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25/11/2009

(UK) Yes Minister : les coulisses d'un cabinet ministériel

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Je suis d'un tempérament difficile à l'égard des comédies. Au-delà de ma préférence naturelle envers les dramas, il est rare d'obtenir de moi plus qu'une vague esquisse de sourire. Cependant, il existe quelques exceptions me permettant d'occuper mes longues soirées de déprimes hivernales, au rang desquelles figure en bonne place Yes Minister. Une de ces sitcoms que je chéris, une des rares à réussir à me faire rire aux éclats devant mon petit écran. Cette série, écrite par Anthony Jay et Jonathan Lynn, appartient sans nul doute au panthéon des comédies britanniques. Véritable institution en terme d'humour, elle comprend trois saisons qui furent diffusées de 1980 à 1984. Une suite -conséquence de la promotion du la figure politique centrale-, Yes Prime Minister, durera ensuite deux saisons, de 1986 à 1988. Au total, la série comporte ainsi 38 épisodes. Avec ses dialogues savamment ciselés et son excellent trio d'acteurs principaux (Paul Eddington, Nigel Hawthorne, Derek Fowlds), cette comédie est un petit bijou d'humour dont la caractérisation des thématiques politiques est intemporelle.

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Yes Minister nous plonge dans les coulisses d'un cabinet ministériel, en prenant un malin plaisir à nous dépeindre les rapports de force continuels et conflictuels entre les fonctionnaires en place de l'administration et le politique censé les diriger, leur ministre. Au centre de ce délicieux et habile numéro de duettistes, se trouve un duo de brillants personnages qui symbolisent parfaitement chacun les deux systèmes qu'ils représentent. D'un côté, il y a Jim Hacker (Paul Eddington) qui incarne la figure du politicien ambitieux et pragmatique, membre d'un parti qui revient au pouvoir après des années d'opposition. La politique et sa fameuse notion de "réforme" se résume, chez lui, à mesurer le potentiel gain d'exposition que cela peut lui apporter, accordant un soin particulier aux retombées médiatiques certaines et aux votes probablement gagnés. Ainsi a-t-il tendance à mesurer la réussite de sa dernière initiative politique en fonction du nombre de colonnes des articles lui étant consacrés dans les journaux. S'il suit toujours l'air du temps et de l'opinion publique (ou de son parti), Hacker ne manque pourtant pas de bonne volonté. Cependant, ses velléités réformatrices se heurtent toujours à l'invariable Sir Humphrey Appleby.

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Sir Humphrey (Nigel Hawthorne), représentant de l'indéboulonable establishment administratif, est quant à lui un fervent partisan du statu quo, contre vents et marées. En théorie, il est celui qui doit assister le ministre dans sa politique ; en pratique, la majeure partie de son activité consiste à canaliser, voire à annihiler, toutes les pulsions réformatrices politiciennes de son patron. En présence de cette figure interne d'opposition systématique, les épisodes se résument ainsi souvent à suivre l'évolution du rapport de forces entre les deux, comme une partie d'échecs, chacun usant de mille et une stratégies pour parvenir à imposer ses vues. Au milieu de tout cela, Bernard Woolley (Derek Fowlds), secrétaire privé du ministre, mais également fonctionnaire dont la carrière dépend de Humphrey, compte les points et se retrouve constamment pris entre deux feux et deux loyautés théoriques qui s'opposent. Avec un art du compromis tout personnel, il s'efforce de garder un minimum de neutralité en ne mécontentant ni l'un, ni l'autre ; toujours prompt à acquiescer aux vérités énoncées par ses deux patrons, mais non sans prendre un malin plaisir à pointer leurs incohérences ou à faire partager ses vues en quelques phrases souvent décalées, toujours très inspirées. 

