Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

02/01/2011

(UK) Upstairs Downstairs : Maîtres et Valets dans l'agitation londonienne de 1936

upstairsdownstairsa.jpg

La dernière semaine de 2010 (du 26 au 28 décembre) aura permis à BBC1 de proposer son propre period drama se déroulant dans la première moitié du XXe siècle. Remake, ou plutôt suite, d'un classique des années 70, Maîtres et Valets, qui avait fait les beaux jours d'ITV, Upstairs Downstairs allait, en raison de sa programmation, fatalement subir les comparaisons de la grande réussite de l'automne de... ITV, Downton Abbey. On le pressentait d'emblée, le parallèle - pas forcément des plus justifiés tant l'époque et les enjeux diffèrent, mais qui s'impose malgré toute la bonne volonté du téléspectateur - n'a pas tourné en faveur de la BBC. Car oui, qui l'eut cru, mais nul doute que ITV l'a bien emporté sur la BBC en 2010 dans ce créneau très prisé des reconstitutions historiques...

Pour autant, Upstairs Downstairs mérite plus qu'être seulement balayée par le triomphe de celle qui l'a précédée. Proposée en trois épisodes d'une heure chacun, elle a tout d'abord semblé cumuler les handicaps, avec en plus une entrée en matière ratée, flirtant avec une étrange nostalgie de transition peu opportune. Mais, en dépit d'une introduction malaisée, la série va progressivement réussir à dépasser ses tergiversations initiales. Les deux derniers épisodes vont en effet gagner en intensité comme en intérêt. 

upstairsdownstairsj.jpg

Upstairs Downstairs s'ouvre en 1936 peu avant la mort du roi George V. Sir Hallam Holland, un diplomate, et son épouse, Lady Agnes, s'installent au 165 Eaton Place, la demeure qui fut le cadre de Maîtres et Valets. Le jeune couple, décidé à compter dans le quotidien de la haute société londonienne, a la surprise - pas forcément agréable - de voir arriver quelques jours plus tard, Lady Maud, la mère de Hallam, laquelle souhaite, après plusieurs décennies passées hors d'Angleterre, venir finir d'écrire ses mémoires sur place. La soeur d'Agnès, Persephone, les rejoint également. Venue de la campagne du Pays de Galles pour apprendre les bonnes convenances au sein de l'aristocratie londonienne, elle va en même temps découvrir un autre monde, celui de la politique et des idéologies.

La carrière de diplomate de Hallam dépendant également des connexions sociales sur lesquelles il doit pouvoir compter, Lady Agnes est bien consciente de la nécessité d'avoir à disposition un staff complet. Elle embauche pour cette tâche Rose Buck, qui fera le lien avec l'ancienne série, ayant servi les Bellamy jusqu'en 1930, année où s'était achevée l'histoire de Maîtres et Valets. C'est ainsi un personnel très divers, mais finalement aussi relativement restreint ce qui permet une certaine solidarité, qui va finalement être assemblé, même s'il connaîtra quelques aléas au fil des évènements de la série.

Pour nous plonger dans la vie londonienne de 1936, Upstairs Downstairs va mêler la grande Histoire aux histoires personnelles de ses protagonistes. Tandis qu'en toile de fond, l'Allemagne Hitlérienne inquiète des diplomates qui hésitent sur la position à adopter, sur le sol anglais, la série s'arrête sur la politique intérieure, avec la tentation fasciste que représente Oswald Mosley et la British Union of Fascists. Parallèlement, la famille royale entretient aussi toutes les conversations. Si Edouard VIII a succédé à son père, George V, sa liaison avec une américaine, Mrs Simpson, posent question : le choix entre le trône et une femme se profile à l'horizon.

upstairsdownstairsh.jpg

Après la démonstration proposée par Downton Abbey au cours de l'automne, Upstairs Downstairs était forcément attendu au tournant. Peu importe que le contexte, les lieux ou l'approche des scénaristes soient différents ; peu importe que les deux séries ne s'inscrivent pas dans la même optique et ne partagent pas les mêmes ambitions, notamment au niveau de l'esthétique... Car demeurent quelques fondements clés : le cadre de la haute aristocratie britannique, dans une maison où l'on suit la vie des maîtres des lieux comme des serviteurs. Les parallèles se font naturellement dans notre esprit, souvent même en dépit des efforts du téléspectateur pour essayer de découvrir avec un regard neutre Upstairs Downstairs. On est ici loin du château plein de vie de Downton Abbey. En découvrant le staff, on songe, malgré nous, qu'il est finalement bien peu fourni. Là où la série d'ITV créait une sorte de communauté, Upstairs Downstairs pose un environnement plus proche du téléspectateur et qui se rapproche parfois d'une sorte de huis clos à taille humaine.

