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08/05/2014

(Pilote BR) FDP (Filhos da puta) : dura lex, sed lex

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Outre ses quelques grands thèmes (épidémie, religion), le Festival Séries Mania, c'est aussi l'occasion d'effleurer un peu la diversité du petit écran mondial, et donc l'occasion de voir traités des sujets pour le moins originaux. (fdp) (abréviation en VO sans doute jugée insuffisamment explicite, puisque le sens de l'acronyme a été ajouté entre parenthèses dans le titre au festival) appartient sans conteste à cette catégorie. Cette "comédie grinçante" (qui relève plus de la dramédie) de HBO Latino (chaîne dont je vous ai déjà parlé avec la chilienne Profugos ou encore la brésilienne Filhos do Carnaval) nous plonge dans le milieu du football... du point de vue de l'arbitre.

La série compte en tout 13 épisodes qui ont été diffusés du 26 août au 18 novembre 2012. Elle sera proposée en France (sur France Ô) à partir du 3 juin prochain, à l'occasion du Mondial de football, lequel se déroule justement... au Brésil. Étant donné qu'il reste assez rare que des fictions sud-américaines nous parviennent en dehors des telenovelas, et que le thème traité nous plonge dans le sport roi de ce pays, (fdp) apparaît comme une curiosité doublement intéressante. Au vu de ses premiers épisodes, le concept sur lequel elle repose a des limites, mais elle dispose cependant d'atouts qui méritent un coup d’œil.

[La review qui suit a été rédigée après le visionnage des deux premiers épisodes.]

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Lorsque débute (fdp), la vie personnelle de Juares Gomes (interprété par Eucir de Souza) est en pleine crise. Il lui faut en effet gérer une procédure de divorce houleuse, se battre pour la garde de son fils, mais aussi, au cours du deuxième épisode, revenir habiter un temps chez sa mère et découvrir que cette dernière ne mène pas la vie sage et rangée qu'il imaginait. En plus de jongler entre tous ces soucis, Juares Gomes exerce un métier pour le moins exposé : il est arbitre de football. Chaque semaine, des milliers de personnes le maudissent et l'insultent dans les stades où il officie, peu importe la qualité de son arbitrage et son respect des règlements. Il mène donc une carrière professionnelle sous haute tension, avec pour objectif d'arbitrer un jour une finale de Coupe du monde, dans le contexte extrêmement passionnel qui entoure ce sport au Brésil. (fdp) va nous faire vivre à ses côtés les péripéties qui rythment son quotidien.

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Lorsqu'elle s'essaie à la dramédie familiale, il faut reconnaître que (fdp) paraît très (trop?) classique, un peu poussive même dans la mise en scène des problèmes que cumule Juares dans sa vie privée. La série ne cherche pas à innover. Tout son intérêt repose en fait sur la confrontation de ces schémas narratifs extrêmement ordinaires avec un cadre autrement plus original pour une fiction : celui du monde du football. En lui-même, le choix d'un récit réalisé du point de vue de l'arbitre, anti-héros de la dramaturgie sportive par excellence, est déjà intriguant. Mais (fdp) va plus loin en proposant une immersion d'ensemble du téléspectateur dans l'ambiance de ce milieu. Outre l'arbitrage, elle alterne en effet différents angles d'approche, des médias jusqu'aux supporters. Mieux encore, elle entreprend de capturer et de retranscrire à l'écran l'atmosphère survoltée d'un stade de foot brésilien, laissant entrevoir, comme son titre l'annonce, la violence qui s'exprime à l'encontre de l'arbitre, avant même le début du match. Elle relève même avec brio le défi (notamment technique) difficile que représente la reconstitution crédible de matchs (du moins pour mon regard de néophyte), ce qui permet de voir Juares directement dans le feu de l'action.

