieu de travail. Ils se sont séparés de manière très douloureuse il y a plus de huit ans, Tae San la pressant alors d'avorter de l'enfant qu'elle attendait. In Hye n'a cependant pas fait ce qu'il réclamait : elle a eu, et élevé seule, une petite fille, Soo Jin.

Désormais fiancée, In Hye aurait tout pour être heureuse. Malheureusement, sa fille est atteinte de leucémie : sans donneur, elle est condamnée. Elle vient demander à Tae San de passer les examens permettant de déterminer s'il peut être un donneur compatible : il est son dernier espoir pour sauver Soo Jin. Après avoir hésité, le jeune homme accepte de se rendre à l'hôpital. Les résultats sont positifs, et l'opération est fixée dans 14 jours. L'échéance commence pour préparer médicalement la petite fille, sans retour en arrière-possible si le donneur fait faux bond. Or Tae San est piégé par un dirigeant de la pègre locale : il est arrêté par la police sur les lieux d'un meurtre et accusé du crime qu'il n'a pourtant pas commis.

Échappant aux autorités, il a deux semaines pour rester en vie et sauver sa fille, avec la police, mais aussi des tueurs, lancés à ses trousses.

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Two Weeks connaît les classiques du petit écran de son pays : de la leucémie au thème de la corruption des élites, les ressorts sont familiers et le téléspectateur ne doute pas un seul instant être installé devant un drama sud-coréen. Au point de sonner par moment très "déjà vu" et de frustrer quelque peu par manque d'innovation. Le concept de départ pose cependant un mélange intriguant et prometteur, permettant de jouer sur plusieurs tableaux en oscillant entre émotion dramatique et thriller à suspense. Tout l'enjeu va être de parvenir à trouver le bon dosage et de marier ces tonalités. Sur ce point, les premiers épisodes sont corrects, même si l'écriture laisse entrevoir ses limites.

Le grand atout du drama, ce qui renforce la curiosité d'un téléspectateur qui mettrait un peu de temps à s'acclimater, est qu'il s'agit d'une histoire construite comme un compte-à-rebours, avec l'opération programmée pour sauver la fille de Tae San en guise d'échéance. Les objectifs sont donc clairement définis, on sait où l'on va : l'enjeu est, pour Tae San, d'arriver en vie (et si possible libre) au terme du récit. Le tout s'anime suivant un rythme narratif régulier, sans précipitation artificielle, même si le drama tire parfois un peu trop sur la corde en gagnant du temps face à certains développements, ce qui cause quelques longueurs.

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A partir de ce cadre, Two Weeks dispose d'un autre atout d'importance : le personnage de Tae San. Représentant l'anti-héros par excellence et toute l'ambivalence qui s'y rattache, il s'est enfermé dans une spirale sans lendemain, jouant les irresponsables et les gigolos d'un soir. Traité avec mépris par ceux qui l'entourent, il a parfaitement conscience de sa situation et n'est pas loin de partager leur opinion. L'arrivée de son ex-amie, la découverte de sa paternité et, surtout, pour la première fois, la possibilité qui lui est offerte de réaliser une action qui compte, changent soudain la donne. Alors qu'il avait baissé les bras, c'est une voie possible de rédemption qui lui est ouverte. Ne laissant pas indifférent, il implique le téléspectateur dans cette quête hésitante vers le rachat.

Malheureusement, Tae San est isolé : les autres personnages sont moins soignés, avec un problème au niveau des figures féminines unidimensionnelles et souvent faibles. Plus qu'In Hye, lisse et passive, dans un rôle pour l'instant limité, c'est la procureure Park Jae Kyung qui signe l'entrée la moins convaincante. Alors que son personnage a un fort potentiel - elle est la seule parmi les autorités à pouvoir comprendre ce qui s'est passé -, elle se révèle inconsistante et vaguement hystérique. Cette inégalité générale de traitement est assez frustrante, car si le drama repose à juste titre sur les épaules de Tae San, il se retrouve déséquilibré par l'absence de pendant à cette figure centrale.

