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19/12/2010

(Pilote UK) Dirk Gently : les enquêtes décalées d'un détective holistique

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Si le paysage téléphagique des inédits se vide quelque peu à l'approche des fêtes de fin d'année, heureusement, les programmations ne s'arrêtent jamais complètement. C'est ainsi que ce jeudi soir, BBC4 proposait, sous forme d'épisode indépendant pouvant faire office de pilote pour une série potentielle, une introduction aussi intéressante qu'intrigante dans l'univers d'un détective atypique, d'un genre très particulier, imaginé par le génial écrivain Douglas Adams - plus connu pour son fameux Guide galactique.

Dirk Gently se révèle finalement être une adaptation libre qui va investir avec inspiration un registre de faux polar au parfum diffus de science-fiction décalée à l'excès. C'est atypique et ça a surtout le mérite de correspondre à un créneau confusément farfelu dans lequel on aimerait voir la BBC s'investir. C'est le genre de fiction qui sait encore surprendre le téléspectateur et parvient à trancher un peu au sein d'un paysage téléphagique où les investigations traditionnelles demeurent sur-représentées.

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L'originalité de cette fiction tient, dès le départ, à la manière dont son héros conçoit le métier d'enquêteur privé qu'il exerce. En effet, Dirk Gently se considère comme un "détective holistique". C'est-à-dire qu'il croit à l'existence d'une interconnexion fondamentale entre toutes choses. Partant de ce postulat de départ, il applique cette théorie aux enquêtes qu'il conduit. Adoptant ainsi une approche toute personnelle, dans la droite ligne de l'excentricité du personnage, il ne reconnaît pas le hasard et ne croit pas dans les coïncidences. Systématisant jusqu'au bout cette méthode, il estime donc que chaque développement nouveau, chaque rencontre impromptue en apparence, n'est qu'une pièce d'un puzzle plus vaste qui le conduira, inévitablement, à la résolution du mystère d'origine.

Pour bien apprécier la tonalité d'ensemble, précisons d'emblée que le mystère d'origine, dans ce pilote potentiel, consiste en la recherche d'un chat, Henry ; une inoffensive vieille dame, pour qui son animal domestique est tout, ayant embauché Dirk Gently. Suivant une logique qui lui est propre et qu'il est le seul à comprendre, fidèle à sa conception sur l'interconnexion des choses, ce dernier remonte obstinément un fil confus d'évènements sans lien apparent entre eux, si ce n'est la ferme conviction de Dirk et la mise en oeuvre de cette théorie holistique. En l'espèce, des retrouvailles inattendues avec un ancien camarade d'université jusqu'à la disparition, concomitante à celle du chat, d'un milliardaire spécialisé dans les nouvelles technologies, en passant par l'étrange explosion d'un entrepôt, tous les "indices" accumulés par Dirk finissent par converger vers un jour où tout semble se rejoindre : le 5 décembre 1994. De manière incidente, c'est finalement d'autres agissements autrement plus graves que Dirk va mettre à jour par son obstination, dans une enquête où toutes les pièces, pourtant si désordonnées, s'emboîtent parfaitement, consacrant même le burlesque ambiant en faisant basculer le récit dans un fond de science-fiction toute aussi décalé que le reste.

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Tout l'attrait de Dirk Gently réside dans ce savoureux maniement d'un absurde instantanément désarmant dans lequel elle va rapidement exceller. Derrière une apparence formelle d'enquête, aussi anecdotique soit-elle aux premiers abords, le téléspectateur se retrouve en réalité plongé dans une intrigue joyeusement décousue. Les ressorts narratifs, aussi incompréhensibles que délicieusement loufoques, ne trouvent de logique que dans l'esprit excentrique d'un personnage principal qui navigue entre la figure du détective trop génial pour ses vis-à-vis et celle de l'escroc pragmatique aux revenus aléatoires, mais qui retombe toujours sur ses pieds. S'attachant à cultiver avec une certaine jubilation cette dynamique confuse des styles et des genres, Dirk Gently pique sans diffiulté la curiosité du téléspectateur intrigué par l'engrenage improbable dont il est le témoin : comment ne pas être amusé, et même fasciné, par cette logique illogique qui conduit, en dépit de toute rationnalité et contre tout bon sens, à des résultats plutôt probants ?