Pourtant, ce n'est pas l'ombre de Downton Abbey qui va poser le premier problème que rencontre Upstairs Downstairs. Certes, durant le premier épisode, le téléspectateur se laisse aller à égréner dans son esprit, toutes ces différences que son esprit fait par pur réflexe - la plupart n'étant pas favorables a priori à la fiction de la BBC. Mais s'il prend le temps de réaliser cet exercice de comparaison, au-delà du calendrier de diffusion, la faute en revient en grande partie aux propres scénaristes de la série. Car Upstairs Downstairs débute de manière excessivement poussive, par une longue et lente installation qui fait office d'introduction, occupant les trois premiers quarts d'heure, et au cours de laquelle elle essaye de façon assez maladroite de toucher la fibre nostalgique du téléspectateur. Si j'admets sans difficulté que Maîtres et Valets constitue une institution télévisuelle, elle date quand même de trois décennies. Plus que capitaliser sur un nom mythique, l'objectif principal aurait clairement dû être de conquérir et de toucher un nouveau public, non familier avec cet univers. Or, ce nouveau public ne va pas s'émerveiller sur les longs plans montrant Rose Burke redécouvrant cette maison dans laquelle elle a servi. Cette lente mise en place des personnages et des enjeux donnent l'impression de sacrifier la première heure de narration, qui échoue donc dans le but inhérent à tout pilote : celui de captiver l'attention du téléspectateur. Les dernières minutes et la réception gâchée par l'invitation non intentionnelle du dignitaire nazie offriront les premières petites étincelles qui laissent entrevoir le potentiel dont dispose à l'évidence le récit de la vie de cette maisonnée. La suite va plutôt donner raison au téléspectateur qui aura été patient, sans pour autant pleinement satisfaire.

upstairsdownstairsg.jpg

Si Upstairs Downstairs ne se départit jamais totalement de cette impression que ces trois épisodes ne constituent qu'une forme de mise en bouche, une introduction qui cherche le bon équilibre tout en promettant une suite plus aboutie, les deux heures suivantes vont se révéler beaucoup plus denses et intenses dans les histoires qui s'esquissent. Certes, les rapports entre les différents protagonistes restent relativement prévisibles, les personnages mettent un peu de temps à s'affirmer individuellement et à acquérir une dimension humaine, cependant le côté très choral de la série va être celui qui va fonctionner le premier. Paradoxalement, avant même de s'attacher aux protagonistes, c'est ainsi le cadre et l'univers mis en scène qui retiennent notre attention. Upstairs Downstairs a la chance de se dérouler en 1936 et donc de disposer en toile de fond d'une situation géopolitique, mais aussi intérieure, très trouble, qui ne va pas épargner la maisonnée.

C'est donc par les éléments qui détonnent au sein de ce milieu policé que la série s'affirme tout d'abord, que ce soit à travers le destin personnel de certains personnages, comme la servante juive allemande, ou l'implication politique d'autres membres de la maisonnée, telle la jeune Perséphone ou bien le chauffeur (dans une relation n'étant évidemment pas sans évoquer au téléspectateur celle de Sybil et de son chauffeur ; le fascisme ayant remplacé le socialisme). Si la narration manque trop souvent de subtilité dans sa façon de romancer l'Histoire afin de permettre la rencontre des petites et de la grande, la maîtrise du rythme de l'écriture étant aussi très perfectible, j'avoue avoir vraiment apprécié cet effort d'immersion dans le contexte particulier de l'Angleterre de la fin des années 30. Que ce soit la question du nazisme (la reconstitution de la Bataille de Cabble Street est assez impressionante) ou l'abdication d'Edouard VIII, Upstairs Downstairs s'efforce, avec plus ou moins d'habileté, de nous montrer les réactions diverses des Anglais de l'époque, à travers toute la diversité d'opinions et de milieux représentés dans cette demeure du 165 Eaton Place.

Au final, c'est donc par sa volonté de retransrire la société de son temps et de s'inscrire dans ses enjeux qu'Upstairs Downstairs capte en premier lieu l'intérêt du téléspectateur. Le temps aidant, les personnages s'humanisent progressivement, permettant, au cours du troisième épisode, de trouver peu à peu un semblant d'équilibre satisfaisant dans la maisonnée. L'atmosphère apparaît plus intimiste que dans Downton Abbey. Il y a une solidarité forte qui se crée finalement entre tous les habitants, qui confère une proximité absente de la série de ITV. Je pense donc qu'il y a bien la place pour Upstairs Downstairs dans les programmes britanniques de l'an prochain, à condition de poursuivre sur les bases auxquelles parvient enfin la fin du dernier épisode et en soignant l'homogénéité globale d'un récit trop éclaté.

upstairsdownstairsd.jpg

Sur la forme, Upstairs Downstairs fait preuve d'une grande sobriété. Le clinquant de certains décors reste étonnamment tempéré par une mise en scène toute en retenue, qui s'inscrit dans cette ambition un peu vaine de poursuivre l'oeuvre de Maîtres et Valets et d'en appeler donc à une forme de nostalgie. La réalisation, comme la musique en arrière-plan, marquent donc par leur relative neutralité d'ensemble. Le visuel n'a rien de l'esthétique aboutie et fascinante de Downton Abbey ; ce qui lui permet au moins de clairement s'en différencier sur ce plan.