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Sur la forme, Two Weeks déçoit un peu : sa réalisation moyenne, et assez générique, ne parvient pas à insuffler le souffle dramatique que l'histoire devrait pouvoir générer. Si le réalisateur amuse par quelques clins d’œil cinématographiques (en incluant des images de films comme Le Fugitif), les effets de style tentés tombent souvent à plat. La bande-son n'est pas non plus particulièrement marquante, à part quelques fulgurances : elle est un arrière-plan sonore pas toujours bien utilisé, alors même que la chanson principale de l'OST est correcte (cf. la deuxième vidéo ci-dessous).

Enfin, Two Weeks rassemble un casting qui m'est a priori sympathique, mais qui souffre un peu des limites de l'écriture et de la mise en scène. Une question de réglage au démarrage peut-être. Lee Jun Ki (Time between Dog and Wolf, Iljimae, Arang and the Magistrate) entraîne sans difficulté le téléspectateur dans les dilemmes de son personnage sombre pour lequel le téléspectateur cherche et espère instinctivement une voie vers la rédemption. Park Ha Sun (Dong Yi) évolue pour le moment dans un rôle larmoyant assez limité de mère inquiète pour son enfant, épaulée par Ryu Soo Young (Ojagkyo Brothers, The Lawyer of the Great Republic Korea), à la fois policier et futur beau-père. Mais celle qui m'a le moins convaincu est Kim So Yeon (IRIS, Prosecutor Princess, Doctor Champ). J'écris cela avec regret car je l'apprécie, mais les excès de son personnage n'ont pas posé une assise crédible à une figure pourtant prometteuse. L'actrice sur-joue trop et rate le coche. Quant aux opposants, si Kim Hye Ok s'impose en politicienne retorse cachant bien son jeu, Jo Min Ki est bien transparent pour devenir un méchant d'envergure.

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Bilan : Empruntant des ingrédients narratifs éprouvés du thriller comme du mélodrame, Two Weeks a pour lui un concept efficace, avec un vrai potentiel. Le drama peut en plus s'appuyer sur une figure centrale convaincante, anti-héros ambivalent dont le téléspectateur va guetter l'éventuel rachat. Cependant, l'écriture assez balisée laisse entrevoir des limites dès ces premiers épisodes. Plus problématiques, les personnages féminins déséquilibrent pour le moment le récit. La réalisation n'a pas non plus l'apport attendu dans ce type de fiction qui prêtant mêler tension et émotion. Two Weeks signe donc une introduction en demie teinte, et je ne suis pas certaine de me prendre au jeu longtemps si elle ne corrige pas certains aspects.


NOTE : 5,75/10


Une bande-annonce du drama :

Une chanson de l'OST :

24/08/2013

(UK) The Field of Blood : The Dead Hour, saison 2 : enquête écossaise et journalisme sous Thatcher


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Deux ans après sa première saison, The Field of Blood était de retour sur BBC1 en ce mois d'août 2013. Pour cette saison 2, la série adapte le deuxième tome des enquêtes de Paddy Meehan, The Dead Hour, publié en France sous le titre La mauvaise heure. Elle a conservé inchangé son format : la saison compte toujours deux épisodes de 55 minutes environ, qui ont été diffusés à la suite les jeudi 8 et vendredi 9 août en Angleterre. Si Peter Capaldi n'est plus là, on retrouve toujours dans la salle de rédaction de ce quotidien de Glasgow, Jayd Johnson, David Morrissey ou encore Ford Kiernan, tout en accueillant Katherine Kelly. The Field of Blood leur doit beaucoup afin de proposer deux heures de télévision sympathiques, à défaut de véritablement se démarquer.

