27/06/2012
(K-Drama / Pilote) Bridal Mask (Gaksital) : un justicier masqué durant l'occupation japonaise de la Corée
Poursuivons l'exploration des séries en cours de diffusion du petit écran sud-coréen. Après Ghost, le deuxième drama à avoir retenu mon attention cette saison sur les grandes chaînes du pays du Matin Calme est une adaptation d'un manhwa de Huh Young Man, Bridal Mask (ou Gaksital). Sa particularité est de se dérouler dans les années 30 durant l'occupation japonaise, bénéficiant ainsi d'un contexte intéressant à exploiter. Une période sur laquelle j'ai assez peu vu de dramas, hormis le swinguant Capital Scandal (voire, mais dans un contexte de guerre du Pacifique autrement plus lourd, les débuts de Eyes of Dawn).
Débuté le 30 mai 2012 sur KBS2, Bridal Mask devrait compter 24 épisodes. Il s'est solidement installé auprès du public, avec des scores d'audience tournant actuellement autour des 15% de parts de marché, remportant pour le moment la bataille des cases horaires des mercredi et jeudi soir à 22h. Entremêlant différents genres, de la vengeance au conspirationnisme, en passant par des questions de destinée et d'amour impossible, ce drama se réapproprie des thématiques riches de façon parfois un peu brouillonne. Toutefois, en dépit de ces inégalités, il reste très divertissant. Il s'agit de mon deuxième choix pour ce début d'été.
[Cette critique a été rédigée après avoir visionné les six premiers épisodes, mais ne contient aucun spoiler.]
Bridal Mask se déroule à Séoul dans les années 30. Durant cette période d'occupation japonaise, un justicier masqué, appelé Gaksital, sévit depuis quelques temps et intervient régulièrement lorsque des abus sont commis contre les habitants. Il inquiète tout particulièrement certains hauts dignitaires japonais, car il semble connaître l'existence d'un mystérieux groupe qui, en coulisse, tire bien des ficelles du pouvoir. Jusqu'à présent, la police japonaise est restée impuissante face à lui et a été incapable de le capturer.
C'est pourquoi le commandant confie la tâche à un officier de policier coréen, un ambitieux qui gravit à pas pressés les échelons de sa hiérarchie, Lee Kang To. Si ce dernier a choisi la voie de la collaboration, considéré comme un paria par les siens, c'est que sa famille a déjà payé un lourd tribut à celle de la contestation. En effet, son frère aîné, Kang San, ne s'est jamais remis d'un interrogatoire trop musclé. Désormais limité mentalement, c'est devenu un homme simplet et enfantin. Mais Kang San a un secret... et l'engrenage des évènements et des tragédies vont bientôt obliger Kang To à choisir un camp.
Le premier atout de Bridal Mask réside dans son concept, celui d'un justicier, redresseur de torts dans un contexte particulier et difficile d'occupation. Dès le départ, il est clair que l'ambition du drama n'est pas d'être une rigoureuse reconstitution historique - loin s'en faut, nous sommes ici plus proche d'une forme de carte postale folklorique d'époque. Mais ce cadre offre et permet d'exploiter des ressorts dramatiques, mais aussi d'action, particuliers et intéressants. En fil rouge prometteur, s'impose l'agenda secret de la mystérieuse organisation, qui nourrira les confrontations à venir. De plus, se rappelant ses origines manhwa, il ne recule pas devant certains excès dans la mise en scène des combats, qui apportent un dynamisme appréciable à l'ensemble. De manière générale, transparaît un sens du tragique et de l'émotionnel certain qui retient l'attention.
La réussite des débuts de Bridal Mask tient aussi au fait que le drama repose sur un personnage principal à l'ambivalence exacerbée. Loin d'être une figure unidimensionnelle, il se révèle d'emblée intriguant. Rarement un k-drama aura aussi bien introduit, puis gérer, un héros aussi ambigü qui n'en devient pas pour autant antipathique, même s'il va à l'occasion nous révolter. Initialement, Kang To est en effet un policier, farouchement attaché à ses fonctions, qui ne recule devant aucun abus pour parvenir à ses fins - et, en l'occurence, capturer Gaksital. Pour autant, le drama prend le temps de dépeindre ses blessures, ses failles et d'expliquer ce qui l'a conduit sur cette voie discutable. C'est certainement dans la mise en scène des relations complexes qu'il entretient avec ce frère méconnaissable que le drama est ici le plus abouti et intéressant. Certains des excès de rage de Kang To dépeignent avec une intensité poignante, l'affection mais aussi la colère, que peut éprouver le jeune homme envers Kang San qui a tout sacrifié pour des idées en laissant derrière lui sa famille.
