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31/05/2012

(ISL) Heimsendir (World's End) : entre l'allégorie politique et la satire de la psychiatrie


Article 5. "Drugs are optional... (except for those that need them)."

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Connaissez-vous ce sentiment d'intense satisfaction téléphagique qui vous étreint lorsque vient enfin le moment de se lancer dans un projet que vous attendiez avec impatience depuis des mois et qu'ensuite le résultat se révèle à la hauteur, dépassant même vos espérances ? C'est ce qui m'est arrivé ces derniers jours. Si vous lisez régulièrement ce blog, vous vous souvenez que cela fait déjà quelques temps que je vous parle d'une série islandaise récente qui avait réussi le tour de force de m'intriguer et de me pré-fasciner par sa seule affiche (pour laquelle la parenté esthétique avec Naeturvaktin était évidente) et une brève bande-annonce.

Heimsendir (World's End à l'international) a été diffusée sur Stöð 2 à la fin de l'année 2011 (de septembre à novembre). Elle compte en tout 9 épisodes dont la durée varie entre 30 et 35 minutes. On retrouve à son origine (et en partie aussi devant la caméra) la brillante équipe (Jóhann Ævar Grímsson, Jörundur Ragnarsson, Pétur Jóhann Sigfússon et Ragnar Bragason) qui a créé la grande série islandaise de ces dernières années, la trilogie constituée par Næturvaktin, Dagvaktin et Fangavaktin. Si on perçoit certaines influences communes entre les oeuvres, notamment dans leur dimension humaine, Heimsendir investit cependant un registre très différent : ce bijou d'une inventivité fascinante flirte avec la fable politique, à la fois allégorique et satirique. Inutile de faire durer le suspense : j'ai été complètement conquise.

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Heimsendir se déroule en 1992 au sein d'un asile psychiatrique isolé dans la campagne islandaise. La série débute avec l'arrivée d'un nouveau patient, Einar, un enseignant qui après plusieurs crises se retrouve envoyé là-bas contre sa volonté, avec l'autorisation de sa famille. Il s'ajuste difficilement à ce quotidien de l'hôpital, refusant de se considérer comme malade. Mais ce sont surtout les conditions de vie imposées par l'institution qui vont attiser sa révolte. En effet, la direction de l'asile impose non seulement un règlement très strict, infantilisant à l'extrême les patients, mais elle administre aussi des traitements médicaux forts sans aucune concertation. Au sein du staff, Ludvik est sans doute le seul à essayer de prendre en compte les désirs et besoins de ceux qu'ils sont pourtant censés aider vers une éventuelle guérison.

Voyant qu'aucune discussion n'est possible, Einar allume l'étincelle révolutionnaire au sein de l'établissement, interpellant et convaincant ses compagnons de réclamer un certain nombre de droits fondamentaux, parmi lesquels l'interdiction d'être drogué contre sa volonté. Au cours d'un long week-end férié, la confrontation s'envenime et les évènements dégénèrent. Les patients profitent du manque de personnel pour prendre le contrôle de l'hôpital. Le staff est enfermé. Et les anciens internés entreprennent alors le premier acte de la nouvelle ère : la rédaction d'une constitution. Mais très vite, à la place de la liberté initialement proclamée, le fonctionnement de l'établissement glisse vers la dictature tandis que Margeir, un jeune schizophrène, laisse apparaître une nouvelle personnalité, ambitieuse et dangereuse...

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A partir de son cadre hospitalier, Heimsendir s'impose tout d'abord dans un registre surprenant : celui de l'allégorie politique. La construction narrative très familière, que l'on pourrait rapprocher d'une forme d'apologue, m'a très vite fait penser à celle d'un livre qui m'avait marqué dans ma jeunesse, La ferme des animaux de George Orwell. Trois grandes étapes peuvent ainsi être distinguées dans le récit. Initialement, le soulèvement ouvre une période d'euphorie où s'exprime une utopie révolutionnaire durant laquelle toutes les espérances sont permises. Puis, les premières dérives se font jour : la liberté peut très vite engendrer le chaos, a fortiori dans un asile. Les dirigeants retombent alors dans les travers de l'institution qu'ils ont balayée. Dans Heimsendir, le motif de la discorde est l'administration de drogue. C'est pourquoi l'article 5 de la constitution garantit que ces médicaments ne sont qu'optionnels : nul ne peut être forcé à les ingurgiter. Mais après un comportement dangereux d'un malade, Einar amende unilatéralement le texte, ajoutant un significatif "sauf pour ceux qui en ont besoin" et ouvrant ainsi la voie à la médication forcée. Tout comme la loi fondamentale dans La ferme des animaux avait commencé en proclamant que "tous les animaux sont égaux" pour finir complétée par "mais certains le sont plus que d'autres". A partir du moment où les dirigeants s'affranchissent du cadre légal, la communauté glisse vers la dictature : une nouvelle figure s'impose pour parachever le basculement d'un régime où toute voix dissonnante est désormais réduite à néant.

