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19/11/2010

(Pilote UK) The Indian Doctor : rafraîchissante dramédie sur fond de choc des cultures dans les sixties


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Ce que je chéris plus que tout dans la téléphagie, ce sont les surprises. Ces soirs où, l'air de rien, vous lancez un pilote à l'aveugle, sans trop savoir ce qui vous attend, et vous vous retrouvez finalement à passer une heure très agréable devant votre petit écran, vous disant qu'il s'en est fallu de peu pour que vous ratiez quelque chose. Et bien, c'est ce qu'il s'est passé hier avec The Indian Doctor. Parce que j'avoue ne pas faire toujours très attention aux programmes hors soirées, il m'aura fallu une piqûre de rappel salvatrice pour y consacrer ma soirée.

Cette mini-série, composée de cinq épisodes, est actuellement diffusée sur BBC1, depuis le lundi 15 novembre, chaque jour de la semaine en début d'après-midi. Si on a beaucoup débattu de la question des mises en scène de chocs culturels (et de ses travers) en cette rentrée téléphagique en raison de la série Outsourced aux Etats-Unis, The Indian Doctor n'a de commun avec sa consoeur américaine que l'Inde et son actrice principale qui jouait dans le film dont la série américaine est une adaptation. Car, avec une facilité désarmante et beaucoup de fraîcheur, The Indian Doctor se joue de bien des écueils de ce genre pour s'imposer comme une dramédie très sympathique flirtant bon un doux parfum nostalgique des sixties.
 

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The Indian Doctor
se déroule en 1963. Elle a pour cadre un petit village minier du Pays de Galles, Trefelin. Son médecin généraliste, qui attendait son remplaçant, vient de décéder. Cependant le ministre de la santé britannique de l'époque, Enoch Powell, a lancé une vaste campagne de recrutement de médecins indiens venant s'installer au Royaume-Uni afin
de pourvoir à tous ces postes vacants dans le domaine de la santé. C'est dans ce contexte que Prem Sharma est affecté à ce petit village. Le pilote s'ouvre sur son arrivée par le train, avec son épouse, Kamini que la perspective de se perdre au fin fond de la campagne britannique ne réjouit guère, toute à ses rêves londoniens qu'elle est.

Il faut dire que les habitants de Trefelin, s'ils font dans l'ensemble preuve de bonne volonté pour accueillir ces nouveaux venus, gardent leurs idées préconçues, quelque peu folkloriques, sur l'Inde. D'autant que c'est la projection du film Les dessous d'un millionnaire, avec Sophia Loren et Peter Sellers, qui fait office de document d'information. Voilà qui n'est pas pour balayer l'image qu'ils se font de ce grand territoire inconnu du bout du monde. Tout cela débouchera sur quelques scènes savoureuses venant agrémenter une dynamique des chocs culturels qui sous-tend l'ensemble de façon étonnamment rafraîchissante. Jouant sur les attentes du téléspectateur, la série s'amusera souvent à le prendre à contre-pied. Prem et Kamini sont en effet issus d'un milieu très aisé, avec des relations dans la haute société britannique à donner le vertige à ces provinciaux dont la simplicité de vie perturbe grandement une Kamini habituée à son confort et qui n'a rapidement qu'une envie : quitter au plus vite cet endroit perdu pour retrouver la "civilisation". 

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Ce qui séduit rapidement, devant le pilote de The Indian Doctor, c'est cette forme de charme quelque peu désuet, mais tellement rafraîchissant, qui se dégage de l'ensemble. La série propose une mise en scène de la vie d'un petit village du fin fond de la campagne britannique qui flirte bon une simplicité provinciale désarmante à laquelle vient s'ajouter, de manière plus incidente, une douce nostalgie des sixties. Suivant une narration rythmée et résolument légère, la série fait pourtant preuve d'une réelle densité, en mesure d'alterner, sans transition, des passages plus pesants, voire dramatiques - le passé récent du couple indien ayant été marqué par une tragédie -, et des scènes qui exploitent parfaitement un comique de situation de circonstances. Le tout bénéficie pleinement de dialogues habilement ciselés qui parviennent à mettre en valeur tant l'anecdotique quotidien des villageois, que la grandiloquence de la savoureuse et imposante Kamini.

