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20/05/2012

(Pilote AUS) Bikie Wars - Brothers in Arms : l'histoire d'une rivalité conclue dans le sang

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L'Australie et les histoires de gangsters, c'est devenu toute une tradition dans l'univers des séries télévisées. En début d'année, ABC1 tentait avec The Straits une approche originale (peu récompensée côté audiences), mais ce printemps, c'est Channel 10 qui revient, elle, aux fondamentaux en puisant dans l'histoire criminelle australienne pour exhumer un fait divers sur lequel construire une série. Cela ne surprendra pas si on précise que la boîte de production de Bikie Wars est Screentime, à qui l'on doit, justement, la célèbre franchise Underbelly, représentante la plus aboutie de ce genre dans le petit écran australien.

Bikie Wars : Brothers in Arms a débuté mardi dernier sur Channel 10. Elle sera composée de 6 épisodes et a très bien démarré côté audiences, dominant sa case horaire en rassemblant 1,261 millions de téléspectateurs devant leur petit écran. L'inspiration d'un fait réel est indéniablement un atout, mais si ce pilote a pu séduire les Australiens, je vous avoue qu'il m'a laissé assez mitigée. Le trailer m'avait intrigué, l'épisode m'a plutôt rappelé certains des problèmes que j'ai avec la franchise Underbelly...

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Si ,à la lecture du projet, certains avaient pu faire des parallèles avec l'américaine Sons of Anarchy, c'est parce que Bikie Wars nous plonge dans le milieu des bikers. Cependant, l'approche est ici différente car la série va nous raconter le sort de deux bandes rivales, les Comancheros et les Bandidos (un groupe qui a fait scission avec les premiers), et la montée des tensions jusqu'à leur fatal apogée. L'engrenage va en effet conduire, le 2 septembre 1984, au massacre de Milperra, au cours duquel, dans un bref affrontement, sept personnes trouveront la mort et 28 autres seront blessées.

Dans ce pilote, Bikie Wars nous introduit dans le club des Commancheros encore uni, à travers Snoddy, un ancien militaire qui est recruté par leur leader, Jock Ross. Ce dernier a certaines ambitions pour leur groupe. Pour les mener à bien, il recherche de nouveaux bikers, si possibles solides et n'ayant pas peur de se battre. Si nous assistons aux premières explosions de violence, ce sont les tensions à l'intérieur du club dont il va falloir prendre garde.

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Le premier aspect sur lequel Bikie Wars retenait l'attention, c'était par sa volonté de mettre en scène le milieu des bikers dans la fin des années 70 et le début des années 80, avec ses codes et sa culture. A l'image de Snoddy, on y trouve notamment des anciens militaires peinant à retrouver la vie civile. En jouant un rôle d'exposition, l'épisode nous permet de suivre la découverte du club par ce nouveau membre. L'approche est cependant très superficielle, sonnant souvent convenue et cédant à tous les clichés du genre dont elle finit par abuser : motos, alcool et sexe tournent ainsi en boucle à l'écran. Sauf rares passages, le pilote ne prend jamais le temps de vraiment s'intéresser aux dynamiques particulières de ce groupe. Cette présentation, bénéficiant d'un rythme de narration efficace, se laisse suivre, mais, si l'on ne s'ennuie pas, on regrette le manque de souffle, mais aussi de profondeur du récit.

En effet le pilote de Bikie Wars ne fait pas vraiment d'effort pour introduire les enjeux de l'histoire, se présentant plutôt comme une promesse d'explosion à venir. Pourtant, la série est légitiment attendue sur sa dimension tragique : non seulement elle relate une confrontation entre bikers issus d'un même club qui se terminera en drame national, mais il s'agit d'évènements réels qui ont marqué la mémoire australienne. Or ce pilote, tout à sa certitude que le fait divers trouvera un écho particulier auprès du public, semble tenir pour acquis que la force de son concept seule maintiendra la fidélité du téléspectateur. En ce sens, il n'a sans doute pas complètement tort : pour peu que l'on ait visionné la bande-annonce (ou qu'on soit australien, j'imagine), on a en effet envie d'assister au glissement vers la rivalité. Mais ce manque d'ambition initial, se reposant trop sur ce qui est à venir sans donner de garanties qualitatives, est une entrée en matière décevante. 

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L'impression de manque de relief du fond est accentué par certains choix formels. Si la réalisation est correcte, avec quelques plans extérieurs qui jouent bien sur les attraits du monde des bikers - notamment une scène "sur la route" entre Snoddy et Lee, le principal problème vient d'une bande-son omniprésente et envahissante. Le choix d'enchaîner les chansons rock pouvait sur le papier paraître pertinent pour poser l'ambiance des clubs d'alors, mais la musique est sur-utilisée et perd vite tout attrait : elle transforme l'épisode en grand clip, où les images typiques du milieu s'enchaînent en arrière-plan. Cela renforce l'impression que Bikie Wars a dans ce pilote assez peu de choses à dire.

Enfin, Bikie Wars bénéficie d'un casting volontaire qui doit faire avec des dialogues qui manquent de naturel. Parmi les deux acteurs principaux, Callan Mulvey (éternel Drazic de mon adolescence dans Hartley Coeur à vif, Rush) qui interprète Snoddy, nouveau recruté, s'en sort pour l'instant un peu mieux que Matthew Nable (East West 101), qui le prend sous son aile, devenant en quelque sorte son mentor. En love interest, le premier n'est pas insensible aux charmes de Maeve Dermody, tandis que le second est marié avec le personnage joué par Susie Porter (East West 101). A leurs côtés, on retrouve quelques têtes familière du petit écran comme Anthony Hayes (The Slap), Richard Cawthorne, Luke Ford, Todd Lasance (Crownies) ou encore, à venir plus tard dans la série, Aaron Fa'aoso (East West 101, The Straits).