Si le livre d'Orwell était une critique du stalinisme, les emprunts historiques de Heimsendir sont différents, mais tout aussi identifiables. La série trouvera un écho particulier auprès du téléspectateur français, car les scénaristes ont manifestement ouvert un livre d'Histoire de la révolution de 1789. Les références s'enchaînent de façon assez savoureuse. Ainsi, par exemple, après s'être arrogé le pouvoir constituant, la personne pouvant s'exprimer et devant être écoutée par les autres est celle qui porte un chapeau, lequel n'est pas sans rappeler le bicorne napoléonien. Ensuite, parmi les grandes idées de réforme faites, l'ingénieur du groupe propose d'instaurer l'heure et la semaine décimale (et un épisode a même pour titre... "thermidor"). Puis la série nous rejoue une variante symbolique de l'assassinat de Marat dans son bain, portant le tableau bien connu à l'écran : au poignard se substitue l'ingestion de drogue... attentat chimique adapté au cadre de l'asile. Après l'organisation de procès pour juger l'ancienne institution, Margeir/Mori décide de répartir les différentes fonctions entre plusieurs comités, chapeautés par un comité central, le comité "of public awareness" (écho au comité de salut public). C'est assez jubilatoire de voir ainsi transposer ces éléments narratifs familiers, d'autant plus que la fiction se les réapproprie avec aplomb et logique, faisant preuve d'une inventivité et d'une richesse dans son propos qui sont vraiment remarquables.

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A côté de sa dimension politique, Heimsendir n'oublie cependant jamais la particularité de ses protagonistes et des problématiques médicales inhérentes à son sujet. La série développe ainsi un second versant : une satire de la psychiatrie au cours de laquelle elle s'interroge sur le traitement des patients. Avec une écriture fine mais tranchée, la série n'hésite pas à manier un certain sens de l'absurde, proche de la caricature, sans jamais trop en faire. Le fait de se dérouler en 1992 lui permet de se référer à une période précédant la modernisation de ces établissements. Elle distribue donc efficacement les rôles au sein du personnel : on retrouve en effet des personnages dont les positionnements bien définis sont représentatifs d'un milieu. Il y a le directeur principalement préoccupé par son projet personnel et le livre qu'il est en train de rédiger dessus, l'infirmière pour qui la seule réponse aux comportements à risque est l'administration massive de drogue sans la moindre considération pour les malades, mais aussi le thérapeute qui, à l'opposé, s'efforce de donner aux patients l'occasion de s'exprimer, estimant que c'est en leur faisant faire des activités qu'ils pourront le mieux s'épanouir. La réussite de la série est de faire en sorte que ces personnages ne soient jamais déshumanisés : ils gardent leurs doutes, leurs obstinations et leurs émotions. Le fait d'ajouter une histoire plus personnelle, avec l'adolescente de l'infirmière et du thérapeute, contribue à ce subtil équilibre.

Ce même effort de nuance se manifeste dans la caractérisation des malades, qui sont le coeur de la série. C'est une large galerie de patients qui est ainsi mise en scène ; cette richesse apporte une diversité bienvenue, témoignant de l'ambition des scénaristes. Leurs pathologies sont montrées sans jamais alourdir le récit, mais en apportant une touche d'inattendu, à l'occasion touchante. D'autant que derrière des apparences parfois abrasives se cachent souvent des histoires poignantes qui ne laissent pas le téléspectateur indifférent. Heimsendir s'intéresse plus particulièrement à ceux qui vont jouer les fonctions clés dans la fable allégorique à l'oeuvre sous nos yeux. Leurs personnalités et leurs motivations sont assez fouillées. Le mélange est réussi entre un facteur particulier d'irrationalité inhérent à leur état mental et une logique implacable qui leur fait trouver leur place dans cet engrenage révolutionnaire. Si, durant la première partie, c'est Einar qui apparaît comme le coeur du soulèvement en gestation, c'est ensuite Margeir qui s'impose comme la complexe et troublante figure principale. Les différentes personnalités du schizophrène lui confèrent une ambivalence marquante. La clé de l'intrigue résidera dans la compréhension progressive du personnage et de ses blessures passées ; et ici, la série maîtrisera admirablement son sujet et tous les développements jusqu'à l'image finale de conclusion.

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Brillante sur le fond, Heimsendir l'est aussi sur  la forme. La réalisation a été confiée à une valeur sûre du petit écran islandais, Ragnar Bragason (il a déjà réalisé notamment la trilogie Naeturvaktin). Non seulement l'image est impeccable, mais surtout le travail entrepris sur la symbolique de certains plans est admirable. Jubilatoire même. Ce soin s'étend jusqu'aux couleurs dominantes à l'écran qui évoluent au fil de la mutation du régime : la révolution voit le rouge prévaloir ; puis à mesure que l'on tend vers la dictature, un blanc épuré s'y substitue (les quelques screen-captures vous donnent un aperçu assez représentatif). Quant à la bande-son, elle est tout simplement magnifique et ô combien appropriée : les morceaux de musique classique familiers à l'oreille du téléspectateur se succèdent en grande pompe, du Bach, du Beethoven... Déchirantes ou épiques, toujours animées d'un souffle particulier, ces partitions musicales épousent et font corps avec le récit, le rythmant et donnant avec justesse leur tonalité aux séquences en cours.