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The Field of Blood se déroule à Glasgow, en 1984, dans un contexte social tendu, durant le mouvement de grève des mineurs contre la politique menée par Margaret Thatcher. Ce sont des pans entiers de l'économie qui sont en voie de restructuration, et les médias n'y échappent pas non plus. Paddy Meehan est désormais devenue une journaliste, accomplissant donc le métier de ses rêves. Mais le quotidien dans lequel elle travaille est racheté par un nouveau groupe qui entend le remodeler afin d'assurer sa survie.

Une nouvelle rédactrice en chef, Maloney, est ainsi nommée, laquelle va vite se heurter à celui qui dirigeait jusqu'alors la ligne éditoriale, Devlin. Dans le même temps, Paddy et McVie enquêtent sur le meurtre d'une avocate, liée aux mouvements de grève que les autorités s'activent à briser ou à discréditer. Plus qu'une simple investigation policière, cette affaire a des résonances politiques qui conduisent les deux journalistes dans des situations dangereuses. Tandis que les directives de Maloney interrogent chacun sur sa conception du journalisme, Paddy décide de poursuivre l'enquête coûte que coûte.

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Cette nouvelle aventure de Paddy Meehan conserve une part du charme, mais aussi des limites entrevues lors de la première saison. La série n'a aucun problème pour capter l'attention du téléspectateur, avec diverses morts qui intriguent et des liens qui ne demandent qu'à se dévoiler entre les différents évènements mis en scène. The  Field of Blood sait tirer parti de la période historique qu'elle va exploiter : l'immersion dans les 80s' fonctionne notamment grâce à l'ajout d'une toile de fond sociale, liée aux années Thatcher et à la grève des mineurs. Cela permet de connecter l'investigation de Paddy à des enjeux qui dépassent la seule police, avec une dimension politique prédominante. On pourra cependant reprocher à cette remise en contexte un traitement qui reste très sommaire, n'hésitant pas à emprunter quelques raccourcis sans doute encouragés par le format court de la saison. Dans l'ensemble, c'est par excès d'académisme que la série pèche, aboutissant à une histoire trop calibrée pour véritablement marquer.

Si le déroulement du récit laisse donc quelques réserves, The Field of Blood se montre plus assurée du côté de ses personnages : elle repose en effet en grande partie sur la sympathie qu'ils suscitent, avec en figure de proue une héroïne toujours attachante. Désormais journaliste, Paddy a mûri par rapport à la première saison, mais elle demeure fidèle à elle-même sur bien des points. Devant composer avec le machisme ambiant du milieu dans lequel elle évolue, elle a conservé son franc-parler et ses certitudes, même si ces dernières seront plus d'une fois ébranlées. L'écriture laisse néanmoins entrevoir certaines limites, notamment un manque de nuances dans la caractérisation de certains personnages, voire une  approche qui demeure un peu trop superficielle, parfois même portée vers la caricature à l'image de Maloney, femme durablement endurcie dans un métier où elle a gravi les échelons sans aide. Enfin, la brève aventure d'un soir de Paddy a aussi un air très "déjà vu", son grand intérêt résidant dans le possible développement que cette ouverture offre vers une éventuelle suite (et de nouveaux thèmes à introduire).

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Sur la forme, The Field of Blood bénéficie d'une réalisation maîtrisée, et il n'y a dans l'ensemble rien à redire sur ce qu'elle propose visuellement. En effet, la série exploite très correctement le registre du period drama, dans ses costumes comme dans sa bande-son, pour entraîner le téléspectateur dans une immersion au sein des 80s' qui conserve un charme certain.

Enfin The Field of Blood bénéficie d'un casting sympathique. Jayd Johnson (River City) a un jeu qui reste un peu limité, mais le rôle de Paddy Meehan lui convient bien. David Morrissey (State of Play, Blackpool, Meadowlands) apporte quelques éclats et, comme toujours, une présence solide à l'écran. Ford Kiernan (Still Game, Dear green place) s'impose sans difficulté en vieux briscard du journalisme. Enfin, Katherine Kelly (Mr Selfridge) ne démérite pas en incarnation de la femme fatale, mais l'écriture la dessert vite, son personnage s'enfermant dans une caricature un peu facile.

