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18/05/2014

(UK) Line of Duty, saison 2 : no one is above the law

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Aujourd’hui, retour sur une série récente dont je n’avais encore pas eu l’occasion de vous parler. Line of Duty fait en effet partie de celles diffusées ces derniers mois qui méritent toute votre attention. Les plus anglophiles parmi vous se souviennent peut-être de la première saison, diffusée durant l'été 2012 (pour rafraîchir votre mémoire, vous pouvez aller jeter un œil à la critique que j'avais rédigé à l'époque). Une suite a donc été proposée cet hiver, du 12 février au 19 mars 2014, sur BBC2.

Un tel délai de plus d'un an et demi entre les deux l'a certes rendue un peu lointaine, y compris pour le public anglais. Mais l'audience, outre-Manche, s'est laissée entraîner dans cette nouvelle affaire - elle n'a cessé d'augmenter au fil des épisodes. Il faut dire que Jed Mercurio, le créateur et scénariste, a su admirablement reposer les enjeux de son sujet de départ, pour délivrer six épisodes portés par une rare tension. Tant et si bien qu'une troisième et une quatrième saisons ont d'ores et déjà été commandées. En espérant qu'elles nous parviennent avant 2016... intéressons-nous d'abord à cette saison 2.

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Line of Duty est un cop show qui plonge le téléspectateur dans les coulisses guère reluisantes de l'institution policière. Plus précisément, elle entreprend de dépeindre un envers du décor très sombre, où solidarité de corps et ambitions personnelles finissent par noyer bien des professionnels. Les enquêtes conduites pour sanctionner les éventuelles dérives des policiers sont confiées à une unité anti-corruption particulière, AC-12, au sein de laquelle le téléspectateur va retrouver plusieurs des protagonistes de la première saison, comme Steve Arnott et Kate Fleming. L’affaire qui va les occuper concerne la mort de trois policiers dans un guet-apens, lors du déplacement précipité et non sécurisé d'un témoin qu’ils étaient supposés protéger. Seule survivante de cette attaque, Lindsay Denton était au volant de la voiture qui menait le convoi. Ses actes, durant cette nuit tragique, vont rapidement nourrir les soupçons de l’unité.

La saison 2 est construite autour de cette interrogation centrale : Denton est-elle coupable ? Et si oui, de quoi exactement ? A-t-elle sciemment conduit le convoi vers ce piège ? Malveillance, incompétence, malchance… que s’est-il réellement passé ce soir-là ? Face à ces questions, Line of Duty fait le choix de cultiver les doutes du téléspectateur tout au long des six épisodes. La série prend un malin plaisir à entremêler les pistes et les indications contradictoires sur les événements, mais aussi sur la personnalité de Lindsay Denton. La situation semble ne jamais devoir cesser de se complexifier ; et si tout démarre sur la promesse d'un affrontement entre Denton et l'équipe de AC-12, les frontières se brouillent rapidement. Les certitudes des uns se fragilisent, les allégeances des autres se font et se défont au rythme des découvertes... et des intérêts personnels. Le téléspectateur est placé quasiment au même niveau que les enquêteurs : à partir d'indices équivoques, de versions divergentes où chacun omet une partie de la vérité, il doit se forger peu à peu ses propres convictions, lesquelles sont régulièrement remises en cause par les nouvelles orientations prises.

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Si l’incertitude subsiste jusqu’au bout, cela s'explique grâce à la complexité du scénario, mais aussi grâce au personnage de Lindsay Denton, fascinante d'ambivalence et portée par l’interprétation magistrale d’intensité de Keeley Hawes (Spooks, Ashes to Ashes). Elle est une figure aux facettes multiples, dont les forces, mais aussi les ambiguïtés, ne sont mises que progressivement en pleine lumière par le récit. Line of Duty implique émotionnellement le téléspectateur à ses côtés, presque malgré lui. Car s'il s'interroge sur la responsabilité de Denton, il est difficile de rester insensible à ce qui lui arrive : la fusillade dont elle réchappe déclenche une véritable descente aux enfers. Ostracisée dans son commissariat, soupçonnée par AC-12 de bien plus qu'une simple négligence, elle va subir de douloureuses épreuves aussi bien professionnelles que personnelles, des souffrances physiques et psychologiques... lesquelles touchent le téléspectateur, en dépit de cette question lancinante : est-elle coupable ? Et si oui... qu'a-t-elle réellement fait ?