Pour mettre en scène ce récit pas toujours très homogène, le casting se révèle solide, même si certains vont rester un peu en retrait. C'est une conséquence de la difficulté que connaît la série pour bien s'installer et donner vie et, surtout, une personnalité propre et définie à chacun de ses personnages. Le couple Holland est très bien interprété par Ed Stoppard (Any human heart) et Keeley Hawes (Spooks, Ashes to Ashes). A leurs côtés, Claire Foy (Little Dorrit, Going Postal) n'a pas un personnage facile, mais elle est, comme toujours, lumineuse dans certaines scènes. Signe de l'héritage qu'elle revendique, on retrouve également au casting les deux actrices qui eurent l'idée du concept à l'origine de Maîtres et Valets au début des années 70 : Eileen Atkins (La taupe, Psychoville) incarne Lady Maud, tandis que Jean Marsh (Doctor Who) retrouve (assez paradoxalement puisque 6 ans se sont "fictivement" écoulés, mais 30 ans dans la réalité) son personnage d'origine, Rose Buck. Parmi les autres membres du staff, on retrouve d'autres habitués du petit écran britannique, comme Anne Reid (Bleak House, Five Days), Nico Mirallegro (Hollyoaks), Neil Jackson (Flashforward, Make it or break it), Adrian Scarborough (Cranford, Psychoville, Gavin & Stacey) ou encore Art Malik (Holby City, The Nativity). Enfin, en ce qui concerne les acteurs plus secondaires, en dehors de la maison, je citerais la présence de Blake Ritson (Emma) que j'ai retrouvé avec beaucoup de plaisir, en frère inquiet du futur roi abdicateur et ami proche du maître de maison.

upstairsdownstairsk.jpg

Bilan : Ne se départissant jamais de cette impression qu'il s'agit seulement d'une introduction à une série à venir, les trois heures d'Upstairs Downstairs vont permettre à la série de progressivement s'affirmer, gagnant en densité narrative et en intensité émotionnelle. Mais si elle exploite à propos le contexte particulier de cette année 1936, elle peine à trouver ce liant nécessaire entre les différentes storylines qui aurait permis un récit homogène. Si Upstairs Downstairs propose donc des histoires trop éclatées et relativement prévisibles, elle laisse cependant entrevoir un réel potentiel qui peu à peu, trop lentement, semble se construire.

Sans occulter ces défauts, j'avoue avoir pris du plaisir à regarder les deux dernières heures, après m'être un peu ennuyée devant la première. J'ai donc envie d'espérer que la série puisse aller crescendo et nous proposer une suite plus aboutie.

 
NOTE : 7/10


La bande-annonce :


19/12/2010

(Pilote UK) Dirk Gently : les enquêtes décalées d'un détective holistique

dirkgentlyf.jpg

Si le paysage téléphagique des inédits se vide quelque peu à l'approche des fêtes de fin d'année, heureusement, les programmations ne s'arrêtent jamais complètement. C'est ainsi que ce jeudi soir, BBC4 proposait, sous forme d'épisode indépendant pouvant faire office de pilote pour une série potentielle, une introduction aussi intéressante qu'intrigante dans l'univers d'un détective atypique, d'un genre très particulier, imaginé par le génial écrivain Douglas Adams - plus connu pour son fameux Guide galactique.

Dirk Gently se révèle finalement être une adaptation libre qui va investir avec inspiration un registre de faux polar au parfum diffus de science-fiction décalée à l'excès. C'est atypique et ça a surtout le mérite de correspondre à un créneau confusément farfelu dans lequel on aimerait voir la BBC s'investir. C'est le genre de fiction qui sait encore surprendre le téléspectateur et parvient à trancher un peu au sein d'un paysage téléphagique où les investigations traditionnelles demeurent sur-représentées.

dirkgentlyj.jpg

L'originalité de cette fiction tient, dès le départ, à la manière dont son héros conçoit le métier d'enquêteur privé qu'il exerce. En effet, Dirk Gently se considère comme un "détective holistique". C'est-à-dire qu'il croit à l'existence d'une interconnexion fondamentale entre toutes choses. Partant de ce postulat de départ, il applique cette théorie aux enquêtes qu'il conduit. Adoptant ainsi une approche toute personnelle, dans la droite ligne de l'excentricité du personnage, il ne reconnaît pas le hasard et ne croit pas dans les coïncidences. Systématisant jusqu'au bout cette méthode, il estime donc que chaque développement nouveau, chaque rencontre impromptue en apparence, n'est qu'une pièce d'un puzzle plus vaste qui le conduira, inévitablement, à la résolution du mystère d'origine.

Pour bien apprécier la tonalité d'ensemble, précisons d'emblée que le mystère d'origine, dans ce pilote potentiel, consiste en la recherche d'un chat, Henry ; une inoffensive vieille dame, pour qui son animal domestique est tout, ayant embauché Dirk Gently. Suivant une logique qui lui est propre et qu'il est le seul à comprendre, fidèle à sa conception sur l'interconnexion des choses, ce dernier remonte obstinément un fil confus d'évènements sans lien apparent entre eux, si ce n'est la ferme conviction de Dirk et la mise en oeuvre de cette théorie holistique. En l'espèce, des retrouvailles inattendues avec un ancien camarade d'université jusqu'à la disparition, concomitante à celle du chat, d'un milliardaire spécialisé dans les nouvelles technologies, en passant par l'étrange explosion d'un entrepôt, tous les "indices" accumulés par Dirk finissent par converger vers un jour où tout semble se rejoindre : le 5 décembre 1994. De manière incidente, c'est finalement d'autres agissements autrement plus graves que Dirk va mettre à jour par son obstination, dans une enquête où toutes les pièces, pourtant si désordonnées, s'emboîtent parfaitement, consacrant même le burlesque ambiant en faisant basculer le récit dans un fond de science-fiction toute aussi décalé que le reste.

dirkgentlyg.jpg

Tout l'attrait de Dirk Gently réside dans ce savoureux maniement d'un absurde instantanément désarmant dans lequel elle va rapidement exceller. Derrière une apparence formelle d'enquête, aussi anecdotique soit-elle aux premiers abords, le téléspectateur se retrouve en réalité plongé dans une intrigue joyeusement décousue. Les ressorts narratifs, aussi incompréhensibles que délicieusement loufoques, ne trouvent de logique que dans l'esprit excentrique d'un personnage principal qui navigue entre la figure du détective trop génial pour ses vis-à-vis et celle de l'escroc pragmatique aux revenus aléatoires, mais qui retombe toujours sur ses pieds. S'attachant à cultiver avec une certaine jubilation cette dynamique confuse des styles et des genres, Dirk Gently pique sans diffiulté la curiosité du téléspectateur intrigué par l'engrenage improbable dont il est le témoin : comment ne pas être amusé, et même fasciné, par cette logique illogique qui conduit, en dépit de toute rationnalité et contre tout bon sens, à des résultats plutôt probants ?