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Bilan : Tout en proposant une reconstitution historique des 80s', The Field of Blood entremêle à sa manière journalisme et investigation. Si son enquête intrigue, ses développements manquent d'une tension légitimement attendue. Cependant la fiction continue de pouvoir s'appuyer sur des personnages attachants. Au final, The Field of Blood reste une fiction confortable et sympathique, agréable à suivre (d'autant qu'elle reste brève) sans pour autant marquer. Elle offre une petite incursion écossaise qui sied à la période estivale.


NOTE : 6,75/10


La bande-annonce de la saison :

21/08/2013

(J-Drama) Double tone : deux rêves en parallèle, deux vies entrecroisées

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En ce mercredi asiatique, je vous propose de poursuivre notre exploration de la saison estivale japonaise. Plus précisément, il s'agit de faire le bilan d'un drama diffusé les samedi soirs, de fin juin à début août 2013, sur NHK BS Premium : Double tone. Comportant 6 épisodes, d'une demi-heure environ, il s'agit de l'adaptation d'un roman de Shinji Kajio publiée en 2012. Le scénario a été confié à Akari Yamamoto, et la réalisation à Koichiro Miki. L'intérêt de Double tone tient au fait qu'il s'agisse d'une série tendant vers le registre fantastique en raison d'un concept de départ pour le moins intriguant. Elle va cependant explorer son mystère suivant une approche avant tout dramatique. Sans parvenir à exploiter tout le potentiel que son sujet laissait entrevoir, ce drama n'en reste pas moins une fiction correcte.

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Double tone propose aux téléspectateurs d'assister aux destins croisés de deux femmes qui n'ont a priori rien en commun, si ce n'est leur prénom. En effet, Tamura Yumi est une mère de famille qui divise tout son temps entre son travail à mi-temps et la gestion du foyer familial à s'occuper d'un mari et d'une petite fille qui n'ont pas toujours conscience des efforts qu'elle fait pour eux. A l'opposé, Nakano Yumi est une jeune femme célibataire, qui se consacre entièrement à sa carrière dans une petite agence de publicité, n'envisageant pas de se marier, ni de fonder une famille.

Un jour, chacune commence à rêver de l'existence de l'autre, découvrant dans son sommeil le quotidien de l'autre. Le mystère constitué par ces étranges rêves récurrents ne fait que commencer. En effet, Nakano Yumi rencontre alors, dans le cadre du travail, une amie de Tamara Yumi, Arinuma Ikuko, qu'elle a vue dans ses rêves, prouvant donc la réalité de ses "visions" : sont-elles prémonitoires ? s'interroge-t-elle. Les choses se compliquent un peu plus lorsque Ikuko présente Nakano Yumi à un homme qu'elle sait être le mari de Tamara Yumi...

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Double tone repose tout entier sur un mystère : l'idée que deux femmes partagent en rêve leur existence, sans savoir comment, ni pour quelles raisons une telle chose est possible. En dépit de son emprunt à une thématique clairement fantastique, il ne faut cependant pas s'y tromper, il s'agit avant tout d'un drama familial. Son objet est de mettre en parallèle les vies de ces deux femmes et les choix qu'elles ont faits, éclairant leurs attentes et satisfactions, mais aussi leurs regrets. En partant de l'idée des rêves partagés, la fiction entremêle différents genres, tendant tour à tour vers l'enquête, la tragédie ou tout simplement une histoire relationnelle. C'est cette richesse qui fait son attrait : si elle suit des sentiers extrêmement balisés, voire convenus, dans son évolution générale, son twist particulier de départ lui permet malgré tout de se démarquer. Elle sait bel et bien retenir l'attention du téléspectateur grâce à une construction de son intrigue plutôt maîtrisée, au cours de laquelle il semble que chaque réponse soit destinée à densifier l'énigme posée plutôt qu'à commencer à la résoudre.

