Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

11/09/2013

(J-Drama / Première partie) Hanzawa Naoki : les combats et l'ascension d'un banquier peu conventionnel


hanzawanaoki0_zpse599c65c.jpg

En ce mercredi asiatique, penchons-nous sur LE grand succès de cette saison estivale au Japon : Hanzawa Naoki. C'est un peu le phénomène du moment : ses audiences n'ont cessé de grimper sans discontinuité depuis le 1er épisode proposé le 7 juillet 2013, franchissant début septembre la barre symbolique des 30% de part de marché. Le drama ne semble pas devoir s'arrêter en si bon chemin, puisque le dernier épisode diffusé ce dimanche 8 septembre (le 8ème) a encore enregistré un nouveau record, avec un pic d'audience à 37,5% de pdm ! Pour vous donner un ordre d'idée, il faut rappeler que le dernier drama japonais à avoir dépassé ces 30% date de presque deux ans, c'était Kaseifu no Mita à l'automne 2011. TBS tient donc là un beau succès public pour sa case de prime-time du dimanche soir. La barre des 40% est peut-être même atteignable.

Il est d'autant plus intéressant de s'arrêter sur Hanzawa Naoki que, sur le papier, le sujet peut paraître plus aride que fédérateur : la série propose en effet une immersion dans le milieu bancaire. La télévision japonaise est loin d'en être à son coup d'essai de banquiers propulsés en héros de fiction. Cela se rattache plus généralement à une thématique qui reste prisée, celle de la mise en scène des coulisses d'une entreprise. De telles approches du monde de la finance peuvent donner de grands dramas, j'en veux pour preuve le magnifique Hagetaka qui m'a durablement marqué il y a quelques années. J'étais donc curieuse de tester Hanzawa Naoki. L'article qui suit s'interroge sur les raisons de son succès.

[Cette review a été rédigée après le visionnage des 5 premiers épisodes (sur 10 annoncés au total).]

hanzawanaoki2a_zps552ccc01.jpg

Ce drama nous introduit dans le milieu bancaire japonais, après l'éclatement de la bulle financière dans les années 90 et la restructuration du secteur, marquée par la fusion d'importantes banques. Hanzawa Naoki est un employé qui occupe un poste à responsabilité au sein du département en charge des prêts dans une filiale d'Osaka. C'est un homme ambitieux et déterminé qui a ses propres comptes à régler avec l'institution bancaire. Sa carrière est cependant mise en danger le jour où son supérieur, Asano Tadasu, lui ordonne d'accorder dans la précipitation un prêt de 500 millions de yens, sans prendre les garanties nécessaires, à une grande entreprise en apparence solide, Nishi Osaka Steel. Naoki exécute les ordres avec beaucoup de réticence.

Mais quelques mois plus tard, la réalité de la situation financière de Nishi Osaka Steel apparaît au grand jour : elle est extrêmement endettée. Les comptes soumis à la banque avaient en fait été maquillés. Plus problématique encore, son dirigeant a profité de la situation pour s'enrichir personnellement et prendre la fuite. Confronté à une perte sèche de 500 millions pour sa banque, Asano voit en Naoki le bouc-émissaire tout désigné sur qui faire retomber la faute d'un prêt trop légèrement accordé. Cependant son subordonné est décidé à se battre : il obtient un délai en assurant à sa hiérarchie qu'il va récupérer la somme perdue de l'entrepreneur en fuite. Se sentant menacé, son supérieur direct ne l'entend pas ainsi et s'active pour le faire rapidement muter.

Débute alors une course contre-la-montre pour Naoki afin de sauver sa carrière : en plus de rechercher les avoirs cachés de son ex-client, il lui faut naviguer au sein des ambitions et des luttes internes qui rythment le quotidien du personnel.

hanzawanaoki2f_zps8a801269.jpg

Hanzawa Naoki se déroule au sein d'une banque, mais son cadre aurait pu être une entreprise, voire un univers professionnel quelconque. Ayant opté pour le milieu de la finance, le drama fait logiquement siens quelques-uns des thèmes attendus, en pointant la déshumanisation auquel conduit ce système, son exploitation des plus fragiles et le tapis rouge déroulé aux puissants. Mais il ne s'attarde pas sur ces éléments. Car il ne faut pas s'y tromper, l'enjeu est ailleurs. Hanzawa Naoki met en scène un affrontement, une lutte de personnes, d'ambitions, mais aussi de conceptions et de principes. C'est aussi une histoire de revanche, celle de quelqu'un qui a payé un lourd tribut dans sa jeunesse à cause de la décision d'un banquier et qui veut s'élever dans la hiérarchie de l'institution-même ayant bouleversé sa vie. La série suit une idée directrice que Naoki répète à l'envie au cours des épisodes : il s'agit de faire payer deux fois, dix fois, ce qu'il a enduré.