Aux côtés de Kang To, personnage central se démarquant donc avec réussite, le trio de protagonistes principaux qui l'entoure s'inscrit lui dans des dynamiques très traditionnelles. Cependant chacun remplit efficacement le rôle qui lui est dévolu. Durant ces premiers épisodes, c'est surtout l'amitié unissant notre héros à Shunji, fils cadet d'un dignitaire japonais, qui retient l'attention. Les circonstances rendent a priori bien difficiles toute amitié entre un coréen et un japonais, mais surtout le téléspectateur devine, témoin privilégié des forces en mouvement et de l'irrémédiable opposition de leurs familles respectives, que se dessine déjà en filigrane une confrontation future. L'ensemble est construit de manière cohérente et, en dépit de quelques grosses ficelles, il est difficile de ne pas se laisser happer par la dimension fatale et tragique des storylines qui se rejoignent.
Malheureusement, sur ce dernier plan, l'écriture de Bridal Mask est parfois très inégale, peut-être parce qu'elle se disperse à l'occasion un peu dans tous les sens. La série perd par exemple de sa nuance dès qu'il s'agit de mettre en scène des personnages plus secondaires. Basculant alors dans des caricatures poussives - particulièrement du côté japonais -, cela amoindrit d'autant la force des enjeux mis en scène. Par ailleurs, du côté des triangles amoureux qui s'esquissent, elle joue et rejoue avec une insistance trop appuyée et parfois assez maladroite la carte des sempiternels amours d'enfance. Le manque de subtilité est particulièrement préjudiciable parce qu'il fait perdre à la série une partie de la magie émotionnelle qu'elle pourrait pourtant développer, nous laissant indifférent devant certains atermoiements bien trop mis en exergue pour convaincre.
Prenant en dépit de ses limites sur le fond, Bridal Mask est sur la forme un drama plutôt enthousiasmant. La réalisation est dynamique, les combats - semi-volants - mêlent bien les attraits des confrontations classiques à l'épée et la modernité plus létale des armes à feu. La photographie bénéficie de couleurs dans l'ensemble assez chatoyantes, nous replongeant bien dans l'ambiance des années 30 (le drama ne résiste d'ailleurs pas à quelques brèves incursions dans les clubs de l'époque). Et pour parachever le tout, l'OST est très plaisante, avec des thèmes musicaux entraînant et des chansons, certes calibrées, mais efficaces et employées à bon escient suivant la tonalité des passages qu'elles accompagnent.
Enfin, Bridal Mask bénéficie d'un casting sympathique. Le léger sur-jeu apparaît un peu inhérent à la manière dont le drama aime à souligner et mettre en scène ses histores. Joo Won (Baker King Kim Tak Goo, Ojakgyo Brothers) investit avec conviction (et quelques excès volontaires) son rôle de héros complexe. Ni Jin Se Yeon (My Daughter the Flower), ni Park Gi Woong (The Musical) n'ont son intensité, mais les deux acteurs s'en tirent à peu près correctement dans leur rôle respectif. Quant à Han Chae Ah (Hero), elle n'a pas encore été trop sollicitée, mais elle campe parfaitement la froideur apparente de son personnage. A noter que c'est Shin Hyun Joon (Cain and Abel) qui incarne le grand frère de Kang To.
Bilan : Se réappropriant des ressorts narratifs très classiques, qu'il s'agisse de relations sentimentales compliquées ou de vengeances inéluctablement marquées par le poids familial, Bridal Mask est un mélange des genres assez riche qui compense son manque de subtilité et certaines maladresses par un dynamisme global appréciable. Son contexte historique apporte une valeur ajoutée indéniable, avec une dimension historique qui, notamment dans les combats, rend aussi perceptible l'origine manhwa. Si on peut regretter que l'écriture de Bridal Mask manque parfois de discipline et de rigueur, cédant facilement à certains poncifs, c'est pour le moment une aventure prenante bien portée par un personnage principal qui ne laisse pas indifférent. A elle de savoir mieux se concentrer sur l'essentiel et de poursuivre sur le même rythme.
NOTE : 6,5/10
Une bande-annonce de la série (avec sous-titres anglais) :
Une chanson de l'OST :
12:13 Publié dans (Séries asiatiques) | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : k-drama, kbs2, gaksital, bridal mask, joo won, jin se yeon, park gi woong, han chae ah, shin hyun joon | Facebook |