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28/06/2012

(Pilote US) The Newsroom : une immersion dans les coulisses de l'information télévisée

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Dimanche soir, débutait sur HBO une des séries les plus attendues de l'été : The Newsroom. Une collaboration entre la chaîne câblée américaine et Aaron Sorkin - qui a déjà démontré tout son intérêt pour les coulisses d'émissions télévisées de Sports Night à Studio 60, c'était un peu un des fantasmes de la sériephile que je suis. Puisqu'il ne semble pas possible aux médias, de séparer le produit créé du créateur quand il s'agit d'écrire sur cette série, il est sans doute honnête que je rappelle en préalable la place qu'occupe The West Wing (A la Maison Blanche) dans la construction de ma passion pour toutes les productions du petit écran. C'est à elle et à Aaron Sorkin que je dois ces dix dernières années plongée dans un univers des séries qui n'a cessé depuis de s'enrichir. Je suis et reste une grande fan de son style d'écriture : c'est le scénariste qui m'a le plus marqué à la télévision toute période et tous pays confondus.

Refermons cette parenthèse, et passons à The Newsroom qui est donc arrivée sur les écrans américains il y a quelques jours... précédée d'un vent de critiques négatives qui s'est abattu comme un raz-de-marée sur les réseaux sociaux et auquel nul n'a pu échapper. Ça a été particulièrement frustrant à supporter, parce que cela a rendu impossible un visionnage à peu près neutre du pilote (LadyTeruki a fait à ce sujet un billet très juste dont je conseille la lecture). Il est toujours mieux d'aborder une série en se demandant si elle va nous séduire, plutôt qu'en recherchant si oui ou non toutes ces réactions étaient fondées (même si ce sont les épisodes suivants qui ont fait l'objet du feu le plus nourri). Si on fait abstraction de ces considérations extérieures, je ne vais pas faire durer le suspense : j'ai pris beaucoup de plaisir devant le pilote de The Newsroom. Tout est loin d'être parfait. Il y a des reproches justifiés à formuler, mais tout est aussi là pour faire passer un très bon moment.

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Le pilote de The Newsroom s'ouvre sur une "session vérité" au cours d'une conférence à laquelle participe Will McAvoy. Ce présentateur populaire, lisse et sans parti pris apparent, dont on murmure que la source du succès est justement cette neutralité et sa capacité à ne gêner personne, recadre une étudiante ayant posé une naïve question sur la grandeur du pays, en se fendant d'une longue tirade remettant en cause la conception que l'on peut avoir des États-Unis. Puis, une fois les vagues soulevées par cette sortie un peu apaisées, c'est après quelques semaines de vacances que Will McAvoy reprend le chemain de ses studios... pour découvrir que Charlie Skinner, le président de ACN, a provoqué en son absence une vaste redistribution des responsabilités au sein de son staff, sans même prendre la peine de l'informer.

Il a bien joué, pour mener à bien ses projets, sur l'ambition du producteur exécutif de l'émission, Don, lequel n'a écouté que son pragmatisme (et son ras-le-bol de Will) pour accepter de prendre en charge une nouvelle émission lancée dans une case horaire plus tardive. La plupart des membres de l'équipe accompagnent Don dans ce qui ressemble fort à une défection générale. Parmi les quelques fidèles faisant preuve d'une loyauté désuette, se trouve notamment Maggie Jordan, promue récemment par qui pro quo assistante personnelle de Will. Dans le même temps, Charlie a contacté pour remplacer Don une vieille connaissance, Mackenzie McHale : une nomination sensible, puisque cette professionnelle aguerrie et de caractère a eu une histoire passée avec Will. C'est peu dire que tous ces bouleversements ne plaisent guère à ce dernier qui va tenter de reprendre le main.

C'est dans ce contexte de transition et de changement que le pilote nous permet d'assister à la première émission de rentrée de la nouvelle équipe en gestation.

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La construction du pilote de The Newsroom va suivre un schéma familier, mais qui n'en demeure pas moins d'une efficacité redoutable pour introduire les enjeux de la série. Afin de capter immédiatement l'attention du téléspectateur, l'épisode recourt à une scène d'ouverture dite "électro-choc" qui cherche (et parvient) à provoquer, voire marquer, en usant pour cela du mécanisme du discours-vérité déclamé sans pincettes. L'idée est d'aller à la confrontation directe d'idées assimilées sans recul, en énonçant des faits que tout le monde n'est pas prêt à entendre, en l'occurence sur l'Amérique et sa supposée grandeur. Il faut reconnaître à la série le mérite d'avancer ici à visage découvert : on pourra être ou non en accord avec les opinions qui seront affichées par la suite sur la question du rôle de la télévision et de son traitement de l'information, mais le discours tenu restera à la fois revendicatif et démonstratif, ne cherchant pas à faire dans le consensuel.

La limite de la démarche extrêmement didactique du pilote est que, si elle est parfaitement huilée et cadencée, elle apparaît aussi transparente et un brin forcée. Après la tirade introductive où l'arrogance du personnage principal contribue autant que ses propos à poser le ton d'ensemble, la deuxième étape est constituée par l'arrivée de Mackenzie. C'est alors l'occasion de débattre théoriquement sur la conception du journalisme : cette fois-ci, il s'agit d'être constructif. Ambitieuse, la productrice voudrait revoir l'approche de l'information dans les médias. Derrière la pointe d'idéalisme que permet la référence à Don Quixote, on a surtout ici un confus mélange de pessimisme dans le diagnostic qui est fait des attentes du public, mais aussi une volonté de changement à l'entrain communicatif. Enfin, troisième étape, le dernier tiers de l'épisode propose une sorte de mise en pratique accélérée de ces idées, en utilisant rien moins qu'un évènement réel dont le traitement médiatique est re-écrit idéalement. N'ayant que le temps d'aller à l'essentiel, le pilote cède à des facilités narratives - avec les sources parachutées grâce aux contacts du nouveau venu - qui accentuent le versant didactique, en amoindrissant le réalisme. Dans cette optique, le choix du sujet renforce d'ailleurs l'impression d'assister à une leçon, mais il faut reconnaître qu'il a le mérite de parler directement et immédiatement au téléspectateur.