C'est d'ailleurs sur le terrain que (fdp) s'épanouit vraiment, capable alors d'imbriquer différents niveaux d'enjeux qui constituent le cœur de la série. Tout d'abord, elle n'a pas son pareil pour faire rentrer le téléspectateur (même habituellement indifférent à ce sport) dans le match mis en scène : par l'intermédiaire de quelques séquences, brèves et s'enchaînant rapidement (nul n'a le temps de s'ennuyer, ni de décrocher), elle transmet toute la ferveur qui entoure la partie, et parvient à faire comprendre les problématiques d'arbitrage à trancher (lesquelles sont classiques : siffler un penalty, décider une expulsion...). En plus de tout cela, la série intègre parfaitement ces bouts de matchs dans son histoire. C'est-à-dire qu'elle ne se contente pas d'une approche sportive, mais qu'elle transpose sur le terrain les tensions introduites auparavant dans la vie personnelle de Juares. Ainsi, dans le premier épisode, le personnage est en pleine bataille judiciaire pour la garde de son fils. Or le juge est un fan d'une des équipes disputant la finale dans laquelle il officie. Se greffe donc un dilemme éthique avec lequel débat en son for intérieur Juares durant tout le match. Dans le second épisode, c'est avec l'ami de sa mère qu'il doit composer, un ami qui retrouve au fil de la partie tous les réflexes des supporters face à l'arbitre lorsque leur équipe perd... et hurle ses sentiments dans le micro qu'on lui a tendu. Autant de confrontations qui sont pour le moment gérées avec aplomb par Juares et qui donnent un piquant appréciable à la série.

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Bilan : Suivant des ressorts assez classiques, (fdp) est une dramédie dans laquelle le personnage central voit sa vie personnelle à problèmes s'entremêler avec sa vie professionnelle. S'il n'y a rien de neuf dans la gestion du versant privé, en revanche, c'est la particularité du métier de Juares qui confère à la série une originalité et un attrait indéniables. S'ouvrant au monde du football par le prisme de celui qui représente l'anti-héros par excellence de ce milieu, la série réalise un admirable travail d'immersion, permettant de faire prendre la mesure du contexte passionnel entourant ce sport au Brésil. La façon dont elle capture l'ambiance d'un match est notamment une réussite formelle à saluer. Grâce à leur brièveté (format d'une demi-heure), les épisodes évitent d'être étirés inutilement, même si c'est souvent dans la seconde moitié qu'ils prennent pleinement leur envol.

(fdp) saura-t-elle tenir la distance d'une saison ? Tout dépendra de sa capacité à continuer à faire se répondre le privé et le football. En tout cas, si elle intéressera sans doute plus les amateurs de ce sport, je suis la preuve qu'elle peut aussi être visionnée par des personnes à mille lieues de ce centre d'intérêt. Ce n'est certes pas une œuvre incontournable, mais c'est certainement une curiosité... à plus d'un titre !


NOTE : 6,5/10


Une bande-annonce de la série :

05/05/2014

(Pilote AUS) Devil's Playground : au sein de l'Église catholique australienne de la fin des années 80

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Outre des histoires d'épidémie, le deuxième grand thème du Festival Séries Mania 2014 était le religieux. Un de mes grands regrets a d'ailleurs été de ne pas pouvoir découvrir l'israélienne Mekimi, sur laquelle j'ai entendu de très bons échos. Parallèlement, côté français, j'ai pu assister à la projection des premiers épisodes de la saison 2 de Ainsi Soient-Ils, qui sera diffusée cet automne sur Arte : si la première saison m'avait laissé bien des réserves, cette seconde démarre vraiment sur de très intéressantes promesses (j'aurais sans doute l'occasion d'y consacrer un billet prochainement). En restant au sein de l’Église catholique, une autre série a retenu mon attention : l'australienne Devil's Playground.

Encore inédite en Australie (elle était au festival en "avant-première mondiale"), où elle sera diffusée d'ici la fin de l'année sur Showcase, Devil's Playground comptera en tout 6 épisodes. Elle est la suite d'un film du même nom (The Devil's Playground) de Fred Schepisi datant de 1976. Elle reprend le même protagoniste principal, Tom Allen, qui était alors enfant dans un séminaire, et qui est désormais devenu psychiatre et père de famille. Fait notable, le personnage demeure toujours interprété par le même acteur, Simon Burke, à 38 années d'intervalle. Les deux histoires sont cependant indépendantes. Si Devil's Playground partage son point de départ criminel -la mort d'un enfant- avec bien d'autres séries récentes, à l'image de Broadchurch ou Mayday, elle n'en est pourtant pas une énième déclinaison policière. Il s'agit en effet avant tout d'une œuvre qui, au sein d'une communauté, s'interroge sur le pouvoir et la religion.