Pour atteindre les objectifs qu'il s'est fixé, Naoki va devoir surmonter les épreuves et les adversités. Dès le pilote, le drama s'assure que le téléspectateur prenne fait et cause pour le banquier, faisant s'abattre sur lui nombre d'injustices dont il n'est aucunement responsable. C'est à l'avènement d'un champion que l'on assiste. Pour cela, l'écriture ne fait guère dans la nuance, assumant pleinement un manichéisme sur lequel elle joue pour mieux impliquer le public. Les méchants sont clairement identifiés, sans chercher à tempérer leur caractérisation. La fiction vire même au quasi-cartoonesque à l'occasion, notamment dans son portrait de l'administration fiscale avec un dirigeant qui tombe dans tous les excès. Face à ces obstacles placés sur sa route, l'objet du drama est de raconter comment Naoki va s'en sortir. C'est ainsi en réalité une déclinaison particulière de 'David contre Goliath' qui est proposée, mais avec dans le rôle de David quelqu'un de tout aussi machiavélique que ses adversaires.

hanzawanaokij_zps7d266efa.jpg

L'image implacable que renvoie Naoki est sans doute la seconde raison pour laquelle les téléspectateurs se retrouvent happés devant leur petit écran. Non seulement la fiction leur présente une figure à supporter contre tous, mais il s'agit en plus d'un personnage parfaitement apte à se défendre. Certes, pour ne pas l'identifier complètement à ceux qu'il combat, la série prend soin de le démarquer sur le plan des relations humaines : Naoki sait en effet inspirer une loyauté (méritée) à ses collaborateurs, qui tranche avec les rapports de défiance et de concurrence généralisés au sein de la banque. Cependant il n'en est pas moins un adversaire redoutable, déterminé, et même provocateur. Il avance ses pions avec un aplomb jamais pris en défaut. La série ne s'embarrasse pas de demi-mesures pour relater la partie d'échecs sur laquelle il joue sa carrière : l'écriture ne fait jamais dans la subtilité, elle emploie un théâtralisme qui sonne artificiel... Qu'importe : le téléspectateur se prend au jeu d'un récit vif, parcouru par une énergie communicative.

Les cinq premiers épisodes développent l'arc narratif posé dans le pilote : il s'agit pour Naoki de récupérer les 500 millions de yens tout en sauvant sa place au sein de la banque. Ses opposants sont dépeints de la plus négative des façons : l'industriel fraudeur s'est ainsi enfui avec des millions, trompant tout le monde, y compris sa propre entreprise et ses partenaires, pour s'enrichir. La course-poursuite qui s'engage vise à le retrouver, mais aussi à mettre la main sur l'argent qu'il a détourné. Pour compliquer un peu plus les choses, Naoki se heurte à la concurrence de l'administration fiscale, tout aussi agressive, voire guignolesque. Le récit est conduit suivant un rythme enlevé. Il est semblable aux montagnes russes, riche en multiples rebondissements, entre trahisons et révélations qui viennent pimenter les affrontements. Naoki subit nombre de coups bas et d'humiliations, mais il a aussi ses moments de gloire qui laissent au téléspectateur un arrière-goût de jubilation, aussi excessive que soit la mise en scène. Cette affaire trouve sa conclusion au terme du cinquième épisode, lequel rebondit sur de nouveaux objectifs : Naoki prend cette fois la direction de Tokyo et ses projets de vengeance se rapprochent.

hanzawanaokif_zpsa3ea9415.jpg

Sur la forme, Hanzawa Naoki se situe dans la moyenne du petit écran japonais : une réalisation passe-partout à peu près correcte, accompagnée d'une bande-son plus interventionniste qui sur-joue les passages de tension et souligne à l'excès les scènes où le suspense est à son comble. On retrouve aussi un thème musical récurrent très rythmé qui donne bien le ton (et se révèle vite entêtant pour le téléspectateur). Un peu à l'image de la narration et des limites que j'y ai soulignées, on se retrouve donc face à une série directe et dynamique à défaut d'être subtile.