Enfin, Heimsendir dispose d'un convaincant casting, à la hauteur pour retranscrire toute cette galerie de personnages mis en scène, égarés et fragiles, mais aussi touchants et déterminés. Parmi les têtes les plus connues, on retrouve deux des trois acteurs de la trilogie Naeturvaktin. Si Pétur Jóhann Sigfússon renoue avec un personnage assez attachant qui fait preuve de beaucoup d'empathie envers ses patients, c'est Jörundur Ragnarsson qui bénéficie du rôle le plus fascinant, celui de Margeir. L'acteur délivre une performance impressionnante. Incarnant ce schizophrène dont on verra plusieurs personnalités distinctes au cours de la série, il fait preuve d'une belle faculté à se métamorphoser complètement suivant la personnalité dominante, enfantin ou machiavélique, perdu ou hystérique. A leurs côtés, on croise notamment Halldór Gylfason, Halldóra Geirharðsdóttir, Karl Ágúst Úlfsson, Nína Dögg Filippusdóttir, Bára Lind Þórarinsdóttir, Sigurður Sigurjónsson, Brynhildur Guðjónsdóttir, Lára Jóhanna Jónsdóttir, Margrét Helga Jóhannsdóttir, Víkingur Kristjánsson, Jóhann Sigurðarson, Benedikt Erlingsson, Hallgrímur Ólafsson, Guðjón Þorsteinn Pálmason, María Guðmundsdóttir, Erla Rut Harðardóttir, Þröstur Guðbjartsson ou encore Friðgeir Einarsson.

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Bilan : A la fois allégorie politique fascinante et satire dosée de la psychiatrie, Heimsendir est une oeuvre très soignée, à l'écriture consistante et fluide, dont la richesse réside dans ces différents niveaux de lecture. Fable pessimiste dans son portrait des limites de l'utopie révolutionnaire, l'efficacité et la simplicité de son histoire n'ont ici d'égal que la maîtrise d'ensemble de l'exécution d'un récit parfaitement millimétré. La série va crescendo, gagnant en intensité jusqu'à la chute finale. Pour autant, Heimsendir n'en néglige pas non plus ses personnages, conservant une dimension humaine très forte, souvent touchante, et sachant bien exploiter le cadre particulier de l'asile. Avec son sens certain du détail, le soin apporté à son identité visuelle et musicale, ses références historiques transparentes, cette série est un OTNI (Objet Télévisuel Non Identifié) jubilatoire qui mérite vraiment le détour.


NOTE : 9/10


La bande-annonce de la série (sous-titrée anglais) :

Le générique de fin (enfin, surtout sa musique) :



[A noter : Comme toutes les séries islandaises, Heimsendir a été éditée en DVD avec une piste de sous-titres anglais, disponible notamment par là.]

30/05/2012

[Blog] My Télé is Rich, la 500e !

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Pas de mercredi asiatique aujourd'hui, mais une célébration (parce que j'aime les fêtes et les caps symboliques) et une esquisse de bilan, car voici le 500e (!) billet publié sur My Télé is Rich!.

Il faut dire que ces 500 articles ont vu la ligne éditoriale du blog considérablement évoluer, au gré des chemins tortueux de mes centres d'intérêt fluctuants. Pensez qu'on a eu l'occasion de parler de multiples séries - environ 329 - représentant en tout 22 (!) nationalités différentes (qui l'eut cru pour un blog qui devait surtout parler de petit écran... anglais). Cela donne dans les faits des critiques portant sur : 97 séries anglaises ; 82 sud-coréennes ; 61 américaines ; 37 japonaises ; 8 françaises ; 8 australiennes ; 7 danoises ; 4 canadiennes ; 3 islandaises ; 3 néo-zélandaises ; 3 suédoises ; 2 taïwanaises ; 2 italiennes ; 1 chinoise (et demie) ; 1 de Hong Kong ; 1 suisse ; 1 estonienne ; 1 portugaise/brésilienne ; 1 norvégienne ; 1 irlandaise ; 1 russe et 1 israélienne.

Ce serait très réducteur d'y voir une lubie à finalité folklorique : l'enseignement principal de tous ces visionnages au cours desquels j'ai trouvé de vraies perles dans des recoins que je n'aurais pas soupçonnés, c'est tout simplement la richesse impressionnante du petit écran. (En cela, le titre du blog était sacrément prémonitoire.)

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En fait, tenir un blog, ce n'est pas juste partager une passion, c'est pour le blogueur contribuer à la nourrir, à la faire grandir et la voir se transformer au fil des découvertes et des échanges initiés (twitter joue ici un rôle important). D'une part, cette rédaction quotidienne oblige à une rigueur d'organisation qui permet de tirer le meilleur parti du temps que l'on peut consacrer au visionnage de ces fictions. D'autre part, ma passion pour les séries ne s'est jamais aussi bien portée que depuis le moment où, au fil des billets écrits et des explorations relatées, est née cette idée/quête d'une "sériephilie sans frontières". A la lassitude d'une surconsommation américaine (qui a quand même duré presque une décennie auparavant) a succédé l'excitation de la découverte de nouveaux horizons, sans délaisser pour autant les anciens - mais en opérant désormais un tri nécessaire.

