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15/12/2011

(Pilote US) Luck : une immersion ambitieuse dans les coulisses des courses hippiques

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Comme un cadeau de Noël avant l'heure, HBO a proposé ce dimanche, à la suite du season finale de Boardwalk Empire, le pilote d'une de ses nouveautés très attendues de 2012, dont la diffusion débutera le 29 janvier prochain : Luck. Sur le papier, le pedigree de cette série sonne particulièrement impressionnant : créée par David Milch (Deadwood, John from Cincinnati), avec un premier épisode réalisé par Michael Mann, elle rassemble également un casting cinq étoiles emmené par Dustin Hoffman.

En fait, Luck, c'est la série que David Milch, passionné de courses hippiques, a toujours voulu porter à l'écran. C'est donc un univers particulièrement complexe qu'elle dévoile en ce premier épisode. Mes seules connaissances de ce milieu remontant à mes visionnages d'antan de L'Etalon Noir, les dialogues, surtout ceux liés aux enjeux d'argent, m'ont paru parfois très cryptiques. Seulement, il y a aussi quelque chose dans l'ambiance de ce pilote qui vous scotche devant votre écran, et vous donne vraiment envie d'apprendre à comprendre la série.

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Luck nous plonge dans le milieu des courses de chevaux, en s'intéressant plus particulièrement aux vies de tous ceux qui gravitent autour des intérêts financiers que brasse cet univers. Qu'ils soient simples amateurs de courses en quête de sensations, entraîneurs, propriétaires, jockeys ou encore parieurs à temps plein, ce pilote prend son temps pour esquisser les premiers traits et installer une riche galerie de protagonistes, transposant à l'écran, dans toute sa diversité, la population bigarrée fréquentant les hippodromes. L'argent aiguise logiquement les appétits de chacun, et l'épisode ne cache pas la part d'ombre de ce milieu.

C'est sur la sortie de prison de "Ace" Bernstein que le pilote s'ouvre ; cela va être l'occasion de le voir renouer avec ses anciennes connaissances pour lesquelles il a accepté sans les trahir sa sentence. Son chauffeur a déjà organisé les bases de son retour, prenant une licence de propriétaire de chevaux à son propre nom ; il servira de couverture pour son patron. Tout en suivant les premiers jours à l'air libre de Ace, l'épisode éclaire également tout le quotidien d'un hippodrome, se concentrant sur tous les participants à ce milieu, et notamment sur un groupe de parieurs qui mise très gros en ce jour de course, visant rien moins que le prix de 2 millions de dollars.

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Le pilote de Luck marque tout d'abord par sa faculté à retranscrire l'atmosphère très particulière qui entoure les courses hippiques. Tout en introduisant une galerie de personnages vite identifiables, qu'il restera ensuite à développer, sa grande réussite est de savoir parfaitement capturer la fièvre et toutes les tensions qui règnent au sein d'un hippodrome. Car le monde des turfistes se résume à deux centres d'intérêt qui fusionnent, grâce aux paris, lorsque la course est lancée : les chevaux et l'argent. Si ce milieu a des codes et un langage qui lui sont propres, le pilote n'en transmet pas moins au téléspectateur leur fébrilité caractéristique. Et c'est ainsi qu'à travers le regard des protagonistes, on se laisse gagner par l'excitation de la course, se surprenant à vibrer ou à frémir devant ces scènes qui rythment la vie d'un hippodrome.

En filigrane cependant, un glissement plus sombre s'opère : le dollar finit par éclipser les animaux, et c'est vers l'envers des jeux d'argent que nous conduit la série. Car les enjeux financiers assouplissent la moralité de bien des ambitieux. Au-delà du groupe de parieurs qui entend rafler le gros lot lors de la prochaine journée de courses, le pilote esquisse en arrière-plan une toile plus complexe d'intérêts contradictoires. Au plus près du terrain, la sincérité même de la compétition est questionnée dès lors que des personnes qui connaissent intimement les animaux font eux-mêmes des paris. A l'autre extrêmité, il faut aussi évoquer tous les commanditaires et organisateurs de ce business lucratif qui brasse tant d'argent. L'épisode reste pour le moment évasif sur ce plan, mais suivre le personnage de Ace permet aux premières pièces de ce tableau plus global de se mettre en place. Et la bande-annonce qui conclut l'épisode laisse entendre que c'est vers ces sujets aux thématiques presque mafieuses que s'orientera la suite de la saison.  