C'est cette tonalité quelque peu volatile, dans laquelle le téléspectateur se sent instantanément confortable, qui fait de The Indian Doctor une fiction excessivement sympathique, à la bonne humeur globale communicative. Abordant logiquement la thématique des chocs de cultures, la série va habilement éviter tous les écueils et lourdeurs du genre, pour prendre un malin plaisir à se jouer des préjugés et autres idées préconçues des uns et des autres ; qu'elles soient flatteuses (telle la vénération de Gandhi et la généralisation de son action à toute la société indienne) ou caricaturalement folkloriques (la préparation du repas où les Sharma sont invités, avec la question de la nourriture et des chaises). Les incompréhensions linguistiques, conséquences de l'accent local, en assureront l'aspect le plus léger.

Au final, si The Indian Doctor reste une fiction divertissante qui n'a pas d'ambitions sociologiques démesurées, elle surprend agréablement par la finesse et la subtilité d'une écriture réfléchie qui va permettre à la série d'investir avec une sobriété louable des plus plaisantes, ce registre parfois glissant de la comédie mettant en scène des chocs culturels.

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L'attachement que l'on éprouve rapidement devant The Indian Doctor s'explique également en grande partie par sa dimension très humaine. Tout d'abord, la série parvient à capturer en quelques scènes l'âme de ce petit village minier du Pays de Galles, caractérisant plus précisément quelques individualités très colorées qui donnent immédiatement le ton. La première scène d'ouverture sur cette assemblée bigarée que l'on informe de l'arrivée du nouveau docteur est très révélatrice. Il émane de l'ensemble un sentiment de proximité qui rend la découverte de ces vies, somme toute anodines, étonnamment plaisante  à suivre. Car si ce portrait de village du début des sixties ne se prétend en rien une reconstitution historique rigoureuse, c'est cette atmosphère proche et confortable qui lui confère son charme.  

De plus - et surtout -, l'atout maître de The Indian Doctor réside dans la dynamique qui s'installe rapidement au sein du couple venant d'Inde pour se perdre dans le pays rural britannique. L'épouse, Kamini, bénéficie sans aucun doute des meilleures réparties, grâce à un style direct inimitable et une franchise désarmante. Au-delà de sa mine horrifiée à la perspective de faire des tâches domestiques, elle qui avait auparavant à sa disposition plus d'une dizaine de serviteurs, elle prend opportunément à rebours toutes les idées préconçues des villageois. Tout au long de ce pilote, ses interventions, souvent tranchantes, sont absolument savoureuses. Son fort tempérament offre un parfait pendant au calme et à l'attitude posée, assez flegmatique, de son époux, passé maître dans l'art du compromis. Une tragédie récente, évoquée filigrane, marque encore le couple, sans que l'épisode ne s'attarde véritablement là-dessus. Cependant ces informations permettent d'éclairer sous un autre jour, plus nuancé, leur relation des plus rafraîchissantes, qui sonne décidément très juste à l'écran.

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Sur la forme, si la série ne bénéficie pas d'un budget suffisant pour assurer une reconstitution qui marquerait esthétiquement, il faut cependant saluer le résultat auquel elle parvient avec ses moyens modestes. N'ayant pas son pareil pour mettre en scène le quotidien bigarré de ce petit village rural, elle va utiliser à bon escient sa bande-son pour poser une atmosphère résolument sixties. Recourrant à des morceaux classiques de l'époque, s'amusant volontairement à piocher dans tous les genres, ces musiques apportent à l'ensemble une vitalité dynamique et légère contagieuse.

Enfin, le casting, à commencer par le couple central, se révèle des plus convaincants pour porter cette histoire à l'écran. Sanjeev Bhaskar (Mumbai Calling) offre une performance sobre très crédible en médecin calme et posé ; tandis que Ayesha Dharker (Coronation Street) s'impose parfaitement, avec un théâtralisme de circonstances, en épouse au fort tempérament. A leurs côtés, parmi les visages connus, le téléspectateur reconnaîtra notamment Mark Williams (Harry Potter, Sense & Sensibility).