Ce bol d'air frais m'a permis d'apprécier d'autres savoir-faire, d'autres cultures et d'autres styles. Il m'a aussi appris non pas le relativisme, mais l'ouverture d'esprit. Prendre du recul. Mieux comprendre la subjectivité inhérente à toute critique. Accepter que chaque téléspectateur regarde le petit écran à travers le prisme de tout un tas de facteurs qui lui sont propres et à l'importance variable, qu'il s'agisse de ses expériences téléphagiques passées, de son âge et de la génération à laquelle il appartient, de sa nationalité, de ses affinités personnelles, de son humeur du moment ou même des effets de mode (qu'on y soit allergique ou qu'on se laisse consciemment ou non entraîner par le mouvement).

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De plus, ces 500 billets n'auraient pas existé sans un autre versant déterminant, qu'on ne soulignera jamais assez : la sériephilie est une passion communautaire ! Parce que le visionnage des séries s'inscrit dans le temps, leur format se prête tout particulièrement aux échanges, qu'il s'agisse de communions adoratives passionnelles ou d'émulations collectives vers de nouvelles découvertes. Chacun a la possibilité d'apporter sa pierre à l'édifice d'une culture en formation qui aspire simplement à une vraie reconnaissance méritée. Les progrès sont sur ce plan notables - y compris au cours de ces dernières années. Même si, malheureusement, les préjugés sont tenaces.

Sous la plume de certains, cette passion apparaît toujours comme un phénomène peu compréhensible et bien étrange, quand les séries ne sont pas présentées comme une sous-production d'abrutissement des masses. Le plus triste cependant, c'est qu'au sein même de la "communauté sériephile", les segmentations naissent parfois tout aussi spontanément : network contre câble, françaises contre étrangères, américaines contre européennes, occidentales contre asiatiques, etc... Je me suis plus d'une fois interrogée sur la facilité avec laquelle, en relayant avec aplomb des préconceptions caricaturales, on peut reproduire sans forcément s'en rendre compte exactement les mêmes comportements contre lesquels on s'insurgerait lorsque ce sont les séries au sens large qui sont attaquées.

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Au final, ce cap des 500 billets me fait mesurer combien ce blog m'a permis de structurer une passion jamais éteinte, mais dans laquelle il faut parfois surmonter doutes et déceptions. Plus que jamais, je fonctionne par phases, avec des cycles de découvertes pré-programmés. De découvertes de pays, mais aussi d'époques : car l'historienne qui est en moi ne peut concevoir une culture uniquement fondée sur l'immédiat. Les séries ne sont pas nées au XXIe siècle et la culture qui les entoure ne doit pas s'y cantonner. Tous ces axes (je dirais presque "de recherche" - c'est une déformation professionnelle, mais elle est assez juste), je n'aurais sans doute jamais entrepris de les explorer si ce blog n'avait pas été là et si vous, chers lecteurs/twittos/podcasteurs, n'aviez pas été présents pour échanger, communiquer vos expériences et aider à bâtir cet édifice culturel.

Tout ça pour dire que, même si parfois je doute et m'interroge sur le sens de passer autant de temps sur ce blog, le plaisir est toujours là. Et c'est grâce à tout ça que je pourrais vous parler dans mon prochain article, d'un énorme coup de coeur, une vraie claque téléphagique... venue d'une série récente dont je n'aurais sans doute même pas connu l'existence s'il n'y avait pas eu ces 500 billets la précédant... et vous.

16:23 Publié dans (Blog) | Lien permanent | Commentaires (16) | Tags : blog |  Facebook |

27/05/2012

(Pilote US) Bunheads : des débuts attachants sur lesquels flotte un parfum familier

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Je l'avoue, ABC Family n'est pas vraiment une chaîne dont je surveille les séries. Question d'âge, de goût, d'affinité... Mais même si je fais rarement partie du public visé par ses productions, je reconnais qu'elle sait aussi parfois s'entourer de noms qui retiennent l'attention du sériephile, comme Huge par exemple il y a 2 ans (de Winnie Holzman, la créatrice de Angela 15 ans). Cet été, la nouveauté qui aiguise la curiosité est signée par une autre valeur sûre du petit écran américain, Amy Sherman-Palladino.

La créatrice de Gilmore Girls revient ici à la recette qui a fait son succès, réunissant plusieurs générations de femmes dans Bunheads. Cette série débutera le 11 juin 2012 sur ABC Family, avec une saison 1 qui comprendra 10 épisodes. Et, au vu de ce pilote sur lequel flotte indubitablement un parfum caractéristique qui ne peut que rappeler Stars Hollow, je serai au rendez-vous pour voir quelle orientation prendra la série.

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Ce premier épisode de Bunheads s'intéresse au tournant que prend soudain la vie de Michelle. Danseuse à Las Vegas, avec une carrière qui n'est plus que l'ombre du potentiel entre-aperçu par le passé, elle subit une nouvelle audition négative, sans même avoir eu l'occasion de prouver son talent. Abattue, elle accepte l'invitation à dîner d'un de ses plus fidèles admirateurs. Or ce dernier, simplement de passage en ville, décide de la demander en mariage. Après une nuit de festivités, Michelle accepte et quitte les paillettes de Las Vegas pour la petite bourgade côtière dans laquelle vit celui qui est désormais son mari.

