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04/06/2012

(Pilote CAN) Continuum : le futur est entre ses mains... mais quel futur ?

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Un peu de science-fiction pour ouvrir la saison estivale, ça vous tente ? En ce qui me concerne, vous le savez bien, je suis toujours partante. Ces thèmes de voyage dans le temps et de sauvetage du futur, aussi classiques soient-ils, s'ils sont bien mis en scène, restent des valeurs sûres pour m'intéresser. Côté websérie, Le Visiteur du Futur reste une des rares que je regarde avec enthousiasme. Et dans le registre des séries nord-américaines, je garde même encore une certaine tristesse en songeant à l'annulation de The Sarah Chronicles... Autant dire que je suis le public qui peut, potentiellement, apprécier Continuum.

Initialement, c'est pourtant avec plus d'appréhension et assez peu d'espoir que j'ai lancé le pilote, la faute à une bande-annonce guère convaincante et à un résumé qui, soyons franc, sonnait trop le déjà vu et revu. Mais c'est peut-être un mal pour un bien parce que, finalement, c'est un démarrage très honnête que s'est offerte cette nouvelle série canadienne qui a débuté sur la chaîne Showcase dimanche 27 mai 2012. Dix épisodes ont à ce jour été commandés. A voir si le potentiel entraperçu peut grandir  !

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En 2077, les gouvernements ont failli. Les corporations s'y sont substituées, restaurant l'ordre et mettant fin aux anciennes formes ayant échoué. Le pays n'est plus une démocratie. Cependant, la situation ne fait pas l'unanimité. Un groupe terroriste veut faire prendre conscience de la situation. La scène d'ouverture nous fait ainsi vivre un attentat, avec un gigantesque gratte-ciel s'écroulant en arrière-plan. Plusieurs conspirateurs sont arrêtés par une équipe d'agents menés par Kiera Cameron. Ils sont par la suite condamnés à mort.

C'est le jour où leur exécution est programmée que tout va changer pour Kiera. Elle est chargée de surveiller le bon déroulement des opérations. Mais au dernier moment, leur chef brandit un objet qui fait disparaître tous ceux qui se trouvaient autour, la jeune femme comprise. Ils se retrouvent au même endroit, mais à une autre époque : en 2012. Tandis que les terroristes s'échappent dans ce nouveau monde, Kiera se retrouve prisonnière de ce passé, loin de sa famille. Assez naturellement, elle va prendre place aux côtés des autorités dès que les combattants venus du futur commencent à faire parler d'eux.

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Voyage temporel impromptu, héroïne devant sauver le futur de l'action d'un groupuscule dangereux, technologie révolutionnaire seulement en voie de développement avec un concepteur encore adolescent, paradoxes temporels à venir et sans doute quelques secrets à découvrir sur le façonnement de son monde tel que Kiera le connaît... Nul doute que tous les ingrédients sonnent de manière familière au téléspectateur. Naviguant quelque part dans la filiation directe d'une franchise comme Terminator, Continuum assume ses influences. La reconstitution du futur et de ses techniques offre un visuel de science-fiction assez intéressant et bien exploité, avec des possibilités qui font de Kiera une véritable super-flic dans notre présent de 2012. Certes, l'écriture ne fait pas dans la subtilité et on n'échappe pas à certains poncifs : la jeune femme n'est pas seulement policière, c'est une mère de famille qui veut retrouver son fils. Les motivations personnelles sont là pour humaniser le personnage, mais elles tirent sur une fibre émotionnelle peut-être un peu trop facilement. De manière générale, le traitement des personnages n'est pas le point fort de ce pilote.