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Bilan : A partir d'un sujet intéressant, avec le récit d'une rivalité aux accents tragiques, Bikie Wars s'ouvre sur un pilote manquant de consistance. En essayant de poser l'atmosphère de ce milieu des bikers, l'épisode cède à la facilité et à tous les clichés du genre, avec des scènes qui se transforment trop souvent en clip musical. Cette écriture trop superficielle pèse aussi sur des personnages qui peinent à prendre de l'ampleur. En somme, une introduction décevante, même si le concept et les évènements à venir demeurent une promesse intriguante qui peut permettre de dépasser ce début poussif.


NOTE : 5,75/10


Le générique de la série :


La bande-annonce :

17/05/2012

(ISRL / Pilote) Hatufim (Prisoners of War) : le difficile retour de prisonniers de guerre israéliens

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My Télé is Rich! découvre enfin Israël (et ça mérite même la création d'une nouvelle catégorie) ! La semaine dernière, en Angleterre, Sky Arts 1 débutait la première saison de Hatufim. C'était donc l'occasion rêvée de découvrir la série dont s'est inspirée l'américaine Homeland. Jusqu'à présent, la première (et dernière) série israélienne que j'avais eu l'occasion de suivre remontait à plus d'une décennie. C'était un teen show du nom de Face Caméra que France 2 avait diffusé en 2000. De Face Caméra, j'ai quelques souvenirs très vagues, un générique qui défile dans la tête, et pas vraiment d'avis sur la qualité éventuelle d'une série de mon adolescence que je suivais sans déplaisir mais qui ne m'a pas marqué. Douze ans après, j'ai donc lancé ma deuxième série israélienne.

Créée par Gideon Raff (qui a également participé à l'adaptation américaine), la saison 1 de Hatufim (Prisoners of War à l'internationale) a été diffusée en Israël, sur Channel 2, au printemps 2010. Elle compte 10 épisodes (et une saison 2 a été commandée). Elle y a rencontré un important succès d'audience et a été récompensée d'un Israeli Academy Award. Comme l'explique Gideon Raff dans les différentes interview qu'il a pu donner (comme dans cet article), la question des prisonniers de guerre est particulièrement sensible en Israël (ce qui explique aussi les critiques qui ont pu être formulées face à la série). Si l'on se souvient dans l'actualité récente de la libération de Gilat Shalit (dont des scènes - notamment médiatiques - du pilote de Hatufim résonnent comme un écho), ce que deviennent ces individus une fois de retour au pays a été peu traité par la fiction.

Si j'étais très impatiente de découvrir Hatufim, je craignais aussi que le fait d'avoir déjà vu Homeland ne me permette pas de pleinement l'apprécier (pour être honnête, si j'avais eu l'espoir de découvrir Hatufim si vite, j'aurais attendu avant de regarder la série de Showtime). Cependant ce pilote m'a rassurée : à partir d'une thématique proche et d'idées similaires, il adopte une approche très intéressante et surtout différente de sa consoeur américaine. L'autre bonne nouvelle, c'est que le DVD de cette saison 1 sortira dès le mois de juillet en Angleterre (comme toujours, il s'agit de VOSTA).

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Hatufim raconte l'histoire de trois soldats israéliens ayant été capturés au Liban au cours d'une mission de reconnaissance au-delà de la frontière. Après 17 années passées en captivité, un accord est finalement trouvé pour obtenir leur libération. Mais seuls deux d'entre eux rentrent vivants. Nimrod et Uri retrouvent un pays qui a changé et où ils n'ont plus leurs repères, des familles qui ont continué de vivre malgré tout et qui leur sont devenues étrangères, à l'image de ce fils que l'un d'entre eux découvre adolescent et qu'il n'a jamais connu.

L'évènement que représente ce retour inespéré des deux soldats est célébré en grandes pompes par les médias. Mais derrière la fête, très vite, il faut recommencer ces vies interrompues pendant presque deux décennies. Beaucoup de questions appellent des réponses, aussi bien les conditions de leur détention - tant de choses a pu se passer durant une si longue période - mais aussi de leur libération. Dès le lendemain de leur arrivée en Israël, un debriefing est ainsi programmé par les services de sécurité. La réacclimation va être lente et difficile.

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Il est sans doute impossible au téléspectateur ayant vu Homeland d'aborder Hatufim sans établir naturellement des parallèles avec la version américaine. Si l'inspiration commune se perçoit jusque dans certaines scènes que l'on retrouve dans les deux pilotes (comme celles de l'aéroport où attérissent les soldats libérés), ce sont paradoxalement plutôt les différences de tonalités qui frappent. Il apparaît en effet vite clair que Hatufim n'a pas les mêmes priorités, ni la même approche de ce sujet de départ partagé qu'est le retour de prisonnier de guerre. Le concept s'adapte ici au pays dans lequel l'histoire se déroule : tandis que Homeland embrasse dès le départ - et son générique en est la parfaite illustration - le registre du thriller paranoïaque, Hatufim entame, elle, une exploration plus psychologique et intime du sort des anciens prisonniers, ainsi que de leurs familles.