Sans conteste, Double tone intrigue donc : il est bien difficile de ne pas se prendre au jeu, trop de questions appelant des réponses. Cependant, le drama souffre d'un défaut structurel qui devient de plus en plus handicapant à mesure qu'il progresse : son écriture, figée, lui fait adopter une sorte de faux rythme, avec des lenteurs, qui a la fâcheuse conséquence de saper toute tension. La série se révèle incapable de générer un véritable suspense, alors même qu'elle aurait toutes les cartes en main en théorie pour le faire. Si dans la première partie, ce problème reste anecdotique, il devient de plus en plus visible à mesure que l'on approche de la fin. Alors que les révélations finales sont censées marquer, elles se glissent ici dans la narration sans véritable souffle dramatique. Il manque une étincelle, une intensité à cet ensemble exécuté de façon presque trop mécanique. De plus, le refus de s'aventurer sur un terrain plus mythologique pour essayer d'expliquer les liens unissant les deux femmes en dehors d'un croisement du destin laisse une impression un peu frustrante d'inachevé. C'est en somme une fiction high concept qui fonctionne honnêtement dans sa progression, mais dont la chute n'est pas au niveau de l'attente ainsi construite.

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Il faut cependant reconnaître que, si une partie du problème de rythme de Double tone est imputable à son écriture, la mise en scène n'est pas exempte de responsabilité. Tout comme la narration, la réalisation est trop plate. Elle est incapable d'impulser de réelles dynamiques à l'écran. Un peu trop transparente par moment, téléguidée et prévisible, elle exacerbe, plus qu'elle ne compense, les limites de fond de la série.

Enfin, Double tone rassemble un casting qui n'est pas forcément à son avantage, avec des prestations sans doute perfectibles. Les deux héroïnes sont interprétées respectivement par Nakagoshi Noriko (Keishicho Sosa Ikka 9 Gakari), en trentenaire carriériste, et Kurotani Tomoka (Honcho Azumi), en mère de famille consacrée à son foyer : elles s'en sortent à peu près, mais manquent parfois de présence à l'écran dans les moments où il aurait fallu voir leurs personnages vraiment s'imposer. Dans les rôles secondaires, si Yoshizawa Yu (Jin, Bloody Monday) s'en sort honorablement, Tomochika (Loss:Time:Life) est moins convaincante, avec une interprétation qui sonne très artificielle et plombe en conséquence certains des derniers développements du récit. Quant à Moro Morooka et Shimada Kyusaku, leurs rôles restent anecdotiques.

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Bilan : Bénéficiant d'un concept intriguant auquel il sait donner les développements qu'il convient pour aiguiser la curiosité du téléspectateur et retenir son attention, Double tone est intéressant par sa façon d'aborder un mystère fantastique en empruntant à différents genres (fiction d'enquête, drame ou bien encore fiction familiale). Le résultat auquel aboutissent ces six épisodes est très honnête, mais il manque cependant une vraie ambition derrière cette écriture trop académique et figée. La fin est à l'image des limites manifestes de la série, avec une chute qui laisse un peu frustré. Au final, il reste une série pas déplaisante à suivre, mais anecdotique.


NOTE : 6/10

17/08/2013

(NOR) Buzz Aldrin, hvor ble det av deg i alt mylderet : une fiction empreinte d'humanité apaisante et rafraîchissante



Buzz Aldrin, what happened to you in all the confusion ?