En revanche, son grand mérite est de savoir bien installer un univers qui a du potentiel, à commencer par la relative ambivalence qui en émane. L'idée de grandes entreprises régissant le monde, ayant remplacé le politique, trouve forcément un écho particulier. Et puis, surtout, ce futur que Kiera défend est un futur dictatorial. Dans le même temps, les prétendus combattants de la liberté sont, eux, présentés clairement comme des opposants, méchants par excellence : la scène d'ouverture de l'attentat et les fusillades du dernier quart d'heure sont sur ce point de vue univoques. Continuum propose donc d'un côté des partisans de la démocratie terroristes, de l'autre une héroïne pro-dictature, et en filigranne quelques interrogations sur la manière dont les corporations sont arrivées où elles sont (/seront). Voilà une base de départ qui n'est que promesse, mais qui aiguise la curiosité. Tout dépendra de l'orientation future de la série : Kiera va-t-elle rester dans une logique de chasse à l'homme et d'obéissance ; va-t-elle découvrir des éléments qui vont l'amener à nuancer ses vues ? Le manichéisme ambiant n'est-il qu'apparent ? Reste que le pilote remplit sa fonction : il intrigue et propose une intéressante introduction.

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Sur la forme, il faut noter une reconstitution futuriste plutôt soignée qui est plutôt convaincante, après une scène d'ouverture "choc" à laquelle on assiste à l'attentat. Sinon, Continuum propose dans l'ensemble une réalisation classique, avec une priorité donné aux plans serrés. Les scènes d'action ne dépareillent pas non plus. Bref, un ensemble très honnête, qui ne se démarque pas particulièrement mais remplit efficacement son office.

Côté casting, les habitués de science-fiction nord-américaine ne seront pas dépaysés et croiseront dans Continuum bien des têtes familières. C'est Rachel Nichols (Alias, Esprits criminels) qui incarne l'héroïne du futur ; je l'ai assez aimée dans ces quelques moments où le masque tombe en prenant conscience de la situation inextricabe dans laquelle elle se trouve. A ses côtés, c'est Victor Webster (Mutant X) qui va l'assister au sein de la police locale. Erik Knudsen (Jericho) incarne quant à lui un adolescent à la grande destinée, puisqu'il sera le concepteur de la technologie dominante du futur et directeur d'une des plus puissantes corporations. Noter que dans le futur il est interprété par William B. Davis (qui restera éternellement l'homme à la cigarette de X-Files, ce qui a tendance à vous rendre instantanément tout personnage suspicieux). Enfin, on retrouve aussi à l'affiche Roger Cross (24, The Guard), Tony Amendola (Stargate SG1), Stephen Lobo (Artic Air, Painkiller Jane, Falcon Beach), Lexa Doig (Andromeda, Stargate SG1), Brian Markinson (The Killing, Caprica) ou encore Richard Harmon (The Killing).

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Bilan : Se réappropriant la thématique du voyage temporel de manière plutôt efficace, Continuum propose un pilote honnête et intriguant qui vaut surtout pour le potentiel que son univers ainsi posé laisse entrevoir. Derrière la présentation manichéenne des protagonistes de chaque camp, en arrière-plan, le régime dictatorial du futur peut promettre des développements très intéressants si, par la suite, la série sait jouer sur l'ambivalence manifeste des causes et des moyens pour et par lesquels chacun se bat.

Au fond, il est bien trop tôt pour dire si Continuum saura exploiter véritablement les nuances de son cadre, mais pour le moment, la téléspectatrice amateur de science-fiction que je suis a envie de lui donner sa chance.


NOTE : 6,75/10


La bande-annonce de la série :

03/06/2012

(FR) La Brigade des Maléfices : aux frontières du policier et du merveilleux

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My Télé is Rich! continue de remonter le temps, et tombe sur de vraies perles du petit écran. Après la fiction historique, dimanche dernier avec Ardéchois coeur fidèle, je vous propose aujourd'hui dans ce "cycle ORTF" une incursion dans le fantastique. En effet, c'est un genre dans lequel le petit écran français s'est essayé avec parfois beaucoup d'inventivité, même si cette tradition semble un peu oubliée de nos jours. Cependant l'excellente initiative d'INA Editions rend désormais accessible certaines de ces fictions expérimentales et originales de notre patrimoine télévisuel, dans une collection DVD qu'il faut avoir à l'oeil : Les Inédits Fantastiques. La première série sur laquelle je me suis arrêtée m'a été conseillée sur twitter par Thibault... que je remercie donc pour la découverte !

