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14/09/2014

(UK) The Village, saison 2 : chronique villageoise dans la société en changement de l'après-guerre

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"For five years, since the end of the war, my generation had been looking over their shoulders at the ghosts of older brothers who would always be young." Cette phrase prononcée en voix-off par Bert dans le premier épisode hante les débuts de la saison 2 de The Village. Si rien n'est oublié, si le souvenir de Joe humidifie toujours certains yeux -des personnages comme du téléspectateur-, le village est désormais entré dans les années 20. Les temps changent jusque dans ce coin isolé de campagne anglaise. Les femmes s'apprêtent à voter pour la première fois ; l'emprise de l'aristocratie se fait moins assurée, se crispant sur une position dominante et un passé révolu. Marqué par de nouveaux rapports de force, l'ordre social établi a perdu l'impression d'immutabilité qui lui était associée. Pas de réel bouleversement à constater en pratique, mais l'idée d'une alternative possible qui ne demande qu'à grandir. À partir d'un tel cadre, la série s'attache avec toujours autant de soin à la description du quotidien des villageois, entremêlant l'intime et le collectif : la vie a continué, au rythme des sentiments naissants, des ambitions contrariées et de coups du sort qui rappellent à chacun la précarité de sa situation.

Au sein du récit choral qui s'esquisse -du château des Allingham jusqu'au bar du village-, la famille Middleton demeure le point de repère du téléspectateur. Elle est parfaitement représentative de l'époque. Bert a grandi ; à peine entré dans l'âge adulte, il est à l'heure des choix, se retrouvant face aux mêmes questionnements que ceux qui tiraillaient Joe à la veille de la guerre : rester dans cet espace étriqué, ou partir voir le monde. L'évolution la plus notable est cependant celle de Grace. La mère de famille n'a pas seulement perdu un fils à la guerre, elle a aussi dû sacrifier un petit-fils aux convenances des Allingham. Capable désormais d'exprimer les frustrations et les colères si longtemps ravalées, elle s'affirme progressivement dans un nouveau registre. Tandis que son mari raisonne comme autrefois, à l'échelle de sa ferme et du travail accompli pour y survivre, une forme de conscience de classe est née chez Grace, conférant au personnage une dimension supplémentaire. Ainsi traversée d'aspirations très diverses, la famille Middleton symbolise toutes les mutations comme les continuités de cette seconde saison.

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Dans la multitude des period dramas diffusés à la télévision britannique, The Village n'a jamais cherché à capitaliser sur une fibre nostalgique, ni à jouer sur l'attrait dépaysant des fictions costumées. Œuvre dramatique, derrière laquelle Peter Moffat entreprend un véritable travail de mémoire avec pour point d'entrée le récit de Bert, narrateur situé dans le présent, elle est plus à rapprocher de The Mill, série de Channel 4 dont la suite a également été proposée cet été en Angleterre -a fortiori avec les luttes sociales qui prennent corps. La première saison de The Village avait été une des plus éprouvantes -pour ne pas dire 'traumatisante'- de l'année 2013. Si cette seconde ne manque pas de passage durs, la tonalité ambiante se fait un peu moins lourde et pesante. La série a cependant conservé ce qui faisait sa force, notamment une sobriété caractéristique renforçant l'impression de réalisme et d'authenticité laissée par le récit. Elle sait aussi toujours délivrer des scènes brutes et intenses, terriblement humaines, parfois profondément déchirantes, qui sont autant de pics émotionnels touchant en plein cœur le téléspectateur. Les atouts de l'an dernier sont donc toujours là, mais mis en avant par l'intermédiaire d'une écriture qui a gagné, avec la maturité, en homogénéité.

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Cette saison 2 de The Village est une confirmation, portée et confortée par un casting impeccable qui mérite aussi d'être salué (Maxine Peake et John Simm tout particulièrement). Une découverte recommandée à tout amateur de fictions historiques.

La saison 2 de The Village se termine ce dimanche soir sur BBC1. Elle n'a pour le moment pas été renouvelée.

NOTE : 7,5/10


La bande-annonce de la saison 2 :

07/09/2014

[Blog] Annonce de rentrée sériephile (et bloguesque)

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Septembre, mois des rentrées, notamment celle attendue des sériephiles (peu importe qu'il y ait désormais des fictions toute l'année à un rythme qui ne faiblit pas, les vieux rituels reviennent pour quelques semaines). L'occasion d'entrouvrir à nouveau les portes de My Télé is rich!. Le hiatus de ces derniers mois n'a rien résolu à mes problèmes de travail et d'absence de temps libre. Mais, j'ai pris conscience d'une chose durant cette pause : le visionnage d'une série ne me semble jamais complet tant que je n'ai pas formalisé en quelques mots les impressions que telle ou telle fiction m'a laissées. Comme un point final qui manque avant d'archiver l’œuvre. Et twitter, aussi pratique que soit ce réseau, ne remplit pas cette fonction.