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Devil's Playground s'ouvre en 1988. Depuis le film d'origine, Tom Allen a bien grandi : il est devenu psychiatre, père de deux enfants. Il est veuf quand débute la série. Toujours croyant et pratiquant, il fréquente, avec ses enfants, la communauté catholique de Sydney - de l'école confessionnelle à la messe dominicale. Dans sa vie professionnelle, il est aussi amené à traiter un patient prêtre, qu'il convainc de confesser à ses supérieurs les malversations qu'il a commises. Ce "fait d'armes" attire l'attention d'un des évêques, dans le contexte particulier qui entoure une Église australienne alors en pleine effervescence et mutation. Tom Allen se voit proposer de poursuivre le travail qu'il a initié auprès de ce prêtre, en recevant d'autres membres du clergé qui auraient besoin de son assistance.

Au même moment, le quotidien de la communauté est soudainement troublé par la disparition d'un enfant, dont la famille est bien connue de Tom Allen. Le corps du garçon est finalement retrouvé dans une étendue d'eau. Tandis que la police traite l'affaire comme une simple noyade accidentelle, le meilleur ami du défunt est persuadé que cette mort a été provoquée. Le psychiatre se retrouve ainsi au premier rang pour essayer de comprendre ce qu'il s'est passé, et démêler ce qui se joue, à cette époque, au sein de l’Église catholique du pays. Un scandale se profile.

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Si Devil's Playground démarre sur un ressort dramatique classique, promesse d'un fil rouge criminel assuré de retenir l'attention du téléspectateur, la série opte pour une autre approche que la classique enquête relatée du point de vue des policiers. En effet, ne se réduisant pas à une simple investigation, les premiers épisodes entreprennent de nous plonger dans cette communauté catholique de la fin des années 80. Plus qu'aux fidèles, la fiction s'intéresse à l'institution ecclésiastique elle-même et aux tensions internes -mais aussi intimes- qui déchirent en son sein le clergé. Par l'intermédiaire de l'école confessionnelle ou du cabinet de Tom Allen, plusieurs prêtres sont ainsi introduits. Cependant, ce sont les sommets de la hiérarchie qui concentrent les enjeux principaux : en effet, la succession du plus haut dignitaire australien s'annonce. Par-delà les luttes d'hommes de pouvoir, ce sont aussi des conceptions qui s'opposent, entre intransigeants à la ligne rigoriste et ceux qui souhaiteraient évoluer dans le sens de la société. Convictions et ambitions s'entremêlent et se heurtent. Mais c'est un autre écueil qui s'annonce pour certains des protagonistes, lié à des affaires de mœurs.

La réussite de ces débuts tient au fait que tout en capturant sans complaisance ces jeux politiques ecclésiastiques, Devil's Playground n'oublie pas de donner un personnage pouvant servir de point d'accroche au téléspectateur : Tom Allen occupe en effet très bien cette fonction. Le personnage est dépeint avec ses failles, dans sa vie privée et familiale ; de quoi lui donner l'épaisseur qui convient. Mais il y a aussi chez lui une droiture. Et il est surtout un croyant sincère, loyal à l’Église ; un laïc, observateur extérieur d'une institution qui lui reste très familière. Invité, à la demande d'un évêque, à devenir le "psychiatre de l’Église", il se retrouve donc dans une situation privilégiée, y compris pour pousser un peu plus loin les questions que soulève la mort du fils de cette famille qu'il côtoie. Autour de ce drame, la série est capable de se construire en dehors de l’Église, introduisant divers protagonistes -la famille du défunt, son meilleur ami-, qui lui permettent de traiter avec justesse des thèmes forts que sont la perte d'un être cher, ou encore le rapport à la foi face à un tel événement. Ainsi, si la série entend jeter un éclairage sur l'institution ecclésiastique, c'est cependant bien un portrait plus vaste de la communauté catholique, où croyants et clergés se croisent, qui est envisagé, donnant plus d'ampleur au récit.