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Yes Minister constitue une brillante satire politique, dépeignant avec un cynisme ouvertement affiché et qui sonne pourtant toujours terriblement juste les problamétiques auxquelles est confronté quotidiennement le cabinet ministériel. De la gestion de la presse à la tentative de mise en place de grandes politiques de réformes, tout y est traité, avec un don certain pour l'autodérision et des piques qui font toujours mouche. Parmi les moments les plus savoureux, figurent les quasi-monologues de Humphrey. Il y expose notamment sa vision du travail de ministre, cantonné à la fonction d'assurer les financements du département et à leur défense au Parlement. Ces discours sont de véritables pépites d'humour noir. La série s'amuse aussi beaucoup dans la mise en scène du "langage de l'administration", vaste force d'inertie à lui tout seul, proprement incompréhensible hormis par celui qui l'énonce.

Outre l'utilisation d'un comique de situation exploité sans excès, la richesse de la sitcom réside donc principalement dans ses dialogues regorgent de jeux de mots, tour à tour improbables, inattendus ou paraissant comme une évidence. Alternant ces différents types d'humour, les scénaristes tombent souvent juste, tant dans la comédie que dans la justesse du tableau politique dressé.

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Je ne résiste pas à l'envie de vous faire partager quelques lignes de dialogues, issues de la saison 1 de Yes Minister que j'ai revue il y a peu :

Jim Hacker: What's the différence ?
Bernard: Well, "under consideration" means "we've lost the file" ; "under active consideration" means "we're trying to find it".
(1.02, The Official Visit)

Sir Humphrey : Politicians like to panic. They need activity. It's their substitute for achievement. We must just ensure that it doesn't change anything.
(1.03, The Economy Drive)

Sir Humphrey: The public doesn’t know anything about wasting government money, we're the experts.
(1.03, The Economy Drive)

Jim Hacker: The opposition aren't the opposition.
Annie Hacker: No of course not, silly of me. They are just called the opposition.
Jim Hacker: They are only the opposition in exile. The Civil Service is the opposition in residence.
(1.04, Big Brother)

Jumbo: We should never let Ministers get so deeply involved. Once they start writing the draft, the next thing we know they'll be dictating policy.
(1.05, The Writing on the Wall)

Jim Hacker: Humphrey, do you see it as part of your job to help Ministers make fools of themselves?
Sir Humphrey: Well, I never met one that needed any help.
(1.06, The Right to know)

Sir Humphrey: Bernard, Ministers should never know more than they need to know. Then they can't tell anyone. Like secret agents, they could be captured and tortured.
Bernard: You mean by terrorists?
Sir Humphrey: By the BBC, Bernard.
(1.07, Jobs for the Boy)


Et, en bonus, voici un petit extrait vidéo, avec une des scènes cultes, issue de Yes Prime Minister : la classification des lecteurs des différents journaux anglais par Hacker (et la chute finale par Bernard) :

Les dialogues de cette analyse "sociologique" :
Hacker: Don't tell me about the press. I know exactly who reads the papers. The Daily Mirror is read by people who think they run the country ; The Guardian is read by people who think they ought to run the country ; The Times is read by the people who actually do run the country ; The Daily Mail is read by the wives of the people who run the country ; The Financial Times is read by people who own the country ; The Morning Star is read by people who think the country ought to be run by another country ; And The Daily Telegraph is read by people who think it is.
Sir Humphrey: Prime Minister, what about the people who read The Sun?
Bernard: Sun readers don't care who runs the country, as long as she's got big tits.

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Bilan : Yes Minister est un petit bijou d'humour, dispensé avec un flegme tout britannique parfait pour la circonstance. C'est une satire politique intemporelle, aux dialogues savamment ciselés et distillés. Si ses débuts datent d'il y a presque 30 ans, il est surprenant de constater pourtant que la plupart des thématiques traitées ont encore une actualité aujourd'hui : de la construction européenne jusqu'à la réduction des dépenses publiques, en passant par le serpent de mer de la réforme de l'administration, tout y est.

Il s'agit sans conteste d'une de mes comédies britanniques favorites. Une grande série à mettre entre toutes les mains.