Enfin, côté casting, l'approche suivie par le drama se répercute dans les interprétations. Le sur-jeu y est généralisé et assumé. S'il aurait sans doute sa place dans une comédie, il déroute plutôt dans une fiction bancaire. C'est ici plus leur direction que les acteurs eux-mêmes qui est en cause. C'est sans doute le point le plus critiquable du drama. Naoki est incarné par Sakai Masato (JOKER : Yurusarezaru Sousakan, Tsukahara Bokuden), un acteur avec lequel j'ai en plus des relations compliquées tant certaines de ses mimiques figées récurrentes peuvent avoir tendance à m'agacer. Il est ici dans son registre habituel, et au diapason du reste du casting. Ueto Aya (Attention Please, Zettai Reido) interprète son épouse, femme au foyer supportrice (enterrez tout espoir de voir bouger les choses sur la condition féminine dans ce drama masculin, ce n'est clairement pas son objet). On retrouve également Oikawa Mitsuhiro, Kataoka Ainosuke, Kitaoji Kinya, Kagawa Teruyuki, Ishimaru Kanji ou encore Ukaji Takashi. Tous se prêtent au sur-jeu, à des degrés divers suivant les scènes. Le téléspectateur finit par s'habituer à ce choix, à défaut de s'y rallier, tout en se disant que certains excès restent très dispensables...

hanzawanaokin_zps7beba10f.jpg
hanzawanaokik_zps634af466.jpg
hanzawanaokib_zps0216e787.jpg

Bilan : Hanzawa Naoki est une histoire d'affrontements et de revanche, le tout sur fond d'ascension vers les sommets hiérarchiques et de manœuvres en coulisses au sein d'un milieu ultra-concurrentiel. Théâtrale, excessive, voire cartoonesque, la série propose un récit sans nuances, mais très rythmé et capable de multiplier les twists. Frustrante à l'occasion par sa tendance à trop en faire, avec un casting trop versé dans le sur-jeu, elle n'en fait pas moins preuve d'une redoutable efficacité pour prendre dans sa toile de suspense le téléspectateur. Ce dernier s'implique en effet rapidement aux côtés de ce héros, champion tout désigné, aussi implacable que déterminé, qui va relever challenges impossibles et autres retournements de situation.

En résumé, il ne faut pas aborder Hanzawa Naoki en attendant un drama bancaire rigoureux, ni espérer y trouver un propos travaillé sur les banques (si vous cherchez cela, tournez-vous vers Hagetaka, c'est une perle sur ce sujet). Mais dans ce registre de divertissement à suspense qu'elle investit, voilà une série qui décline une recette bien huilée.


NOTE : 6,75/10

06/03/2013

(J-Drama / SP) Saikai : enquête criminelle sur fond de secrets et drames passés

Saikai0.jpg

Après quelques semaines passées en Corée du Sud, retour au Japon en ce mercredi asiatique ! La saison hivernale y est bien avancée, et déjà le printemps s'annonce. Mais avant d'évoquer quelques nouveautés diffusées depuis le début de l'année sur les chaînes japonaises, aujourd'hui, je vous propose de revenir un peu en arrière, avec un tanpatsu datant de la fin de l'année dernière (dont les sous-titres anglais viennent de sortir).

Saikai (Reunion) a été diffusé sur Fuji TV le samedi 8 décembre 2012, avec une audience sans doute en deça des attentes (9,3%) au vu de son casting. Cependant son synopsis, promettant plusieurs mystères dans lesquels le poids du passé, mais aussi des enjeux d'amitié, se trouvaient placés au coeur du récit, m'avait intriguée. D'une durée de 2h05, ce tanpatsu aura tenu ses promesses, gérant plutôt bien une intrigue à tiroirs qui retient l'attention du téléspectateur tout au long du récit.

saikaim.jpg

La vie des quatre personnages principaux de Sakai (Tobina Junichi, Iwamoto Makiko, Kiyohara Keisuke et Sakuma Naoto) a basculé il y a 27 ans. Ils étaient alors âgés de 12 ans, amis réunis par une passion partagée pour le kendo. Un jour qu'ils coupaient par la forêt à la sortie de l'école, ils furent stoppés nets par des coups de feu qui retentirent. Sous le choc, ils découvrirent un peu plus loin dans les bois deux cadavres : un braqueur qui venait de commettre un vol en ville et, surtout, le père de Keisuke, un officier de police. La blessure qu'il portait à la tempe suggéra aux autorités qu'il s'agissait d'un suicide. L'hypothèse admise fut la suivante : il aurait d'abord tué le voleur, son complice, pour garder le butin, puis, découvert par ces enfants, il aurait, de culpabilité et de honte, mis fin à ses jours.