Les différences factuelles notables sont d'ailleurs particulièrement révélatrices de l'orientation propre à la version israélienne. Soulignant le fossé encore plus grand qui a pu se creuser, ce ne sont pas huit années mais dix-sept années de captivité qu'ont enduré les prisonniers, soit quasiment une génération. De plus, ce n'est pas un homme seul, potentiel héros de guerre pouvant être présenté ainsi dans les médias, mais deux hommes - et un troisième absent, mais dont l'ombre plane sur le récit - brisés par cette détention qui reviennent. Les storylines familiales qui, dans Homeland, étaient concentrées uniquement dans le personnage de Brody sont ici réparties entre les deux soldats. Cela permet de prendre le temps de mieux explorer chacune de ces difficultés et l'impact qu'elles ont sur tous les protagonistes.

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Le pilote de Hatufim met avant tout l'accent sur le relationnel. Les enjeux de sécurité intérieure et les interrogations sur ce qui a pu se passer en dix-sept années d'emprisonnement restent pour le moment en arrière-plan. Seules quelques scènes - apartés volontairement fugaces - peuvent soulever des questions sur d'éventuels non-dits. Le debriefing à venir des anciens prisonniers par les services de sécurité est bien annoncé (et devrait introduire la paranoïa sécuritaire logique), mais l'enjeu est pour l'instant clairement ailleurs : il est dans ce retour, dont la force narrative tient à l'ambivalence troublante et poignante qui l'accompagne. La scène des retrouvailles à l'aéroport symbolise sans doute le mieux l'essence de l'épisode : ce face-à-face dans un silence assourdissant et les hésitations qui le marquent de part et d'autre sont d'une intensité bouleversante. Les émotions ressortent ici à l'état brut, submergeant le téléspectateur comme les personnages.

Durant cette première heure, Hatufim s'intéresse donc aux conséquences humaines de ce retour. La célébration médiatique à laquelle on assiste tranche avec les réactions si nuancées des familles concernées. Parmi ces dernières, la première est une cellule trop longtemps monoparentale où la crise couve ; la femme ne sait que faire devant un mari devenu un étranger, tandis que ses enfants ont grandi presque adultes sans figure paternelle et rejettent ce changement. Dans la seconde, la fiancée n'a pas attendu un retour hypothétique, elle a refait sa vie et a épousé le frère de l'ancien prisonnier... L'épisode n'occulte pas non plus la troisième famille, traitant alors de l'impact de ce non-retour qui est encore plus dévastateur. Cette soeur qui a la détresse de ne pas voir revenir son frère vivant est en effet la seule à être isolée : c'est celle qui aurait eu tant besoin de le retrouver. Parallèlement, la réadaptation difficile des soldats demeure au coeur du récit : si leur famille ne les connaît plus, ne sait comment les traiter, eux non plus n'ont plus de repères dans un Israël qui a tant évolué en dix-sept années. Chacun gère les choses à sa manière, confronté aux particularités de son foyer. Mais le processus est d'autant plus complexe que les choix faits pour les protéger sont discutables, et parfois même contreproductifs.

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Sur la forme, Hatufim fait preuve d'une sobriété appropriée qui n'en rend que plus intenses certains passages. La réalisation est fluide et maîtrisée, capitalisant sur une mise scène qui est à l'image de la retenue dont la série fait preuve dans son récit. La bande-son est peu présente, la fiction n'hésitant pas à donner au silence une place importante dans le récit - le silence est dans plusieurs scènes plus fort et suggestif que n'importe quels dialogues que les scénaristes auraient pu imaginer. Ce choix permet aussi de faire ressortir les moments où un fond musical retentit, qui n'en sont alors que plus marquants.

Enfin, Hatufim dispose d'un casting homogène. Les deux prisonniers libérés sont interprétés respectivement par Yoram Toledano et Ishai Golan, les deux acteurs arrivant parfaitement à faire passer à l'écran la perte de repères, les hésitations, voire le malaise auxquels leurs personnages sont confrontés. C'est Assi Cohen qui joue le troisième prisonnier, que sa soeur, incarnée par Adi Ezroni, voit encore à ses côtés. Parmi les autres figures, je retiendrais tout particulièrement Yael Abecassis qui s'impose rapidement à l'écran en épouse un peu dépassée ne sachant comment réagir face à ce mari de retour. On retrouve également à l'affiche Mili Avital, Aki Avni, Sendi Bar, Salim Dau, Yael Eitan (qui incarne presque trop bien l'adolescente en crise), Adi Ezroni, Adam Kent, Nevo Kimchi, Guy Selnik ou encore Gal Zaid.

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Bilan : Avec ce pilote bien construit et solide, Hatufim signe des débuts très convaincants. La justesse de son écriture lui permet de prendre pleinement la mesure du sujet difficile qu'elle aborde : elle renvoie une impression d'authenticité qui lui confère une force émotionnelle marquant durablement le téléspectateur. De plus, en choisissant d'explorer prioritairement la dimension humaine du retour des prisonniers, la série israélienne se démarque clairement de sa version américaine. Ses priorités vont au relationnel, aux soldats comme à leurs familles, s'interrogeant sur la vie après la captivité sans imposer dans ce pilote le thriller au premier plan. Une série à suivre !