NOTE : 9/10

23/11/2009

(UK) Spooks (MI-5), series 8, épisode 4

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Si la bande-annonce avait laissé penser que l'on aurait droit à un épisode d'action, il se concentra en réalité sur ses personnages et leurs relations. Ce qui n'est pas plus mal après un éprouvant début de saison. La question de la confiance -ou de son absence- est au coeur des enjeux, tandis que le fil rouge relatif au complot mondial pour bouleverser l'ordre actuel prend peu à peu de l'ampleur dans la narration, et que ses ramifications se dévoilent.
 
Alors que Ros est occupée à regagner un équilibre précaire, ressassant sans fin les évènements tragiques de l'épisode précédent, ce sont les nerfs de Lucas qui sont mis à rude épreuve dans l'intrigue du jour. Le responsable des interrogatoires (comprendre : tortures) du FSB est arrivé en Angleterre. Il prend contact avec Lucas, qu'il a passé quatre années à torturer durant son passage dans les prisons russes ; mais avec lequel il a surtout lié une étrange relation, déclinaison nuancée du syndrome de Stockholm. Le Russe a récemment interrogé un extrémiste soudanais qui l'a informé d'une attaque terroriste en préparation, dans Londres. Y voyant une possibilité de monnayer cette information, l'officier propose un marché à Lucas : le lieu prévu de l'attaque contre un passeport britannique et un million de livres.
 
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Comme je l'ai dit, l'enjeu de l'épisode ne réside pas dans le nouveau sauvetage in-extremis de Londres par le MI-5, mais plutôt dans la psychologie des personnages.

L'épisode s'intéresse tout d'abord aux rapports entre Lucas et son ancien tortionnaire, soulignant les séquelles psychologiques et le traumatisme qui demeurent chez l'agent du MI-5. Nous en avions déjà eu des aperçus ; mais cela permet aux scénaristes d'humaniser à nouveau Lucas, qui était apparu très froid depuis le début de la saison. Au-delà de ces recherches de domination réciproque, la force de cette storyline est symbolisée par le moment où les rapports de force s'inversent. Lorsque Lucas le convainc de lui donner les informations pour empêcher l'attentat, sur la seule foi d'une hypothétique "confiance" établie entre eux. Confiance chimérique, puisque Lucas l'abandonne juste après au FSB, venu rechercher son renégat. Certes, le Russe avait appuyé l'attaque terroriste une fois qu'il l'avait apprise, dans le but d'obtenir de l'argent du gouvernement britannique, mais il reste que ce fragile lien entre les deux officiers se rompt sur une étrange ambiguité.

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Par ailleurs, nous sommes encore une fois témoin, avec la scène d'ouverture, de la complicité rapidement reconstruite entre Harry et Ruth, les deux personnages interagissant comme si Ruth n'était jamais partie. Dans la même perspective, les scénaristes ré-introduisent un léger flirt entre le duo le plus emblématique du MI-5. Ils auront probablement besoin de ce lien pour survivre aux évènements qu'ils vont devoir affronter. Car Harry continue de creuser la question de la réunion qui a eu lieu en Suisse, entre notamment divers officiers de renseignements de l'Ouest, mais aussi Chinois. Il en informe même son vis-à-vis de la CIA. Mais qui dit membres des services secrets présents à cette réunion, implique logiquement l'existence de traîtres infiltrés au sein des différents services. Harry se montre d'une prudence à toute épreuve, n'informant personne hormis Ruth. Il va même jusqu'à mentir à Lucas en le regardant droit dans les yeux, lorsque ce dernier évoque ce complot mondial dont lui a parlé l'interrogateur du FSB. Signe supplémentaire de la confiance limitée de Harry en son subordonné, quelque chose de brisé qui n'a jamais été vraiment réparé depuis la saison dernière. Mais si Harry fait preuve d'une sage paranoïa, raison de sa longévité à son poste, son confrère américain se montre moins mesuré, prompt à nourrir des soupçons contre les agents britanniques, mais en oubliant ses propres services. Ce qui lui sera fatal.

