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23/06/2012

(US) The Borgias, saison 2 : le temps des querelles fratricides

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Bon gré, mal gré, je suis arrivée au bout de la saison 2 de The Borgias qui s'est achevée dimanche dernier au terme de 10 épisodes. Il est donc temps d'en dresser un bilan. Il faut dire qu'une fois encore, peut-être de manière plus criante que lors de la première saison, la série se sera montrée particulièrement inégale au sein de ses intrigues, ses défauts ressurgissant avec plus de force dans un premier tiers vraiment faible qui m'aura d'ailleurs conduit à laisser la série de côté pendant quelques semaines avant de finalement la rattraper et l'achever en même temps que la diffusion de Showtime.

A mes yeux, le seul réel intérêt qu'elle conserve, elle le doit à certaines des dynamiques relationnelles mises en scène, plus particulièrement aux rapports fraternels ou plutôt fratricides qui auront déterminé la saison. Carte postale colorée de la Renaissance, The Borgias a cependant sans doute atteint sa vitesse de croisière et les limites du parti pris des scénaristes pour exploiter le destin de cette famille particulière.

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Cette saison 2 s'est construite sur la transformation des rapports de force au sein d'une famille Borgia qui tente par tous les moyens de maintenir son pouvoir et son influence. Elle doit pour cela lutter contre des ennemis extérieurs mais aussi intérieurs, dans la péninsule italienne et au sein de l'Eglise. Si la mise en scène du combat contre les Français reste, sur le plan des affrontements, sans doute la plus réussie, la saison démarre pourtant de façon très poussive. L'impression de tourner à vide et de chercher à gagner du temps au cours de longues parenthèses privées pèse. Les amours des uns et des autres fournissent plus d'une fois le prétexte à des scènes de sexe à l'utilité narrative souvent nulle (surtout dans le premier tiers). Avec sa fâcheuse habitude de greffer aux grandes intrigues de petites storylines à l'intérêt aléatoire, la série s'égare dès que ces dernières prennent le pas sur les premières. Dans la deuxième moitié de la saison, l'équilibre se rétablit peu à peu : se recentrant sur l'essentiel, la série nous entraîne au pas de course vers une confrontation inévitable au sein même de la famille, et son but apparaît alors enfin clair.

En fait, The Borgias souffre d'un défaut paradoxal pour une série historique. Elle réussit à générer d'intéressantes oppositions de personnes, avec un triangle de thématiques au ressort tragique universel - amour, jalousie, honneur. Mais dans le même temps, elle ne parvient jamais à donner une épaisseur aux enjeux politiques, ni à capter le souffle de l'Histoire. C'est par nature une série en costumes, aux jolis décors Renaissance. Seulement sa reconstitution ne parle au téléspectateur que par son caractère folklorique, comme si le sous-titre "the original crime family" avait fait basculer l'ensemble dans une modernité qui la prive de toute dimension épique. On pourrait lui pardonner de s'arranger avec l'Histoire sans réel souci d'authenticité, romançant à l'extrême la réalité (Showtime suit ici la voie ouverte par The Tudors), si elle retranscrivait au moins l'envergure des jeux de pouvoir mis en scène. Mais elle échoue invariablement aux limites de cette sphère privée.

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Si le versant historique manque de force, c'est toujours sur les personnages que repose l'intérêt de la série. Plus précisément, ce sont les trois enfants de Rodrigo qui se détachent nettement cette saison. Certes, Lucrezia n'aura comme principale histoire qu'à supporter un bal des soupirants fade, aux ressorts répétitifs, mais le drame du début de saison achève d'endurcir l'ancien ange innocent. Sa tentative de meurtre, vengeance impulsive, sur Juan est une des scènes de tension les plus réussies de la saison. Son frère aîné, justement, prend enfin de l'épaisseur : figure pathétique dans l'échec, n'ayant pas les épaules pour assumer les ambitions de son père, sa descente aux enfers lui confère une dimension tragique et destructrice qui lui permet de s'imposer à l'écran. Face à lui, le personnage de Cesare demeure le pivôt central : la saison lui offre l'occasion de prouver son efficacité et son pragmatisme. Ses aspirations à une vie militaire restent entravées par un frère, préféré par son père, qu'il jalouse encore plus en assistant à ses échecs. La tension ne cesse de monter au fil de la saison, l'opposition étant bien retranscrite par deux acteurs convaincants, François Arnaud et David Oakes. On en devine vite l'issue, qui interviendra finalement avant même le season finale.

La conséquence de la mort de Juan est d'officiellement consacrer un nouveau rôle pour Cesare : est venu le temps d'assumer les responsabilités familiales. Le dernier épisode laisse entrevoir d'intéressants développements pour la saison prochaine : le jeune homme reste un Borgia avec tous ces excès qui s'accentuent à mesure qu'il gagne en pouvoir. Délier de ses voeux, il peut désormais envisager ses ambitions dans toute leur ampleur. L'ascension de Cesare au fil de la saison s'inscrit en contraste avec l'évolution subie par son père sur laquelle pèse les lourdes maladresses des scénaristes. En effet, Rodrigo (et le jeu de Jeremy Irons par la même occasion) s'enferme dans une caricature poussive, de plus en plus privée de toute cohérence. Tout ne semble qu'extrêmité dans les réactions disproportionnées dépeintes, et au final, tout y sonne faux : de sa parenthèse pénitente (mais The Borgias échoue plus généralement à donner un semblant de crédibilité à son versant religieux) jusqu'à la manière dont il traite ses enfants, où la répétition invariable des mêmes ressorts (favoriser Juan, marier Lucrezia, décevoir les attentes de Cesare) devient lassante. Se transformant presque en élément comique involontaire, on en viendrait à souhaiter la résolution du cliffhanger final dans un certain sens.