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The Newsroom ne tergiverse donc pas, affichant clairement ses partis pris et ses ambitions. Ce qui contribue grandement à la force du pilote et à l'adhésion rapide du téléspectateur, c'est que l'ensemble bénéficie d'un style d'écriture fluide et rythmé, caractéristique d'Aaron Sorkin, qui reste, pour moi, ce qui se fait de plus jubilatoire dans une fiction sur grand comme petit écran. Les dialogues sont extrêmement fournis, parfaitement ciselés. Les répliques et les tirades fusent sans temps mort, se confrontant, voire se superposant parfois au gré de conversations multiples menées de front. La tension entretenue par de simples échanges en est grisante. C'est ainsi que, plus que la démonstration-même qui a sa part de maladresses, c'est l'écriture qui est l'attrait principal de ce pilote. Le dynamisme d'ensemble est communicatif, et le téléspectateur se laisse emporter, passant un bon moment - en dépit d'un léger flottement de rythme vers la moitié de l'épisode. 

De plus, l'introduction des personnages est aussi globalement réussie, usant de codes classiques, en entremêlant déjà vie professionnelle mais aussi vie privée, chez des figures que l'on devine de toute façon workaholic. Will avec son caractère désagréable, ses explosions de colère et son arrogance, n'en conserve pas moins une sacrée présence. Il ne laisse pas indifférent. Avec sa nouvelle productrice, mais aussi son patron, figure patriarcale dont l'influence sur tous ces bouleversements ne doit pas être sous-estimée, on obtient un trio avec de fortes personnalités dont les échanges sont prometteurs. A côté, les jeunes ambitieux qui composent le staff forment une équipe pas très soudée, mais professionnelle et efficace. Qu'il s'agisse de Maggie ou encore de Jim, on a des personnages auxquels s'attacher. C'est à travers eux qu'on s'immerge vraiment dans la dynamique des coulisses de l'émission.

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Sur la forme, le pilote de The Newsroom est une sorte d'hybride, peut-être un peu surprenante à première vue, entre passé et modernité. En référence au passé, on a notamment une bande-son très traditionnelle. Cette impression est également renforcée par un générique qui, entre images d'archives et présentation successive des acteurs, apparaît comme un écho-(hommage ?) à une télévision datant de quelques années. Mais par ailleurs, on a également de la modernité avec un style de réalisation, assez nerveux, se rapprochant presque du mockumentary. Un instant déstabilisée, la nostalgique de Thomas Schalmme que je suis s'est cependant progressivement habituée au fil de l'épisode.

Enfin, The Newsroom bénéficie d'un casting solide et impeccable pour porter à l'écran les dialogues sur-rythmés proposés (ce qui est déjà un sacré défi à relever. Jeff Daniels trouve dans le personnage de Will une figure, à la fois charismatique mais tombée dans bien des travers, qui est un challenge appréciable, à la mesure de son talent : il apporte une présence déterminante à l'écran. Emily Mortimer met un peu plus de temps à bien trouver ses marques, son personnage étant introduit en plusieurs étapes. Mais elle sait peu à peu s'imposer, notamment à partir du moment où elle entre véritablement en action, durant l'émission. A leurs côtés, on retrouve des acteurs très convaincants, des grands anciens comme Sam Waterston, ou bien des jeunes tout aussi à l'aise comme John Gallagher Jr, Alison Pill, Dev Patel, Olivia Munn ou encore Thomas Sadoski.

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Bilan : Parfaitement servi par une écriture fluide et enthousiasmante, le pilote de The Newsroom se livre à une démonstration introductive qui cède à certains excès didactiques et à des raccourcis, mais qui a le mérite d'aller à l'essentiel et d'afficher clairement le parti pris de la série. L'ensemble se révèle particulièrement efficace, notamment grâce à un style et à des dialogues qui font mouche et posent des personnages que l'on a envie d'accompagner dans ce qui marque un nouveau tournant pour l'émission. Le visionnage est très plaisant, parfois franchement jubilatoire, et il laisse une impression positive sans pour autant occulter les limites perceptibles dans la démarche adoptée. En résumé, ce n'est pas parfait, mais c'est solide. A suivre.


NOTE : 8/10


La bande-annonce de la série :

Le générique :

27/06/2012

(K-Drama / Pilote) Bridal Mask (Gaksital) : un justicier masqué durant l'occupation japonaise de la Corée


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Poursuivons l'exploration des séries en cours de diffusion du petit écran sud-coréen. Après Ghost, le deuxième drama à avoir retenu mon attention cette saison sur les grandes chaînes du pays du Matin Calme est une adaptation d'un manhwa de Huh Young Man, Bridal Mask (ou Gaksital). Sa particularité est de se dérouler dans les années 30 durant l'occupation japonaise, bénéficiant ainsi d'un contexte intéressant à exploiter. Une période sur laquelle j'ai assez peu vu de dramas, hormis le swinguant Capital Scandal (voire, mais dans un contexte de guerre du Pacifique autrement plus lourd, les débuts de Eyes of Dawn).