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Si la curiosité du téléspectateur est piquée, il faut cependant reconnaître le second trait de ce pilote est assurément sa complexité. Les dialogues y sont souvent assez cryptiques, et les tenants et aboutissants des intrigues un peu abstraits. Luck est une série devant laquelle le téléspectateur, étranger à l'univers dépeint, a le sentiment d'être réduit au statut frustrant de simple profane. Cependant, paradoxalement, cette approche singulière n'amoindrit pas l'intérêt que va susciter le milieu des courses. Elle confère au contraire au récit une impression d'authenticité et une forme de légitimité qui donnent au téléspectateur une envie supplémentaire de s'investir dans cette fiction. Car si le sujet est d'approche compliquée, sa richesse apparaît évidente.

Plus généralement, il faut se souvenir que l'opacité des débuts des oeuvres de David Milch reste une de leurs caractéristiques, c'est pourquoi l'introduction un peu abrasive de Luck ne doit pas rebuter : si l'écriture du scénariste fonctionne comme il se doit, ce sera au fil de la saison, à mesure que les épisodes vont passer, que tout se connectera et que le plein potentiel de l'histoire sera complètement dévoilé et exploité. Pour le moment, on l'entrevoit dans certaines scènes, et on le perçoit bien présent en arrière-plan. Une fois ce pilote terminé, le téléspectateur n'a au fond qu'un seul souhait : ouvrir en grand cette porte d'entrée que l'épisode se contente de seulement entrouvrir, afin d'apprécier pleinement la découverte, incontestablement ambitieuse, d'un milieu hippique très prenant. 

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Si Luck réussit si bien l'installation de son atmosphère, il le doit aussi beaucoup à sa forme. L'esthétique d'ensemble est à la hauteur de la réputation de Michael Mann. La réalisation est superbe, et la photographie très soignée. La caméra, nerveuse, nous fait véritablement prendre le pouls de ce milieu et percevoir les dynamiques qui le traversent. Le terme "immersion" acquiert tout son sens. Après, peut-être est-ce l'amatrice d'équitation qui parle ici, mais je dois avouer que les reconstitutions sur l'hippodrome m'ont vraiment coupé le souffle ; au-delà des courses, la seule scène d'entraînement dont nous sommes le témoin, de ce cheval qui peu à peu accélère, capture à merveille l'osmose du cavalier et de sa monture, pour un spectacle presque magique. J'en ai eu des frissons devant mon écran. De plus, Luck dispose également d'une bande-son travaillée qui contribue à construire l'ambiance, avec notamment un superbe générique dont la musique permet de démarrer la série dans les meilleures dispositions.

Enfin, Luck bénéficie d'un impressionnant casting, et ses acteurs ne demandent qu'à pouvoir pleinement s'exprimer à partir de toutes les thématiques à explorer dont recèle la série. Outre Dustin Huffman, passant pour l'occasion du grand au petit écran, on retrouve également Dennis Farina (New York Police Judiciaire), John Ortiz, Richard Kind (Spin City), Kevin Dunn (Samantha Who), Michael Gambon, Ian Hart (Dirt), Richie Coster, Jason Gedrick (Windfall), Kerry Condon, Gary Stevens, Tom Payne (Waterloo Road), Jill Hennessy et Nick Nolte. Luck étant une série chorale, cette solidité est un important atout ; à elle de savoir bien l'exploiter.

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Bilan : Projet original ambitionnant de plonger le téléspectateur dans le milieu des courses hippiques, ce pilote d'exposition capture à merveille la fébrilité et l'atmosphère qui règnent aussi bien dans les coulisses que sur la piste d'un hippodrome. Cette réussite s'explique par une écriture dense, mais aussi par la superbe réalisation, parfaitement maîtrisée, qui l'accompagne. L'impression d'authenticité est renforcée par la complexité de l'univers dans lequel le téléspectateur est introduit sans transition, ni effort d'explication. C'est un parachutage qui peut un instant dérouter, mais la richesse qui transparaît éveille la curiosité, en dépit du manque d'accessibilité immédiate.

Par conséquent, le reproche qui pourra être formulé à l'encontre de Luck sera sans doute qu'elle démarre en réclamant de la patience au téléspectateur. Mais si tout fonctionne, l'investissement sur les moyen et long termes méritera assurément le détour. C'est une série qui s'inscrit dans la durée. A découvrir en connaissance de cause ; mais comptez-moi dans le lot des curieux !   


NOTE : 8/10


La bande-annonce de la série :

Le générique :