En guise de résolution, c'est donc un nouveau départ que je propose en cette rentrée. À partir de la semaine prochaine, il y aura au moins un rendez-vous hebdomadaire sur ce blog, chaque dimanche. Je reviendrai sur un visionnage de la semaine, sur un rattrapage impromptu (j'accumule tant de retards) ou sur un coup de cœur un peu plus ancien (l'été a encore une fois été riche, de The Honourable Woman à Manhattan, en passant par quelques retours réussis comme Rectify ou The Village). Finies les longues analyses, les billets seront désormais plus courts, fonctionnant sur le modèle d'instantanés (faisons comme si j'avais jamais réussi à rédiger quelque chose de "bref" dans ma vie...). En modifiant le format des critiques, j'espère surtout retrouver un équilibre qui fait défaut depuis un an. L'objectif de My Télé is Rich! demeure inchangé : capturer, par le petit bout subjectif de la lorgnette bloguesque, la diversité jamais démentie du petit écran mondial.

Dans cette optique, septembre est un de ces mois où s'entremêlent excitation sériephile et pointe de fatalisme face aux déceptions pressenties. Parmi les nouveautés à surveiller, notez mardi prochain (9 septembre), le début de la diffusion, en Australie, d'une des découvertes proposées par le Festival SériesMania en avril dernier : Devil's Playground. Les premiers épisodes m'avaient beaucoup intrigué ; je vous renvoie à ma critique écrite au printemps. Avec la saison 2 à venir de Ainsi soient-ils, mais aussi, dans un autre registre, les mystères de Grantchester qui débarqueront en Angleterre (James Norton, dans un registre totalement différent par rapport à Happy Valley), cette fin d'année laissera donc une large place aux fictions cléricales. De ce qu'elles ont laissé entrevoir pour le moment (Ainsi soient-ils était aussi proposée en avant-première à SériesMania), elles donnent envie : à suivre !

La bande-annonce de Devil's Playground :

A partir du 9 septembre sur Showcase (Australie).

La bande-annonce de Grantchester :

Cet automne, sur ITV1 (Angleterre).


Il me reste à conclure en vous souhaitant une bonne rentrée sériephile. J'espère pouvoir partager avec vous les bonnes impressions qu'elle laissera. À très vite.

01/06/2014

(UK) Trying Again : une seconde chance ?

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L’incontournable série britannique du moment s’appelle Happy Valley – ne vous y trompez pas, en dépit du titre, « happy » est le dernier qualificatif dont on songerait à l’affubler. En attendant d’en rédiger un bilan (elle se termine mardi prochain sur BBC1), c’est sur une œuvre autrement plus légère que je souhaiterais attirer votre attention aujourd’hui : Trying Again.

Diffusée de manière assez confidentielle sur Sky Living depuis le 24 avril 2014, il s’agit d’une comédie, au format court (les épisodes font une vingtaine de minutes), tendant vers la rom-com. On retrouve à sa création une équipe plus habituée aux coulisses de la satire politique qu’à ce registre particulier : Simon Blackwell (connu du sériephile pour ses collaborations avec Armando Iannucci sur The Thick of It et Veep) et Chris Addison (qui s’est notamment fait remarquer, devant la caméra, dans The Thick of It).

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Si Trying Again emprunte à la rom-com, son angle d’attaque relationnel est pour le moins original. La série nous invite à suivre le quotidien d’un jeune couple, Meg (Jo Joyner) et Matt (Chris Addison), non pas au début de leur histoire, mais dans leur tentative hésitante de reconstruire un amour égaré. En effet, Meg a eu une aventure avec son patron. Six mois plus tard, les deux trentenaires essaient donc de rebâtir leur relation encore bien fragile, aidés d’une conseillère conjugale et de leurs amis. Évidemment, le fait que Meg doive continuer de croiser son ancien amant (interprété par Charles Edwards) au travail n’aide guère à apaiser les tensions…