Avant l'arrivée de la police, Keisuke et ses amis récupérèrent cependant l'arme du crime se trouvant sur les lieux. Ils l'enfouirent, avec d'autres possessions de leur enfance, en se jurant de garder à jamais le secret. Mais leur vie ne sera plus jamais la même. Vingt-sept ans plus tard, chacun a grandi en essayant de laisser derrière soi ces souvenirs. Keisuke et Makiko ont eu un enfant ensemble, avant de finalement se séparer. Naoto est resté sur place dans l'ombre d'un inquiétant grand frère. Quant à Junichi, il a coupé les ponts avec tout le monde. Devenu officier de police, il est transféré en ville au début du tanpatsu, retournant dans une ville qu'il souhaiterait laisser derrière lui.

Mais un meurtre a lieu, conduisant à l'hésitante réunion des quatre anciens amis. L'affaire va faire resurgir de multiples blessures du passé et des secrets mal enfouis, tout en faisant d'eux de - légitimes - suspects potentiels.

saikaib.jpg Saikai, c'est tout d'abord un mystère bien construit, avec une intrigue à tiroirs qui, à chaque révélation ou complément d'informations, apparaît sous un nouveau jour et gagne en complexité. Sur 2 heures, le récit est solidement mené : les enjeux évoluent de manière intéressante, ne se limitant pas à une simple question de découverte d'un coupable. L'histoire se révèle riche, et elle ne cesse de se densifier par le poids des tragédies et blessures passées que les évènements présents ramènent à la surface. La construction de la narration apparaît fluide et sans temps mort, permettant d'exploiter toutes les facettes du concept de départ. Si l'orientation du récit se devine assez aisément bien avant que certaines révélations n'aient lieu, le tanpatsu suit une cohérence et une logique d'ensemble appréciables, conservant nombre d'interrogations qui retiennent la curiosité du téléspectateur.

Il est d'autant plus aisé de s'investir dans Sakai que ce drama ne saurait se réduire à la seule résolution de ces mystères : il met aussi en scène des personnages auprès desquels il sait nous impliquer. Tous les protagonistes sont des figures écorchées par leur passé, plus ou moins brisées et marquées par différents secrets, intimes, qu'ils ont chacun gardés pour eux. Quels faits d'alors déterminent leurs réactions présentes et les choix qu'ils font aujourd'hui ? Les causes de la détresse de certains, de la solitude recherchée par d'autres, ou encore d'excès de violence, intriguent tout autant que l'énigme représentée par le meurtre commis de nos jours. L'heure est venue pour eux de se confronter avec des évènements et des souvenirs qu'ils ont tous fuis à des degrés divers. Par-delà son enquête, Sakai va donc surtout avoir le mérite de proposer un récit très humain et personnel où chacun va devoir essayer de faire la paix avec son passé et avec lui-même, au risque sinon de se perdre définitivement.

saikaig.jpg

Sur la forme, Saikai est un tanpatsu soigné. Sa réalisation est solide, avec certains effets plutôt bien inspirés - notamment l'ambiance qu'il parvient à recréer lors des flashbacks sur ce qu'il s'est passé 27 ans plus tôt dans la forêt. Quant à la bande-son, elle se compose d'une musique uniquement instrumentale, avec plusieurs thèmes récurrents en arrière-plan, qui reste dans l'ensemble bien dosée.

Côté casting, Saikai rassemble un certain nombre de têtes familières et valeurs sûres du petit écran japonais. Leurs interprétations sont globalement convaincantes. Le rôle Junichi est confié à Eguchi Yosuke (Iki mo Dekinai Natsu), tandis que ses trois amis sont respectivement interprétés par Tokiwa Takako (Ryuuten no Ouhi - Saigo no Koutei, Hitori Shizuka), Tsutsumi Shinichi (Koi ni Ochitara) et Kagawa Teruyuki (Diplomat Kuroda Kousaku, Nankyoku Tairiku). A leurs côtés, on retrouve notamment Nagasawa Masami, Kitamura Yukiya, Jinbo Satoshi, Kato Seishiro, Aizawa Sayo, Sugimoto Tetta ou encore Kitamura Soichiro.

saikaik.jpg
saikaii.jpg
saikaiz.jpg

Bilan : Bénéficiant d'une intrigue dont les enjeux se renouvellent et se complexifient au fil du récit, Sakai délivre une enquête criminelle dans l'ensemble solide, qui se démarque grâce à ses accents très personnels. Avec des protagonistes marqués par leur passé, se mêle aux énigmes policières le récit de plusieurs drames humains. Si sa durée brève ne lui aura pas permis d'explorer autant que son concept le lui permettait tous les rapports et l'amitié qui sous-tend le groupe, ce tanpatsu a indéniablement rempli son contrat, avec un mélange des genres qui retient l'attention de bout en bout.