Hatufim mérite donc d'être vue en tant que telle ; et le fait d'avoir déjà regardé Homeland n'est pas problématique, tant les deux fictions exploitent de manière différente leur même concept.

[EDIT : A lire, mon bilan d'ensemble de la saison 1.]


NOTE : 8/10


La bande-annonce de la série :

Gideon Raff au dernier Festival SeriesMania :

16/05/2012

(J-Drama / Pilote) Unmei no Hito : le scandale de la rétrocession d'Okinawa

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J'ai beaucoup hésité sur le sujet de ce mercredi asiatique. J'avais d'abord esquissé un bilan de premier visionnage des pilotes des différentes nouveautés printanières japonaise (parce qu'aucune ne m'a marqué suffisamment pour y consacrer un article entier pour le moment). Il y avait aussi ce drama plus ancien que je suis en train de finir. Mais finalement, après avoir déjà failli y consacrer le billet de la semaine dernière, je n'ai pu résister à l'envie de prendre la plume pour vous parler de mon dernier coup de coeur japonais... Entre politique, journalisme, Histoire, il y a tant à dire sur cette série. Et si Unmei no Hito est un drama de la saison hivernale, son sous-titrage a débuté le mois dernier ; pour le moment, les quatre premiers épisodes sont disponibles.

Diffusé sur TBS du 15 janvier au 18 mars 2012, le dimanche soir dans la case horaire de 21h, Unmei no Hito compte 10 épisodes de 45 minutes environ. Il s'agit d'une adaptation d'un roman éponyme de Yamasaki Toyoko, qui s'inspire lui-même d'un évènement réel, le scandale ayant entouré la rétrocession d'Okinawa par les Etats-Unis au Japon dans les années 70. La responsabilité de porter à l'écran cette histoire a été confiée au scénariste Hashimoto Hiroshi (qui a déjà pu démontrer ses talents d'adaptation historique dans Karei Naru Ichizoku par exemple). C'est une fiction très dense qui nous plonge dans les coulisses de la société japonaise, soldant certains comptes avec la Seconde Guerre Mondiale, mais qui parle aussi de démocratie avec une interrogation sur la place de la presse, le tout en mêlant grande et petites Histoires.

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Unmei no Hito s'ouvre dans le Japon du début des années 70. Ce drama va suivre sur une décennie le destin d'un journaliste, Yuminari Ryota, qui est alors en pleine ascension professionnelle. En charge du service politique du grand quotidien qui l'emploie, l'ambitieux reporter a ses entrées dans les cercles gouvernementaux du pouvoir. Il a dans le même temps une idée claire de son métier : dans sa quête de scoops et de vérité, il n'hésite cependant ni à poser les questions qui fâchent, ni à se montrer entreprenant et tacticien pour obtenir des informations. Avec ses quelques soutiens de l'ombre et son travail rigoureux, il semblerait que rien ne puisse venir entraver une carrière qui s'annonce très prometteuse.

Mais, 1971, c'est aussi la date de la signature d'un traité entre le Japon et les Etats-Unis, organisant la rétrocession d'Okinawa, et précisant notamment le sort des bases militaires américaines et le paiement d'indemnités. Lors des négociations diplomatiques qui eurent lieu, le gouvernement américain exigea certaines contre-parties stratégiques et financières de la part du gouvernement japonais que ce dernier ne pouvait, politiquement, rendre publiques. Or grâce à une de ses sources au ministre des affaires étrangères, Ryota met la main sur des documents confidentiels évoquant un accord secret qui prévoit le versement de plusieurs millions de dollars aux Etats-Unis. Le journal publie l'information sans pouvoir directement dévoiler le document, ce qui risquerait de compromettre leur source.

Mais devant les démentis fermes du gouvernement et l'indifférence à laquelle il se heurte, Ryota s'indigne et va tenter de faire bouger les choses... au risque de se brûler face au pouvoir.

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Unmei no Hito marque tout d'abord par sa richesse et la densité de son propos. La série aborde des thématiques multiples, certaines très personnelles aux protagonistes, d'autres dignes des fictions politiques les plus abouties. C'est ce second aspect que mettent d'abord en valeur les premiers épisodes. Bénéficiant d'une écriture solide qui permet de prendre la mesure de la complexité de ce milieu, le drama nous introduit dans les coulisses du pouvoir de l'époque, à travers une problématique particulière, très intéressante, celle des rapports entre la presse et la classe dirigeante. Plus que certains cas de compromission ou de corruption, ce qui frappe dans le portrait ainsi dressé, c'est la connivence régnante dictée par les usages et les moeurs journalistiques de l'époque. La liberté de la presse semble tenir au mieux à un équilibre aussi fragile que précaire, au pire n'être qu'une chimère tant les reporters les plus influents apparaissent comme des pions à part entière sur l'échiquier du pouvoir ; beaucoup courtisent plus qu'ils ne songent au droit d'informer. La course aux scoops est une compétition encadrée, au sein de laquelle c'est le pouvoir qui dicte les limites et pose les bornes infranchissables. Des discussions de couloir aux déjeuners symboliques, la série nous fait ainsi assister à la montée des uns et à la chute des autres au gré des faveurs et des rapports de force.