La vraie réussite de ce pilote se matérialise donc dans cette divertissante excentricité. Au-delà de son originalité conceptuelle, Dirk Gently reste plus classique pour développer sa dimension humaine, esquissant une dynamique assez conventionnelle entre les personnages principaux. Ces derniers ne parviennent que par intermittence à retranscrire cette touche de folie douce qui caractérise l'enquête elle-même. Le duo formé pour l'occasion n'est pas sans rappelé d'autres associations du genre, l'inconscient du téléspectateur commençant par ses souvenirs estivaux avec Sherlock : un détective au sens de la logique exacerbé et aux qualités relationnelles limitées va faire équipe avec un ancien camarade, sans travail, au naturel plus conciliant... Cependant, si ces recettes sont si souvent utilisées, c'est aussi parce qu'elles ont fait leur preuve. La paire formée par Dirk Gently et Richard Macduff dévoile au fil de l'heure un potentiel certain ; plusieurs scènes, notamment celles où il est question de hacker l'ordinateur de la petite amie de Richard, proprement jubilatoires, laissent entrevoir des choses très prometteuses si BBC4 leur donne l'occasion d'explorer cette voie plus avant.

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Si le charme vaguement farfelu de Dirk Gently opère sans difficulté sur le fond, la forme se révèle plus classique. La réalisation est assez intéressante, notamment parce que les images sont efficacement mises en valeur par une photographie soignée. La sobriété travaillée des teintes et des couleurs choisies tranche avec le caractère très saugrenu de certaines situations, aboutissant à un résultat très solide.

Enfin, le casting se met sans difficulté au diapason de cette atmosphère particulière. Le jeu de Stephen Mangan (Jane Hall, Green Wing, mais aussi à partir de janvier prochain à l'affiche de la comédie co-produite par Showtime et BBC2, Episodes) correspond parfaitement au maniérisme comme à la désinvolture un peu désarçonnante d'un Dirk Gently si difficile à cerner. A ses côtés, Darren Boyd (Green Wing, Personal Affairs), fidèle à lui-même et dans un registre pas si éloigné de son rôle dans Whites cet automne sur BBC2, offre un pendant rationnel et mesuré aux élans pas toujours contenus de son "ami". Enfin, Helen Baxendale (peut-être plus connue pour son rôle d'Emily, dans Friends) complète un trio principal au potentiel indéniable.

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Bilan : Se complaisant dans une ambiance à la confuse excentricité inimitable, les enquêtes du détective holistique Dirk Gently sont un petit bijou d'absurde burlesque que l'on prend plaisir à suivre, tout en découvrant avec surprise que cette méthode d'investigation improbable nous conduit effectivement quelque part. Suivant une logique qui n'existe que dans l'esprit tordu de son personnage principal, mais sans se départir d'une flegmatique sobriété toute britannique, l'épisode entreprend de créer un univers de polar loufoque assez jubilatoire. On se surprend à se laisser entraîner dans cet engrenage d'évènements, dont l'originalité des règles de la trame narrative se révèle au final très rafraîchissante.

Ce backdoor pilote dévoile donc des promesses que l'on se prend à espérer voir développer plus avant. Il ne reste plus qu'à croiser les doigts pour que BBC4 soit également tombée sous le charme.  


NOTE : 6,75/10


La bande-annonce :


Une preview :


03/10/2010

(Pilote UK) Whites : sympathique mise en scène d'une dynamique des cuisines


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Après le rendez-vous manqué avec Him & Her début septembre (même si je lis ça et là que la série s'affirme peu à peu, mais je n'ai pas encore trouvé la motivation de poursuivre l'expérience), c'est une nouvelle possibilité de se laisser séduire par une comédie britannique qu'offrait BBC2, ce mardi 28 septembre, en proposant Whites .

Je dois dire que tant le concept, que le casting annoncé, avaient attiré mon attention. Ecrite par Oliver Lansley et Matt King, et conçue sur le format classique d'une demi-heure par épisode, si Whites ne m'a pas fait rire aux éclats, elle aura provoqué quelques sourires et m'aura en tout cas permis de passer un agréable moment devant ma télévision. Le potentiel est bien là ; le pilote remplit en plus honnêtement son office : donner envie au téléspectateur de revenir. Si bien qu'à la fin du visionnage, la question était : et si Whites et moi, cela pouvait coller ?