Débuté le 30 mai 2012 sur KBS2, Bridal Mask devrait compter 24 épisodes. Il s'est solidement installé auprès du public, avec des scores d'audience tournant actuellement autour des 15% de parts de marché, remportant pour le moment la bataille des cases horaires des mercredi et jeudi soir à 22h. Entremêlant différents genres, de la vengeance au conspirationnisme, en passant par des questions de destinée et d'amour impossible, ce drama se réapproprie des thématiques riches de façon parfois un peu brouillonne. Toutefois, en dépit de ces inégalités, il reste très divertissant. Il s'agit de mon deuxième choix pour ce début d'été.

[Cette critique a été rédigée après avoir visionné les six premiers épisodes, mais ne contient aucun spoiler.]

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Bridal Mask se déroule à Séoul dans les années 30. Durant cette période d'occupation japonaise, un justicier masqué, appelé Gaksital, sévit depuis quelques temps et intervient régulièrement lorsque des abus sont commis contre les habitants. Il inquiète tout particulièrement certains hauts dignitaires japonais, car il semble connaître l'existence d'un mystérieux groupe qui, en coulisse, tire bien des ficelles du pouvoir. Jusqu'à présent, la police japonaise est restée impuissante face à lui et a été incapable de le capturer.

C'est pourquoi le commandant confie la tâche à un officier de policier coréen, un ambitieux qui gravit à pas pressés les échelons de sa hiérarchie, Lee Kang To. Si ce dernier a choisi la voie de la collaboration, considéré comme un paria par les siens, c'est que sa famille a déjà payé un lourd tribut à celle de la contestation. En effet, son frère aîné, Kang San, ne s'est jamais remis d'un interrogatoire trop musclé. Désormais limité mentalement, c'est devenu un homme simplet et enfantin. Mais Kang San a un secret... et l'engrenage des évènements et des tragédies vont bientôt obliger Kang To à choisir un camp.

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Le premier atout de Bridal Mask réside dans son concept, celui d'un justicier, redresseur de torts dans un contexte particulier et difficile d'occupation. Dès le départ, il est clair que l'ambition du drama n'est pas d'être une rigoureuse reconstitution historique - loin s'en faut, nous sommes ici plus proche d'une forme de carte postale folklorique d'époque. Mais ce cadre offre et permet d'exploiter des ressorts dramatiques, mais aussi d'action, particuliers et intéressants. En fil rouge prometteur, s'impose l'agenda secret de la mystérieuse organisation, qui nourrira les confrontations à venir. De plus, se rappelant ses origines manhwa, il ne recule pas devant certains excès dans la mise en scène des combats, qui apportent un dynamisme appréciable à l'ensemble. De manière générale, transparaît un sens du tragique et de l'émotionnel certain qui retient l'attention.

La réussite des débuts de Bridal Mask tient aussi au fait que le drama repose sur un personnage principal à l'ambivalence exacerbée. Loin d'être une figure unidimensionnelle, il se révèle d'emblée intriguant. Rarement un k-drama aura aussi bien introduit, puis gérer, un héros aussi ambigü qui n'en devient pas pour autant antipathique, même s'il va à l'occasion nous révolter. Initialement, Kang To est en effet un policier, farouchement attaché à ses fonctions, qui ne recule devant aucun abus pour parvenir à ses fins - et, en l'occurence, capturer Gaksital. Pour autant, le drama prend le temps de dépeindre ses blessures, ses failles et d'expliquer ce qui l'a conduit sur cette voie discutable. C'est certainement dans la mise en scène des relations complexes qu'il entretient avec ce frère méconnaissable que le drama est ici le plus abouti et intéressant. Certains des excès de rage de Kang To dépeignent avec une intensité poignante, l'affection mais aussi la colère, que peut éprouver le jeune homme envers Kang San qui a tout sacrifié pour des idées en laissant derrière lui sa famille.

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Aux côtés de Kang To, personnage central se démarquant donc avec réussite, le trio de protagonistes principaux qui l'entoure s'inscrit lui dans des dynamiques très traditionnelles. Cependant chacun remplit efficacement le rôle qui lui est dévolu. Durant ces premiers épisodes, c'est surtout l'amitié unissant notre héros à Shunji, fils cadet d'un dignitaire japonais, qui retient l'attention. Les circonstances rendent a priori bien difficiles toute amitié entre un coréen et un japonais, mais surtout le téléspectateur devine, témoin privilégié des forces en mouvement et de l'irrémédiable opposition de leurs familles respectives, que se dessine déjà en filigrane une confrontation future. L'ensemble est construit de manière cohérente et, en dépit de quelques grosses ficelles, il est difficile de ne pas se laisser happer par la dimension fatale et tragique des storylines qui se rejoignent.

Malheureusement, sur ce dernier plan, l'écriture de Bridal Mask est parfois très inégale, peut-être parce qu'elle se disperse à l'occasion un peu dans tous les sens. La série perd par exemple de sa nuance dès qu'il s'agit de mettre en scène des personnages plus secondaires. Basculant alors dans des caricatures poussives - particulièrement du côté japonais -, cela amoindrit d'autant la force des enjeux mis en scène. Par ailleurs, du côté des triangles amoureux qui s'esquissent, elle joue et rejoue avec une insistance trop appuyée et parfois assez maladroite la carte des sempiternels amours d'enfance. Le manque de subtilité est particulièrement préjudiciable parce qu'il fait perdre à la série une partie de la magie émotionnelle qu'elle pourrait pourtant développer, nous laissant indifférent devant certains atermoiements bien trop mis en exergue pour convaincre.