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Visuellement, Devil's Playground fait preuve d'une belle maîtrise formelle qu'il convient de saluer. La photographie y est soignée, et la réalisation emprunte une sobriété toute calculée. La simplicité travaillée, très bien dosée, permet une reconstitution de l'Australie de la fin des années 80 par petites touches et grâce à quelques détails du quotidien, des voitures aux technologies. Une telle mise en scène assure l'immersion du téléspectateur au sein de ce cadre et de la communauté catholique dans laquelle elle nous glisse. Signe du parti pris esthétique de la série, le générique d'ouverture est tout aussi réussi, annonçant avec style le thème de la fiction.

Enfin, Devil's Playground peut s'appuyer sur un casting solide, au diapason de la sombre tonalité ambiante : les interprétations sont convaincantes, avec la retenue, mais aussi l'intensité qui convient parfois. Les protagonistes personnalisent différents enjeux, et consolident par leur jeu un récit déjà très efficace. Comme indiqué en introduction, c'est Simon Burke (The Alice) qui reprend, trois décennies après, le rôle de Tom Allen. A ses côtés, on croise quelques têtes très familières, toutes impeccables, comme Toni Collette (United States of Tara), John Noble (Fringe, Sleepy Hollow), Don Hany (East West 101, Serangoon Road), voire Leon Ford (Puberty Blues). Figurent également dans la distribution Andrew McFarlane (The Alice), Jack Thompson, Max Cullen (Love My Way) ou encore Anna Lise Phillips (Young Lions).

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Bilan : Délivrant deux premiers épisodes denses, dotés d'une narration solide et maîtrisée, Devil's Playground signe des débuts réussis. La série introduit efficacement le téléspectateur dans la communauté catholique de Sydney, aussi bien du côté des laïcs que des ecclésiastiques, utilisant le personnage de Tom Allen comme clé d'entrée - son statut de psychiatre lui donnant une dimension supplémentaire. Les tensions et les luttes, exacerbées, qui se perçoivent au sein de l'institution dépeinte, retiennent l'attention du téléspectateur, tout autant que le fil rouge criminel qui ébranle la communauté.

Après deux épisodes, Devil's Playground en est certes encore au stade des promesses ; mais elle semble avoir toutes les cartes en main pour mener à bien les ambitions affichées. Une chose est sûre, je surveillerai la diffusion australienne.


NOTE : 7,5/10

03/05/2014

(BE) Cordon : crise sanitaire à Anvers

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Parmi les grands thèmes de la cinquième saison du Festival Séries Mania, représentatifs de certaines tendances du petit écran mondial, figuraient les fictions pandémiques. Hypocondriaques s'abstenir ! Aux côtés de l'américaine Helix, la Corée du Sud et la Belgique ont proposé chacune deux approches très différentes de ce sujet. Tandis que l'asiatique The End of the World se démarque par son refus de toute surenchère, soignant une authenticité savamment travaillée pour exposer la gestion de la crise, l'européenne Cordon happe le téléspectateur dans un engrenage épidémique où les solutions envisagées, ainsi que l'origine de l'épidémie, soulèvent d'importantes interrogations.

Les deux premiers épisodes de Cordon ont été projetés mardi dernier à Séries Mania. Cependant il faut signaler que sa diffusion s'achèvera très prochainement en Belgique : débutée le 10 mars 2014 sur VTM, elle se terminera en effet le 12 mai prochain, au terme de 10 épisodes de 50 minutes chacun. Créée par Carl Joos et réalisée par Tim Mielants, cette série flamande trouve son inspiration dans les diverses alertes sanitaires de ces dernières années et les critiques que leur gestion a pu soulever. Le coffret DVD qui sortira en Belgique à la fin du mois est a priori annoncé avec des sous-titres français et anglais, de quoi conforter une curiosité piquée par des débuts efficaces.

[La review qui suit a été rédigée après le visionnage des deux premiers épisodes.]