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Ayant pour cadre le charme entre chic et pittoresque d'un restaurant de campagne, Whites se déroule, pour la majeure partie de son pilote, dans ce lieu, stratégique par excellence, qu'est la cuisine. Cette dernière est dirigée, de façon plus ou moins lointaine, par Roland White. D'un tempérament versatile, si ses qualités de cuisinier ne font aucun doute, sa capacité de travail et son ardeur à la tâche sont en revanche plus sujettes à caution. Il est certes capable de préparer les plus grands plats... si l'envie l'en prend. D'un naturel dispersé, avec un égo proportionnel à son talent, il peine à se focaliser uniquement sur la bonne marche de ses cuisines. C'est ainsi qu'il passe une bonne partie du pilote à fantasmer sur un livre qu'il rêve de publier et dans lequel il partagerait expériences et conseils.

Avoir les cuisines régentées par un tel patron ne serait sans doute pas viable sur le long terme si le sous-chef Bib ne se dévouait pas à la bonne marche quotidienne des fourneaux, devant trop souvent cumuler ses propres responsabilités avec celles de Roland. Une situation dont la difficulté est d'ailleurs accrue par l'équipe de bras cassés qui officie en cuisine. La femme de Bib, tout particulièrement, trouve que tout cela n'a que trop duré... mais son mari est bien incapable de s'en dépêtrer. Le détachement de Roland exaspère également Caroline, la manager du restaurant. Cependant, si elle traque sans relâche les moments de profonde paresse du chef cuisinier, elle finit généralement invariablement par baisser les bras, attendant la catastrophe annoncée en spectatrice extérieure désabusée.

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Whites nous invite à suivre les péripéties vaguement improbables qui rythment le quotidien un brin chaotique de ce petit restaurant. Le charme opère en partie grâce à la manière dont ce décor culinaire est exploité. L'univers décalé s'installe par petites touches, de l'incompétence du personnel employé jusqu'aux demandes quelques peu atypiques de clients commandant des eggless omelettes, de la croisade anti-végétarienne du chef jusqu'à ses efforts pour mettre la main sur la plus improbable des viandes... ce pilote regorge ainsi de ces petits détails, anecdotes savamment distillées qui, sans être hilarantes, sauront provoquer chez le téléspectateur plus d'un sourire. L'atmosphère navigue avec aplomb entre le cocasse et le faussement burlesque, arbitrée par des réparties cinglantes qui manquent rarement leur cible.

Cet instantané des cuisines se révèle donc divertissant. La série s'avère d'autant plus plaisante que les personnages, avec leurs tempéraments opposés, contribuent pour beaucoup à donner une dimension humaine relativement attachante à la série. Ne lésinant pas sur les chutes et ruptures narratives, tout sonne très vivant dans Whites, capitalisant pleinement sur les clashs à répétition, tirades volontairement théâtrales de circonstances et autres mises en concurrence interne venant brouiller certaines hiérarchies. La dynamique entre les personnages fonctionne bien, prêtant naturellement à sourire sans arrière-pensée. S'il manque encore peut-être un peu de consistance à l'ensemble et si l'épisode gagnerait sans doute à des storylines plus conséquentes, pour un épisode d'introduction comme ce pilote, les ingrédients déjà en place laissent entrevoir un réel potentiel.

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Sur la forme, Whites propose une réalisation agréable à suivre. De même, la musique est utilisée de façon opportune. En somme, la série bénéficie d'une finition sérieuse.

Enfin, un autre aspect positif de la série, sur lequel elle sait très bien capitalisée, est son casting, chacun s'intégrant parfaitement dans le rôle qui lui est dévolu. Alan Davies (Jonathan Creek) est impeccable en cuisinier pratiquant son art en dilettante. Katherine Parkinson (The It Crowd) joue les managers exaspérées d'une façon naturelle toujours aussi enthousiasmante. Darren Boyd (Personal Affairs, Little Dorrit, Kiss me Kate), et son regard faux-fuyant, est excellent dans son rôle de sous-chef peinant à s'affirmer. On retrouve également à l'affiche Stephen Wight, Isy Suttie (Peep Show) et Maggie Steed (Clatterford, Born and Bred).

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Bilan : Le pilote de Whites permet donc au téléspectateur de se glisser sans souci dans cette dynamique des cuisines assez plaisante à suivre. L'épisode provoquera quelques sourires, à défaut de réellement faire rire ; cependant il remplit efficacement sa fonction d'exposition. On s'attache aux personnages introduits et, plus généralement, à l'univers ainsi créé. Reste à la série à concrétiser en apportant aux épisodes suivants un peu plus de consistance. Cependant, avec ce pilote, Whites laisse entrevoir un certain potentiel et semble sur la bonne voie.


NOTE : 6,5/10


La bande-annonce de la série :