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Prenant en dépit de ses limites sur le fond, Bridal Mask est sur la forme un drama plutôt enthousiasmant. La réalisation est dynamique, les combats - semi-volants - mêlent bien les attraits des confrontations classiques à l'épée et la modernité plus létale des armes à feu. La photographie bénéficie de couleurs dans l'ensemble assez chatoyantes, nous replongeant bien dans l'ambiance des années 30 (le drama ne résiste d'ailleurs pas à quelques brèves incursions dans les clubs de l'époque). Et pour parachever le tout, l'OST est très plaisante, avec des thèmes musicaux entraînant et des chansons, certes calibrées, mais efficaces et employées à bon escient suivant la tonalité des passages qu'elles accompagnent.

Enfin, Bridal Mask bénéficie d'un casting sympathique. Le léger sur-jeu apparaît un peu inhérent à la manière dont le drama aime à souligner et mettre en scène ses histores. Joo Won (Baker King Kim Tak Goo, Ojakgyo Brothers) investit avec conviction (et quelques excès volontaires) son rôle de héros complexe. Ni Jin Se Yeon (My Daughter the Flower), ni Park Gi Woong (The Musical) n'ont son intensité, mais les deux acteurs s'en tirent à peu près correctement dans leur rôle respectif. Quant à Han Chae Ah (Hero), elle n'a pas encore été trop sollicitée, mais elle campe parfaitement la froideur apparente de son personnage. A noter que c'est Shin Hyun Joon (Cain and Abel) qui incarne le grand frère de Kang To.

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Bilan : Se réappropriant des ressorts narratifs très classiques, qu'il s'agisse de relations sentimentales compliquées ou de vengeances inéluctablement marquées par le poids familial, Bridal Mask est un mélange des genres assez riche qui compense son manque de subtilité et certaines maladresses par un dynamisme global appréciable. Son contexte historique apporte une valeur ajoutée indéniable, avec une dimension historique qui, notamment dans les combats, rend aussi perceptible l'origine manhwa. Si on peut regretter que l'écriture de Bridal Mask manque parfois de discipline et de rigueur, cédant facilement à certains poncifs, c'est pour le moment une aventure prenante bien portée par un personnage principal qui ne laisse pas indifférent. A elle de savoir mieux se concentrer sur l'essentiel et de poursuivre sur le même rythme.


NOTE : 6,5/10


Une bande-annonce de la série (avec sous-titres anglais) :

Une chanson de l'OST :

23/06/2012

(US) The Borgias, saison 2 : le temps des querelles fratricides

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Bon gré, mal gré, je suis arrivée au bout de la saison 2 de The Borgias qui s'est achevée dimanche dernier au terme de 10 épisodes. Il est donc temps d'en dresser un bilan. Il faut dire qu'une fois encore, peut-être de manière plus criante que lors de la première saison, la série se sera montrée particulièrement inégale au sein de ses intrigues, ses défauts ressurgissant avec plus de force dans un premier tiers vraiment faible qui m'aura d'ailleurs conduit à laisser la série de côté pendant quelques semaines avant de finalement la rattraper et l'achever en même temps que la diffusion de Showtime.

A mes yeux, le seul réel intérêt qu'elle conserve, elle le doit à certaines des dynamiques relationnelles mises en scène, plus particulièrement aux rapports fraternels ou plutôt fratricides qui auront déterminé la saison. Carte postale colorée de la Renaissance, The Borgias a cependant sans doute atteint sa vitesse de croisière et les limites du parti pris des scénaristes pour exploiter le destin de cette famille particulière.

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Cette saison 2 s'est construite sur la transformation des rapports de force au sein d'une famille Borgia qui tente par tous les moyens de maintenir son pouvoir et son influence. Elle doit pour cela lutter contre des ennemis extérieurs mais aussi intérieurs, dans la péninsule italienne et au sein de l'Eglise. Si la mise en scène du combat contre les Français reste, sur le plan des affrontements, sans doute la plus réussie, la saison démarre pourtant de façon très poussive. L'impression de tourner à vide et de chercher à gagner du temps au cours de longues parenthèses privées pèse. Les amours des uns et des autres fournissent plus d'une fois le prétexte à des scènes de sexe à l'utilité narrative souvent nulle (surtout dans le premier tiers). Avec sa fâcheuse habitude de greffer aux grandes intrigues de petites storylines à l'intérêt aléatoire, la série s'égare dès que ces dernières prennent le pas sur les premières. Dans la deuxième moitié de la saison, l'équilibre se rétablit peu à peu : se recentrant sur l'essentiel, la série nous entraîne au pas de course vers une confrontation inévitable au sein même de la famille, et son but apparaît alors enfin clair.

En fait, The Borgias souffre d'un défaut paradoxal pour une série historique. Elle réussit à générer d'intéressantes oppositions de personnes, avec un triangle de thématiques au ressort tragique universel - amour, jalousie, honneur. Mais dans le même temps, elle ne parvient jamais à donner une épaisseur aux enjeux politiques, ni à capter le souffle de l'Histoire. C'est par nature une série en costumes, aux jolis décors Renaissance. Seulement sa reconstitution ne parle au téléspectateur que par son caractère folklorique, comme si le sous-titre "the original crime family" avait fait basculer l'ensemble dans une modernité qui la prive de toute dimension épique. On pourrait lui pardonner de s'arranger avec l'Histoire sans réel souci d'authenticité, romançant à l'extrême la réalité (Showtime suit ici la voie ouverte par The Tudors), si elle retranscrivait au moins l'envergure des jeux de pouvoir mis en scène. Mais elle échoue invariablement aux limites de cette sphère privée.