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Car la confiance est un vain mot. Surtout dans le milieu du renseignement. Voici la morale de l'épisode. Sarah aura passé l'épisode à osciller entre les rôles de petite amie compréhensive, agent de la CIA obéissant et... finalement... sa vraie nature : un traître infiltré qui est impliqué dans ce vaste complot pour bouleverser l'ordre mondial. La scène de fin, où elle tue brutalement son supérieur qui a eu l'inconscience de l'informer qu'il tenait une piste, vient comme une surprise. Du pur Spooks. Sobre et violent. Voilà qui rehausse mon intérêt pour cette blonde Américaine, nous promettant d'intéressants doubles jeux à l'avenir. Les manipulations sont toujours plus attractives à l'écran que les romances caricaturales.

Enfin, au milieu de tout cela, traversant l'épisode vaillamment et avec professionnalisme, il y a Ros, encore profondément marquée par la tragédie de l'épisode précédent. Elle n'en dort plus, tandis que l'image de Jo la hante. Entre elle et Lucas, le MI-5 dispose de deux agents de terrain quand même relativement brisés psychologiquement. A voir s'ils pourront tenir toute la saison dans cet équilibre précaire.

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Bilan : Un épisode plus posé que les précédents, où le fil rouge de la saison commence à apparaître et à venir nourrir la paranoïa du téléspectateur, comme aux plus grandes heures de la série. La méfiance instinctive de nos espions se renforce ; même entre collègues, la confiance n'est pas automatiquement de mise. Il faudra choisir ses confidents avec beaucoup de prudence. Sinon, l'intrigue de l'épisode est efficace. S'intéressant plus aux réactions des personnages et à la façon dont ils intéragissent qu'à l'enjeu de l'attentat en lui-même, dont on ne doute jamais vraiment qu'ils parviendront à le stopper.

Cet épisode pose en tout cas de solides jalons pour la suite de la saison. Spooks est définitivement reparti sur de bons rails. A suivre !


NOTE : 8,5/10

21/11/2009

(UK) Doctor Who, 2009 Special : 'The End of Time' preview

Hier, était diffusée sur la BBC la traditionnelle soirée caritative consacrée aux Children in Need.
Comme l'an passé, elle fut l'occasion pour la chaîne de dévoiler un extrait de la première partie de l'épisode de Noël de Doctor Who, The end of Time (épisode très attendu pour lequel les fans constituent déjà consciencieusement leur stock de mouchoirs).

Les premières minutes de l'épisode ont ainsi été proposées aux téléspectateurs de la chaîne anglaise. Les voici en session de rattrapage (à savourer, car il reste devant nous un interminable mois d'attente) :


20/11/2009

(Mini-série UK) Tinker, Tailor, Soldier, Spy : looking for the mole


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Je vous ai déjà confié mon petit penchant pour les histoires d'espionnage. Je ne pouvais donc pas ne pas vous parler des célèbres adaptations faites par la BBC, à partir d'une suite de romans du maître de ce genre, John Le Carré. Elles font partie des grands classiques qui méritent d'être vus au moins une fois dans une vie de téléphage, surtout si on apprécie ces thématiques. Certes, je vous parle d'un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître, car elles commencent à dater un peu. Mais, si l'image et la réalisation sont d'époque, la force du récit et de la narration est proprement intemporelle. Tinker, Tailor, Soldier, Spy, la première de ces mini-séries, remonte à 1979. Puis, en 1982, la BBC diffusera Smiley's People (dont je vous reparlerai ultérieurement sans doute). Les deux font partie des Smiley novels, un ensemble de livres mettant en scène le célèbre personnage de George Smiley, officier du MI-6 et anti-James Bond par excellence, qu'il concurrence au panthéon des espions britanniques de fiction.