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Il y a quelque chose de rassurant à constater que chacune de mes nouvelles découvertes en provenance de la télévision scandinave me conforte dans mon inclinaison pour ces fictions. Mieux encore, j'ai l'impression que, chaque année, un pays ressort tout particulièrement de mes programmations : en 2011, c'était le Danemark, en 2012, la Suède... en 2013, il semble que cela soit le tour de la Norvège. Il est vrai que depuis Lilyhammer et Koselig Med Peis, j'ai eu l'occasion de visionner des fictions extrêmement diverses au cours des six derniers mois : le thriller avec Torpedo, la comédie noire avec Hellfjord, et puis, en août, une mini-série sur la quête de soi : Buzz Aldrin, hvor ble det av deg i alt mylderet ? (laquelle vient directement concurrencer la suédoise Torka aldrig tårar utan handskar pour le titre le plus imprononçable de l'année).

Buzz Aldrin, hvor ble det av deg i alt mylderet (Buzz Aldrin, what happened to you in all the confusion ? en version internationale) est une mini-série, en quatre épisode de 55 minutes environ, diffusée sur NRK1 en novembre et décembre 2011. Il s'agit de l'adaptation d'un roman de l'écrivain Johan Harstad, datant de 2005, et qui a été publié en France sous le titre Buzz Aldrin, mais où es-tu donc passé ?. C'est Geir Henning Hopland qui s'est assuré de la transposition à l'écran, signant à la fois le scénario et la réalisation. Buzz Aldrin (vous me pardonnerez de ne pas répéter le titre en intégralité tout au long du billet !) a aussi pour particularité d'être la première série du pays à avoir été proposée dans son intégralité dans les cinémas norvégiens avant même sa diffusion télévisée. C'est une fiction très riche, humainement et émotionnellement. Et, en bonus, elle est l'occasion pour le sériephile voyageur de découvrir de nouveaux territoires : direction les Îles Féroé !

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Mattias est né en 1969, le jour où l'Homme a marché sur la Lune. Tandis qu'il naissait, Neil Armstrong prononçait ses fameux mots "That's one small step for a man, one giant leap for mankind". En grandissant, il en a conservé une fascination pour l'espace. L'astronaute dont il a fait son héros n'est cependant pas celui qui a été le premier à poser le pied sur la Lune, mais Buzz Aldrin, le second. Il voit, dans cet homme de l'ombre, un rouage essentiel du projet ayant accepté d'être en retrait. Il en tire une admiration pour ceux qui arrivent à se placer second, et non sous le feu des projecteurs. Mattias rêve ainsi simplement de trouver sa propre place dans l'ombre pour y mener une existence paisible, sans histoire, ni imprévu, par exemple loin de l'agitation des concerts de son meilleur ami qui ne cesse de l'inviter à suivre leurs tournées.

A presque 30 ans, il semble avoir atteint son but : un travail de fleuriste/jardinier qui lui permet de se fondre dans le décor, la même petite amie depuis le lycée qu'il connaît par coeur. Sa vie suit une routine monotone qu'il ne voudrait changer pour rien au monde, préférant toujours le calme à la moindre proposition de sortie de sa compagne. Mais Mattias va brutalement voir tous ses repères s'effondrer : sa petite amie décide de le quitter, estimant que leurs aspirations ne correspondent plus, puis l'entreprise qui l'emploie se déclare en faillite et est obligée de le licencier. Pour tenter de lui changer les idées, son meilleur ami l'entraîne avec son groupe de musique vers les Îles Féroé où ils doivent donner un concert. Perdu dans sa douleur, Mattias se brouille avec eux. Il se réveille sur une route isolée qui traverse une des îles. Ne sachant où aller, ni que faire ensuite, il est alors recueilli par Havstein, un psychiatre qui a organisé une petite communauté comptant plusieurs patients que le cadre unique doit aider à guérir.