La Brigade des Maléfices a été diffusée durant l'été 1971 (d'août à septembre) sur la deuxième chaîne de l'ORTF, elle y rencontra un certain succès mais ne fut pas reconduite. Elle compte donc seulement une saison de 6 épisodes d'une durée de 55 minutes environ. Imaginée et scénarisée par Claude Guillemot et Claude Nahon (Claude Jean-Philippe, présentateur du Ciné-Club d'Antenne 2), cette série possède un charme certain, un peu désuet, qui apparaît comme une forme d'appel sincère à l'imaginaire du téléspectateur. Elle se redécouvre avec attachement et plaisir, même 40 ans après sa diffusion originale.

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Le monologue du générique d'ouverture fait figure d'introduction dans l'univers atypique de la série, entrouvrant pour le téléspectateur les portes du fantastique : "La brigade des maléfices ne figure sur aucun document officiel de la préfecture de police. Personne dans le public ne soupçonne son existence et pourtant chaque jour s’étend le champ de son activité. Bien des enquêtes menées par les plus fins limiers de la police judiciaire s’arrêtent soudain devant l’impossible, l’incroyable ou le surnaturel. C’est alors qu’intervient Guillaume-Martin Paumier, chef de la brigade des maléfices, Sherlock Holmes de la féérie, Maigret de la sorcellerie moderne, expert en sciences occultes, familier de l'invisible, l'inspecteur Paumier ne refuse aucune des voies ouvertes sur l'inconnu. Il a accepté d'ouvrir pour nous quelques dossiers, de nous faire participer à quelques-unes de ses étrangers enquêtes."

Exilée sous les combles du commissariat parisien du Quai des Orfèvres, la Brigade des Maléfices est donc une unité très particulière de la police française. Elle ne compte que deux membres, l'inspecteur Paumier, figure flegmatique et malicieuse à barbe blanche pour qui le surnaturel est un quotidien qui n'a pas de secret, et son assistant, Albert, agent à tout faire et chauffeur de son supérieur dans sa moto deux places lorsqu'ils doivent se déplacer. Quand des enquêtes se heurtent à l'inexplicable, semblant échapper à l'entendement, le commissaire principal prend son téléphone pour les contacter. Disparitions mystérieuses, crimes conjugaux en série, épidémie de suicide, braquage de banque du sang ou encore escroquerie à portée interstellaire, ce sont des affaires très différentes qui sont ainsi soumises à la brigade.

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Permettant l'alliance de deux genres importants du petit écran, le polar et le fantastique, la Brigade des Maléfices est une série, au style théâtral et au rythme relativement lent, qui flirte avec un savoureux surréalisme. Teintée d'humour mais aussi touchante à l'occasion, la tonalité est originale. De façon intrigante, la fiction propose une incursion dans un merveilleux parfaitement intégré au quotidien de cette société française du début des années 70, dont elle nous offre un aperçu complet, entre boom des appareils électro-ménagers et constructions de grands ensembles.

S'inscrivant dans une tradition classique du fantastique qui lui permet d'explorer les grands mythes du genre, comme les fées, les vampires, les fantômes ou bien un démon au nom suggestif (Diablevert), voire une charmante extraterrestre Vénusienne, la série organise et banalise les rencontres avec l'extraordinaire d'individus normaux, soudain confrontés à des choses qui dépassent leur entendement. Il est intéressant de noter qu'il n'y a pas d'opposition ou de lutte systématique avec ces éléments issus du surnaturel : la plupart du temps, il s'agit d'assurer une cohabitation permettant que tout rentre dans l'ordre. Le seul véritable adversaire (récurrent) de Paumier est Diablevert : cette figure diabolique, filant toujours pour mieux réapparaître avec un nouveau plan qu'il faut exposer au grand jour pour y mettre un terme, occupe là une fonction incontournable dans ce type de fiction.