La vraie réussite de ce pilote se matérialise donc dans cette divertissante excentricité. Au-delà de son originalité conceptuelle, Dirk Gently reste plus classique pour développer sa dimension humaine, esquissant une dynamique assez conventionnelle entre les personnages principaux. Ces derniers ne parviennent que par intermittence à retranscrire cette touche de folie douce qui caractérise l'enquête elle-même. Le duo formé pour l'occasion n'est pas sans rappelé d'autres associations du genre, l'inconscient du téléspectateur commençant par ses souvenirs estivaux avec Sherlock : un détective au sens de la logique exacerbé et aux qualités relationnelles limitées va faire équipe avec un ancien camarade, sans travail, au naturel plus conciliant... Cependant, si ces recettes sont si souvent utilisées, c'est aussi parce qu'elles ont fait leur preuve. La paire formée par Dirk Gently et Richard Macduff dévoile au fil de l'heure un potentiel certain ; plusieurs scènes, notamment celles où il est question de hacker l'ordinateur de la petite amie de Richard, proprement jubilatoires, laissent entrevoir des choses très prometteuses si BBC4 leur donne l'occasion d'explorer cette voie plus avant.

dirkgentlyh.jpg

Si le charme vaguement farfelu de Dirk Gently opère sans difficulté sur le fond, la forme se révèle plus classique. La réalisation est assez intéressante, notamment parce que les images sont efficacement mises en valeur par une photographie soignée. La sobriété travaillée des teintes et des couleurs choisies tranche avec le caractère très saugrenu de certaines situations, aboutissant à un résultat très solide.

Enfin, le casting se met sans difficulté au diapason de cette atmosphère particulière. Le jeu de Stephen Mangan (Jane Hall, Green Wing, mais aussi à partir de janvier prochain à l'affiche de la comédie co-produite par Showtime et BBC2, Episodes) correspond parfaitement au maniérisme comme à la désinvolture un peu désarçonnante d'un Dirk Gently si difficile à cerner. A ses côtés, Darren Boyd (Green Wing, Personal Affairs), fidèle à lui-même et dans un registre pas si éloigné de son rôle dans Whites cet automne sur BBC2, offre un pendant rationnel et mesuré aux élans pas toujours contenus de son "ami". Enfin, Helen Baxendale (peut-être plus connue pour son rôle d'Emily, dans Friends) complète un trio principal au potentiel indéniable.

dirkgentlyi.jpg

Bilan : Se complaisant dans une ambiance à la confuse excentricité inimitable, les enquêtes du détective holistique Dirk Gently sont un petit bijou d'absurde burlesque que l'on prend plaisir à suivre, tout en découvrant avec surprise que cette méthode d'investigation improbable nous conduit effectivement quelque part. Suivant une logique qui n'existe que dans l'esprit tordu de son personnage principal, mais sans se départir d'une flegmatique sobriété toute britannique, l'épisode entreprend de créer un univers de polar loufoque assez jubilatoire. On se surprend à se laisser entraîner dans cet engrenage d'évènements, dont l'originalité des règles de la trame narrative se révèle au final très rafraîchissante.

Ce backdoor pilote dévoile donc des promesses que l'on se prend à espérer voir développer plus avant. Il ne reste plus qu'à croiser les doigts pour que BBC4 soit également tombée sous le charme.  


NOTE : 6,75/10


La bande-annonce :


Une preview :


25/11/2010

(Pilote UK) Accused : un crime drama réduit à sa plus sobre expression


accusedb.jpg


Spooks
à peine terminée, depuis le 15 novembre 2010, les lundis soirs de BBC1 sont désormais occupés par un crime drama, signé Jimmy McGovern : Accused. Cette série a la particularité de présenter des histoires indépendantes, chaque épisode se concentrant sur un personnage différent. Le nom du scénariste, auquel s'ajoutait un casting très alléchant, suffisait à aiguiser l'intérêt et la curiosité d'un téléspectateur quand même très intrigué, d'autant que visionner le pilote n'engageait pas sur toute la série. Et puis, Accused a aussi fait parler d'elle ces derniers jours en Angleterre à cause d'une controverse née autour de son deuxième épisode et de son traitement de l'armée.