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Si le versant historique manque de force, c'est toujours sur les personnages que repose l'intérêt de la série. Plus précisément, ce sont les trois enfants de Rodrigo qui se détachent nettement cette saison. Certes, Lucrezia n'aura comme principale histoire qu'à supporter un bal des soupirants fade, aux ressorts répétitifs, mais le drame du début de saison achève d'endurcir l'ancien ange innocent. Sa tentative de meurtre, vengeance impulsive, sur Juan est une des scènes de tension les plus réussies de la saison. Son frère aîné, justement, prend enfin de l'épaisseur : figure pathétique dans l'échec, n'ayant pas les épaules pour assumer les ambitions de son père, sa descente aux enfers lui confère une dimension tragique et destructrice qui lui permet de s'imposer à l'écran. Face à lui, le personnage de Cesare demeure le pivôt central : la saison lui offre l'occasion de prouver son efficacité et son pragmatisme. Ses aspirations à une vie militaire restent entravées par un frère, préféré par son père, qu'il jalouse encore plus en assistant à ses échecs. La tension ne cesse de monter au fil de la saison, l'opposition étant bien retranscrite par deux acteurs convaincants, François Arnaud et David Oakes. On en devine vite l'issue, qui interviendra finalement avant même le season finale.

La conséquence de la mort de Juan est d'officiellement consacrer un nouveau rôle pour Cesare : est venu le temps d'assumer les responsabilités familiales. Le dernier épisode laisse entrevoir d'intéressants développements pour la saison prochaine : le jeune homme reste un Borgia avec tous ces excès qui s'accentuent à mesure qu'il gagne en pouvoir. Délier de ses voeux, il peut désormais envisager ses ambitions dans toute leur ampleur. L'ascension de Cesare au fil de la saison s'inscrit en contraste avec l'évolution subie par son père sur laquelle pèse les lourdes maladresses des scénaristes. En effet, Rodrigo (et le jeu de Jeremy Irons par la même occasion) s'enferme dans une caricature poussive, de plus en plus privée de toute cohérence. Tout ne semble qu'extrêmité dans les réactions disproportionnées dépeintes, et au final, tout y sonne faux : de sa parenthèse pénitente (mais The Borgias échoue plus généralement à donner un semblant de crédibilité à son versant religieux) jusqu'à la manière dont il traite ses enfants, où la répétition invariable des mêmes ressorts (favoriser Juan, marier Lucrezia, décevoir les attentes de Cesare) devient lassante. Se transformant presque en élément comique involontaire, on en viendrait à souhaiter la résolution du cliffhanger final dans un certain sens.

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Bilan : Si elle se rattrape quelque peu sur la fin, The Borgias aura proposé une saison 2 inégale. La série a confirmé et même accentué les défauts perceptibles dans sa première saison, incapable de prendre la mesure du potentiel offert par son cadre historique. Ses atouts restent des dynamiques finalement très modernes : des relations familiales ambigües, dont les enfants de Rodrigo sont les principaux protagonistes. Les grands thèmes ainsi abordés, la jalousie et la concurrence entre Juan et Cesare d'une part, les sentiments entre Lucrezia et Cesare d'autre part, restent les aspects les plus intéressants. Cela n'occulte pas le manque de subtilité de l'écriture, ou encore le caractère parfois très artificiel des intrigues, mais cela permet de conserver un certain public. Dont je fais encore partie pour l'instant.


NOTE : 6/10


La bande-annonce :

Le générique :

20/06/2012

(K-Drama / Pilote) Ghost : un prenant thriller dans la cybercriminalité

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Mine de rien, cela faisait sept semaines que My Télé is Rich! n'avait plus mis le cap sur la Corée du Sud. Il était grand temps de repartir au pays du Matin Calme, où les nouveautés ont pris d'assaut les grandes chaînes au cours des dernières semaines. J'ai abordé cette saison avec sérieux : j'ai testé presque tous les dramas pour lesquels j'ai trouvé des sous-titres, de Big à Bridal Mask. Et, surprise (mais c'est le genre d'inattendu que le sériephile chérit), la série qui s'est détachée ne figurait pas sur ma liste à surveiller. C'est elle qui mérite d'ouvrir aujourd'hui notre incursion dans les programmes sud-coréens actuels.

Ghost est diffusé sur SBS depuis le 30 mai 2012, les mercredi et jeudi soir. La série devrait a priori compter 20 épisodes et se terminer début août. Si Bridal Mask semble se maintenir en tête des audiences sur ces cases horaires, Ghost ne démérite pas, avec des parts de marché à deux chiffres qui s'améliorent peu à peu. Sur le papier, j'avoue que je n'y croyais pas particulièrement, même si le scénario avait été confié à Kim Eun Hee à qui l'on doit Harvest Villa et Sign. Mais à l'écran, ce drama se révèle être un thriller rondement conduit et surtout très prenant. Une fiction donc efficace - et qui tient pour l'instant toutes ses promesses après 6 épisodes (le septième est diffusé ce soir en Corée du Sud - et oui, je suis exceptionnellement même à jour de la diffusion sud-coréenne, c'est vous dire si j'ai été happée !).