NOTE : 7,25/10

09/01/2013

(J-Drama) Double Face : un Infernal affairs japonais

doubleface0_zps94d839cd.jpg

Restons au Japon en ce deuxième mercredi asiatique de l'année, pour revenir sur une mini-série diffusée à l'automne dernier que je m'étais promise de vite rattraper. Composée de deux parties d'1h30 chacune, Double Face présente tout d'abord une particularité dans sa conception : il s'agit d'une collaboration entre deux chaînes différentes, TBS et la câblée WOWOW. TBS a diffusé la première partie, intitulée Double Face - Sennyu Sosa-hen le 15 octobre 2012. Puis, le 27 octobre, la seconde et dernière partie, Double Face - Giso Keisatsu-hen, a été proposée sur WOWOW. C'est pour le moins inhabituel de voir ainsi deux chaînes collaborer de cette manière complémentaire.

Le résultat intriguait d'autant plus que Double Face est le remake du célèbre film de Hong Kong (qui a donné toute une trilogie, Infernal Affairs). Succès de 2002, il a déjà fait l'objet d'un remake américain au cinéma, The Departed (Les Infiltrés). Le Japon a donc proposé à son tour une version, télévisée cette fois, de l'histoire d'origine. L'ayant en DVD, j'ai hésité à réactiver mes souvenirs en revoyant Infernal Affairs avant de me plonger dans ce drama, mais c'est finalement seulement avec une mémoire floue et ma bonne impression générale que je me suis lancée dans Double Face. Je n'ai pas regretté l'expérience, car il s'agit là d'un drama special très solide.

doublefacev_zps70b2a78a.jpg

Double Face met en scène les destins croisés de deux hommes infiltrés chacun dans des camps opposés qu'ils sont censés, soit contribuer à détruire, soit rendre inoffensif. Ainsi Miriya Jun est un policier qui, depuis 6 ans, évolue en couverture auprès d'un groupe criminel local, l'Oda-gumi. La mission aurait dû se terminer il y a déjà plusieurs années, mais son supérieur hiérarchique, le seul qui connaît et peut prouver sa véritable identité, le presse de poursuivre la tâche jusqu'à ce que le boss du gang, Oda Hironari, soit inculpé. L'idéal serait une arrestation en flagrant délit lors d'un échange de marchandises, permettant de lier le criminel au trafic de drogue qu'il organise.

Mais les plans de la police sont fragilisés par le fait qu'Oda Hironari semble toujours particulièrement bien informé des opérations menées contre lui. En effet, il a envoyé un de ses propres hommes en couverture : Takayama Ryosuke. L'ayant connu adolescent, il a financé ses études et l'a encouragé à entrer dans la police pour lui servir d'informateur. Au sein des forces de l'ordre, la carrière de Ryosuke décolle pourtant rapidement, car il apparaît comme un officier de confiance et surtout très efficace. Au point de se voir chargé de débusquer la taupe opérant au sein de la police...

Arrive un moment où les mensonges permanents et le stress de l'infiltration commencent à lourdement affecter Miriya Jun et Takayama Ryosuke. Chacun s'interroge sur ce qu'il est devenu : existe-t-il encore une porte de sortie pour eux ?

doublefacef_zpscfacaf2c.jpg

Double Face exploite efficacement les recettes classiques des fictions policières et de gangsters, tout en y intégrant une dualité intriguante et ambivalente liée à la double infiltration relatée. Si elle reste proche de l'original (d'après les souvenirs flous qu'il m'en reste), elle sait bien exploiter et se réapproprier le matériel de base. Chaque épisode met ainsi l'accent spécifiquement sur un des deux infiltrés, d'abord le policier, puis le yakuza, sans que l'homogénéité d'ensemble du récit n'en souffre. Par rapport à la durée du film original, ce sont 3 heures de fiction que le drama propose. Cela lui permet de développer plus avant certains éléments, en se reposant sur un construction narrative cohérente et solide, rondement menée jusqu'à son terme. Si elle s'offre des incursions dans le registre du thriller, avec plusieurs scènes très tendues ou marquées par d'explosion de violence, la fiction manque ici un peu d'éclat. Cependant ces limites sont compensées par un développement psychologique des personnages qui retient tout autant l'attention du téléspectateur.