Ce qui rend cette approche si passionnante, c'est qu'en plus de cette dimension politico-médiatique, Unmei no Hito, c'est aussi de l'Histoire. Elle revient sur les conditions de la rétrocession d'Okinawa, sur ses zones d'ombre, sur ce que le Japon a réellement accepté et ce que le gouvernement d'alors a officialisé. Le sujet est complexe pour qui (comme moi) connaît peu ces problématiques, mais si certaines subtilités peuvent au départ échapper au téléspectateur profane, la réussite de la série est de parvenir à rendre accessible les grands enjeux. L'intérêt du drama est ici double. Il permet de parler du Japon et de sa démocratie en éclairant la gestion gouvernementale de l'affaire ; mais il s'arrête aussi sur une problématique de géopolitique internationale, avec les relations entre le Japon et les Etats-Unis. Et moi qui n'aime rien tant que pouvoir apprendre grâce aux séries, autant dire que j'ai été particulièrement servie. J'ignorais tout de ces questions avant de débuter le drama, mais les informations existent en anglais pour bien les replacer dans leur contexte - attention cependant aux spoilers, cliquer à vos risques et périls ! - avec des articles tels que Okinawa-Gate : The Unknown Scandal, ou encore une interview du journaliste par qui le scandale est arrivé (de son vrai nom, Takichi Nishiyama). Unmei no Hito s'inscrit donc pour ces débuts dans la lignée des dramas capable de jouer sur la grande et les petites histoires, à la fois très enrichissant par ce qu'il évoque du Japon, mais qui en même temps ne perd pas de vue ses personnages, car ce sont eux qui en sont l'essence.

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Unmei no Hito va en effet s'intéresser aux destinées que la fuite de l'accord secret passé avec les Etats-Unis bouleverse, et à toutes les conséquences d'un scandale qui, d'une affaire d'Etat, finira par toucher la part la plus intime de ses protagonistes. Le flashforward des premières minutes donne immédiatement le ton : c'est au récit d'une déchéance que l'on va assister. Au début du drama, Yuminari Ryota est un professionnel à qui tout réussit, au point de s'imaginer peser sur ces cercles de pouvoir qu'il fréquente. Trop arrogant et sûr de ses forces, il pourrait être antipathique s'il n'était pas animé d'une passion sincère pour son métier, qu'accompagne une certaine éthique. Il est en effet prêt à beaucoup pour décrocher un scoop, mais tout ne se réduit pas à une simple compétition avec la concurrence. Le sort d'Okinawa, problématique particulièrement sensible au Japon, va être révélateur des limites de la connivence qu'il peut accepter. Lorsqu'il découvre le contenu réel du traité, Ryota cherche à prendre à témoin l'opinion publique pour le remettre en cause. Ce qui est le motive ici, ce n'est pas seulement la liberté d'informer ou l'exigence de transparence du gouvernement, c'est aussi la conscience du citoyen. D'où ses erreurs d'appréciation. Le drama touche ici à une thématique assez universelle en démontrant à quel point capter l'opinion publique est un jeu complexe ; et à l'époque, le pouvoir le maîtrise tout aussi bien.

De manière générale, ces premiers épisodes de Unmei no Hito permettent d'asseoir une galerie de personnages forts, dont on perçoit la complexité et les ambivalences. Outre le personnage central de Ryota, on y trouve notamment deux figures féminines au potentiel intéressant. Avec leurs forces et leurs faiblesses, elles sont en bien des points représentatives de la condition de la femme au Japon dans les années 70. Yuriko est l'épouse au foyer modèle, supportant et défendant son mari, même contre ceux qui comprennent mal ce qu'elle peut trouver à ce professionnel trop froid qui fait toujours passer son métier avant sa famille. On devine que les épreuves à venir vont la forcer à reconsidérer sa place et ses choix. Travaillant au ministère des affaires étrangères, Miko Akiko, elle, a déjà dû évoluer : son mari incapable de travailler, c'est elle qui doit subvenir aux besoins du foyer. Loin d'être une forme d'émancipation, cela pèse lourdement sur son couple. Elle subit en effet les brimades d'un époux ne supportant pas cette inversion des rôles. C'est justement cette tension intenable qui explique qu'elle va se tourner vers Ryota, devenant sa fameuse source.

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Sur la forme, Unmei no Hito est une série soignée. La réalisation est maîtrisée, d'une sobriété travaillée, en sachant également mettre en valeur le cadre et les symboles qui peuvent accompagner la mise en scène. Beaucoup de choix judicieux sont faits : ainsi, le premier épisode qui s'ouvre sur un flashforward à Okinawa, nous fait découvrir un océan bleuté d'une beauté à couper le souffle qui souligne parfaitement l'importance des enjeux qu'elle va concentrer. De plus, le drama bénéficie également d'une bande-son riche et très intéressante qui pose bien la tonalité ambiante ; elle est signée Sato Naoki, un habitué des OST dont le dernier travail notable était sur Ryomaden, mais que j'avais déjà beaucoup apprécié dans Hagetaka.

Enfin, Unmei no Hito dispose d'un casting dans l'ensemble solide et convaincant. Motoki Masahiro (Saka no ue no kumo, 87%) incarne bien la rigidité et l'aplomb sans faille du carriériste qui a réussi, mais en conservant des failles qui ne vont que croître à mesure que la situation va lui échapper. C'est Matsu Takako (Hero, Saka no ue no kumo) qui interprète son épouse, tandis que Maki Yoko (Loss Time Life) est sa source au ministère. Sinon, cela m'a fait plaisir de retrouver Omori Nao (Prisoner, Ryomaden), un acteur qui garde une place à part pour moi depuis Hagetaka. On croise également d'autres têtes familières du petit écran japonais, comme Kitaoji Kinya (Karei Naru Ichizoku), Matsushige Yutaka (Shinya Shokudou, Last Money ~Ai no Nedan~), Hasegawa Hiroki (Second Virgin, Suzuki Sensei, Kaseifu no Mita), Ishibashi Ryo (Gaiji Keisatsu), Harada Taizo (Kurumi no Heya) ou encore Emoto Akira (Karei naru Spy).