Ce dernier avait bien présenté la superbe vue promise de la chambre à coucher, mais il avait omis certains détails non négligeables. Comme le fait qu'il vive toujours avec sa mère, laquelle dirige une école de danse dans un bâtiment attenant à la propriété. Pour Michelle, le contraste avec Las Vegas est marquant : elle découvre une petite ville tranquille où chacun se connaît, sans réelles animations, ni sorties. Ce premier jour sur place, et la fête qui vient le clôturer, est l'occasion pour elle de découvrir ceux dont elle semble désormais destinée à partager le quotidien, et notamment quatre adolescentes qui fréquentent l'école de danse de sa belle-mère.

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Même si vous ratez le nom d'Amy Sherman-Palladino en début d'épisode lorsqu'il apparaît à l'écran, il n'existera très vite aucun doute dans votre esprit sur l'identité de la scénariste se trouvant à l'origine du pilote que vous êtes en train de découvrir. Des parallèles se font naturellement avec Gilmore Girls tant l'inspiration commune et l'influence sont perceptibles. La scénariste a à l'évidence souhaité renouer avec le genre qui a fait son succès passé, à l'égard duquel elle avait démontré un savoir-faire certain. On retrouve ainsi un style d'écriture très caractéristique : beaucoup d'énergie communicative dans le récit, porté par des dialogues dynamiques que ponctuent quelques longues tirades-monologues aux accents familiers. Le cadre même de la série n'est pas inconnu : dans le calme confondant de cette bourgade, on entre-aperçoit une communauté où tous les habitants se connaissent. Une ambiance de petite ville côtière qui est un écho évident à celle légèrement sucrée et feutrée de Stars Hollow. Pour le moment, ce sont surtout les intérieurs de quelques lieux clés qui sont entrevus : à voir si la série saura faire du décor un acteur à part entière de l'histoire.

Et puis, il y a le plus important, le thème central de Bunheads : tout en suivant cette figure centrale arrivant tout droit de Las Vegas, le pilote nous présente l'école de danse qui va permettre de réunir autour d'une passion commune trois générations : Fanny Flowers, la belle-mère, Michelle et plusieurs adolescentes qui y suivent des leçons. La caractérisation des personnages est convaincante dans cette première introduction qui dessine des personnages féminins forts, avec du potentiel. Le groupe d'adolescentes a une bonne dynamique. Michelle est très attachante, héroïne qui vit pleinement ses passions, tout en ayant aussi par son vécu son lot de regrets. Quant à Fanny, derrière son air revêche, elle est malgré tout prête à donner une chance à sa belle-fille. Le principal objet de ce pilote est d'organiser le parachutage de Michelle dans cette petite ville retirée où tout n'attend qu'elle pour s'animer. Il use pour cela de ficelles un peu grosses, assume quelques raccourcis, et l'ultime twist de fin d'épisode renforce cette impression tout en soulevant des questions sur l'orientation future. Cependant, il est difficile de ne pas se laisser entraîner par la dynamique de l'ensemble : en effet, comme la scénariste, le téléspectateur n'a vite qu'une seule envie, poser ses bagages et s'installer. Mission peut-être pas parfaitement exécutée, mais accomplie avec succès !

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Sur la forme, le pilote de Bunheads  bénéficie d'une réalisation correcte, avec une ambiance musicale appropriée à la tonalité de la série. Le principal enjeu pour la suite tiendra sans doute à la façon d'exploiter le cadre de cette ville, sans se contenter de simplement naviguer entre deux ou trois lieux clés - en alternant scènes en intérieur et en extérieur - ; mais le décor de la maison dans laquelle Michelle met les pieds vaut à lui-seul le déplacement et tend à prouver que la fiction devrait également soigner cet aspect.

Enfin, Bunheads dispose d'un casting sympathique. Sutton Foster incarne avec beaucoup d'énergie Michelle, sachant retranscrire aussi bien la passion animant son personnage, le sarcasme que lui apporte son expérience et une nature tendance à prendre du recul par rapport à sa situation. Contribuant à renforcer les parallèles avec Gilmore Girls, c'est avec beaucoup de plaisir qu'on retrouve Kelly Bishop qui incarne avec le style qu'on lui connaît la belle-mère. Enfin, les adolescentes sont assez justement interprétées par Kaitlyn Jenkins, Julia Goldani, Bailey Buntain et Emma Dumont.

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Bilan : Doté d'une écriture fine à l'énergie communicative, Bunheads délivre un pilote attachant qui réussit sa principale mission : celle d'organiser l'arrivée de Michelle au sein de l'école de danse, de façon à pouvoir ensuite exploiter les éléments narratifs ainsi réunis. Ce premier épisode dispose d'un charme certain et d'une chaleur humaine très plaisante. Le potentiel est donc là, le principal enjeu pour le futur sera de trouver le juste équilibre entre les différents personnages féminins, en trouvant une place à chacun. Pour le reste, à Bunheads de grandir et de trouver sa tonalité propre pour ne pas être qu'une forme d'ersatz ABC Family-ien de Gilmore Girls. En tout cas, j'ai ajouté cette série à mon planning estival ; en espérant qu'elle tienne ses promesses.