Double Face prend en effet le temps de s'intéresser à ces deux personnages principaux, pressurés de part et d'autre. La mini-série insiste sur le thème de la perte d'identité, mettant en exergue les doutes, et plus généralement la solitude qui assaille les deux infiltrés. Sont particulièrement bien mises en scène les difficultés quotidiennes de l'exercice de double jeu auquel ils sont astreints et des mensonges qui finissent par troubler leurs repères. Figures ambivalentes par nature, ils ne sont pas moins humanisés : le drama éclaire leurs aspirations au changement, qu'il s'agisse d'un retour à une vie plus stable en fondant une famille pour le policier sous couverture, ou d'une émancipation de celui à qui il doit tout pour le yakuza. Après avoir vécu la vie d'un autre, instrumentalisés et sur-utilisés, chacun souhaiterait enfin vivre sa propre vie. Mais l'engrenage dans lequel ils évoluent n'offre pas d'issues satisfaisantes, et jusqu'au bout, la fiction sera cohérente avec elle-même, avec ses ambiguïtés, et avec le milieu mis en scène.

doublefacea_zps1429ebbf.jpg

Sur la forme, Double Face bénéficie d'une réalisation de bonne facture. Elle a en plus quelques vrais instants de grâce : Eiichiro Hasumi s'offre en effet plusieurs plans marquants et très inspirés, qu'il s'agisse de jouer sur la symbolique de certaines mises en scène ou sur la photographie et l'esthétique de divers passages, comme la scène de la première rencontre dans le passé entre Ryosuke et le boss yakuza (dont vous avez une screen-capture ci-dessous). La bande-son, sans prendre le pas sur le récit, parfois même très en retrait, l'accompagne cependant sobrement.

Enfin, côté casting, Double Face rassemble plusieurs têtes très familières du petit écran japonais. S'il manque peut-être une petite étincelle au duo principal, les deux acteurs, Nishijima Hidetoshi (Boku to Star no 99 Nichi, Strawberry Night), qui joue l'officier de police infiltré, et Kagawa Teruyuki (Nankyoku Tairiku, Ryomaden), font plus que correctement ce travail d'interprétation marqué par l'ambivalence et les dilemmes. C'est Kohinata Fumiyo (Ashita no Kita Yoshio, Marks no Yama, Jin) qui interprète efficacement le chef yakuza dont la chute représente l'enjeu de tout le drama. A noter que l'on retrouve également Wakui Emi (Bitter Sugar), Ito Atsushi (Densha Otoko) et Kadono Takuzo (Engine).

doublefacer_zps95b82048.jpg

doublefaceb_zpsa3609cb3.jpg

Bilan : Double Face est un drama special solide qui entremêle les codes des fictions policières et celles de gangsters en s'intéressant à deux individus écartelés entre ces deux mondes opposés. La mise en scène de l'infiltration et de ses conséquences sur les infiltrés (la perte de repères et la volonté de sortir de cet engrenage) est particulièrement intéressante. Face aux deux portraits ambigus ainsi dépeints, le téléspectateur s'investit naturelement dans le sort de ces personnages déchirés. Double Face se montre un peu moins habile dans le registre du thriller, où il lui manque une dose de nervosité qui aurait permis à ce drama special d'acquérir une dimension supplémentaire. Mais il reste un remake sérieux et appliqué qui apporte une intéressante expérience à la télévision japonaise. J'espère la voir poursuivre sur cette voie !


NOTE : 7,75/10

02/02/2011

(J-Drama / Pilote) Gaikoukan Kuroda Kousaku (Diplomat Kuroda Kousaku) : thriller classique dans les coulisses diplomatiques


gkk.jpg

Après tout un mois de janvier consacré aux dernières nouveautés de la télévision sud-coréenne, en ce premier mercredi asiatique de février, repartons un peu en voyage à travers l'Asie pour aller jeter un oeil à la première rentrée japonaise de l'année. Depuis l'été, j'ai promis d'essayer d'être un peu plus attentive au petit écran du pays du Soleil Levant. Parmi les quelques synopsis qui avaient accroché mon regard, peu disposent pour le moment de sous-titres, à l'exception cependant de Gaikoukan Kuroda Kousakou (Diplomat Kuroda Kousaku). Cette nouvelle série diffusée sur TV Tokyo depuis le 13 janvier 2011 est la suite d'un film, intitulé Amalfi, dont elle reprend le personnage principal.

Vous allez vite comprendre pourquoi ce drama a retenu mon attention : le synopsis ne promettait rien moins que de mêler diplomatie et antiterrorisme... A défaut d'avoir vraiment été conquise par Athena : Goddess of War, Gaikoukan Kuroda Kousakou pouvait-elle être ma série du genre de ce début d'année 2011 ? Certes, en guise de dépaysement japonais, le premier épisode (d'1h30) m'aura surtout offert des courses poursuites policières dans les rues de Los Angeles, ainsi que quelques vues de cartes postales californiennes, le tout ponctué par un rôle de guest-star joué par Lee Byung Hun (zut... je me suis trompée de nationalité de série ?). Le deuxième épisode a cependant retrouvé le cadre plus classique du Japon.