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Trying Again est une série vite attachante dont le charme repose sur un style sobre, qui renvoie l'impression d'une sincérité assez touchante. C'est une comédie revendiquant sa simplicité, dans laquelle on ne croise ni rire forcé, ni gags qui s'enchaînent. Elle cherche à mettre en scène un quotidien ordinaire, tour à tour léger, voire absurde, mais toujours empreint d'une authenticité qui ne laisse pas indifférent. Pour cela, la fiction joue sur des ficelles narratives familières au genre investi, ficelles qu'elle sait se réapproprier avec une retenue mêlée d'assurance. Jetant un voile un brin désillusionné sur les péripéties de ce jeune couple en crise, la série cultive un humour un peu distant, presque froid, mais où les chutes, les décalages et les situations improbables dans lesquelles elle plonge ses personnages, provoqueront plus d'un sourire. Par ailleurs, sa capacité à impliquer le téléspectateur renforce l'assise de la fiction.

En effet, Trying Again doit beaucoup à ses protagonistes. Meg et Matt ont une dynamique bien à eux. A celle d'un jeune couple aspirant à s'installer, s'ajoute le poids de l'aventure extra-conjugale de Meg : elle apporte un twist qui complexifie et transforme en crises bien des situations en apparence anodine. L'effort réalisé par ces deux jeunes gens pour tenter de dépasser ce déchirement les rend plutôt attendrissants. Leurs défauts, leurs entêtements et les limites de leurs sentiments les humanisent, tout en soulignant les accents sincères du récit. Et l'association de Jo Joyner et de Chris Addison fonctionne bien à l'écran. Autour d'eux gravitent différents personnages secondaires hauts en couleurs : ces derniers permettent d'introduire plusieurs running-gag qui viennent rythmer la narration, à l'image des séances constamment interrompues chez leur psy, laquelle les reçoit dans sa maison qui n'a pas vraiment la sérénité d'un cabinet de consultation.

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Bilan : Comédie un peu désuète, à la sincérité assez attendrissante, Trying Again investit à sa manière, avec simplicité et aplomb, le registre de la rom-com. Le fait qu'il s'agisse pour le couple principal d'une seconde tentative après un événement qui aurait pu le briser apporte un piquant supplémentaire, nécessitant une gestion de crise permanente. L'humour y est assez distant et fonctionne souvent à froid, construisant la tonalité de la série par petites touches. Cela donne un ensemble léger, plutôt attachant, qui se révèle plaisant à suivre. La brièveté des épisodes renforce cette impression, tout en évitant tout temps mort. Ainsi, sans être incontournable, Trying Again traite le relationnel de façon assez bien dosée : de quoi mériter la curiosité, même si elle ne plaira sans doute pas à tous les publics.

NOTE : 6,5/10


La bande-annonce de la série :

18/05/2014

(UK) Line of Duty, saison 2 : no one is above the law

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Aujourd’hui, retour sur une série récente dont je n’avais encore pas eu l’occasion de vous parler. Line of Duty fait en effet partie de celles diffusées ces derniers mois qui méritent toute votre attention. Les plus anglophiles parmi vous se souviennent peut-être de la première saison, diffusée durant l'été 2012 (pour rafraîchir votre mémoire, vous pouvez aller jeter un œil à la critique que j'avais rédigé à l'époque). Une suite a donc été proposée cet hiver, du 12 février au 19 mars 2014, sur BBC2.

Un tel délai de plus d'un an et demi entre les deux l'a certes rendue un peu lointaine, y compris pour le public anglais. Mais l'audience, outre-Manche, s'est laissée entraîner dans cette nouvelle affaire - elle n'a cessé d'augmenter au fil des épisodes. Il faut dire que Jed Mercurio, le créateur et scénariste, a su admirablement reposer les enjeux de son sujet de départ, pour délivrer six épisodes portés par une rare tension. Tant et si bien qu'une troisième et une quatrième saisons ont d'ores et déjà été commandées. En espérant qu'elles nous parviennent avant 2016... intéressons-nous d'abord à cette saison 2.

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Line of Duty est un cop show qui plonge le téléspectateur dans les coulisses guère reluisantes de l'institution policière. Plus précisément, elle entreprend de dépeindre un envers du décor très sombre, où solidarité de corps et ambitions personnelles finissent par noyer bien des professionnels. Les enquêtes conduites pour sanctionner les éventuelles dérives des policiers sont confiées à une unité anti-corruption particulière, AC-12, au sein de laquelle le téléspectateur va retrouver plusieurs des protagonistes de la première saison, comme Steve Arnott et Kate Fleming. L’affaire qui va les occuper concerne la mort de trois policiers dans un guet-apens, lors du déplacement précipité et non sécurisé d'un témoin qu’ils étaient supposés protéger. Seule survivante de cette attaque, Lindsay Denton était au volant de la voiture qui menait le convoi. Ses actes, durant cette nuit tragique, vont rapidement nourrir les soupçons de l’unité.