Pour ce premier épisode, j'avoue sans peine que la présence de Christopher Eccleston ne fut pas étrangère à mon visionnage. De la même façon que j'aurais bien envie d'aller jeter un oeil aux épisodes où apparaîtront Peter Capaldi ou encore Warren Brown. Pour autant, le pilote d'Accused n'aura su que modérément me convaincre, proposant une histoire relativement solide, sous un angle narratif assez original, mais en échouant à réellement s'affranchir des codes du genre.

accusedc.jpg


Chaque épisode d'Accused s'ouvre au moment où le tribunal s'apprête à rendre son verdict, le prévenu montant les marches qui le conduisent jusqu'au banc des accusés. Sans autre information, le téléspectateur découvre dans ces premières images les protagonistes de l'histoire qui s'apprête à lui être racontée. Puis, le récit enchaîne sur un flashback, remontant le temps pour revenir au moment où tout a débuté, à cette journée où tout a commencé à déraper, pour conduire presque inéluctablement à la commission de l'infraction pénale dont le personnage principal du jour est accusé. Le laissant ainsi suspendu à son sort, attendant que soit prononcé son acquittement/relaxe ou sa condamnation, l'épisode va nous relater, sans parti pris, les faits tels qu'ils se sont réellement produits. En somme, la narration d'Accused se résume en deux points : l'infraction et le verdict, accompagné éventuellement de la sanction. Le crime drama réduit à sa plus sobre expression.

Ce premier épisode va ainsi nous raconter l'histoire de Willy Houlihan. Comment ce plombier, père de famille marié depuis 25 ans, menant en apparence une vie rangée, a-t-il pu se retrouver sur le banc des accusés, à attendre stoïquement sa sentence ? Sans plus d'indice, le téléspectateur est invité à découvrir l'engrenage des évènements et décisions qui vont le mener à cette première scène de l'épisode.

accusede.jpg

L'atout principal d'Accused réside incontestablement dans le concept narratif que la série choisit de suivre, nous présentant le prévenu à la fin de son procès pour ensuite nous conter ses dernières actions qui l'auront mené devant ce tribunal. Cet angle d'attaque original fournit à la fiction une relative originalité qu'elle va s'attacher à pleinement exploiter. En effet, tranchant avec le modèle traditionnel, le suspense ici ne réside pas dans la question de savoir qui a commis le crime, mais dans le fait de découvrir de quel crime il s'agit. "Quels sont donc les faits de l'espèce ?", voici la question qui résonne de façon presque obsessionnelle dans la tête du téléspectateur pendant la majeure partie de l'épisode.

Avec beaucoup d'habileté, la série mise sur un suggestif des plus accrocheurs. Tout au long des deux premiers tiers de l'épisode, on se perd en conjectures, concluant fatalement au pire dès que Willy se retrouve dans une situation ambiguë, imaginant y voir telle ou telle indication sur ce que le futur lui réserve, alors que le personnage s'enfonce peu à peu dans des problèmes domestiques et financiers rapidement inextricables. L'imagination fertile, prompte à toutes les extrapolations, le téléspectateur se prend facilement à ce jeu scénaristique, au final presque plus piquant qu'un crime drama à la narration traditionnelle.

accusedi.jpg

Cependant, après avoir si bien stimulé notre inventivité et encouragé à suivre mille et une (fausses) pistes, Accused se rabât, au final, de façon assez frustrante, sur des sentiers très balisés, proposant un dernier tiers somme toute excessivement classique. Cela donne un peu l'impression d'avoir beaucoup promis pour n'offrir qu'une conclusion à la prise de risque minimale, où tout rentre dans l'ordre en s'achevant sur une sortie d'un classicisme soudain trop abrupt pour le téléspectateur.

Il y a un contraste assez déconcertant, un peu déstabilisant, entre l'ambition affichée initialement et la manière dont l'histoire se termine, comme si la fiction avait soudain été trop timorée pour réellement s'affranchir des codes narratifs attachés à ce genre. Si bien que sans remettre en cause les spécificités qui ont séduit lors de la première partie de la narration, cela laisse cependant comme un arrière-goût d'inachevé. Une sorte d'essai non transformé. 

accusedg.jpg
Sur la forme, Accused présente une réalisation aboutie, plutôt soignée, mais qui ne marque pas particulièrement hormis par quelques plans plus inspirés. Elle se situe globalement dans le standing habituel (plutôt élevé, donc) de la chaîne.

Enfin, comme je l'ai déjà souligné, une partie de l'intérêt de la série - et sans doute beaucoup de la curiosité qu'elle peut susciter a priori - réside dans son casting. Si ce premier épisode se concentrait sur le toujours excellent Christopher Eccleston (Doctor Who), que je retrouve chaque fois avec beaucoup de plaisir dans mon petit écran, la suite offre des noms également très alléchants, comptant parmi les valeurs sûres de la télévision d'outre-Manche. Devraient ainsi apparaître Mackenzie Crook (The Office UK), Juliet Stevenson, Peter Capaldi (The Thick of It), Marc Warren (State of Play, Hustle), Naomie Harris (The Tomorrow People), Warren Brown (Dead Set, Luther, Single Father), ou encore Ben Smith. Au final, quelques bonnes raisons de vérifier si la série saura faire preuve de plus d'ambitions !

accusedd.jpg

Bilan : Avec sa structure narrative qui recentre l'enjeu de l'épisode sur l'infraction pénale qui sera commise et non sur le coupable, Accused s'impose comme un crime drama intrigant, qui tranche avec les codes traditionnels du genre. Mais si le téléspectateur se prend aisément à ce jeu scénaristique qui mise beaucoup sur le suggestif, Accused échoue à mener jusqu'au bout cet essai. Manquant de témérité dans sa conclusion, elle retombe alors sur des sentiers très balisés pour finalement abandonner l'expérimental et renouer avec le classique judiciaire. Si on se dit alors qu'on aurait pu légitimement en attendre un peu plus, cela n'enlève rien à ce pilote qui permet quand même de passer une heure prenante devant son petit écran. A défaut de vraiment révolutionner le genre, Accused s'avère solide. Son casting devrait achever de convaincre les derniers récalcitrants.    