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Cordon débute de la plus classique des façons pour une fiction pandémique : à Anvers, le NIZA identifie un virus, d'origine inconnue, dont le taux de mortalité se révèle très élevé. Face au risque de propagation, le gouvernement est contraint de prendre dans la précipitation une décision drastique : est ordonné la mise en quarantaine, derrière un cordon sanitaire, du quartier dans lequel se trouve la source présumée de l'épidémie. La série fait alors vivre au téléspectateur la crise par l'intermédiaire de plusieurs protagonistes, situés de part et d'ordre de ce cordon. Comment chacun va-t-il être affecté par la situation ? Comment va-t-on s'organiser à l'intérieur et à l'extérieur de ce quartier ? En arrière-plan, la menace et le danger représentés par le virus se précisent...

Pour traiter son sujet, Cordon opte pour une approche chorale : dotée d'une narration éclatée, elle suit une dizaine de personnages, de tout âge et de toutes professions. Cela lui permet de multiplier les angles d'approche, en éclairant avant tout l'impact humain de la crise sanitaire en cours. La série cherche à créer une proximité avec le téléspectateur -les sphères dirigeantes du pays sont ainsi volontairement laissées de côté, seulement entraperçues pour annoncer les mesures de lutte prises. De même, le point de vue des scientifiques, certes incontournable, reste également secondaire. Le récit se concentre sur la population, au plus près de ceux qui vont subir l'épidémie et/ou devoir gérer les conséquences de la mise en quarantaine. Le ressort est familier : il s'agit de mettre en scène des êtres ordinaires, soudain confrontés à une situation extraordinaire, dont nul ne peut connaît l'issue. Si les personnages manquent un peu d'épaisseur, chacun étant pour l'instant cantonné dans son rôle, ils paraissent bel et bien représentatifs de cette population diversifiée frappée par la quarantaine et les dilemmes qu'elle pose. Glissant progressivement vers la crise, parcourue par une tension sourde, Cordon happe ainsi le téléspectateur.

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Mais Cordon, ce n'est pas juste un thriller pandémique. Son atout tient à la richesse des thèmes abordés : ils soulèvent des enjeux scientifiques, policiers, mais aussi moraux, sociaux ou encore politiques. A défaut d'être original, le traitement d'ensemble est efficace, la série s'appropriant avec aplomb son concept. L'image de ce bloc d'immeubles, enfermé derrière des barrières improvisées de containers et autour duquel sont déployées des forces de l'ordre, marque. Ses occupants sont-ils d'ores et déjà condamnés ? Comment la situation va-t-elle évoluer dans un lieu désormais isolé, déserté par des autorités massées en dehors du périmètre ? Quels arbitrages entre intérêts individuel et collectif attendent chacun ? Les deux premiers épisodes montrent une série souhaitant aborder toutes les facettes de la crise : qu'il s'agisse d'évoquer la réaction de la population, ou de s'interroger sur l'origine du virus, voire sur les mesures prises par les autorités (jusqu'où ira-t-on pour maintenir la quarantaine ?). Cela donne un ensemble foisonnant, certes pas toujours complètement fluide, ni maîtrisé, et pas exempt non plus de certaines maladresses, mais qui reste prenant et -surtout- donne envie de s'investir.

Formellement, la série se révèle également solide. L'esthétique est soignée, la réalisation laisse transparaître dans la nervosité de la caméra une tension propre au thriller. Un important travail sonore a également été réalisé, avec une ambiance travaillée qui favorise l'immersion du téléspectateur. Enfin, Cordon rassemble un casting large et homogène, au sein duquel on retrouve notamment Wouter Hendrickx (Zuidflank), Liesa Van der Aa (Zingaburia), Tom Dewispelaere (Van Vlees en Bloed), Veerle Baetens (Code 37), Mieke De Groote (Van Vlees en Bloed, Code 37), Johan van Assche (Het goddelijke monster), Koen De Sutter (Zuidflank), Zoë Thielemans, Ricko Otto, Hugo Van Den Berghe (Flikken), Robbie Cleiren (Clan, Deadline 14/10, Marsman), Sven De Ridder (Deadline 14/10, Met Man en Macht), Steve Geerts (Clan, Met Man en Macht), Inge Paulussen (Clan, Zuidflank, Deadline 25/5), Mathijs Scheepers (Dag & nacht, Clan, Zuidflank) ou encore Greet Verstraete (Deadline 14/10, Deadline 25/5).