La saison 2 est construite autour de cette interrogation centrale : Denton est-elle coupable ? Et si oui, de quoi exactement ? A-t-elle sciemment conduit le convoi vers ce piège ? Malveillance, incompétence, malchance… que s’est-il réellement passé ce soir-là ? Face à ces questions, Line of Duty fait le choix de cultiver les doutes du téléspectateur tout au long des six épisodes. La série prend un malin plaisir à entremêler les pistes et les indications contradictoires sur les événements, mais aussi sur la personnalité de Lindsay Denton. La situation semble ne jamais devoir cesser de se complexifier ; et si tout démarre sur la promesse d'un affrontement entre Denton et l'équipe de AC-12, les frontières se brouillent rapidement. Les certitudes des uns se fragilisent, les allégeances des autres se font et se défont au rythme des découvertes... et des intérêts personnels. Le téléspectateur est placé quasiment au même niveau que les enquêteurs : à partir d'indices équivoques, de versions divergentes où chacun omet une partie de la vérité, il doit se forger peu à peu ses propres convictions, lesquelles sont régulièrement remises en cause par les nouvelles orientations prises.

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Si l’incertitude subsiste jusqu’au bout, cela s'explique grâce à la complexité du scénario, mais aussi grâce au personnage de Lindsay Denton, fascinante d'ambivalence et portée par l’interprétation magistrale d’intensité de Keeley Hawes (Spooks, Ashes to Ashes). Elle est une figure aux facettes multiples, dont les forces, mais aussi les ambiguïtés, ne sont mises que progressivement en pleine lumière par le récit. Line of Duty implique émotionnellement le téléspectateur à ses côtés, presque malgré lui. Car s'il s'interroge sur la responsabilité de Denton, il est difficile de rester insensible à ce qui lui arrive : la fusillade dont elle réchappe déclenche une véritable descente aux enfers. Ostracisée dans son commissariat, soupçonnée par AC-12 de bien plus qu'une simple négligence, elle va subir de douloureuses épreuves aussi bien professionnelles que personnelles, des souffrances physiques et psychologiques... lesquelles touchent le téléspectateur, en dépit de cette question lancinante : est-elle coupable ? Et si oui... qu'a-t-elle réellement fait ?

De manière générale, la noirceur est le maître-mot de Line of Duty. Tout n'y est que faux-semblants, manœuvres et manipulations, au sein d'une institution policière gangrénée, où chacun paraît faillible et où les lignes jaunes se franchissent trop souvent avec impunité. Si AC-12 est censé poser les limites, être le gardien du temple de la loi et traquer ceux qui trahissent leurs engagements, on y retrouve pourtant reproduits les mêmes schémas que dans le reste des forces de l'ordre. Steve Arnott (Martin Compston), Kate Fleming (Vicky McClure) ou encore leur supérieur, Ted Hastings (Adrian Dunbar), sont exposés aux mêmes pressions, tentations et limites qui pèsent sur leurs collègues. L’univers dépeint par la série n’a d'ailleurs rien de manichéen : nul n’est jamais complètement irréprochable, et la vérité ne ressortira pas toujours de ces investigations. Outre une approche pessimiste, la série interpelle également par la tension constante, éprouvante même, qui la traverse. Plusieurs passages marquent durablement, qu’il s’agisse du choc produit par certaines scènes (qui réveillent le fantôme de Spooks) ou d’affrontements verbaux lors d’interrogatoires. Cela donne des moments extrêmement forts, qui secouent personnages et téléspectateur.

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Bilan : Dotée d'une écriture sombre, souvent dense, la saison 2 de Line of Duty emprunte une voie policière ambivalente et implacable, où les notions de vérité et de justice n'ont jamais semblé plus floues et incertaines. Par-delà un portrait institutionnel très pessimiste, la série délivre un récit prenant, porté par une tension omniprésente et par les incertitudes qui pèsent jusqu'au bout sur l'issue de l'enquête servant de fil rouge. La série se laisse d'ailleurs quelque peu entraîner par sa complexité dans le dernier épisode où elle se retrouve prise par le temps, apportant dans la précipitation les réponses attendues. Cependant la chute finale est parfaitement cohérente avec la tonalité de la saison, avec une résolution justifiant la commande des saisons suivantes.