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Bilan : Sympathique et attachante dramédie, The Indian Doctor se révèle être une bonne surprise cachée dans les fictions programmées en journée sur BBC1. Dotée d'un charme un peu désuet, presque nostalgique, elle porte à l'écran une bonne humeur communicative, tout en bénéficiant d'une écriture plutôt fine et inspirée qui lui permet d'exploiter cette thématique du choc des cultures avec une fraîcheur assez désarmante et très plaisante à suivre. Sans ambition démesurée, ce pilote se révèle ainsi être un divertissement simple, à visionner sans arrière-pensée, sachant toucher et faire sourire le téléspectateur. Ce qui est déjà en soi, une première victoire.


NOTE : 7/10


La bande-annonce de la série :

18/11/2010

(UK) Downton Abbey, series 1 : un period drama aussi savoureux que luxueux


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Meilleure nouveauté téléphagique anglo-saxonne de cet automne 2010, il était proprement inconcevable que je ne prenne pas le temps de rédiger une review en forme de bilan, tressant les louanges d'une des grandes et belles surprises de cette rentrée que fut Downton Abbey.

Succès public chaque dimanche soir sur ITV1, où elle a fédéré le public anglais en réalisant d'impressionnantes audiences, ce sera avec une plume d'autant plus légère que cette critique sera écrite. En effet, le téléspectateur a l'assurance de retrouver le quotidien de ce château et la vie de ses habitants l'an prochain, pour une saison 2, en bien des points parfaitement introduite par un final de saison 1 qui ouvre des perspectives narratives importantes, se concluant dans la torpeur de l'été 1914.

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Si j'aborde cette review avec un entrain que j'espère communicatif, c'est que l'enthousiasme ressenti durant le visionnage du pilote de Downton Abbey ne s'est en réalité jamais démenti tout au long d'une saison, dont la richesse et la densité furent source d'une fascination constamment renouvelée pour cet univers codifié et coloré ainsi porté à l'écran. Où commencer, si ce n'est en évoquant la magie d'une écriture virevoltante et chatoyante, où les dialogues délicieusement ciselés se trouvent portés par une sobriété et une subtilité d'ensemble, qui construisent toute en nuances une atmosphère inimitable, que l'on ne peut réellement comprendre qu'en regardant un épisode.

Loin de la reconstitution historique descriptive et déshumanisée qui est un travers dans lequel tombent certaines fictions, c'est par sa vitalité revigorante que Downton Abbey s'illustre. Elle doit cela à la qualité de son écriture, mais également à la manière dont celle-ci va adopter une volatilité des tonalités des plus grisantes. Si la réalité de cette société rigide d'avant-guerre demeure une constante en arrière-plan, elle pèse sur les personnages sans jamais éteindre l'étincelle qui anime la série. Cette dernière demeure un drama au sens littéral du terme, mais la narration extrêmement vive lui permet d'alterner à bon escient, passages plus sombres, voire douloureux, et petits interludes résolument légers, où pointe un humour également tout en sobriété offrant une détente bienvenue au téléspectateur. L'intelligence et la vigueur des réparties de personnages toujours inspirés apportent une spontanéité, pleine d'authenticité, des plus prenantes. Si elle s'inscrit dans un registre tout en retenue, par cette forme d'imprévisibilité quelque peu enivrante qu'elle adopte, Downton Abbey se révèle ainsi plus pimentée que ce que son concept aurait pu laisser penser.

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Cette ambiance rapidement addictive s'explique également par la dimension profondément humaine que développe la série. Car la réussite éclatante de Downton Abbey, c'est aussi de savoir instinctivement toucher le téléspectateur, d'être capable de l'impliquer immédiatement dans le quotidien du château en l'invitant à suivre les existences plus ou moins troublées d'une galerie de personnages particulièrement riche. Il règne comme une fausse impression de proximité vis-à-vis de chacun ; et si le téléspectateur se trouvera logiquement plus d'affinités avec les uns ou les autres, il s'investira pleinement dans les storylines, toutes plus ou moins liées, que la série présentera. Des jalousies plus ou moins maîtrisées aux peines de coeur, des problèmes d'argent aux basses vengeances qui ne rebuteront pas certains, c'est tout un quotidien coloré et intense, souvent passionné, voire passionnel, qui nous est dépeint. Si certains rebondissements pourront paraître à l'occasion un peu excessifs, le téléspectateur se laissera emporter sans peine par le souffle d'ensemble.