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Bilan : Les deux premiers épisodes de Cordon réussissent l'essentiel, posant avec aplomb les bases d'un récit à suspense qui happe le téléspectateur dans les destins croisés de personnages ordinaires confrontés à une situation de crise sanitaire imprévisible. Fiction chorale, abordant des thèmes extrêmement divers, la série se réapproprie le registre du thriller pandémique. Si elle n'évite pas quelques écueils ou maladresses, elle s'appuie sur un concept fort, l'isolement d'un quartier, face auquel le téléspectateur ne peut que s'interroger : jusqu'où la logique de quarantaine conduira-t-elle les autorités et tous les protagonistes ? En résumé, une œuvre qui, sans révolutionner le genre, en propose une déclinaison efficace, donnant envie de découvrir la suite.

Cordon, c'est donc l'occasion d'une piqûre de rappel (c'est le cas de le dire) téléphagique en provenance de Belgique, pays voisin, si proche, mais dont les fictions non francophones nous restent encore bien trop souvent inaccessibles.


NOTE : 7/10


La bande-annonce de la série :

01/05/2014

(J-Drama) Woman : une série émouvante qui ne laisse pas insensible

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Le Festival Séries Mania s'est achevé hier soir. Je n'y suis restée que quatre jours, mais ils furent riches en visionnages et en rencontres sériephiles ! Parmi les différentes catégories de prix attribués, outre notamment un prix du public qui a couronné la mini-série anglaise Southcliffe (cf. ma critique écrite l'été dernier), figurait cette année un prix des blogueurs, auquel je participais, pour récompenser une "série du monde". La série japonaise Woman a remporté ce titre. C'est avec beaucoup de plaisir et un peu d'émotion que je l'ai vue s'imposer au sein de notre jury. Il sera temps dans les prochains jours de revenir sur les découvertes permises par Séries Mania, mais, pour aujourd'hui, quelques mots sur Woman, sur laquelle je n'avais pas encore eu l'occasion d'écrire un article complet, même si je vous en avais déjà parlé à plusieurs reprises. 

[La review qui suit a été prépubliée, dans une première version, sur le site du Festival.]

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Il est des séries dont on ressort marqué, des fictions qui touchent des cordes sensibles et interpellent leurs spectateurs. Woman est incontestablement de celles-là. Son scénariste, Yuji Sakamoto, est loin d’en être à son coup d’essai dans ce registre qui requiert finesse et subtilité. Il a par le passé su brillamment explorer de complexes dynamiques familiales. Woman s’inscrit ainsi dans la droite ligne d’une œuvre comme Mother datant de 2010. Elle raconte l’histoire de Koharu Aoyagi (interprétée par Hikari Mitsushima, magistrale), une jeune femme devant subvenir seule aux besoins et à l’éducation de ses enfants en bas âge.

Woman impressionne d’abord par sa faculté à raconter, avec un sens du détail et une authenticité jamais prise en défaut, les scènes de vie ordinaires composant les journées de cette mère isolée. L’écriture instaure immédiatement une proximité et une empathie sincère avec Koharu. Le quotidien dépeint est dur : de l’épreuve journalière que représentent les transports bondés, jusqu’aux divers emplois à temps partiel cumulés dont les horaires la forcent parfois à laisser ses enfants seuls, la vie de Koharu est une course permanente. En proposant ces instantanés du quotidien, anecdotes souvent touchantes, parfois bouleversantes, Woman suscite de fortes décharges émotionnelles ; elle ne verse cependant jamais dans du mélodrame gratuit, faisant preuve de justesse et de retenue.

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Explorant une dimension intime, profondément humaine, la série voit son propos s’élargir au fil des premiers épisodes. Comme la situation financière de Koharu se détériore, la jeune femme se rend au bureau de l’aide sociale. La réception qui lui est réservée réveille d’autres blessures. Non seulement ces services la contraignent à se remémorer le drame à l’origine de sa précarité, mais ils conditionnent aussi leur aide éventuelle à l’absence de soutien de ses parents. Seule encore vivante, sa mère n’a pas reparlé avec Koharu depuis deux décennies. La situation va provoquer des retrouvailles douloureuses. S’entrouvre une autre histoire familiale, tout aussi chargée d’émotions, auprès de cette figure maternelle qui a refondé un foyer, devenue une étrangère pour sa propre fille.