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Ghost met en scène une unité de la police spécialisée dans la cyber-criminalité, dirigée dans le premier épisode par Kim Woo Hyun, un officier plutôt froid mais d'une efficacité redoutable dès lors qu'un crime ou un délit est commis par informatique. Dans leur quotidien d'affaires, un hacker en particulier leur pose actuellement problème : le mystérieux Hadès, à cause duquel ils perdent d'importantes preuves au cours d'une enquête. Concentrant leurs efforts pour identifier cet opposant de valeur, ils vont se trouver confrontés à un drame qui émeut l'opinion publique par sa mise en scène : l'apparent suicide d'une actrice impliquée dans un scandale sexuel. Très vite, plusieurs indices troublants, puis une vidéo enregistrée par sa webcam durant la nuit fatale, révèlent qu'il s'agit en fait d'un meurtre.

A partir de là, les rebondissements s'enchaînent. Et parce qu'il vaut mieux laisser au téléspectateur le soin de savourer ces multiples twists, disons seulement que, si Hadès fait figure de coupable logique et idéal, la réalité est bien plus complexe et l'enquête dépasse le seul sort de l'actrice. La recherche d'un mystérieux fichier ghost trouble bien des lignes. Se cachent en arrière-plan d'autres machinations et secrets. Tandis que certains ont cédé à des compromissions fatales, d'autres vont tenter de démêler la vérité des faux-semblants, se précipitant alors dans un jeu létal au sein duquel ils ne connaissent pas leurs opposants. Or ces derniers ne reculeront devant rien pour assurer leur tranquilité.

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Série à suspense, Ghost se démarque par la manière très efficace dont elle se réapproprie les codes classiques du thriller et de ses variantes. Tout y est calibré, mais admirablement bien huilé. L'intrigue progresse vite, les rebondissements sont nombreux, proposant un rythme de narration qui ne laisse aucune place à l'ennui. Tout en s'inscrivant dans les grandes traditions des k-dramas (échange d'identité, confrontations personnelles, vengeance), les twists savent surprendre et interpeller un téléspectateur happé par l'ensemble. D'autant plus que le feuilletonnant domine, dévoilant une intrigue à tiroirs multiples qui gagne en complexité et en ramifications au fil des épisodes. Des enquêtes indépendantes viennent parfois se greffer, mais elles finissent toujours par avoir un impact sur la trame principale, directement ou bien indirectement (servant de révélateur pour les personnages). On est donc loin d'un simple procedural, et le format de série télévisée est pleinement exploité.

Si Ghost était présenté comme une incursion dans la cybercriminalité, la réussite du drama doit surtout beaucoup à sa faculté à générer du suspense sans avoir besoin d'être crédible sur le plan informatique. Elle propose principalement de la poudre aux yeux dans la mise en scène de hacking. Les adresses ip ont tendance à se révéler quasi-spontanément et les disques dur à se vider en un éclair. Et ce n'est pas l'introduction qu'elle fait d'un virus bien connu (mais d'origine étatique) comme Stuxnet qui lui permet de gagner en légitimité. Mais pourtant, si certains raccourcis prêtent à sourire (ou à lever les yeux au ciel), le scénariste maîtrise si bien ses partitions théoriques pour engendrer du supense, que tout fonctionne de manière convaincante. La capacité à créer une tension bien réelle l'emporte sur l'artificialité du cadre informatique.

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Outre le caractère extrêmement prenant de sa narration, Ghost retient aussi l'attention par la relative noirceur de son ambiance. D'une part, on y croise nombre de destins tragiques. D'autre part, l'éclairage sur l'institution policière n'est guère flatteur, arbitrage glissant entre des loyautés personnelles nourrissant des réseaux d'influence et une certaine éthique. A l'image des développements du fil rouge principal, la distribution des rôles apparaît riche en faux-semblants. Elle est très intéressante par les rebondissements et révélations qu'elle occasionne, mais aussi par l'ambiguïté qui lui est inhérente.

La frontière de la loi s'avère en effet toute relative, ne permettant pas de distinguer ceux qui cherchent la vérité de ceux qui veulent la masquer - ou de ceux qui font seulement leur travail, voire servent leurs intérêts personnels. Cela soulève beaucoup d'interrogations pour classer les protagonistes, et la curiosité du téléspectateur grandit parallèlement à son implication. Si Ghost n'a pas cédé à la facilité d'un flashback introductif dès le départ pour présenter chacun, elle sait prendre le temps d'explorer un peu plus ses personnages, mettant un instant en pause le tourbillon de ses intrigues. Ce faisant, elle pose les bases d'un équilibre prometteur sur le long terme, même si sa dimension humaine reste encore embryonnaire.

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Sur la forme, Ghost dispose d'une réalisation efficace, avec une photographie relativement sombre qui sied parfaitement à l'ambiance de thriller. La mise en image des enjeux informatiques (et des actions sur le réseau) parvient à capturer la tension qui domine ces scènes. L'OST recherche encore son juste ton, entre des passages grandiloquents qui en font trop et des parenthèses très anecdotiques. Mais dans l'ensemble, on y trouve quelques thèmes retenant l'attention, et la deuxième chanson proposée m'a plutôt plu (cf. deuxième vidéo ci-dessous).