L'atout de Downton Abbey est de disposer de nombreux personnages qui sont, chacun, envisagés comme des individualités indépendantes, aux personnalités travaillées. Avec des figures fortes et quelques tempéraments hors normes, la série dispose d'un potentiel humain impressionnant qu'elle va s'attacher à pleinement exploiter, consciente qu'il représente une de ses forces. Certes, la série n'évitera pas l'écueil de quelques portraits plus unidimensionnels, qui pourront faire débat, comme Thomas, Mrs O'Brien ou encore l'attitude d'Edith. Mais le plus important demeure qu'à aucun moment, la série ne laissera indifférent un téléspectateur prompt à prendre parti dans les conflits qui s'esquissent ou les prises de position que certains adopteront. Par cet emploi à bon escient de ses personnages, et même si certains auraient gagné à être plus nuancés, la série réussit rapidement à gagner l'affectif du téléspectateur, acquérant un capital sympathie des plus confortables.

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Cette animée galerie de personnages permet également à Downton Abbey d'assurer une reconstitution d'époque qui sonne authentique. Car cette fiction, à travers toutes les figures si diverses que le domaine rassemble, apparaît comme le reflet d'une société britannique en mutation, parcourue par des tensions, où le respect des traditions qu'incarne cette noblesse aux codes sociaux rigides, versant entre paternalisme et gouvernance, vient se heurter à l'apparition et à la consécration de nouvelles idées. Des suffragettes militant pour le droit de vote des femmes jusqu'aux socialistes, l'esprit tourné vers la lutte des classes, c'est au final un portrait excessivement riche et surtout très vivant d'une époque qui est dressé.

La série capte avec beaucoup de justesse ces frémissements vers les changements qui se font jour. C'est assez fascinant d'assister à l'évolution progressive des mentalités, particulièrement mise en exergue par ce parallèle que la série permet en faisant se côtoyer des protagonistes appartenant à des classes sociales si différentes. Car cette ébullition des idées conduit à terme à une émancipation inévitable, où chacun pourra ne plus considérer sa position sociale comme définitivement fixée ; une révolution des esprits dans un monde où pèse encore lourdement le poids d'une forme de prédestination des individus qui ne peuvent imaginer d'autres futurs que celui qui semble déjà tout tracé dès leur naissance. Avec la fraîcheur et la candeur qui lui sont propres, Sybil illustre à merveille toutes les ambivalences inhérentes à cette période de transition. 

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Period drama ambitieux et accompli sur le fond, Downton Abbey fait preuve de tout autant de maîtrise sur la forme. Dotée d'un accompagnement musical sobre des plus opportuns et s'ouvrant sur un générique qui donne immédiatement le ton et que l'on prend plaisir à retrouver, la série propose une magnifique reconstitution d'époque qui va ravir les yeux d'un téléspectateur immédiatement séduit par l'esthétique et la photographie de cette réalisation luxueuse. Au-delà des superbes costumes et d'un soin apporté aux détails de l'époque recréée, c'est sans doute le cadre du tournage qu'est ce château du Berkshire, le Highclere Castle, qui impressionne le plus, offrant un somptueux décor à l'histoire.

Enfin, il serait inconcevable de ne pas saluer le casting qui a donné vie à cette série. Un casting pour lequel il n'y a sans doute pas de compliments suffisamment louangeurs permettant de qualifier et d'applaudir la performance d'ensemble proposée. Parmi ces acteurs qui ont tous rempli avec beaucoup d'implication et de savoir-faire leurs rôles, s'il fallait n'en retenir que quelques-uns, je serais tentée de, tout d'abord, rappeler combien Maggie Smith est tout simplement extraordinaire à l'écran, combien Hugh Bonneville incarne à merveille cette figure parfaite du Lord ou encore combien Michelle Dockery a su prendre la mesure de l'ambivalence du personnage de Lady Mary. Mais ce serait injuste pour ceux que je n'aurais pas mentionné : donc saluons simplement cette réussite collective.