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Bilan : Bénéficiant d'une écriture solide, Unmei no Hito délivre un récit dense et complexe parcouru par une tension très prenante. Tout en ayant un parfum prononcé de fiction politique (et historique) par l'éclairage qu'elle offre sur la démocratie japonaise du début des années 70, et sur les rapports qu'entretiennent alors la presse et le pouvoir, la série va tout particulièrement s'intéresser à des destinées personnelles auprès desquelles le téléspectateur est prêt à s'investir. L'équilibre est rapidement trouvé entre toutes les composantes de cette histoire ; le résultat est intéressant et consistant. A suivre !


NOTE : 8,5/10

15/05/2012

(Pilote US) Common Law : des policiers en thérapie de couple

 

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Les séries d'USA Network ont cela de confortable que l'on sait exactement à quoi s'attendre lorsqu'on s'installe devant sa dernière nouveauté. La formule est désormais presque trop bien rôdée, le charme initial pouvant finir par être occulté par l'impression d'une recette mécaniquement reproduite à l'infini. Pour autant, en dépit de cette prévisibilité et des limites qui lui sont inhérentes, j'attends toujours chaque nouvelle série de cette chaîne avec curiosité. Car dans les constantes d'une sériephilie bien équilibrée, j'ai besoin de ma série USA Network. Synonyme de détente assumée, et même d'été (avant que la chaîne ne se soit amusée à découper ses diffusions sur toute l'année).

C'est dans cet état d'esprit que j'ai donc abordé Common Law, la petite dernière du genre, qui a débuté ce vendredi 11 mai aux Etats-Unis. On y retrouve toutes les doses attendues de buddy show, de bromance et autres dynamiques relationnelles classiques... sans pour autant que le concept ne convainc totalement : la petite pointe d'originalité constituée par l'improbable thérapie de couple peut-elle l'emporter sur le trop classique duo de flics mis en scène et un arrière-plan qui sonne très forcé ? Ce sera tout l'enjeu des épisodes à venir.

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Se déroulant à Los Angeles, Common Law suit les enquêtes d'un duo de détectives de la police criminelle, Travis Marks et Wes Mitchell. Deux policiers très différents dans leurs tempéraments comme dans l'approche de leur métier, mais dont l'association produit les meilleurs résultats du département en terme d'élucidation de crimes. Ou du moins produisait. Car après plusieurs années durant lesquelles ils ont formé une équipe de choc, toujours complémentaires sur le terrain, quelque chose s'est cassé dans leurs rapports.

Les frustrations du quotidien se sont additionnées, chacun finissant par trop bien connaître les travers de l'autre... Les disputes ont alors commencé à empiéter sur leur travail. Refusant de les séparer pour assigner chacun à un nouveau partenaire, mais ne supportant plus leurs querelles incessantes, leur supérieur décide de prendre les choses en main : il les envoie... en thérapie de couple, consulter le Dr Elyse Ryan. Cette dernière saura-t-elle résoudre la crise ? Ou les tensions vont-elles finir par avoir raison de ce pourtant très efficace duo d'enquêteurs ?

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Common Law assume de manière décomplexée - et parfois même un peu trop - sa fonction de pur divertissement : en s'appuyant sur ses bases de cop show, elle n'hésite pas à mettre en scène les situations les plus improbables pouvant en découler. Sans surprise, tout l'attrait du pilote réside dans le ping pong verbal incessant qui a lieu entre les deux protagonistes principaux. Les sujets de friction sont nombreux, et s'enchaînent de manière convenue au vu des caractères bien définis et très opposés de chacun. A la décontraction et aux flirts constants, vaguement irresponsables, de l'un s'opposent le côté psycho-rigide de l'autre, incapable même de tourner la page de son mariage. Les traits sont forcés à l'extrême, mais cela n'en donne pas moins des passages de confrontation aussi attendus que franchement sympathiques, avec plusieurs francs éclats de rire à la clé (même si bon nombre de ces scènes figuraient dans la longue bande-annonce). Et puis ce numéro de duettistes a aussi l'avantage de rythmer assez efficacement une histoire qui sinon risquerait sans doute de paraître un peu longue (le pilote faisant plus d'une heure).

Si elle a tout de la série typique d'USA Network, Common Law tente malgré tout d'apporter sa pierre à l'édifice de la chaîne. Tandis que des fictions comme Suits ou White Collar nous relatent la genèse d'un efficace duo (et plus généralement, d'une amitié), Common Law se place à une étape plus avancée. Nos deux compères travaillent depuis des années ensemble. Ils se connaissent bien. Même trop bien. Et ils ne se supportent désormais plus. La série peut alors introduire le twist qui lui est propre : l'envoi forcé en thérapie de couple. Mais hormis quelques blagues prévisibles, le potentiel n'est qu'entre-aperçu au cours de ce pilote : les sessions en "couples" et la thérapie en général restent un prétexte, esquissées de manière superficielle sans s'imposer comme le pivôt d'un ensemble qu'elles ne dynamisent pas. A cette limite s'ajoutent les travers les plus traditionnels des séries d'USA Network, avec une intrigue policière du jour - la mort du fils d'un juge - d'une banalité confondante, de laquelle le téléspectateur décroche rapidement. Certes, ce n'est pas l'enjeu ; mais la série n'essaye même pas de faire illusion. Enfin, si la paire principale fonctionne bien, ce n'est pas le cas des personnages secondaires qui les entourent : échouant à introduire quelques figures crédibles, la série glisse dans des caricatures binaires peu avenantes.