NOTE : 7/10


La bande-annonce de la série :

26/05/2012

(FR) Ardéchois coeur fidèle : vengeance, amitié et condition ouvrière sous la Restauration

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Essayer tant bien que mal de se tenir à jour des dernières nouveautés dans le monde des séries est un défi insurmontable. Le plus tôt le sériephile l'admet, le mieux il se porte. Trop de choses intéressantes et autres curiosités pour suivre le rythme. Il faut se faire une raison : impossible de tout voir. Mais on tâchera tant bien que mal de sélectionner l'essentiel d'une saison en fonction de nos affinités. Sauf que le petit écran a beau se renouveler constamment, cela n'est pas non plus une raison pour oublier les oeuvres passées. Et puis, ce n'est pas ma faute si je suis née plusieurs décennies après la naissance du petit écran et des séries ! Ces six derniers mois, j'ai fait de belles découvertes en m'aventurant dans les 60s' aux Etats-Unis avec Rawhide et dans les 70s' en Angleterre avec The Sandbaggers. Mais je n'étais encore jamais remontée dans l'histoire télévisuelle française.

Et puis, l'autre jour, j'ai eu envie d'expérimenter (parce que ce blog n'est qu'un vaste compte-rendu d'expériences téléphagiques plus ou moins téméraires). Armée de mon dictionnaire sur les séries (enrichi depuis par des contacts twitter) et d'une carte bleue, j'ai donc fait quelques emplettes DVD. Et c'est comme cela que je vous propose aujourd'hui de débuter ce qu'on appellera un "cycle ORTF" (à voir si on ira au-delà ou pas). J'évoquerai aussi d'autres genres, mais il me semblait logique de commencer par de l'historique. Pas seulement parce que je suis une grande amatrice, mais aussi parce que j'ai toujours entendu parler en grandissant d'un supposé "âge d'or de la fiction française historique" ; et jusqu'à présent, hormis les Rois maudits, je n'avais vraiment eu l'occasion de tester...

Mon choix s'est porté sur Ardéchois coeur fidèle (non cela n'a rien à voir avec mes racines ardéchoises). Cette série compte 6 épisodes, de 55 minutes environ (notez que, sur le DVD, les épisodes ne sont pas découpés). Au scénario, on retrouve Jean Cosmos et Jean Chatenay. Elle a été diffusée sur la deuxième chaîne de l'ORTF du 21 novembre au 19 décembre 1974, où elle a rencontré un franc succès d'audience (favorisé par les grèves qui touchaient alors l'ORTF). En ce qui me concerne, j'ai apprécié cette immersion dans la première moitié du XIXe siècle : elle est non seulement une série d'aventure humaine et historique, mêlant de grands thèmes de vengeance et d'amitié, elle s'impose aussi un portrait social d'une grande richesse.

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Ardéchois coeur fidèle se déroule dans les années 1820 sous la Restauration. Toussaint Rouveyre rentre chez lui, en Ardèche, après presque une décennie passée au loin, qui l'a entraîné jusqu'au Canada. Ancien capitaine des armées de Napoléon, il était en effet à Waterloo lors de l'ultime défaite de l'Empereur. Il retrouve une famille aux penchants républicains notoires qui a souffert sous la Terreur blanche, la réaction royaliste qui a accompagné l'instauration du nouveau régime. Toussaint ne sait comment reprendre le fil de sa vie. Il songe à repartir de l'autre côté de l'Atlantique. Son oncle l'encourage cependant sur une autre voie : celle du métier de menuisier, exercé dans le cadre d'une association particulière, celle des compagnons.

Toussaint le soldat ne s'imagine pas ouvrier, mais se trouvant rapidement en porte-à-faux avec les autorités policières, il reprend la route pour retrouver son frère qui est en train d'effectuer le tour de France des compagnons. Sans nouvelle de lui depuis trop longtemps, son enquête le conduit à Tournon, sur les lieux d'une rixe entre Compagnons du Devoir et Compagnons du Devoir de Liberté qui a dégénéré. Son frère, qui appartenait à la première, est mort dans la mêlée alors qu'il n'avait même pas 20 ans. Toussaint n'obtient qu'un nom : Tourangeau sans Quartier. Il décide alors d'entrer dans cette société des compagnons du Devoir de Liberté avec pour objectif de découvrir ce qu'il s'est vraiment passé et de tuer le meurtrier de son frère.

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Animée d'un sacré souffle narratif, Ardéchois coeur fidèle débute comme un récit de vengeance classique. Pourtant, la série va rapidement prendre un tournant plus subtil et nuancé pour s'imposer dans un autre registre. C'est avant tout une fiction empreinte d'une profonde humanité qui, détachée de tout manichéisme, va mettre en scène des personnages complexes, riches en paradoxes et en ambivalences. La quête de Toussaint le conduit en effet dans un milieu qui parle à l'ancien soldat : il y retrouve la solidarité et la solidité caractérisant ces liens humains qui ne peuvent naître qu'au sein de communautés unies par des conditions de vie difficiles. Avec leurs principes, mais aussi leurs contradictions et leurs fortes personnalités, tous les personnages se révèlent très attachants. L'écriture laisse pleinement s'exprimer l'intensité des émotions mal apprivoisées de ces ouvriers qui apprennent la vie en même temps qu'un métier. Cela permet de susciter une réelle empathie auprès du téléspectateur. Récit d'amitiés solides se créant sur les routes du tour de France, Ardéchois coeur fidèle traite aussi des rapports de l'individu au collectif, en essayant de tracer les limites d'un certain corporatisme. Marquée par le drame de cette rixe qui a mal tourné, elle éclaire avec beaucoup de justesse les dynamiques chargées d'ambiguïtés inhérentes à ce milieu. 