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Tinker, Tailor, Soldier, Spy, c'est une histoire classique, somme toute indémodable : en pleine Guerre Froide, la recherche d'un agent soviétique infiltré dans les instances dirigeantes du MI-6 britannique. Au sein d'un Circus déstabilisé (nom donné au MI-6), la mission d'identifier cet individu qui menace les fondations des services de renseignements de Sa Majesté échoit à un officier mis en retraite forcée quelques mois plus tôt, George Smiley. Le téléspectateur plonge rapidement avec lui dans une ambiance de paranoïa, tandis que l'on suit la partie d'échecs très complexe qui se déroule sous nos yeux. Pour écrire ce roman publié en 1974, John Le Carré, lui-même ancien agent du MI-6, s'est basé sur ses propres souvenirs et des faits réels, s'attachant à retranscrire l'atmosphère qui régnait dans les années 50 et au début des années 60 au sein de l'organisation, et faisant référence, derrière cette chasse à la taupe, à la figure d'un traître bien réel, Philby (Mais si, souvenez-vous, je vous en ai déjà parlé, il était le plus célèbre des Cambridge Five. Pour vous rafraîchir la mémoire, cf. mon billet sur la mini-série Cambridge Spies).

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Tinker, Tailor, Soldier, Spy comporte sept épisodes, que le téléspectateur enchaîne avec une fébrilité croissante, au fil de la complexification des intrigues. Pourtant, ne vous y trompez pas, ce n'est pas une mini-série d'action. A l'exception de quelques rares scènes de course-poursuites ou de fusillades, la plupart des moments-clés se joue entre quatre murs, dans des endroits souvent clairs-obscurs, versant dans le sombre, en diverses entrevues et autres réunions informelles. Des discussions déterminantes, parfois longues, parfois à plusieurs niveaux de compréhension, mais desquelles on ne décroche pourtant pas. Le ciselage des dialogues entretient la curiosité du téléspectateur, dont l'intérêt pour la façon dont l'intrigue globale se construit et se dénoue ne se dément jamais. La compréhension n'est pas toujours aisée, mais c'est la conséquence de la richesse du scénario, à laquelle les flashbacks pavant cette enquête méthodique contribuent. Car la fiction est à l'image de son générique, un jeu d'apparence où des poupées russes se dévoilent les unes après les autres...

La force de Tinker, Tailor, Soldier, Spy réside aussi dans le fait de réussir à jouer sur plusieurs tableaux. En effet, il s'agit, d'une part, d'une mini-série d'investigation qui trempe avec finesse, et surtout beaucoup de réalisme, dans les rouages de l'espionnage international. Mais c'est aussi une fiction teintée de nostalgie, à dimension très humaine. A travers son personnage principal, elle jette un regard désabusé sur la vie et la nature des hommes. Au-delà de son intrigue, elle traite à mots couverts des idéaux oubliés, des certitudes brisées. Vies personnelles et vies publiques s'entremêlent. La simple question "How is Ann ?" posée de façon récurrente à George Smiley n'est pas une formule de politesse pour s'enquérir de la santé de sa femme, mais une façon cruelle pour son interlocuteur de pointer ses faiblesses en tant qu'époux, les infidélités de Ann étant de notoriété publique. Finalement, cette mini-série constitue un étrange mélange des genres parfaitement équilibré, un drame humain, suscitant un suspense intense, tout en étant capable de développer des interrogations plus subtiles sur les ressorts de ce théâtre qu'il met en scène.

Les ambivalences de la mini-série se trouvent personnifiées dans le personnage de George Smiley. La performance d'Alec Guinness (que vous connaissez forcément sous les traits d'Obi-Wan Kenobi dans une célèbre trilogie fondatrice de la même époque) y est pour beaucoup. Absolument magistral, il n'incarne pas seulement Smiley : il est ce personnage toute en nuances, désenchanté et désillusionné, sur la vie en général comme sur le monde de l'espionnage, ne se départissant jamais d'un flegme tout britannique qui lui permet de conserver une certaine réserve vis-à-vis des évènements et une contenance quasiment jamais prise en défaut. Dans l'ensemble, c'est d'ailleurs tout le casting qui vaut plusieurs étoiles : Michael Jayston, Anthony Bate, George Sewell, Ian Richardson... tous délivrent des prestations très solides.