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Sur la forme, Common Law est également un produit USA Network parfaitement calibré : la réalisation est maîtrisée, dynamique, avec une photographie correspondant à ce mélange de cop show et de divertissement revendiqué. La ville de Los Angeles est à l'occasion entre-aperçue, mais elle ne s'impose pas comme un acteur à part entière comme pour les séries new-yorkaises de la chaîne. 

Enfin, Common Law réunit un casting dans l'ensemble sympathique. Les différences sont telles au sein du duo principal qu'il est facile pour chacun de trouver ses marques : Michael Ealy (The Good Wife) excelle dans un registre décontracté si éloigné du premier rôle dans lequel il m'a marqué (Sleeper Cell), tandis que Warren Kole se positionne de manière convaincante dans un registre froid qui n'est qu'accentué par le contraste entre les deux partenaires. A leurs côtés, on retrouve Jack McGee (Players) qui incarne leur supérieur ; tandis que Sonya Walger (Tell Me You Love Me, FlashForward) aura sans doute bien du travail pour jouer les thérapeutes de choc. A noter que ce pilote a été pour moi l'occasion de recroiser Miss Parker (Andrea Parker), travaillant au bureau du procureur, et une certaine nostalgie n'est jamais loin dans ces cas-là.

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Bilan : Le potentiel du pilote de Common Law repose presque entièrement sur la dynamique centrale du duo d'enquêteurs. Tout en assumant avec aplomb le registre du divertissement, la recette typique d'USA Network est cependant ici plombée par un certain nombre de défauts : parfois trop improbable ou trop caricaturale, elle souffre aussi du classicisme sans twist particulier qu'apportent ces bases de cop show. Ces dernières font flotter sur la série un faux air des 80s' à la Miami Vice. Cela fonctionne certes par moment, mais l'étincelle reste intermittente et l'ensemble trop inconsistant pour ne pas risquer de vite lasser.

Suits ne reprenant qu'en juin, je pense donc laisser quelques épisodes à la série. Mais Common Law est sans doute, plus que d'autres issues de la même chaîne, à réserver aux adeptes des bromances divertissantes d'USA Network.


NOTE : 6/10


La bande-annonce de la série :

13/05/2012

(ISL) Tími Nornarinnar (Season of the Witch) : incursion au coeur de l'Islande

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En fin de semaine, comme le thermomètre dépassait allègrement les 30 degrés, j'ai cherché un dépaysement téléphagique adéquat et, dans ma quête de latitudes nordiques, je me suis une nouvelle fois retrouvée en Islande. Ce n'est que ma quatrième série Islandaise (la troisième dont je vous parle), mais il n'y a pas à dire, j'éprouve beaucoup d'affection pour ces contrées. Des séries diffusées là-bas en 2011, j'attends surtout avec impatience de pouvoir découvrir Heimsendir (par les créateurs de Naeturvaktin - dont je suis en train de finir la suite, Dagvaktin) et évidemment la saison 2 de Pressa, mais les circonstances ont voulu que je commence par la troisième série nominée aux Edda Awards en début d'année (sur un total de trois - bon, l'Islande est un petit pays !) : Tími Nornarinnar.

Cette dernière est l'adaptation d'un roman policier d'Árni Þórarinsson (Thorarinsson) (un écrivain que l'on a déjà croisé, souvenez-vous, car il a participé à l'écriture de Pressa), datant de 2005 et paru en France sous le titre Le Temps de la Sorcière. Tournée à l'automne 2010, la série - composée de 4 épisodes de 45 minutes environ - a été diffusée à la télévision publique islandaise en avril 2011. Sans s'imposer véritablement dans le registre du polar, Tími Nornarinnar s'est révélée très intéressante par un aspect inattendu : elle offre un véritable portrait de la société Islandaise actuelle en crise, le tout accompagné par un décor superbement mis en valeur.

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Tími Nornarinnar a pour principal protagoniste Einar, un journaliste expérimenté d'un grand quotidien islandais. Ce dernier a été muté dans le nord de l'île, loin de Reykjavik, avec pour objectif officiel d'y installer une rédaction locale. Exilé dans cette campagne enneigée, installé dans une maison louée avec pour seul compagnon un perroquet laissé par le propriétaire - et une photographe de passage qui le rejoint en début de série -, il s'ennuie, tentant d'en profiter pour vaincre ses démons et ne plus toucher à l'alcool. Mais le calme de ce bourg n'est qu'apparent. Plusieurs drames vont en effet toucher la région.

Au cours d'une sortie en rafting avec son entreprise, une femme tombe dans la rivière; elle est tuée dans la chute. La mère de cette dernière, vieille femme en maison de repos, contacte Einar, persuadée qu'il ne s'agit pas d'un accident, mais que sa fille a été assassinée. Dans le même temps, une représentation théâtrale attendue est interrompue suite à la disparition du jeune acteur principal ; le cadavre de ce dernier est retrouvé peu après, calciné dans une décharge. En plus de ces morts, Einar couvre la situation d'un village situé à quelques heures de route où une tension de plus en plus sourde monte, alors que des incidents racistes ont lieu sur fond d'élection locale prochaine.