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Bilan : Si elle se rattrape quelque peu sur la fin, The Borgias aura proposé une saison 2 inégale. La série a confirmé et même accentué les défauts perceptibles dans sa première saison, incapable de prendre la mesure du potentiel offert par son cadre historique. Ses atouts restent des dynamiques finalement très modernes : des relations familiales ambigües, dont les enfants de Rodrigo sont les principaux protagonistes. Les grands thèmes ainsi abordés, la jalousie et la concurrence entre Juan et Cesare d'une part, les sentiments entre Lucrezia et Cesare d'autre part, restent les aspects les plus intéressants. Cela n'occulte pas le manque de subtilité de l'écriture, ou encore le caractère parfois très artificiel des intrigues, mais cela permet de conserver un certain public. Dont je fais encore partie pour l'instant.


NOTE : 6/10


La bande-annonce :

Le générique :

Commentaires

Je n'ai pas aimé le pilot donc j'avoue ne jamais avoir regardé la suite. C'est dommage parce que le sujet est très prometteur et arriver à faire quelque chose d'ennuyeux sur une telle période c'est triste.

Écrit par : Jessica | 27/06/2012

@ Jessica : Je soupçonne les scénaristes d'aborder cette légende noire des Borgia à l'envers, sans comprendre comment exploiter le potentiel. La BBC s'y est cassée les dents au début des années 80, actuellement la version de Canal+ de Tom Fontana, même si elle a un autre parti pris, est également mitigée.
Ici, c'est une sorte de soap en costumes, du folklore historique en un sens. J'accroche grâce aux dynamiques relationnelles, mais cela tourne souvent à vide et surtout le potentiel inexploité est palpable dans certaines intrigues. Mais bon, c'est aussi le choix de Showtime je suppose de faire du simple divertissement d'apparat.

Écrit par : Livia | 28/06/2012

C'est vraiment dommage parce que j'ai fait des études d'histoire donc je suis hyper bon public pour ce genre de chose (mais déjà the tudors j'avais du mal). Je pense qu'ils se focalisent tellement sur le côté "scandaleux" (oh mon dieu du sexe, de l'inceste...) qu'ils en ont oublié de vraiment se pencher sur ce qui était intéressant : le poids de l'Eglise, les relations de pouvoir... Il y avait de quoi faire quand même.

Écrit par : Jessica | 02/07/2012

@ Jessica : La télévision moderne a une conception de l'histoire religieuse (Eglise) qui est à des années lumières d'une vision d'historien, malheureusement. J'ai moi aussi un background d'historienne (enfin de "demie historienne" ^^), et j'ai le même rapport aux fictions historiques que toi. D'un côté, je suis friande de ces plongeons dans le passé, mais d'un autre, je m'arrache souvent les cheveux devant le storytelling et le côté tellement romancé de la mise en scène que la dimension historique finie par être vidée de tout contenu. D'ailleurs dans cette perspective, je sens que le visionnage de la série de l'été de France 2, Inquisitio, va être assez éprouvant et même si la bande-annonce a un certain souffle, j'ai assez peur qu'elle n'enfonce toutes les portes ouvertes de mystification du Moyen-Âge, de l'Inquisition, a fortiori à l'époque du Grand Schisme d'Occident. (Bon après, je ne suis pas médiéviste, ouf ! - cela passera peut-être mieux)
Un des problèmes récurrents des fictions historiques, ça reste le grand écart entre tenter d'atteindre le grand public tout en n'effrayant pas le public normalement pré-conquis. Un équilibre compliqué à atteindre !

Écrit par : Livia | 02/07/2012

Oh tu as fait de l'histoire? Les historiens sont des gens formidables ;) Je trouve qu'en général ils zappent la partie "faire des recherches" et c'est bien dommage. , ils ont une visions très idéalisée et très clichée de certaines périodes. Alors que la renaissance c'est fascinant, il y a la fois cette ferveur au niveau artistique et un recul total au niveau de la société, surtout en ce qui concerne les droits des femmes qui étaient bien plus libres dans la période précédente. Et cet aspect là je trouve il n'est pas souvent traité.

Je compte regarder Inquisition mais je pense que ça va être comme d'habitude, de bonnes idées mais une exécution toute pourrie. Je pourrais écrire un roman sur les ressources gâchées de la télévision française :D

Écrit par : Jessica | 03/07/2012

@ Jessica : Enfin, "moitié historienne", je me suis spécialisée sur le tard étant partie d'une autre discipline (et je suis toujours dedans pour le moment) ;)

Sinon, concernant Inquisitio, ils ont superbement soigné la forme - sans donner dans la rigoureuse reconstitution - il y a un certain cachet qui est apporté à l'histoire par cette photographie particulière. Sur le fond et les idées, par contre, plus mitigée. L'exposition n'est guère réussie, et on a droit à tous les poncifs imaginables sur le Moyen-Âge... Mais le 2e épisode est plus efficace. Je vais poursuivre !
Pour ce qui est de la télévision française, elle avait un solide savoir-faire pour la fiction historique dans les 70s/début 80s'... Mais je veux croire que le choses changent dans le bon sens ces dernières années !

Écrit par : Livia | 06/07/2012

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