Enfin, Ghost bénéficie d'un casting qui, sans être son point fort, donne globalement le change. La froideur mono-expressive de So Ji Sub correspond assez au registre sombre du rôle qui lui est confié. Je sais qu'il est critiqué (non sans fondement), mais c'est un acteur pour lequel je conserve de l'affection. Mine de rien, le voilà qui exauce un voeu que j'avais formulé en 2010 sans y croire vraiment : enfin choisir un projet intéressant pour interrompre une trop longue série de choix discutables (Cain & Abel, Road Number One). A ses côtés, Lee Yeon Hee n'est pas non plus des plus convaincantes en policière ; mais elle a un personnage pas inintéressant auquel le physique avantageux est souvent reproché. Cela légitimise en quelque sorte le fait de ne pas parvenir à se donner l'apparence d'une policière de choc crédible. Le reste du casting principal est autrement plus solide, avec Daniel Choi et Kwak Do Won qui trouvent tous deux vite leurs marques. Uhm Ki Joon n'a pas eu encore suffisamment de scènes pour s'imposer, mais ses premières confrontations promettent. Enfin, Song Ha Yoon investit le registre classique, en léger sur-jeu, de la reporter jeune et inexpérimentée.

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Bilan : Thriller policier feuilletonnant, modernisé artificiellement par une touche de cybercriminalité, Ghost se réapproprie efficacement les codes narratifs les plus classiques du suspense dans le petit écran sud-coréen. Toujours très rythmé, il multiplie les twists pour se construire une histoire intrigante et prenante, de laquelle il est difficile de décrocher une fois le téléspectateur rentré dans l'histoire. A la fois bien calibrée et bien huilée, sans révolutionner son genre, cette série fait preuve d'une efficacité redoutable. Si elle poursuit sur ces bases, on tient là une solide série à suspense.


NOTE : 7,25/10


Une bande-annonce :

Une chanson de l'OST :

17/06/2012

(FR) Le voyageur des siècles : une savoureuse plongée au coeur des paradoxes temporels

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Où je découvre que le petit écran français a lui aussi son voyageur partant à l'assaut du Temps avec son tournevis... magnétique.

C'est décidément la loi des séries : ce mois de juin aura été placé sous le signe des voyages temporels, après Jin, après Continuum, voilà une autre preuve que ce thème reste un classique par-delà les continents et les époques. En ce dimanche, My Télé is rich! vous propose donc de remonter le temps et d'embarquer dans ce qui aura été ma belle surprise de la semaine, tandis que je poursuis mon exploration du patrimoine télévisuel français. C'est que ce cycle consacré aux séries de l'ORTF est décidément riche en trésors dont je ne soupçonnais ni l'inventivité, ni la qualité ! Après La Brigade des Maléfices, c'est toujours dans la collection Les Inédits Fantastiques d'INA Editions, que j'ai trouvé mon bonheur, avec Le Voyageur des siècles.

Il s'agit d'une mini-série française qui a été diffusée dans le courant du moins d'août 1971 sur la première chaîne de l'ORTF. Elle compte en tout 4 épisodes, dont la durée oscille entre 1h15 et 1h25. Au départ, ce projet a été développé pendant des années par Noël-Noël et Jean Dréville à destination du cinéma. C'est finalement sur le petit écran que le scénario de Noël-Noël voit le jour, avec des moyens budgétaires forcément moindres, mais toujours Jean Dréville derrière la caméra. Sa diffusion égarée au coeur de l'été 1971 s'est malheureusement soldée par un échec. Heureusement, il y a eu depuis les rediffusions sur le câble et la sortie du coffret DVD (le mois dernier) pour éviter qu'elle ne tombe dans un injuste oubli. Car Le Voyageur des siècles est une réjouissante et originale oeuvre de science-fiction comme le petit écran français en a rarement proposé : un petit bijou à (re)découvrir !

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L'histoire débute par un prologue se situant dans le futur, en 1981. Souhaitant mettre un terme à l'indivision de leurs terres, la soeur de Philippe d'Audigné fait appel à des enquêteurs pour essayer de retrouver son frère disparu. Scientifique et inventeur passionné, ce dernier menait dans le plus grand secret des expériences à partir de travaux commencés un siècle auparavant par leur grand-oncle, le savant François d'Audigné. Mais les recherches tournent court, leurs conclusions se heurtant à la logique de leur raison.

En réalité, Philippe d'Audigné a réussi ses recherches : il a mis au point une machine capable de voyager dans le temps. Sa première incursion officielle dans le passé le conduit dans les années 1880, à la rencontre de son grand-oncle sans qui rien n'aurait été possible. Ce dernier est émerveillé par la mise en oeuvre de ses théories et l'arrivée de ce visiteur du futur, un petit-neveu débarqué d'un autre temps. Mais Philippe a d'autres projets que ces retrouvailles scientifiques : dans un des miroirs qu'il utilise pour capturer des images du passé, il est tombé amoureux d'une belle jeune femme qui vivait au château dans les années 1780.

Philippe et François d'Audigné mettent alors le cap vers 1788. Si la Révolution française menace celle qu'il considère comme sa dulcinée, poussé par l'amour, jusqu'où Philippe sera-t-il capable d'aller et quels bouleversements sera-t-il prêt à provoquer pour la sauver ?

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Présentée dès son introduction par un néologisme évocateur, celui de "julvernerie moderne", Le Voyageur des siècles est une véritable invitation à se lancer dans une histoire extraordinaire : celle d'une aventure à part à travers les époques. Il est intéressant de noter que le récit se vit du point de vue de François d'Audigné, savant du XIXe siècle au talent de conteur indéniable, lequel nous relate les évènements a posteriori avec une voix off qui apporte une saveur particulière à l'ensemble. Dotée d'une écriture réjouissante qui mise beaucoup sur l'émerveillement provoqué par cette ouverture sur le passé et/ou le futur, la mini-série se réapproprie toutes les facettes de ce thème classique de science-fiction qu'est le voyage dans le temps.  