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En m'installant devant Tími Nornarinnar, je m'attendais à une mini-série policière assez proche de Pressa qui, déjà, mettait en scène les investigations de journaliste. Je me suis retrouvée face à un autre parti pris : ici, l'enquête - ou plutôt les enquêtes - ne semblent pas déterminantes. Elles sont certes les fils conducteurs du récit, mais Tími Nornarinnar donne l'impression que ce qui est vraiment le coeur de son histoire est avant tout ce qui entoure les intrigues et vient se greffer à elles. Ce qui intéresse la série, c'est ce que les évènements permettent de révéler sur la société, sur le pays, et sur les protagonistes eux-mêmes. En cela, il s'agit d'un polar nordique qui respecte un certain nombre de canons du genre : c'est une oeuvre d'ambiance, au rythme de narration lent. Elle ne cherche pas à créer de véritable suspense, mais elle intrigue. La fausse bonhomie d'Einar, personnage central désillusionné et fatigué mais persistant, rend le personnage attachant, s'imposant comme le point de repère solide du téléspectateur. En dépit de certaines limites, notamment un manque d'homogénéité et de liant au sein des storylines, lesquelles sont desservies par des figures secondaires insuffisamment travaillée, l'histoire fonctionne.

Pour autant, le grand atout de Tími Nornarinnar n'est pas ce versant policier. Ce qui marque, c'est cette incursion au coeur de l'Islande qu'elle propose. C'est la première fois que je visionne une série de ce pays qui respire à ce point l'Islande. Elle en exploite tout d'abord le cadre géographique particulier : la série s'imprègne des lieux à travers lesquels le personnage principal nous conduit, tirant pleinement parti de ces paysages glacés s'étendant à perte de vue. La neige se substitue à la pluie, le blanc à la grisaille de ses consoeurs scandinaves : cet épais manteau blanc est omniprésent, recouvrant tout le décor et tombant régulièrement. De plus, Tími Nornarinnar s'intéresse aussi à ses habitants : elle capture la photographie d'une société en crise, morale comme économique. Dans ce coin perdu d'Islande, on retrouve toutes les tensions sociales et ethniques (avec la question de l'immigration) qui agitent les sociétés occidentales modernes. Ce ne sont que des esquisses, et on regrettera que la série s'en tienne à un aperçu très sommaire, mais le téléspectateur n'en est pas moins marqué par le portrait sombre et peu optimiste qui est ainsi dressé.

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Tími Nornarinnar a été tournée dans le Nord de l'Islande (ce qui, de notre point de vue, est avouons-le une précision toute relative et assez anecdotique), principalement à Akureyi. Une des grandes forces de la série est justement que son réalisateur, Friðrik Þór Friðriksson (Fridrik Thor Fridriksson), va s'attacher à faire des lieux où se déroule l'action un acteur à part entière du récit. Il joue sur ces paysages superbes, oscillant entre une mer glacée et des sources d'eau chaude... De toutes les (quelques) séries islandaises que j'ai eu l'occasion de voir, c'est vraiment celle qui aura le mieux mis en valeur son cadre. Elle y est bien aidée grâce à sa photographie particulièrement soignée, qui reste à dominante claire - un intéressant choix pour une fiction qui demeure un polar. La musique, posée et entêtante, achève de happer le téléspectateur, contribuant à cette ambiance un peu déconnectée de tout, qui accompagne le héros dans ses investigations.

Enfin, côté casting, je crois que c'est la première fois dans l'histoire de ce blog que je vais devoir déclarer forfait pour vous donner des renseignements sur le sujet : la série n'a ni page imdb, ni fiche wikipedia, ni aucun référencement digne de ce nom dans le web anglophone, et mes quelques incursions dans le web islandais n'ont pas été très concluantes (certes, j'aurais pu enquêter sur les noms défilant à l'écran durant le générique de fin, mais entre les signes alphabétiques particuliers et une liste par ordre d'apparition, je n'ai pas eu le courage d'y consacrer plusieurs heures.). Je vais donc me contenter de dire que le casting est dans l'ensemble satisfaisant, l'acteur principal rentre très bien dans son rôle. Le seul bémol viendra de certains rôles secondaires - sans doute aussi une conséquence d'une écriture manquant parfois un peu de consistance.

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Bilan : Véritable portrait d'Islande qui exploite pleinement le cadre géographique (magnifique), mais aussi les tensions qui traversent la société - à l'image des crises touchant les sociétés occidentales -, Tími Nornarinnar vaut surtout pour cet instantané ainsi proposé de l'île nordique. Les enquêtes forment autant de fils rouges intermittents qui donnent une direction à l'histoire, même si l'ensemble n'est pas toujours pleinement maîtrisé et homogène. Sans créer de véritable tension captivante, l'intérêt sincère du téléspectateur ne se dément cependant pas au cours de ces quatre épisodes.

Une série à réserver aux amateurs de fictions scandinaves. Et pour tous les curieux qui souhaiteraient s'offrir un court voyage à travers l'Islande !


NOTE : 6,75/10


La bande-annonce (sous-titrée anglais) :


[Comme beaucoup de séries islandaises, le coffret DVD comprend une piste de sous-titres anglais.]