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Bilan : Ambitieux period drama doté d'une écriture fine particulièrement bien maîtrisée, Downton Abbey est une réussite aussi bien visuelle que narrative. Derrière ses couleurs chatoyantes et ses dialogues savoureux, c'est une série profondément humaine dont les personnages, qui ne peuvent laisser insensibles, constituent le coeur. Délicieusement virevoltante, presque enivrante, elle s'impose comme une fiction aboutie, dépassant la simple reconstitution d'une époque pour parvenir à donner véritablement vie à ses protagonistes. 

En somme, Downton Abbey se savoure sans modération. Une série à ne pas rater !


NOTE : 9/10


Le générique de la série :

17/11/2010

(K-Drama / Pilote) Queen of Reversals : arbitrage compliqué entre carrière professionnelle et vie personnelle


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Après une escapade japonaise des plus intéressantes, il était temps de retourner en Corée du Sud en ce troisième mercredi asiatique du mois de novembre, afin de s'intéresser aux dernières séries du pays du Matin Calme que j'avais un peu délaissées dernièrement. Ce week-end, je me suis donc arrêtée sur les diverses nouveautés sorties depuis la mi-octobre, en quête d'un petit coup de coeur, ou du moins d'un drama dont les débuts parviendraient plus particulièrement à aiguiser ma curiosité.

Seriez-vous surpris d'apprendre que, tout compte fait, défiant quelque peu mes attentes (mais je suis coutumière du fait), ce n'est ni Daemul, ni Mary Stayed Out All Night (dont la légèreté volatile a fini par faire évaporer mon attention) qui auront retenu mon intérêt téléphagique, mais les premiers épisodes d'une nouvelle série, diffusée depuis le 18 octobre 2010 sur MBC : Queen of Reversals ? Alors même que ce drama avait l'obstacle d'avoir pour lead-in masculin un acteur que j'aime fort peu, finalement, par l'énergie et l'efficacité d'une narration qui ne tergiverse pas, j'ai lancé le second épisode sans hésiter et ait fini la soirée (quasi) conquise. Sans être une suite directe de Queen of Housewives, les deux séries restent quand même liées dans leur inspiration ; cependant, n'ayant pas eu l'occasion de regarder la première l'an dernier, je vais m'abstenir de la moindre référence. 

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Dans le domaine très (voire excessivement) riche des comédies romantiques sud-coréennes, Queen of Reversals investit la thématique de la difficile conciliation - et du choix peut-être nécessaire - entre vie personnelle épanouie et carrière professionnelle rondement menée. Sa spécificité tient à ce que la série va choisir de se concentrer non sur une énième progressive construction d'une relation en amont de toute concrétisation relationnelle, mais, au contraire, sur les conséquences ultérieures causées par la vie de couple, avec les difficultés et ajustements nécessaires pour s'adapter aux exigences du travail. Pour en arriver à ce stade, le premier épisode de Queen of Reversals condense, en une petite heure, toutes les étapes qui requièrent habituellement, au terme de mille et un rebondissements, au moins 20 épisodes dans un k-drama classique pour obtenir une belle concrétisation : à savoir le passage de la première rencontre, petit flirt innocent, jusqu'à l'autel où est célébré le mariage. Pour la série, l'enjeu est ailleurs : la vie après cette union se résume-t-elle bien à la sacro-sainte conclusion "et ils vécurent heureux..." ? Pas si sûr.

Directrice d'un département marketing dans une entreprise importante, Hwang Tae Hee est une professionnelle accomplie. Carriériste assumée, elle s'élève aux responsabilités grâce au soutien de sa mentor et supérieure hiérarchique, Han Song Yi, qui voit en Tae Hee une plus jeune version d'elle-même, qu'elle pourra conduire vers les sommets tant que la jeune femme saura placer ses priorités dans le bon ordre : pourquoi s'embêter du poids d'une famille alors que par l'indépendance financière que permet ce job, elle peut profiter pleinement de la vie sans avoir à faire de compromis constants. Seulement Tae Hee, qui règne en "Mishil" (cf. Queen SeonDeok) sur son département, n'est pas aussi réfractaire à l'idée de partager sa vie avec quelqu'un. La pression parentale et sociale (ciel, 32 ans déjà !), mais aussi les circonstances et cette peur d'une vie solitaire où elle finirait aussi aigrie que sa Song Yi, vont conduire à Tae Hee à rêver de pouvoir cumuler les deux, vie privée et professionnelle pleinement remplie. C'est sur son lieu de travail qu'elle va finalement rencontrer Bong Jun Soo. Si ce dernier a eu une relation passée avec une autre de ses collègues (avec laquelle Tae Hee est déjà à couteaux tirés), leur histoire - un amour qui n'a rien de passionnelle, mais apparaît plus comme une relation saine et confortable - les conduit en moins d'un épisode devant l'autel.