L'amateur de SF est donc en terrain conquis : toutes les problématiques soulevées par ce sujet sont abordées, qu'il s'agisse de rencontrer, ému, des ancêtres, de nouer des relations hors du temps avec des figures du passé, et bien entendu, la plus importante, la question de l'influence que l'on peut avoir sur le bon déroulement de l'Histoire. La mini-série se révèle ici particulièrement bien construite. Elle démarre de la plus anecdotique et sobre des manières, au XIXe siècle, par une simple rencontre entre le grand-oncle inventeur et Philippe qui vient lui apprendre que ses théories sont justes et lui offrir un bref aperçu du futur. Puis, lors du deuxième saut temporel qui les conduit au XVIIIe siècle, d'observateurs extérieurs, nos héros deviennent des acteurs à part entière : leurs agissements font alors basculer le récit dans une véritable uchronie, bousculant les évènements et changeant la face du monde en communiquant à Louis XVI des informations qu'il n'aurait jamais dû avoir. Les limites du voyage temporel, et surtout leur impact sur les voyageurs, vont alors prendre tout leur sens.

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Adoptant initialement une tonalité enlevée et légère qu tend plutôt vers la comédie, Le Voyageur des siècles sait basculer dans un versant plus dramatique lorsque les enjeux se complexifient. A l'innocence première des explorateurs curieux de tout et fascinés par ce passé qui revit sous leurs yeux, succède le déchirement d'être rattrapé par les évènements, puis par la responsabilité qui pèse sur eux d'avoir décidé d'en changer le cours. L'efficacité de l'histoire doit beaucoup à l'empathie que suscitent les personnages confrontés à leurs dilemmes, mais aussi au soin apporté aux époques qu'ils découvrent. La série fait souvent preuve d'une richesse et d'une inventivité au charme un peu désuet, mais tellement stimulant. Initialement, le prologue débute d'ailleurs comme une série d'anticipation, offrant une vision futuriste de l'année 1981 (la série date de 1971), avec ses voitures magnétiques, ses télévisions sans écran et ses gratte-ciels à perte de vue jusqu'à Saint-Flour (!). Par la suite, Le Voyageur des siècles se rapproche du récit historique, à la découverte du XIXe (avec par exemple ce professeur fervent soutien du boulangisme), puis du XVIIIe siècle.

Les deux derniers épisodes sont sans doute les plus savoureux dans la reconstitution proposée. Tout d'abord parce que la France de 1788 vue à travers les yeux de François et de Philippe, émerveillés par ce qui les entoure, présente un portrait plein d'anecdotes au cours duquel le téléspectateur a presque l'impression d'être à leurs côtés. Et ensuite, parce que le basculement dans la néo-Histoire, en 1808, dans un royaume qui n'a pas connu la Révolution et donc l'Empire, nous entraîne dans une société du début du XIXe siècle difficilement reconnaissable du fait des avancées technologiques anarchiques permises par les indications de Philippe. Le scénariste montre alors l'étendue de son imagination fertile, avec ces chaises à porteur devenues à moteur, ces téléphones au combiné improbable... Et puis, la mini-série nous entraîne sur les pas d'un Empereur au destin inaccompli, mais dont l'aura incontestable écrase et laisse tout aussi admiratifs le républicain et le monarchiste qui forment pourtant notre duo d'explorateurs. L'uchronie, ici particulièrement savoureuse, mérite vraiment le détour !

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Si la série déborde d'idées qu'il est réjouissant de voir transposer à l'écran, c'est logiquement sur la forme que Le Voyageur des siècles montre ses limites et a sans doute le plus vieilli. Cependant, la réalisation n'a rien perdu de son efficacté narrative et le plaisir de visionner la mini-série est intact. Au fond, l'image en noir & blanc, les décors recréés avec les moyens du bord - notamment en arrière-plans - et les images qui font parfois assez datées ajoutent finalement un certain parfum de nostalgie qui n'est pas déplaisant.

Si la vitalité de l'ensemble demeure, c'est aussi en partie grâce à un casting impeccable. Hervé Jolly apporte une belle fougue de jeunesse à son portrait de Philippe d'Audigné, homme brillant emporté par ses sentiments. Pour former avec lui un duo complémentaire, au sein duquel naît une vraie complicité, c'est Robert Vattier qui incarne avec une bonhomie savoureuse François d'Audigné. Les seconds rôles sont aussi solides : Raymond Baillet est l'assistant de François, celui qui lit le récit laissé par son maître aux grands professeurs de son temps. Et c'est la belle Myriam Colombi qui interprète celle qui a été la motivation de Philippe durant toutes ces années pour perfectionner sa machine à remonter le temps.

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La dernière Renault magnétique de 1981

Bilan : Se réappropriant avec inventivité et enthousiasme ce grand thème de la science-fiction qu'est le voyage dans le temps, Le Voyageur des siècles se découvre avec beaucoup de plaisir. Elle se démarque par son écriture au dynamisme communicatif et par la richesse avec laquelle son univers est recréé. En effet, un soin constant est apporté aux détails, qu'il s'agisse de reconstitution - et recontextualisation - historique, ou bien lorsque la série s'aventure dans l'uchronie. Elle reste aujourd'hui une perle très originale de la télévision française. C'est donc une aventure qui mérite le détour, pour les curieux, les amateurs de science-fiction et/ou de bonnes séries françaises.


NOTE : 7,75/10


La bande-annonce de la série :