De manière générale, la noirceur est le maître-mot de Line of Duty. Tout n'y est que faux-semblants, manœuvres et manipulations, au sein d'une institution policière gangrénée, où chacun paraît faillible et où les lignes jaunes se franchissent trop souvent avec impunité. Si AC-12 est censé poser les limites, être le gardien du temple de la loi et traquer ceux qui trahissent leurs engagements, on y retrouve pourtant reproduits les mêmes schémas que dans le reste des forces de l'ordre. Steve Arnott (Martin Compston), Kate Fleming (Vicky McClure) ou encore leur supérieur, Ted Hastings (Adrian Dunbar), sont exposés aux mêmes pressions, tentations et limites qui pèsent sur leurs collègues. L’univers dépeint par la série n’a d'ailleurs rien de manichéen : nul n’est jamais complètement irréprochable, et la vérité ne ressortira pas toujours de ces investigations. Outre une approche pessimiste, la série interpelle également par la tension constante, éprouvante même, qui la traverse. Plusieurs passages marquent durablement, qu’il s’agisse du choc produit par certaines scènes (qui réveillent le fantôme de Spooks) ou d’affrontements verbaux lors d’interrogatoires. Cela donne des moments extrêmement forts, qui secouent personnages et téléspectateur.

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Bilan : Dotée d'une écriture sombre, souvent dense, la saison 2 de Line of Duty emprunte une voie policière ambivalente et implacable, où les notions de vérité et de justice n'ont jamais semblé plus floues et incertaines. Par-delà un portrait institutionnel très pessimiste, la série délivre un récit prenant, porté par une tension omniprésente et par les incertitudes qui pèsent jusqu'au bout sur l'issue de l'enquête servant de fil rouge. La série se laisse d'ailleurs quelque peu entraîner par sa complexité dans le dernier épisode où elle se retrouve prise par le temps, apportant dans la précipitation les réponses attendues. Cependant la chute finale est parfaitement cohérente avec la tonalité de la saison, avec une résolution justifiant la commande des saisons suivantes.

En résumé, une chose est sûre : avec cette saison 2, Line of Duty a acquis une dimension supplémentaire. Et ces six épisodes sont certainement une des belles réussites anglaises de ce début d'année 2014. Avis aux amateurs !

NOTE : 8/10


Une bande-annonce de la saison :

27/01/2012

(Pilote UK) Call the Midwife : aux côtés de sages-femmes dans les années 50

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Vous connaissez mon penchant pour les period drama, quelque soit l'époque qu'ils mettent en scène. Et si en plus ils peuvent nous offrir d'intéressants portraits de femmes, c'est encore mieux. En ce mois de janvier, les chaînes m'ont entendu puisque plusieurs séries s'intéressent au milieu du XXe siècle d'une perspective féminine. Il y a d'abord la canadienne Bomb Girls, mini-série se déroulant durant la Seconde Guerre Mondiale diffusée depuis le début du mois, et sur laquelle je reviendrais peut-être. Et puis, dans un tout autre genre, BBC1 nous propose, elle, une immersion dans les années 50.

Call the Midwife a débuté le 15 janvier dernier. Écrite par Heidi Thomas, elle s'inspire des mémoires de Jennifer Worth. Ayant remporté un joli succès d'audience le dimanche soir, puisque son premier épisode a rassemblé plus de 9 millions de téléspectateurs et qu'ils étaient encore plus de 8 millions devant le second, une deuxième saison a d'ores et déjà été commandée par la BBC. En attendant, la première saison comportera en tout six épisodes. Et après avoir visionné les deux premiers épisodes (sur les conseils avisés de Skyefleur), je suis certaine que je serai au rendez-vous pour la suite !

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Call the Midwife se déroule dans les années 50, dans un quartier populaire de l'Est londonien. Elle s'intéresse au quotidien des sages-femmes de Nonnatus House, un établissement où des infirmières laïques interviennent aux côtés de religieuses. La série débute par l'arrivée d'une nouvelle sage-femme, tout juste qualifiée, Jenny Lee, qui est également la narratrice de l'histoire. Issue d'un milieu social qui ne l'a pas préparée aux conditions de vie des classes les plus défavorisées de son pays, la jeune femme a du mal à s'adapter aux situations qu'elle doit gérer, les notions d'hygiène notamment apparaissant complètement étrangères à certaines de ses patientes.

A travers le travail des sages-femmes, la série prend le pouls d'un quartier où, sans moyens contraceptifs pour contrôler les naissances, les familles sont souvent très nombreuses (même si la première patiente de Jenny, qui attend son vingt-cinquième enfant, restera un cas exceptionnel). Parallèlement, Call the Midwife va aussi éclairer l'apprentissage de ces jeunes sages-femmes qui ont choisi de venir ici exercer ce métier, mais qui connaissent encore si peu la réalité de la vie. Leurs difficultés à se plier aux exigences et à la flexibilité demandées, le caractère très éprouvant d'une tâche qui peut être la plus belle qui soit - contribuer à donner la vie - ou tourner à un drame poignant, mais aussi l'amitié qui se noue entre elles, sont autant de thématiques que la série va entreprendre d'explorer.