De plus, la série peut s'appuyer sur une solide reconstitution historique. En toile de fond, elle expose les tensions politiques, et surtout sociales, de la société française de l'époque. Survolant aussi bien les agitations bonapartistes que l'appareil répressif de l'Etat avec sa défiance à l'égard de toutes associations ouvrières, elle fait preuve de beaucoup d'acuité dans le portrait dressé ; le passé de Toussaint et les liens qu'il conserve avec d'anciens fidèles de l'Empereur permettent ici d'enrichir le tableau. Reste que c'est logiquement par sa dimension sociale, par l'immersion dans le milieu du compagnonnage qu'elle retient tout particulièrement l'attention. La série prend une allure très pédagogique quand il s'agit de nous permettre d'apprécier les rites et raisonnements singuliers des membres de la société dans laquelle Toussaint s'introduit. Globalement, ce soin des détails apporte un parfum d'authenticité appréciable. En filigranne, c'est la condition d'une certaine catégorie d'ouvriers dans une France qui n'en est encore qu'aux premiers frémissements de la révolution industrielle qu'Ardéchois coeur fidèle éclaire. 

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Sur la forme, en terme d'images, il faut sans doute ici surtout s'arrêter pour parler de la qualité vidéo du DVD : cette dernière oscille de moyen à médiocre, suivant les scènes et l'éclairage. Cependant, cela n'affecte pas le visionnage, car l'histoire se suit sans problème et n'en est pas moins agréable. Le thème musical récurrent, entraînant, donne assez bien le ton de ce qui reste une aventure historique rythmée.

Enfin, Ardéchois coeur fidèle bénéfice d'un casting très convaincant, porté par un duo magistral sans lequel la série n'aurait sans doute pas eu la même force. Sylvain Joubert a la présence et l'intensité adéquates pour incarner cet ancien officier marqué par la mort de son frère, mais dont l'expérience passée et le recul joueront beaucoup dans son appréciation des évènements. Face à lui, Claude Brosset sait également retranscrire les ambivalences de son personnage : la brute sanguinaire initialement présentée se révèlera bien plus complexe que sa réputation ne pouvait le  laisser entrevoir. A leurs côtés, on retrouve notamment Pierre Guéant, Henri Marteau, Claude Furlan, Julien Verdier, Michel Robin, Alice Reichen, Max Doria, Jean Champion, Alain Doutey ou encore Michel Pilorgé.

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Bilan : Fresque historique riche et rythmée, Ardéchois coeur fidèle est une série qui marque par son éclairage social, mais aussi par son humanité. Bénéficiant de personnages tout en contradictions et en paradoxes qui s'imposent comme autant de de personnalités fortes et ambiguës, cette quête de vengeance dépasse rapidement les limites du genre pour devenir plutôt une histoire d'apprentissage et d'amitiés, dans ce milieu ouvrier particulier où une conscience de classe semble encore seulement en gestation.

C'est donc une série très intéressante à plus d'un titre. Pour les amateurs de fictions historiques et ceux qui apprécient ces vieux feuilletons français.


NOTE : 7,25/10


Le générique :


23/05/2012

(J-Drama) Chase : entre thriller financier et drames humains

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Restons au Japon en ce mercredi asiatique. Je continue de finir les dramas que j'avais en cours depuis le début de l'année, histoire - pour une fois - de prendre le temps de rédiger un bilan pour chacun. Et puis, je me suis aussi replongée dans un drama coup de coeur que j'avais déjà vu, histoire de cette fois-ci écrire cette review que j'ai trop longtemps remise au lendemain (et en lien direct avec l'actualité sud-coréenne de cette fin du mois - je vous laisse deviner de quelle série il s'agit). En attendant, le drama du jour est tout autre ; un mélange des genres intriguant qui m'avait été conseillé par Lynda.

Chase a été diffusé sur NHK du 17 avril au 22 mai 2010, dans la case horaire du samedi soir. Scénarisé par Sakamoto Yuji (à qui l'on doit notamment le marquant Mother), il compte 6 épisodes de 55 minutes environ. Si j'ai eu du mal à écrire ce billet, c'est que j'ai rarement croisé une série dont la lecture de son synopsis laissait si peu entrevoir l'orientation à venir de la fiction. Ayant a priori imaginé une sorte de procedural classique, je me suis retrouvée face à un cocktail feuilletonnant, oscillant entre vengeance, drame personnel et thriller financier.

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Haruma Sosuke est inspecteur des impôts à Tokyo. Zélé et appliqué, il traque les fraudes fiscales, se consacrant corps et âme à son travail. Il est donc souvent absent d'un domicile familial où il néglige son épouse et sa fille adolescente, rentrant tard le soir et prenant rarement du temps pour passer un moment avec elles. Si sa femme ne se plaint pas, sa fille est en revanche plus entreprenante. Elle le convainc de planifier un voyage en couple, espérant permettre à ses parents de se retrouver. Mais du travail surgit au dernier moment, Sosuke ne peut partir ; sa femme décide malgré tout de prendre l'avion prévu. Malheureusement ce dernier s'écrase sans survivant.

