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16/11/2014

(J-Drama) Kanata no Ko : en quête d'expiation sur le Mt. Fuji

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Comment faire face au poids d'une responsabilité insoutenable ? C'est la difficile question qu'explore Kanata no Ko, une courte série japonaise de 4 épisodes, adaptation d'un roman de Kakuta Mitsuyo. Diffusée sur la chaîne payante WOWOW du 1er au 22 décembre 2013, sa transposition dans le petit écran a été confiée au réalisateur Omori Tatsushi, sur un scénario de Takahashi Izumi

Se déroulant sur les pentes du Mt. Fuji, ce drama entraîne le téléspectateur sur les sentiers tortueux et douloureux d'une expiation impossible. La fiction met en effet en scène plusieurs protagonistes qui ont provoqué -d'une façon ou d'une autre- l'irréparable, causant la mort d'un proche : un enfant, un ami, un être autrefois aimé... L'ascension du Mt. Fuji, symbole tout à la fois de fuite et de repentance, constitue le dépaysant fil rouge d'une œuvre aussi troublée que troublante. Au fil d'une randonnée qui prend des accents oniriques, la série revisite les parcours de ces figures brisées et les motifs qui les ont conduits à entreprendre cette randonnée.

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Kanata no Ko décline son thème central du pardon impossible par l'intermédiaire de plusieurs histoires personnelles. Elle adopte pour cela une narration atypique, qui exploite de manière assez particulière le format sériel. Ainsi, son premier et son quatrième épisode sont consacrés au même personnage, celui sur lequel s'ouvre la série : cette mère désemparée, courant dans les rues d'une ville en portant sa fille inanimée dans les bras. En revanche, les épisodes 2 et 3 peuvent presque être visionnés de manière indépendante, s'intéressant à deux autres protagonistes ayant eux-aussi un passé avec lequel il leur faut tenter de faire la paix.

Pour chacune des histoires relatées, le récit suit une même construction narrative. Il se déploie sur trois lignes temporelles différentes : d'une part, il y a l'ancrage dans le présent que constitue cette excursion sur le Mt. Fuji ; d'autre part, deux éclairages parallèles sur le passé du personnage sont proposés. Il s'agit d'essayer de comprendre sa vie et ce qui a pu conduire à l'événement tragique qui s'est produit, mais aussi parfois d'esquisser le si difficile "après" et l'incapacité de continuer à vivre qui en a résulté. La tendance du scénario à entremêler les lignes temporelles se révèle parfois déroutante, confrontant des scènes que le téléspectateur ne replace pas toujours immédiatement dans ces tableaux tragiquement humains que la série dévoile par petites touches. Pourtant derrière cet aspect un peu brouillon, patiemment, avec une lenteur assumée et une sobriété revendiquée, c'est une fiction ayant un cachet à part qui se construit sous nos yeux, une fiction dont on ne ressort pas indemne...

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Kanata no Ko relate trois parcours distincts dans lesquels elle s'efforce d'impliquer le téléspectateur -avec plus ou moins de réussite. L'histoire principale est celle de Hitoko (épisodes 1 et 4). Elle traite d'une thématique double : d'abord, il s'agit d'explorer son enfance et la déchirure que représente l'abandon par sa mère, puis, à l'âge adulte, sa vie est l'occasion de rappeler la difficile situation dans laquelle se trouvent les mères célibataires au Japon (un thème qui avait été, souvenez-vous, brillamment traité quelques mois auparavant à la télévision japonaise dans Woman). Le premier temps est donc celui d'une innocence éphémère, avec un récit métaphorique troublant qui emprunte au folklore japonais ; le second, celui d'une descente aux enfers déchirante. Le deuxième épisode, sur le thème d'un amour hors de contrôle, est sans doute le moins abouti, devant beaucoup à l'interprétation très juste de Mitsushima Hikari (Woman). Quant au troisième, il évoque l'insouciance brisée par des jeux d'enfants ayant mal tourné.

Si Kanata no Ko est parfois inégale, ses fulgurances marquent durablement. La série a en effet l'art de capturer des instantanés de vie avec une authenticité rare. La réalisation y est pour beaucoup : offrant quelques plans magnifiques et sublimant certaines scènes du passé, la caméra sait aussi se montrer intimiste, filmant en retrait, sans intrusion, ces passages clés menant à l'irréparable. Omori Tatsushi apporte ainsi au drama de vrais instants de grâce, tout en accompagnant invariablement le téléspectateur vers la tragédie. La narration a le mérite de ne jamais accélérer, ni rechercher le moindre artifice, en menant au moment fatal. L'attente en devient aussi insoutenable que la scène du drame elle-même, la sobriété constante du récit restant une de ses forces majeures. Quant à la quête d'expiation -impossible- sur le Mt. Fuji, elle confère à la série des accents oniriques, aux confins du réel, qui déroutent et achèvent de donner à l'ensemble une dimension à part. Car, à l'image de son thème musical principal (cf. la vidéo ci-dessous), Kanata no Ko est une fiction hantée... à plus d'un titre.

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Au final, Kanata no Ko apparaît comme une œuvre brute, caractérisée par des fulgurances marquantes et la capture d'instantanés à la justesse troublante. Les inégalités qui amoindrissent parfois le récit elliptique mis en scène sont contrebalancées par une réalisation soignée qui, notamment dans les flashbacks, a l'art de sublimer certains passages. Kanata no Ko mise ainsi souvent plus sur le ressenti et la décharge émotionnelle qu'elle va susciter. Dans ce registre de l'expiation impossible, elle n'a sans doute pas l'intensité dérangeante de Shokuzai, dont elle sera logiquement rapprochée (les deux séries proviennent d'ailleurs toutes deux de la même chaîne), mais elle est une fiction dramatique éprouvante qui hantera durablement le téléspectateur. Il s'agit par conséquent d'un drama japonais intéressant qui ne saurait laisser insensible et mérite la curiosité.


NOTE : 7/10


Le thème musical principal de la série, par Mono :