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Buzz Aldrin place le téléspectateur aux côtés du personnage de Mattias. De façon intime, elle nous glisse dans son esprit, nous faisant comprendre sa manière de voir et de penser, et partageant avec nous toutes ses attentes. Dotée d'une écriture fine, la mini-série dresse par petites touches un portrait humain et faillible, s'attachant à mettre en lumière la psychologie de son héros, tout en explorant les relations qu'il entretient avec ceux qui gravitent autour de lui. Les autres protagonistes ne sont pas négligés, traités plus rapidement, mais avec le même souci d'éclairer leurs façons d'être ou motivations. Buzz Aldrin est un véritable "human drama", sincère et versatile, au propos très riche. La mini-série se révèle capable de jouer sur une large palette de tonalités, alternant les ambiances, tour à tour touchante, légère, poignante... Elle manie admirablement l'art de la rupture dans ses dialogues, s'amusant des moments de flottement qu'elle crée : un style de narration caractéristique qui semble fréquent dans les fictions norvégiennes, car Koselig Med Peis et Hellfjord l'exploitaient déjà très bien (même remarque, d'après les premiers épisodes que j'ai pu voir, pour Halvbroren).

Le récit est ponctué de plusieurs monologues de Mattias au cours desquels il développe sa fascination pour Buzz Aldrin sur fond d'images d'archives. Il nous montre comment il a peu à peu reconstruit dans son esprit cette figure publique, idéalisant le fait qu'il n'ait été que le deuxième homme à marcher sur la Lune en y voyant son acceptation d'être en retrait, maillon nécessaire de l'ombre. Dès l'enfance, Mattias n'aspire qu'à l'anonymat d'une vie paisible, ambition décalée que les autres comprennent mal. Il refuse de se mettre en avant, qu'importe les talents dont il dispose (il chante très bien) et qui pourraient lui permettre de se retrouver sur le devant de la scène. Il mène pareillement sa vie d'adulte. Mais une question se fait de plus en plus pressante au fil du premier épisode qui va être celui de tous les bouleversements : jusqu'où peut-il s'effacer ? Face à la personne qu'il aime, cette attitude ne risque-t-elle pas de le faire disparaître peu à peu à ses yeux ? N'y-a-t-il pas des fois, dans certaines circonstances, où l'on doit accepter d'être mis en avant ? En s'obstinant à se fondre dans un décor qui n'a rien d'immuable, le jeune homme se perd lui-même lorsque tous ses repères s'effondrent.

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Les Îles Féroé sont un point de chute dans tous les sens du terme pour Mattias, y compris métaphorique au vu de son arrivée mouvementée. Elles vont lui offrir une première réponse. Perdues au bout du monde, isolées avec leurs moutons, elles sont une destination rêvée pour lui. Elles rendent d'abord possible une fuite en avant temporaire : la communauté qui l'accueille permet de rétablir un quotidien huilé où Mattias peut vite reposer les bases d'une vie monotone, sans remous, ni inattendu. Elles vont pourtant, à terme, le forcer à se remettre en cause, faisant se confondre la quête de stabilité et une véritable quête de soi. Les rencontres et les évènements le contraignent en effet à sortir de sa réserve, en lui donnant quelques leçons de vie parfois douloureuses. Il faut dire qu'au sein de la communauté dans laquelle il vit, chacun a ses propres démons, y compris  Havstein, le psychiatre qui a ses propre raisons pour s'être égaré sur ces îles. Privilégiant  toujours une approche humaine, la mini-série dépeint les craintes et les désirs de toutes ces personnes qui s'efforcent, presque malgré elles parfois, de continuer à aller de l'avant.

Au final, Buzz Aldrin est l'histoire d'une reconstruction. Tout en restant fidèle à lui-même et à son idéalisation de l'anonymat et du second plan, Mattias va apprendre que l'on ne peut pas se fondre et disparaître face à ses proches. S'il est possible de chérir sa tranquillité, il faut parfois admettre être le centre d'attention, celui qui compte, celui sur lequel on peut se reposer. Si la mini-série laisse une impression durable, c'est justement parce que le parcours de Mattias se révèle tout aussi régénérateur pour le téléspectateur. Non seulement on s'implique aux côtés du personnage, mais l'effet apaisant des Îles Féroé joue également. Invitation au dépaysement, loin de toute course aux ambitions, le récit prend volontairement son temps : il est une ode à la simplicité, et à la vie en général, confortant l'idée que chacun peut trouver la place qui lui convient. Le visionnage de Buzz Aldrin a ainsi quelque chose de profondément réconfortant. Elle est une de ces fictions sincères et humaines, rafraîchissantes par son propos, qui conserve une saveur vraiment particulière.