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Choisir de s'intéresser au métier de sages-femmes va permettre à Call the Midwife de jouer sur plusieurs tableaux. Tout d'abord, le fait que ses personnages soient au plus proche de la population est l'occasion de proposer une reconstitution historique complète de l'époque et des moeurs de ces quartiers populaires. Elle va ainsi décrire les conditions de vie de ces classes les plus défavorisées. Et si elle renvoie parfois l'impression d'instantanés trop proprets, la série n'occulte pas pour autant des problématiques sociales et de santé qui demeurent des enjeux centraux, comme en témoigne le destin de cette fille-mère que la grossesse arrache un temps à la prostitution dans le deuxième épisode.

Pour autant, Call the Midwife ne tombe jamais dans le misérabilisme. La série trouve en effet le juste équilibre dans sa tonalité, pour apparaître avant tout comme porteuse d'un message d'espoir. Dès la fin du premier épisode, d'ailleurs, une discussion éclaire ce parti pris : les héroïnes, ce ne sont pas ces sages-femmes qui se dévouent pour accompagner ces mères, ce sont ces dernières qui perpétuent le cycle de la vie même avec le peu dont elles disposent. Et c'est d'ailleurs dans cette optique que le métier de sage-femme est parfaitement exploité : si des drames se produisent inévitablement, dans le même temps, le fait de voir ainsi transmettre la vie redonne des forces, amenant naturellement à se tourner vers le futur avec un réel optimisme. On touche ici au charme de Call the Midwife : sa faculté à susciter un véritable kaléidoscope d'émotions.

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L'attrait de Call the Midwife tient en effet à sa profonde humanité. Une humanité qui est explorée grâce à la thématique médicale, mais aussi grâce à la galerie de personnages attachants qu'elle met en scène. Si la série demeure toujours dans un registre à dominante dramatique, elle sait aussi introduire à l'occasion des passages plus légers. Ainsi, une des religieuses, avec ses étranges divagations ou sa chasse continuelle à la moindre pâtisserie, permet des parenthèses bienvenues qui équilibrent l'ambiance du récit. Plus généralement, à défaut de figures originales ou surprenantes, la série opère une distribution des rôles efficaces qui permet au téléspectateur de s'investir à leurs côtés.

La narratrice, Jenny Lee, sert de clé d'entrée dans ce quartier. C'est à travers son regard que l'on découvre ce métier. Il faut rappeler que ces sages-femmes laïques sont avant tout des jeunes femmes qui ont encore beaucoup à apprendre non seulement sur leur travail, mais aussi plus globalement sur la vie. Au-delà de leur sens des responsabilités, transparaît surtout leur inexpérience. Cette relative innocence, que certaines de leurs patientes soulignent, leur confère une sincérité touchante et donne envie au téléspectateur de les accompagner dans cet apprentissage.

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Sur la forme, Call the Midwife est une vraie réussite. C'est un period drama diffusé sur BBC1 et cela se perçoit dans la mise en scène et l'esthétique de la photographie. La reconstitution est soignée. De manière très appuyée, la série entreprend vraiment de jouer sur une fibre nostalgique qu'elle cultive. Le générique, et sa succession de photographies en noir et blanc, donne immédiatement le ton. La bande-son est également sur ce point révélatrice : elle utilise à plusieurs reprises des chansons d'époque ou des chants religieux qui servent de transition ou de conclusion. Cela contribue à cette atmosphère étonnamment chaleureuse, contrastant avec la réalité des conditions de vie dépeintes.

Enfin, Call the Midwife bénéficie d'un casting sympathique. C'est Jessica Raine qui incarne Jenny Lee, la narratrice dont la voix off (âgée) nous relate avec le recul ces années dans l'Est londonien. L'actrice capture bien à la fois l'innocence, mais aussi la détermination, de la jeune femme. A ses côtés, pour incarner ses collègues de travail, on retrouve l'excellente Miranda Hart, dans un registre très différent de la comédie habituelle (Miranda), Helen George et Bryony Hannah (Above Suspicion : Silent Scream). Quant aux religieuses, elles sont jouées par Jenny Agutter (Spooks), Pam Ferris (Little Dorrit), Judy Parfitt (Funland, Little Dorrit) et Laura Main (Murder City).

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Bilan : Period drama à l'esthétique soignée et au sujet très intéressant, Call the Midwife est une série chaleureuse et attachante, parfaitement représentative du savoir-faire des prime-time de la BBC. En nous relatant le quotidien de ces sages-femmes, elle entreprend d'explorer toutes les facettes - médicales et sociales - d'une thématique à fort potentiel. Par les destinées féminines qu'elle nous raconte, qu'il s'agisse des futures mères ou bien des sages-femmes elles-même, la série semble avant tout célèbrer une humanité revigorante, le tout accompagné d'un parfum de douce nostalgie assumée. A conseiller aux amateurs de period drama.


NOTE : 7,5/10


La bande-annonce de la série :