Sosuke est anéanti par ce décès ; sa fille le considère en plus responsable. Mais en se replongeant dans ses enquêtes en cours, Sosuke découvre que l'avion avait peut-être été utilisé dans un stratagème permettant une évasion fiscale. Il discerne derrière la main de quelqu'un de suffisamment expert en finances pour orchestrer des fraudes à grande échelle. Par déduction, il vient en effet de déduire le rôle joué par un mystérieux homme d'affaires, Murakumo Shuji. Une confrontation à distance se construit peu à peu au fil du récit, tandis que Shuji entreprend la mise en place d'un plan bien particulier, aux motivations très troubles : quelles blessures se cachent derrière cette froideur apparente ?

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L'intérêt de Chase repose sur le mélange des genres très riche qu'il propose. On assiste à une constante mutation du drama tout au long de ses six épisodes ; et cette durée brève permet à l'histoire d'être concentrée et de se dérouler sans temps mort. La série débute par un premier épisode d'exposition, où le procédural - la particularité étant ici qu'il s'agit d'un inspecteur des impôts, non de la police - se mêle au thriller financier, nous introduisant dans le jargon et les montages complexes qui vont asseoir son propos. Cependant l'écriture feuilletonnante nous entraîne rapidement dans une dimension plus humaine et dramatique, reléguant les chiffres en arrière-plan. L'histoire relatée est en réalité celle de destins qui s'entre-choquent, avec des personnages liés par les circonstances. L'enjeu dépasse la simple volonté d'arrêter l'organisateur des fraudes : le drama se mue en une sorte de quête de rédemption, pour chacun de ces protagonistes qui se perdent et se cherchent sous nos yeux. Cet aspect, plus personnel et assez tragique, est certainement ce qui est le mieux réussi.

Malheureusement, Chase est aussi un drama qui ne va jamais réussir à dépasser une dualité inégale inhérente à son scénario. La série a en effet des ambitions, mais pas toujours les moyens pour les porter à l'écran de manière homogène. Sa faiblesse tient ici principalement à son volet thriller : les machinations financières, exposées de manière trop didactiques, peinent à générer une véritable tension (on est loin par exemple des jeux de bourse de Story of a man). Le récit manque de souffle, et l'ensemble est trop figé pour réussir à susciter un vrai suspense. Cela explique l'impression que le drama tend parfois à trop se disperser entre les genres, avec une écriture manquant de liant. Pour autant, l'évolution des enjeux au fil des épisodes apporte une profondeur et une intensité émotionnelles qui vont faire sa force. C'est par ces tragédies que Chase saura toucher le téléspectateur. La série gagne alors en complexité à mesure que les personnages se dévoilent, devenant alors beaucoup plus intéressante même si certaines maladresses demeurent.

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Sur la forme, Chase propose une réalisation classique, sans prise de risque, ni initiative notable. La seule spécificité de ce drama tient à sa bande-son, qui adopte une tonalité jazzy, déchirante à l'occasion, qui constitue ce que je qualifierais de "touche expérimentale" de la série. Si l'essai est à noter, j'avoue que j'ai été peu convaincue : même si parfois, on pourrait presque croire que la série souhaiterait exhumer une atmosphère de vieux polar, l'OST échoue à construire une ambiance, restant en décalage par rapport aux attentes et au ton du récit.

Enfin, Chase bénéfice d'un casting correct. Si Eguchi Yosuke campe efficacement cet inspecteur des impôts qui se bat du bon côté de la loi et tente de faire son deuil de son épouse, celui qui s'impose véritablement à l'écran est ARATA, sans doute parce que le rôle de ce dernier permet un jeu tout en ambivalence où il peut vraiment s'exprimer. C'est un acteur que je ne connaissais pas, mais il va bien prendre la mesure de la dimension torturée qui anime ce mystérieux financier de l'ombre qui se dévoile peu à peu sous nos yeux : ma révélation personnelle côté acteurs dans ce drama. A leurs côtés, on retrouve notamment Aso Kumiko, Mikura Tae, Saito Takumi, Nakamura Kazuo, Masuoka Toru, Okuda Eiji, Hirata Mitsuru ou encore Sato Jiro.

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Bilan : Intéressant par la richesse de ses thèmes,Chase est un drama qui ne va jamais réussir à dépasser une dualité structurelle handicapante. Peu convaincant dans le registre du thriller à suspense, il s'affirme immédiatement dès qu'il bascule dans l'intime de ses personnages et met en scène des storylines plus personnelles. Dans le registre dramatique, lorsqu'il s'agit de capturer des états d'âme, on perçoit le savoir-faire du scénariste. Mais au final, même si le drama expérimente des idées intéressantes, on reste sur sa faim devant cet ensemble certes ambitieux, mais trop dispersé et inégal, alors même que son sujet laissait entrevoir un potentiel certain qui ne demandait qu'à être exploité. 


NOTE : 6,5/10