Sans être aussi ambitieuse que la précédente série japonaise du genre que j'avais pu visionner (Gaiji Keisatsu), ni poser une ambiance aussi aboutie et sombre,  Gaikoukan Kuroda Kousakou n'est pas inintéressante. Mais elle suit un chemin trop traditionnel pour que ces débuts lui permettent de s'imposer immédiatement.

gkkk.jpg

Kuroda Kousaku est un diplomate dépendant du Ministère des Affaires Etrangères, mais qui officie en réalité pour le compte d'une unité anti-terroriste qui y est rattachée, dont les fonds comme l'existence apparaissent entourés de secrets jusque pour les membres du gouvernement. Il y a 11 ans, une mission à l'ambassade japonaise de Mexico a tourné au drame. Son collège d'alors, Shimumora Takeshi, démissionna peu après ; tandis que depuis, Kuroda Kousaku a, lui, accepté toutes les missions à l'étranger que ses supérieurs voulaient bien lui confier, ne pouvant se résoudre à remettre un pied au Japon. C'est ainsi qu'il intervient en urgence, pour résoudre des situations compliquées comme des prises d'otage de citoyens japonais, ou plus généralement pour garantir la sécurité de certains officiels en visite.

Ceci explique son envoi à Los Angeles dans ce premier épisode. Le Japon et les Etats-Unis voyant leurs leurs relations tendues en raison d'un conflit commercial concernant des quotas d'importation de viande, la vice-ministre des affaires étrangères se rend outre-Pacifique pour prendre part à une conférence internationale qui s'annonce houleuse. Or, des renseignements collectés indiquent que des menaces pèsent sur sa personne. Alors qu'il s'efforce d'assurer la protection de cette femme plus qu'ambitieuse, Kuroda Kousaku est contacté, pour la première fois après toutes ces années, par Shimumora Takeshi. Leur rencontre est brève, assez cryptique, laissant le diplomate très perplexe. Cependant, parallèlement, au Japon, la police enquête sur un meurtre. En dépit des doutes exprimés par la jeune - et trop expérimentée - Ogaki Rikako, tous les indices désignent avec évidence un suspect : Shimumora Takeshi. Mais peu après sa rencontre avec Kuroda, avant que la police ait eu la possibilité de l'interroger, ce dernier se suicide. Ou du moins, met-il en scène sa propre mort, laissant derrière lui une fille encore adolescente devant faire face à l'opprobre social.

Devinant confusément que quelque chose de plus complexe est à l'oeuvre, alors que tous les indices pointent sur le Mexique - de l'incident d'il y  a 11 ans, jusqu'aux importantes négociations commerciales en cours -, Kuroda Kousaku obtient de rentrer au Japon pour essayer de démêler les fils de cette affaire où son ancien ami est impliqué et qui le touche de près.   

gkkn.jpg

 Gaikoukan Kuroda Kousaku affiche, dès le pilote, un cadre géographique ambitieux, puisque c'est principalement au Mexique et en Californie que l'épisode se déroule, s'attachant à mettre tout particulièrement en valeur quelques lieux symboliques de Los Angeles. Au-delà de cet effort de dépaysement, l'ensemble paraît de premier abord d'autant plus intrigant que le drama entreprend de se détacher rapidement de tout format de procedural show. Il préfère partir sur des bases plus ambitieuses, posant les bases d'un thriller qui présentera un toutélié complexe et à suspense, et qui affiche des ramifications à l'internationale et jusque dans certaines sphères gouvernementales.

Une ambition, certes, mais qui va demeurer cependant très limitée. Car ce sont des recettes éculées qu'il choisit de se réapproprier : du traitement des relations au sein des différentes institutions japonaises (des concurrences inter-services, couplées d'une défiance gouvernementale) jusqu'aux subterfuges exploités (mise en scène de mort). S'il n'est certes pas difficile de se laisser prendre au jeu de ce mystère qui rapidement s'épaissit, c'est cependant une impression mitigée qui prédomine avec cette entrée en matière (les deux premiers épisodes). Comme si, en dépit d'un cahier des charges en apparence méticuleusement rempli, il manquait quelque chose - un vrai liant - pour que les enjeux, et surtout le suspense, aiguisent vraiment la curiosité d'un téléspectateur, plus spectateur que vraiment impliqué dans l'histoire qui s'esquisse.