NOTE : 6/10


La bande-annonce de la série :

19/11/2010

(Pilote UK) The Indian Doctor : rafraîchissante dramédie sur fond de choc des cultures dans les sixties


indiandoctor.jpg

Ce que je chéris plus que tout dans la téléphagie, ce sont les surprises. Ces soirs où, l'air de rien, vous lancez un pilote à l'aveugle, sans trop savoir ce qui vous attend, et vous vous retrouvez finalement à passer une heure très agréable devant votre petit écran, vous disant qu'il s'en est fallu de peu pour que vous ratiez quelque chose. Et bien, c'est ce qu'il s'est passé hier avec The Indian Doctor. Parce que j'avoue ne pas faire toujours très attention aux programmes hors soirées, il m'aura fallu une piqûre de rappel salvatrice pour y consacrer ma soirée.

Cette mini-série, composée de cinq épisodes, est actuellement diffusée sur BBC1, depuis le lundi 15 novembre, chaque jour de la semaine en début d'après-midi. Si on a beaucoup débattu de la question des mises en scène de chocs culturels (et de ses travers) en cette rentrée téléphagique en raison de la série Outsourced aux Etats-Unis, The Indian Doctor n'a de commun avec sa consoeur américaine que l'Inde et son actrice principale qui jouait dans le film dont la série américaine est une adaptation. Car, avec une facilité désarmante et beaucoup de fraîcheur, The Indian Doctor se joue de bien des écueils de ce genre pour s'imposer comme une dramédie très sympathique flirtant bon un doux parfum nostalgique des sixties.
 

indiandoctorb.jpg


The Indian Doctor
se déroule en 1963. Elle a pour cadre un petit village minier du Pays de Galles, Trefelin. Son médecin généraliste, qui attendait son remplaçant, vient de décéder. Cependant le ministre de la santé britannique de l'époque, Enoch Powell, a lancé une vaste campagne de recrutement de médecins indiens venant s'installer au Royaume-Uni afin
de pourvoir à tous ces postes vacants dans le domaine de la santé. C'est dans ce contexte que Prem Sharma est affecté à ce petit village. Le pilote s'ouvre sur son arrivée par le train, avec son épouse, Kamini que la perspective de se perdre au fin fond de la campagne britannique ne réjouit guère, toute à ses rêves londoniens qu'elle est.

Il faut dire que les habitants de Trefelin, s'ils font dans l'ensemble preuve de bonne volonté pour accueillir ces nouveaux venus, gardent leurs idées préconçues, quelque peu folkloriques, sur l'Inde. D'autant que c'est la projection du film Les dessous d'un millionnaire, avec Sophia Loren et Peter Sellers, qui fait office de document d'information. Voilà qui n'est pas pour balayer l'image qu'ils se font de ce grand territoire inconnu du bout du monde. Tout cela débouchera sur quelques scènes savoureuses venant agrémenter une dynamique des chocs culturels qui sous-tend l'ensemble de façon étonnamment rafraîchissante. Jouant sur les attentes du téléspectateur, la série s'amusera souvent à le prendre à contre-pied. Prem et Kamini sont en effet issus d'un milieu très aisé, avec des relations dans la haute société britannique à donner le vertige à ces provinciaux dont la simplicité de vie perturbe grandement une Kamini habituée à son confort et qui n'a rapidement qu'une envie : quitter au plus vite cet endroit perdu pour retrouver la "civilisation". 

indiandoctorc.jpg

Ce qui séduit rapidement, devant le pilote de The Indian Doctor, c'est cette forme de charme quelque peu désuet, mais tellement rafraîchissant, qui se dégage de l'ensemble. La série propose une mise en scène de la vie d'un petit village du fin fond de la campagne britannique qui flirte bon une simplicité provinciale désarmante à laquelle vient s'ajouter, de manière plus incidente, une douce nostalgie des sixties. Suivant une narration rythmée et résolument légère, la série fait pourtant preuve d'une réelle densité, en mesure d'alterner, sans transition, des passages plus pesants, voire dramatiques - le passé récent du couple indien ayant été marqué par une tragédie -, et des scènes qui exploitent parfaitement un comique de situation de circonstances. Le tout bénéficie pleinement de dialogues habilement ciselés qui parviennent à mettre en valeur tant l'anecdotique quotidien des villageois, que la grandiloquence de la savoureuse et imposante Kamini.

C'est cette tonalité quelque peu volatile, dans laquelle le téléspectateur se sent instantanément confortable, qui fait de The Indian Doctor une fiction excessivement sympathique, à la bonne humeur globale communicative. Abordant logiquement la thématique des chocs de cultures, la série va habilement éviter tous les écueils et lourdeurs du genre, pour prendre un malin plaisir à se jouer des préjugés et autres idées préconçues des uns et des autres ; qu'elles soient flatteuses (telle la vénération de Gandhi et la généralisation de son action à toute la société indienne) ou caricaturalement folkloriques (la préparation du repas où les Sharma sont invités, avec la question de la nourriture et des chaises). Les incompréhensions linguistiques, conséquences de l'accent local, en assureront l'aspect le plus léger.