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Dense sur le fond, Buzz Aldrin peut également s'appuyer sur une réalisation soignée et maîtrisée : la caméra est posée, plutôt habile, sachant utiliser des plans larges comme serrés. De plus, elle dispose d'une bien belle photographie. Le décor dans lequel se déroule la majorité de la mini-série (3 épisodes sur 4) est un atout dépaysant non négligeable, et son réalisateur l'a parfaitement compris, faisant de ce cadre un acteur à part entière du récit. Il faut dire qu'il a l'art de rendre magnifiques ces paysages glacés mais quasi-féériques des Îles Féroé, semblant par moment égarer volontairement ses personnages entre brume, verdure et mer, en jouant sur ces couleurs dominantes. Outre de jolies images, Buzz Aldrin dispose d'une bande-son assez bien dosée, dans laquelle ressortent notamment les prestations musicales de Mattias : la référence omniprésente au voyage spatial la conduit tout naturellement vers David Bowie, et Space oddity n'a jamais semblé plus adéquate que lorsqu'elle retentit dans la mini-série. Le générique se révèle original, mettant en parallèle la naissance de Mattias et l'atterrissage sur la Lune, avec en filigrane une symbolique sur la vie.

Enfin, Buzz Aldrin dispose d'un solide casting, assez international, à dominante plutôt danoise dans les rôles principaux. C'est Pal Sverre Valheim Hagen qui incarne Mattias, dont la recherche d'anonymat se transforme peu à peu en quête existentielle, afin de tout reposer à plat dans sa vie. Le visage le plus familier pour le sériephile amateur de fictions scandinaves sera sans doute celui de Bjarne Henriksen (Forbrydelsen I, Blekingegade, Borgen) qui paraît apprécier de circuler dans toute l'Europe du nord (souvenez-vous de la saison 2 de l'islandaise Pressa) : il interprète ici le psychiatre gérant la communauté accueillant Mattias aux Îles Féroé. Parmi les autres prestations notables, signalons la performance de Rikke Lyllof (Borgen), jouant une patiente instable, dont l'expressivité touchera durablement au fil de ses évolutions. On retrouve également Annfinnur Heinesen, Annika Johanssen (Kirsebærhaven 89), Helle Fagralid (Nikolaj og Julie, Jul i Valhal, Blekingegade, Forbrydelsen III), Kristine Rui Slettebakken, mais aussi Chad Coleman (The Wire, The Walking Dead) dans le rôle entièrement anglophone d'un naufragé.

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Bilan : Fiction empreinte d'humanité, bénéficiant d'une écriture simple et sincère, Buzz Aldrin se révèle extrêmement rafraîchissante et étonnamment apaisante. Partant de ce désir d'anonymat dans lequel se perd un temps Mattias, c'est de la vie en général qu'elle finit par traiter. Dotée d'une tonalité versatile, jamais lourde, elle propose l'histoire d'une reconstruction, en en faisant un véritable parcours régénérateur. Aussi dépaysante qu'attachante, revivifiante même, il s'agit d'une mini-série un peu part dont le visionnage ne laisse pas indifférent. La narration se construit tout en ruptures, parfois un peu abruptes par leur enchaînement, mais l'ensemble reste une bien belle découverte qui vient confirmer toute la richesse de la fiction scandinave qui a décidément beaucoup à apporter, dans des genres très différents, loin de se limiter au seul polar.


[La mini-série est disponible avec des sous-titres anglais, y compris en DVD par là.]


NOTE : 7,75/10


Une bande-annonce de la série :

Un extrait (chanté - Space oddity) :