En outre, le parcours de Koharu durant ces premiers épisodes apparaît comme un révélateur de la société japonaise. Par-delà ces portraits de dynamiques relationnelles difficiles, le choix de son sujet permet à Woman d’acquérir une dimension sociale qui ne peut laisser indifférent. Elle est l’occasion d’éclairer la place des mères célibataires au Japon et de montrer quel regard est porté sur elles. Il s’agit aussi d’insister sur la précarité dans laquelle elles vivent, alors même que revient régulièrement au Japon, dans les débats publics, la question de la réduction des aides auxquelles elles peuvent prétendre. C’est un thème de société fort qui est ainsi abordé, mettant en exergue l’ostracisme subi par ces femmes.

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Bilan : Délivrant un récit empreint de sincérité, Woman propose un équilibre convaincant sur un double registre à la fois émotionnel et intellectuel. Son récit trouve un écho particulier auprès d’un large public, porté par un casting impeccable au sein duquel l'actrice principale, ainsi que celle qui joue sa petite fille, savent faire fondre les coeurs. En somme, c'est une série aux accents universels qui marque, tout simplement. Avis aux sériephiles, bien au-delà des seuls amateurs de fictions asiatiques (la série compte seulement 11 épisodes) : n'hésitez pas à être curieux !


NOTE : 8,25/10


Une bande-annonce de la série :

23/04/2014

[Festival] Séries Mania, saison 5

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Hier s'est ouverte la cinquième saison d'un Festival parisien devenu au fil des ans un rendez-vous très attendu des sériephiles francophones, Séries Mania. Ayant gagné cette année quelques jours supplémentaires, ce festival reste l'occasion de savourer des séries sur grand écran, mais aussi d'assister à des tables rondes, rencontres et conférences intéressantes et de s'immerger dans une ambiance qui en font un lieu de ralliement pour tous les passionnés du petit écran. Ce sont quelques jours "au bonheur du sériephile".

Au programme, on trouve bien entendu des séries françaises (comme la saison 2 de Ainsi soient-ils ou la saison 5 de Mafiosa), américaines et britanniques (telle la sombre Southcliffe, l'enthousiasmant gangster-period drama Peaky Blinders, la dérangeante Black Mirror, l'attachante Dates ou The Crimson Field, actuellement diffusée sur BBC1, et qui s'inscrit dans le cadre du centenaire des débuts de la Grande Guerre). Mais, Séries Mania, c'est également une occasion d'être curieux, avec une belle ouverture vers les productions mondiales. C'est l'opportunité de pouvoir se tourner vers des productions de divers pays exotiques, sans s'inquiéter d'avoir à mettre la main sur les épisodes ou sur des sous-titres de qualité : d'Israël (Mekimi) à la Corée du Sud (The End of the World), du Brésil (FDP (Filhos da Puta)) jusqu'au Japon (Woman), avec un détour par la Russie... sans oublier les valeurs sûres scandinaves (du Danemark (Arvingerne/The Legacy) à la Finlande (Nymphs), en passant par la Norvège (Mammon, Eyewitness)), ou encore le Québec (Série noire). Cette année, un prix des Blogueurs viendra récompenser une de ces séries du monde présentées au Festival.

Ayant le plaisir de faire partie du jury de ce prix, vous pouvez donc vous attendre à quelques billets sur toutes ces fictions venues d'horizons plus ou moins lointains. Ma fin de mois d'avril sera une belle orgie sériephile. Parmi ces séries, signalons-en plusieurs que j'ai déjà vues, notamment deux asiatiques : la sud-coréenne The End of the World et la japonaise Woman, que je ne peux que chaudement vous conseiller (et que je présenterai, comme l'année dernière pour Going My Home, avant leur projection au Forum des Images).

L'autre bonne nouvelle qui va de paire avec ce billet, c'est que My Télé is rich! s'apprête donc à retrouver un rythme de publication plus décent. J'espère parvenir à retrouver un équilibre entre le blog et le reste de mes activités durant cette seconde moitié de printemps qui devrait être un peu plus posée... Merci de votre fidélité (et de votre patience). Et en avant, donc, pour Séries Mania !

Pour en savoir plus, direction le site officiel : http://series-mania.fr/