En résumé, une chose est sûre : avec cette saison 2, Line of Duty a acquis une dimension supplémentaire. Et ces six épisodes sont certainement une des belles réussites anglaises de ce début d'année 2014. Avis aux amateurs !

NOTE : 8/10


Une bande-annonce de la saison :

11/05/2014

(AUS) The Gods of Wheat Street : portrait de famille aborigène empli de fraîcheur et d'émotions

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Restons dans les petits écrans de l'hémisphère sud encore aujourd'hui, pour retourner en Australie et cette fois-ci s'intéresser à une série actuellement en cours de diffusion : The Gods of Wheat Street. C'est sur la recommandation de Dibs que j'ai découvert cette fiction ce week-end. Créée et écrite par Jon Bell (dont je vous conseille une interview intéressante sur la genèse de cette œuvre), proposée le samedi soir depuis le 12 avril 2014 sur ABC1, cette série annoncée pour 6 épisodes (d'1 heure chacun) raconte le quotidien d'une famille aborigène dans l'Est de l'Australie.

Un tel thème conduit naturellement à la rapprocher d'une des belles réussites de la télévision australienne de ces dernières années, Redfern Now. On retrouve en effet à leur origine la volonté de ABC1 d'offrir une meilleure exposition dans ses fictions à cette communauté. Jon Bell a d'ailleurs écrit deux épisodes de Redfern Now. Cependant, The Gods of Wheat Street opte pour une approche très différente. Chargée de vitalité et de chaleur humaine, c'est une fiction pleine de fraîcheur qui oscille entre les ambiances et les tons. Une jolie découverte, attachante, qui installe un cocktail d'émotions dans votre télévision.

[La review qui suit a été rédigée après le visionnage des quatre premiers épisodes.]

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The Gods of Wheat Street nous plonge dans le quotidien de la famille Freeburn, qui habite Casino, une petite ville au nord de Sydney. Depuis le décès de sa mère, Odin s'est efforcé de préserver et protéger l'unité familiale, envers et contre toutes les épreuves qu'ils ont pu traverser. C'est lui qui, dès sa majorité, a élevé ses demi-frères et sœur. Tandis qu'Ares est aujourd'hui en prison, les deux plus jeunes vivent toujours chez Odin : Isolde rêve de mode, Tristan de football (il y aurait tout un article à consacrer aux prénoms des personnages dans cette série !). De plus, Odin s'est depuis marié. Mais sa femme l'a quitté pour les sirènes de Sydney, le laissant élever seul leurs deux filles. Heureusement, pour l'aider au quotidien, il peut compter sur sa belle-sœur, Libby, qui fait partie intégrante de leur maisonnée dans laquelle elle passe beaucoup de temps.

Comme si la situation n'était déjà pas assez compliquée à gérer au jour le jour, le premier épisode débute par la mort de l'employeur d'Odin. Son héritier décide de vendre tous les garages à la rentabilité douteuse de la société paternelle, mettant ainsi en danger l'avenir professionnel d'Odin. Les Freeburn doivent aussi composer avec différents protagonistes qui ont de lourds contentieux avec certains membres de la famille. Heureusement, pour guider Odin, l'esprit de sa défunte mère passe à l'occasion le voir, surtout lors des périodes de crise ; une apparition qui lui rappelle sa mission de protection de la famille qu'elle lui a confiée juste avant sa mort, et veille aussi sur toute cette maisonnée.

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The Gods of Wheat Street est d'abord un portrait de famille, animé, empli d'une chaleur humaine communicative et traversé par une joyeuse cacophonie. On y suit l'évolution de toute une galerie de personnages bien campés et vite attachants. La série emprunte aux grandes dynamiques traditionnelles du drama familial, trouvant instantanément cet équilibre caractéristique, aussi volatile que précieux, qui fait tout l'attrait du genre. Elle n'en conserve pas moins une identité qui lui est propre, exploitant à cette fin pleinement son cadre australien. Les Freeburn ont en effet traversé bien des crises -des drames, même- et portent en eux bien des blessures laissées par la vie et mal cicatrisées. Cependant, ils sont toujours repartis de l'avant, préservant envers et contre tous ce lien qui les unit, malgré les tensions inévitables. Ce sont plusieurs générations, et des histoires personnelles différentes, qui se côtoient au sein de la maisonnée. Le quotidien dépeint oscille entre amours contrariés, frustrations financières et mauvaises rencontres, avec des choix importants à faire pour certains. Si la série n'évite pas quelques poncifs, elle négocie avec assurance ses choix narratifs, portés par des dialogues où bien des répliques font mouche.