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Bilan : Tinker, Tailor, Soldier, Spy est un grand classique britannique des fictions d'espionnage. Dotée d'un scénario complexe et très dense, cette mini-série se révèle rapidement passionnante. Peu importe que les images apparaissent quelque peu datées (1979) pour notre regard de moderne, les ressorts de l'histoire sont indémodables et la force des dialogues fait toujours mouche.
C'est sans aucun doute un must-seen de la télévision britannique, et probablement la plus convaincante adaptation télévisée d'un des romans les plus aboutis de John Le Carré.


NOTE : 8,5/10


Petit bonus nostalgique, la superbe chanson de fin :


18/11/2009

(UK) Doctor Who, 2009 Special : The Waters of Mars

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Avant-dernier épisode spécial de l'année de disette que constitua 2009, The Waters of Mars est également l'avant-dernier épisode de David Tennant, en incarnation du 10ème Docteur. Son voyage dans le temps et l'espace devrait s'achever lors de l'épisode de Noël, en fin d'année (ce qui promet des fêtes réjouissantes, préparez vos mouchoirs !), après lequel il passera le flambeau à un jeune acteur ayant encore tout à prouver, Matt Smith. L'année 2010 sera celle des bouleversements, puisque outre un duo d'acteurs principaux entièrement nouveau, la série changera également de showrunner : Steven Moffat prendra les commandes, remplaçant Russel T. Davies.

Une page de Doctor Who nouvelle version s'apprête donc à se tourner en cette fin 2009. Et cet épisode de novembre nous y amène tout droit, suivant la tradition des special de ces dernières années de la série : une intrigue classique de sauvetage, un Docteur aux émotions toujours aussi intenses, et un déroulement d'ensemble du scénario pas toujours bien dosé qui se ponctue par un final partant un peu dans tous les sens (dans le plus pur style de Russell T. Davies, si j'ose dire).

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Pour cet avant-dernier voyage, le Docteur débarque sur Mars en 2059. Il y rencontre une équipe d'astronautes installée dans une base coloniale. Mais il ne s'agit pas de n'importe quelle mission : c'est la première expédition terrestre de ce genre envoyée sur une autre planète. Passé l'excitation des premiers instants, où le Docteur s'amuse, en véritable groupie, honoré de rencontrer les pionniers qui ouvrirent la voie des étoiles à l'humanité, les choses se compliquent lorsqu'il comprend quel jour il est arrivé : le 21 novembre. Car si cette mission fut fondatrice, son souvenir longtemps conservé par les humains, elle eut aussi une destinée tragique. L'autodestruction nucléaire de cette base Bowie One fut actionnée... le 21 novembre 2059.

Le Docteur se trouve alors face à un dilemme, quelque peu semblable à celui rencontré à Pompei (saison 4), aventure amère qu'il évoque d'ailleurs spontanément. La destruction de la base et la mort de ses occupants, et plus précisémment d'Adélaïde Brooke, la commandante, est un point fixe dans les lignes fluctuantes du Temps. Un évènement fondateur sur lequel repose tout le futur dans les étoiles de la race humaine. La petite-fille d'Adélaïde, inspirée par le souvenir de sa grand-mère, insufflera de nouvelles ambitions à cette quête et poursuivra l'exploration vers les étoiles. Si l'on peut imaginer que, même sans cette destinée familiale, la race humaine aurait quand même suivi cette voie, il s'agit cependant d'un chaînon de l'histoire de l'humanité qui ne peut être changé, sans que le futur ne soit, par conséquent, modifié considérablement. Les ramifications et les enjeux sont trop importants pour pouvoir tout bouleverser impunément.