Au final, si The Indian Doctor reste une fiction divertissante qui n'a pas d'ambitions sociologiques démesurées, elle surprend agréablement par la finesse et la subtilité d'une écriture réfléchie qui va permettre à la série d'investir avec une sobriété louable des plus plaisantes, ce registre parfois glissant de la comédie mettant en scène des chocs culturels.

indiandoctore.jpg

L'attachement que l'on éprouve rapidement devant The Indian Doctor s'explique également en grande partie par sa dimension très humaine. Tout d'abord, la série parvient à capturer en quelques scènes l'âme de ce petit village minier du Pays de Galles, caractérisant plus précisément quelques individualités très colorées qui donnent immédiatement le ton. La première scène d'ouverture sur cette assemblée bigarée que l'on informe de l'arrivée du nouveau docteur est très révélatrice. Il émane de l'ensemble un sentiment de proximité qui rend la découverte de ces vies, somme toute anodines, étonnamment plaisante  à suivre. Car si ce portrait de village du début des sixties ne se prétend en rien une reconstitution historique rigoureuse, c'est cette atmosphère proche et confortable qui lui confère son charme.  

De plus - et surtout -, l'atout maître de The Indian Doctor réside dans la dynamique qui s'installe rapidement au sein du couple venant d'Inde pour se perdre dans le pays rural britannique. L'épouse, Kamini, bénéficie sans aucun doute des meilleures réparties, grâce à un style direct inimitable et une franchise désarmante. Au-delà de sa mine horrifiée à la perspective de faire des tâches domestiques, elle qui avait auparavant à sa disposition plus d'une dizaine de serviteurs, elle prend opportunément à rebours toutes les idées préconçues des villageois. Tout au long de ce pilote, ses interventions, souvent tranchantes, sont absolument savoureuses. Son fort tempérament offre un parfait pendant au calme et à l'attitude posée, assez flegmatique, de son époux, passé maître dans l'art du compromis. Une tragédie récente, évoquée filigrane, marque encore le couple, sans que l'épisode ne s'attarde véritablement là-dessus. Cependant ces informations permettent d'éclairer sous un autre jour, plus nuancé, leur relation des plus rafraîchissantes, qui sonne décidément très juste à l'écran.

indiandoctorg.jpg

Sur la forme, si la série ne bénéficie pas d'un budget suffisant pour assurer une reconstitution qui marquerait esthétiquement, il faut cependant saluer le résultat auquel elle parvient avec ses moyens modestes. N'ayant pas son pareil pour mettre en scène le quotidien bigarré de ce petit village rural, elle va utiliser à bon escient sa bande-son pour poser une atmosphère résolument sixties. Recourrant à des morceaux classiques de l'époque, s'amusant volontairement à piocher dans tous les genres, ces musiques apportent à l'ensemble une vitalité dynamique et légère contagieuse.

Enfin, le casting, à commencer par le couple central, se révèle des plus convaincants pour porter cette histoire à l'écran. Sanjeev Bhaskar (Mumbai Calling) offre une performance sobre très crédible en médecin calme et posé ; tandis que Ayesha Dharker (Coronation Street) s'impose parfaitement, avec un théâtralisme de circonstances, en épouse au fort tempérament. A leurs côtés, parmi les visages connus, le téléspectateur reconnaîtra notamment Mark Williams (Harry Potter, Sense & Sensibility).

indiandoctorh.jpg

Bilan : Sympathique et attachante dramédie, The Indian Doctor se révèle être une bonne surprise cachée dans les fictions programmées en journée sur BBC1. Dotée d'un charme un peu désuet, presque nostalgique, elle porte à l'écran une bonne humeur communicative, tout en bénéficiant d'une écriture plutôt fine et inspirée qui lui permet d'exploiter cette thématique du choc des cultures avec une fraîcheur assez désarmante et très plaisante à suivre. Sans ambition démesurée, ce pilote se révèle ainsi être un divertissement simple, à visionner sans arrière-pensée, sachant toucher et faire sourire le téléspectateur. Ce qui est déjà en soi, une première victoire.


NOTE : 7/10


La bande-annonce de la série :

08/11/2010

(Pilote UK) The Trip : balade champêtre et gourmande dans le nord de l'Angleterre

thetripc.jpg

Sur My Télé is Rich, on aime rien plus que voyager (du moins téléphagiquement parlant - parce qu'on est aussi pragmatiquement très attaché à sa connexion internet). Pas seulement voguer de pays en pays, mais aussi partir explorer les recoins et les charmes plus discrets des contrées qui nous sont familières. Fatigué de l'oppressant cadre citadin, vous ressentez l'appel des grandes étendues verdoyantes, de ce faux calme de la campagne dont le fond sonore est seulement rythmé par les bêllements de moutons ? Cela tombe bien, BBC2 a pensé à vous. Ou du moins a-t-elle choisi un cadre résolument champêtre  pour y planter le décor de sa dernière comédie en date, dont la diffusion a débuté lundi dernier en Angleterre.