De manière générale, The Gods of Wheat Street est une fiction engageante. Le charme opère notamment grâce à la fraîcheur qui émane d'elle, accentuée par l'immersion australienne. Plus encore, la série se révèle capable de jouer sur une très large palette émotionnelle : elle peut être légère, presque comique, l'instant d'après déchirante, le tout avec une intensité constante. Tour à tour drôle et touchante, elle mélange les tonalités et change d'ambiance sans transition avec une simplicité désarmante. L'écriture, versatile, virevolte au gré des personnages et des instantanés capturés, entraînant le téléspectateur dans un tourbillon où mises en scène comiques cohabitent avec des passages autrement plus poignants. L'ensemble sonne sincère et souvent naturel à l'écran. C'est d'ailleurs ce style déjouant les classifications qui lui permet d'introduire, sans dérouter, ni rompre l'harmonie, une touche de fantastique. L'esprit de la matriarche défunte semble en effet simplement se promener parmi ses descendants, sans que des effets spéciaux soient nécessaires pour marquer cette apparition. Les quelques échanges initiés par elle avec Odin, puis Athena, paraissent à la fois ordinaires et surréalistes. Tout cela semble un peu à part... à l'image de la série.

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En outre, The Gods of Wheat Street est intéressante sur le plan formel. La réalisation est dynamique et maîtrisée, la photographie travaillée avec une teinte dominante versant dans les couleurs chaudes. Derrière la caméra, on retrouve notamment Catriona McKenzie qui avait fait un travail admirable dans The Circuit, il y a quelques années sur SBS. Au sein de chaque épisode, certaines scènes sont entrecoupées de plans extérieurs du paysage australien, où la caméra capture le ciel et ses nuances colorées : un beau travail d'ambiance qui a été confié à Brendan Lavell. Outre ses effets visuels réussis, The Gods of Wheat Street est en plus rythmée par une bande-son entraînante, utilisant des instrumentaux dont les sonorités évoquent les grands espaces, et quelques chansons parfaitement choisies qui contribuent à l'immersion du téléspectateur dans ce cadre très vivant. Le générique d'ouverture allie d'ailleurs à merveille le style musical et ces plans australiens, résumant l'atmosphère particulière qui se dégage de l'ensemble (pour un aperçu, il s'agit de la première vidéo ci-dessous).

Côté casting, si vous êtes un téléspectateur de Redfern Now, vous avez déjà croisé dans un ou plusieurs épisodes une bonne partie des acteurs. C'est Kelton Pell (The Circuit, Cloud Street) qui interprète Odin, celui autour de qui demeurent pour l'instant unis les Freeburn. Au sein de sa fratrie dont il a eu la charge après la mort de sa mère, on retrouve Shari Sebbens, Mark Coles-Smith et Bruce Carter (The Circuit, Hard Rock Medical). Rarriwuy Hick et Miah Madden incarnent les filles d'Odin, toutes deux apportant une présence très énergique. De son côté, Ursula Yovich est cette mère fantomatique qui leur rend visite à l'occasion, esprit qui avertit, donne un coup de pouce, sans jamais apporter de réponse claire. Enfin, le portrait ne serait pas complet sans citer Lisa Flanagan (Double trouble) qui accompagne les Freeburn au quotidien et rêve d'être plus pour Odin qu'une simple belle-sœur... alors même que ce dernier n'a toujours pas divorcé de sa sœur. 

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Bilan : Plus qu'un simple drama familial auquel elle emprunte nombre de ressorts narratifs, The Gods of Wheat Street offre un mélange des tonalités un peu à part et bien à elle, pour dépeindre cette famille aborigène complexe dans une Australie loin des grandes villes. Le rire et le drame se côtoient constamment dans cette œuvre, tour à tour légère, émouvante, voire surréaliste. Le dépaysement est garanti par quelques plans servant de transition qui capturent magnifiquement les paysages, le tout accompagné d'une bande-son inspirée qui sonne comme une invitation à l'évasion. Il émane de l'ensemble une fraîcheur et une vitalité dans lesquelles il est aisé de se laisser entraîner. Avis aux amateurs.


NOTE : 7,5/10


Le générique de la série :

La bande-annonce de la série :