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Durant les deux premiers tiers de l'épisode, le Docteur agit comme on le connaît. Souffrant de ne pouvoir intervenir, mais parfaitement conscient des enjeux, ne songeant donc qu'à quitter la base, abandonnant ses occupants au sort qui leur est destiné. Forcé par Adélaïde de rester pour découvrir ce qu'il se passe, il noue rapidement une complicité avec elle, admiratif et charmé par cette figure historique qui l'a toujours fasciné. Sachant qu'il s'agit de son dernier jour de vie, il se montre même un peu moins énigmatique que d'habitude, évoquant de façon de moins en moins cryptique l'issue fatale que va connaître cette journée. Cette première partie d'épisode est classique. La façon dont le Docteur observe cet équipage si vivant, constituant une belle galerie de personnages très différents, et qu'il sait condamné, m'a particulièrement touchée. Empreinte de cette douleur inhérente à sa position de Time Lord, on ressent parfaitement le conflit qui se joue en lui.

La raison l'emporte dans un premier temps. Le Docteur laissant finalement les survivants sans se retourner. Mais assister à ce spectacle de vies humaines gâchées sera trop difficile pour lui. Il a alors une réaction, certes, a priori pleine d'humanité, cette compassion unique dont il sait faire preuve à l'égard de toute créature vivante. Il revient et opère un sauvetage assez folklorique des trois derniers membres encore en vie, dont Adélaïde, les ramenant sur Terre grâce au Tardis. Mais cette attitude dérape rapidement, versant dans l'arrogance propre aux Time Lords, qui nous rappelle ces moments où le masque de bonté du Docteur se fissure pour laisser apparaître la puissance et le danger de cet extraterrestre. Car, c'est le Temps lui-même, le futur, qu'il s'arroge le droit de bouleverser en prenant la décision de sauver Adélaïde. Et c'est un Docteur transformé, inconnu, qui se drape d'un air triomphal quand il constate qu'il a réussi, qu'il a vaincu le destin. Le voir ainsi agir presque out-of-character, c'est aussi une brutale piqûre de rappel pour le téléspectateur. La série a déjà évoqué cette nécessité pour le Docteur de ne pas voyager seul ; le besoin d'avoir une assistante n'est pas simplement un remède provisoire contre la solitude, c'est surtout la présence d'une personne qui pourra le canaliser, le retenir au besoin, afin de l'empêcher de franchir certaines limites. Limites qu'il franchit allègrement dans cet épisode. Comme si le fait de voyager actuellement seul le rapprochait encore plus de sa nature de Time Lord.

Cet évènement est aussi présenté comme une forme de dernier soubresaut avant la fin. Aucune ambiguïté ne plane là-dessus. Pour l'épisode, l'Histoire se corrigera d'elle-même, car Adélaïde se suicidera dès qu'elle sera rentrée chez, écrasée par le poids des conséquences temporelles que le choix du Docteur fait peser sur sa vie sauvée. Mais, c'est aussi un autre cycle qui arrive à son terme : la vie du Docteur. La vision finale du Ood donnerait presque l'impression que Ten l'attend comme une délivrance, avant que d'autres dérapages n'aient lieu. Une conclusion somme toute plus sombre que la normale de la série.

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Bilan : Un épisode de Doctor Who globalement très classique dans sa construction (dans ses atouts, comme dans ses faiblesses typiques d'une aventure écrite par Russell T. Davies), qui bénéficie de la présence d'une fascinante Lindsay Duncan (Rome) en vis-à-vis parfaite pour David Tennant dont le personnage passe par tous les états au fil du récit. Mais c'est aussi un épisode assez étrange dans son dernier tiers. Le Docteur y franchit des limites qu'il n'aurait pas remises en cause en d'autres circonstances. L'impression d'arriver en bout de course pèse sur toute cette partie.
Car la conclusion ne laisse place à aucun doute : l'heure de l'accomplissement de la prédiction finale est arrivée : "Il frappera quatre coups"... Nous sommes arrivés à The End of Time. Pour la téléspectatrice que je suis, cela risque d'être plutôt un moment de deuil.


NOTE : 7/10


La bande-annonce de l'épisode spécial de Noël :