Il s'agit donc d'embarquer pour six épisodes de The Trip, une série s'inscrivant dans le registre des sim-com (les comédiens y jouent une version alternative d'eux-même, par exemple avec des traits de caractère accentué). Michael Winterbottom réunit donc devant sa caméra un duo d'acteurs qu'il connait bien pour proposer une fiction qui va finalement rejoindre la lignée et l'esprit du film A Cock and Bull Story

thetripi.jpg

Alors qu'il était dépêché par The Observer pour jouer les apprentis critiques culinaires dans une demi-douzaine de restaurants et petites auberges situés dans la région du Lake District, au nord-ouest de l'Angleterre, les plans bien ordonnés, pour mêler travail et plaisir, de Steve Coogan tombent à l'eau lorsque sa petite amie, Misha, décide soudain de le quitter pour retourner aux Etats-Unis. N'ayant jamais été un grand amateur de gastronomie et ne pouvant se résoudre à passer une semaine à voyager avec sa solitude, il se résoud à contacter Rob Brydon, le seul de ses amis potentiellement disponible pour tout quitter pendant quelques jours. La perspective de gîtes et couverts gratuits s'avérant difficile à décliner, Rob accepte de se joindre à Steve dans cette aventure culinaire et champêtre dans la campagne anglaise.

Après un bref voyage dépaysant à souhait, où le paysage de cette partie de l'Angleterre, superbement mis en valeur à l'écran, donne au téléspectateur de soudaines envies de dépaysement, sans pour autant voler la vedette à nos deux protagonistes, ce pilote va mettre en scène leur premier repas à l'auberge. Efficace, l'épisode s'attache à caractériser chacun des personnage, soulignant tant le narcissisme latent de l'un (Coogan), que l'autodérision prononcée à l'exès de l'autre (Brydon). Interpelé par l'indéfinissable impression d'une barrière d'intimité qui tombe, le téléspectateur n'éprouve aucune difficulté pour s'installer à leurs côtés, soudain inclus dans des discussions, naviguant entre pseudos private jokes volontairement lourdes et moments plus personnels, esquissant d'autres préoccupations d'avenir.

Au final, c'est en se complaisant dans ce créneau équivoque, entre vanité et authenticité, que The Trip va progressivement trouver ses marques.

thetripl.jpg

A la lecture de cette présentation, vous devinez déjà que nous nous situons plus dans une série de niche, réservée aux amateurs, que dans une fiction tout public. The Trip est en effet une de ces comédies à la fois classique et post-moderne, à la croisée des genres, qu'il est difficile de cerner, ou de savoir vraiment comment prendre. En dilettante, sans avoir l'air d'y toucher, elle progresse avec un étonnant naturel. Elle ne cherche pas tant à nous faire rire, qu'à nourrir une confusion des tonalités s'attachant à l'installation d'une proximité de confort avec des protagonistes aux caractères rapidement bien marqués et installés. Les dialogues, dont la part d'improvisation véritable reste floue, cultivent avec une étrange saveur un art de la futilité qui sonnerait probablement très creux dans n'importe quel autre cadre. Pourtant, c'est dans cette désarmante banalité, aux allures vaguement désuettes, que se trouve l'identité de The Trip et sans doute une bonne part de son potentiel.

Sans véritable ligne directrice, les sujets de conversation s'enchaînent, avec une volatilité et une versatilité terriblement ordinaires, ouvrant la voie à une forme d'introspection des personnages. Entre rappels teintés d'accomplissements passés et frustrations actuelles, en passant par l'exploration de l'amitié qui unit le duo, tout sonne très juste, permettant à la série de capitaliser sur une indéniable dimension humaine. Les défauts et ambivalences de chacun, par moment à la frontière d'un pathétique éhonté, font ressortir une étonnante authenticité, un peu vaine, mais parfois presque attendrissante, comme en témoigne la dernière scène de cet appel du fin fond de la nuit, perdu au milieu de la campagne. C'est là que le registre sim-com représente une valeur ajoutée indéniable, par la pointe d'auto-dérision piquante qu'il permet ; même si cet angle a aussi ses détracteurs légitimes, tant la fin de la réalité et le début de la fiction paraissent volontairement excessivement flous par moment.

Corollaire de ce format, il suffira donc de rappeler que les rênes de The Trip ont été confiés à des acteurs confirmés, aux multiples caquettes, et habitués des comédies et autres one-man-show de l'autre côté de la Manche. Si Steve Coogan est sans doute plus connu pour son personnage d'Alan Partridge, Rob Brydon a notamment participé à certaines institutions de l'humour outre-atlantique, comme I'm sorry I haven't a clue.

thetripd.jpg

Bilan : Avec son rythme lent, en rupture nette avec le côté survolé des comédies modernes, The Trip investit un registre un peu à part. Cultivant l'art des dialogues délicieusement futiles au cours desquels tout semble prétexte à une douce autodérision teintée d'une certaine mélancolie, c'est une ambiance détendue, sorte de désarmante parenthèse entre amis, qu'elle installe. De cette invitation à la balade gourmande, le téléspectateur retient un parfum inimitable d'authenticité dans les relations mises en scène, au potentiel introspectif indéniable et renforcé par la semi-improvisation des dialogues, qui met instantanément à l'aise devant notre petit écran. Bien sûr, il y aura toujours cette frontière un peu trop floue entre fiction et réalité qui pourra troubler certains. Mais si aucun fou rire n'est à prévoir, au-delà des quelques sourires suscités, il y a quelque chose de confusément plaisant et revigorant à passer une demi-heure devant The Trip.Quelque chose qui donne envie de découvrir jusqu'où le voyage nous conduira. Pourquoi pas ?


NOTE : 6,25/10


Une bande-annonce :

This Is How Michael Caine Speaks