gkko.jpg

Cette réserve s'explique sans doute par la relative prévisibilité, ou plutôt le refus de prise de risque, de ce drama. Préférant rester en terrain connu, on ne retrouve pas dans le scénario cette dose diffuse de surprise qui permettrait de créer une réelle tension. Toute spontanéité paraît absente de l'écriture. C'est d'autant plus frustrant que, pour le moment, Gaikoukan Kuroda Kousaku joue plutôt dans un registre suggestif, livrant quelques pièces du puzzle à résoudre de manière très (trop?) disséminée. Si on devine certes - au-delà de l'intuition bien pratique narrativement de Kuroda - que tout est lié d'une façon ou d'une autre, du mystère Shimumura jusqu'au Mexique, on reste pour le moment dans l'expectative. Si bien qu'il y a comme un arrière-goût un peu artificiel qui émane de l'ensemble. C'est sans doute en partie un défaut de mise en route ; au drama de savoir le gommer par la suite.

L'autre aspect sur lequel Gaikoukan Kuroda Kousaku devra encore s'affirmer est sans doute plus déterminant : il touche aux peronnages. Ces derniers démarrent sur des bases assez caricaturales de stéréotypes du genre, trop figés pour réussir à créer une réelle dynamique. J'ai eu du mal à vraiment m'intéresser à ces protagonistes et à leur sort. En fait, il faut attendre la fin du deuxième épisode pour les voir véritablement commencer à s'humaniser ; le dernier quart d'heure redonne espoir pour la suite. On voit un peu s'effriter le masque imperturbable qu'arbore Kuroda. Ce qui coïncide avec le moment où Ogaki Rikako commence - enfin - à s'affirmer, et à obtenir la reconnaissance de son travail. Ces deux-là ont assurément un potentiel pour former une paire complémentaire, aux scénaristes de savoir l'exploiter à l'avenir maintenant qu'ils commencent à vraiment collaborer.

gkki.jpg

Sur la forme, Gaikoukan Kuroda Kousaku alterne quelques bonnes idées (la mise en valeur du décor californien dans le pilote est effectivement convaincante) avec d'autres initiatives plus discutables. Si la réalisation est classique, n'ayant pas l'ambition d'essayer d'imprimer sa marque et une ambiance propre à la série, en dépit de quelques de plans plus travaillés, le point faible vient plus de l'utilisation de la bande-son. La musique a surtout tendance à souligner des sur-dramatisations évidentes, là où elle devrait savoir accompagner et faire corps avec la narration. Elle peine à vraiment s'intégrer dans le récit.

Côté casting, le duo principal est composé d'Oda Yuji (Last Christmas) - pour interpréter un Kuroda Kousaku peu prompt à se dérider - et de Shibasaki Kou (Galileo), qui campe pour le moment l'archétype de la jeune professionnelle gaffeuse mais pleine de bonne volonté, dont on attend une reprise en main. A leurs côtés, gravite toute une galerie de personnages dont on ne cerne pas toujours les motivations plus ou moins troubles, plus ou moins ambitieuses surtout. On retrouve notamment parmi eux Kagawa Teruyuki, Kaho, Tanaka Kei, Nishijima Takahiro, Iwamatsu Ryo, Hagiwara Masato, Kondo Masaomi, Katase Nana, Ohkura Koji, Tanaka Tetsushi, Kaga Takeshi, Konno Mahiru, et enfin, dans le pilote, Lee Byung Hun (IRIS).

gkkp.jpg

Bilan : L'adjectif qui définirait sans doute le mieux les débuts de Gaikoukan Kuroda Kousaku reste le terme "classique". Classique au sens de prévisible, c'est-à-dire qu'elle va suivre un canevas familier au genre, mais qui va au final laisser un sentiment de manque d'ambition un peu décevant au vu des atouts mis de son côté dès le pilote. Si l'histoire apparaît complexe et intrigante, il reste à concrétiser des enjeux un peu trop flous. De même, il faudra que la suite permette aux personnages de se nuancer, comme semble l'esquisser la fin du deuxième épisode, si la série souhaite réellement impliquer le téléspectateur. 

En résumé, Gaikoukan Kuroda Kousaku dispose incontestablement d'un potentiel que l'on entre-aperçoit. A la série d'assumer l'ambition de son concept et à vraiment prendre ses responsabilités pour ne pas se contenter de rester une simple énième déclinaison du genre thriller-toutélié d'espionnage qui devrait cependant satisfaire les amateurs du genre.


NOTE : 5,5/10