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Appel au rêve et à l'imaginaire, la série trouve un intéressant équilibre entre ses différents genres. Elle développe un versant policier, à la dynamique savoureuse, et où l'humour diffus, distillé à juste dose, est très présent. Paumier, dans sa robe de chambre défraîchie et son bureau bigarré comprenant mille merveilles et autres étrangetés, a l'apparence d'un vieil original hors du temps, mais révèle la malice et la sagacité d'un fin limier. Albert offre un parfait pendant, avec des remarques souvent comiques. A l'opposé de cette ouverture d'esprit, le commissaire Muselier et son arrogance cartésienne tourne en dérision son collègue, pour toujours devoir finir par s'incliner devant ses contributions. Au milieu, le commissaire principal, réticent mais prudent, conserve quant à lui une retenue pragmatique.

Outre cette dynamique propre au commissariat, La Brigade des Maléfices prend également le temps d'explorer le point de vue non policier. En effet, à chaque épisode, elle soigne tout particulièrement son cadre et l'histoire qui s'y rattache. Une place importante est ainsi laissée aux créatures fantastiques, la rapprochant par moment presque d'un format semi-anthologique. Chaque épisode a une tonalité qui lui est propre, et des atmosphères particulières. Parmi les plus marquantes, je citerais celle du 1er épisode où la mise en scène de cette mare aux fées trouve un écho poétique troublant à l'écran. Les histoires usent généralement de ressorts classiques mais efficaces, avec une inventivité appréciable, à l'image du 2e épisode sur la place de la télévision dans les familles et la mystérieuse septième chaîne. L'amour n'est pas non plus absent, sorte de trait d'union le plus universel qui soit entre ordinaire et surnaturel. On assiste ainsi à un mélange de simplicité et d'originalité qui se visionne avec plaisir.

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Sur la forme, un des défis qu'aura su relever La Brigade des Maléfices aura été de parvenir à évoquer le merveilleux sans réels moyens budgétaires : elle repose entièrement sur une ambiance et des montages suggestifs. Et le résultat ne manque pour autant pas d'intérêt. Un des passages du genre les plus réussis restera sans doute celui du premier épisode : pour révéler l'existence d'une créature envoûtante, on assiste à une longue scène tremblotante où apparaît et disparaît dans les images d'un film amateur la troublante fée de la mare du bois de Rambouillet. De plus, la musique joue aussi un rôle important, qu'il s'agisse de poser une atmosphère inquiétante, de souligner les passages de tension, ou plus généralement d'embrasser le versant un peu rêveur du fantastique dans laquelle la série se complaît.

Enfin La Brigade des Maléfices bénéficie d'un casting qui contribue à l'attachement que l'on éprouve pour cette fiction. Léo Campion incarne un inspecteur Paumier particulièrement savoureux, tandis que Marc Lamole joue avec spontanéité son assistant. Jean-Claude Balard, à l'arrogance un peu nonchalente, est le commissaire Muselier, ferraillant régulièrement avec Paumier, tandis que Jacques François incarne leur supérieur hiérarchique. Mais la série vaut également les guest-stars marquantes qu'elle accueille, au premier rang desquels Pierre Brasseur qui, par deux fois, revient incarner ce démon charismatique Diablevert que la brigade tentera d'empêcher de nuire. Dans le 4e épisode, il se retrouvera même face à son fils, Claude Brasseur, qui joue alors la victime potentielle de ses machinations. On croise également Sylvie Fennec en fée ensorcelante, Anny Duperey en Vénusienne de charme, Pierre Vernier en vampire mélancolique ou encore Jean-Pierre Andréani.

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Bilan : Se réappropriant, sans moyens mais avec une belle dose d'inventivité, les grands mythes du fantastique pour les introduire dans le quotidien de la société française du début des années 1970, La Brigade des Maléfices est une série attachante, à laquelle l'humour et le flegme de son personnage principal apportent un charme un peu désuet plaisant. Série d'ambiance, dotée d'un rythme plutôt lent auquel il faut prendre le temps de s'ajuster, elle ouvre les portes d'un merveilleux accessible qui interpelle l'imaginaire d'un téléspectateur, parfois rêveur, d'autre fois intrigué, mais à la curiosité toujours piquée.

Parce que X-Files, Torchwood et les autres n'ont pas le monopole des enquêtes sur le surnaturel... Voilà un digne représentant français de ce genre qui mérite d'être redécouvert !


NOTE : 7,75/10


Le générique :