Seulement, loin d'être un achèvement, les problèmes ne font que commencer... Au travail, comme à la maison. Ne se sont-ils pas mariés trop vite, préoccupés qu'ils étaient par une situation stable ? Chacun pourra-t-il réellement faire les compromis nécessaires pour s'adapter à l'autre ?

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Si j'avais initialement été intriguée par la lecture du synopsis, c'est pourtant un autre aspect de Queen of Reversals qui m'a d'abord séduite dès les premières minutes, et littéralement happée dans un récit pourtant encore balbutiant : il s'agit de l'extrême énergie dégagée par son écriture. Bénéficiant d'un style très direct, qui ne laisse pas de place à des tergiversations inutiles, la série se réapproprie tous les codes scénaristiques classiques de la romance sud-coréenne, tout en y distillant une sacrée vitalité et une dynamique communicative. Certes, ce rythme effréné se justifie particulièrement pour le premier épisode qui nous expédie en une petite heure ce que tout drama coréen normalement constitué mettrait une série entière à concrétiser. Mais dans les manières et les propos très directs des uns et des autres, plus qu'une simple commodité narrative, c'est surtout un style propre que Queen of Reversals se découvre. Envisageant ses intrigues avec une étonnante franchise décomplexée, n'hésitant pas à verser dans la comédie, elle s'impose comme une fiction très rafraîchissante, non en jouant sur la corde habituelle de l'innocence diffuse et touchante, si chère aux k-dramas, mais plus dans sa façon sans artifice de mettre en scène des relations, certes compliquées, mais absolument pas alambiquées.

Adoptant une approche finalement plus pragmatique que romantique, le téléspectateur se découvre une proximité presque instinctive avec les situations décrites et les problématiques posées. Ce qui tranche et fait finalement une part de l'originalité de la série, c'est qu'à la différence des comédies romantiques sud-coréennes traditionnelles, qui vont pleinement jouer et capitaliser sur l'affectif du téléspectateur, dans Queen of Reversals, c'est plutôt sur la situation en elle-même que se concentre l'intérêt du téléspectateur. Peut-être est-ce dû à une écriture qui, tout en étant très aiguisée et aimant cultiver un certain décalage, semble dans le même temps assez mature. Ce n'est pas un de ces dramas qui permettra au téléspectateur de fondre devant tel ou tel personnage. Car, finalement, le couple principal, tout en ne provoquant aucune aversion, ne nous prend pas non plus particulièrement par les sentiments. Mais à défaut de nous aveugler dans un émotionnel de circonstances (registre où une série comme Coffee House aura excellé cette année), Queen of Reversals va finalement nous gagner par son histoire. Et c'est déjà en soi une victoire.

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En effet, outre ce style dont la spontanéité permet à la série de bénéficier d'une plaisante sobriété, son second atout réside tout simplement dans son concept. Certes, l'originalité du traitement du thème principal ou la subtilité des mises de scène ne sont pas les priorités de Queen of Reversals. Elle n'hésitera pas non plus à céder à quelques facilités scénaristiques pour le bien de l'avancement de son intrigue. Mais si l'évolution de Tae Hee, passant de la carriériste pré-formatée à la femme qui prend soudain conscience qu'elle ne veut pas finir seule, peut sembler au premier abord assez abrupte, l'ensemble jouit d'une telle dynamique que le téléspectateur n'a aucune peine à la suivre. Se concentrant plutôt sur cette crainte lancinante et communément partagée de la solitude - qui peut d'ailleurs expliquer cette précipitation initiale du couple principal - , la série joue pleinement sur la dualité de sa figure centrale. Après avoir volontairement forcé jusqu'à la caricature les traits des deux extrêmes de ces comportements - entre travail et couple -, le second épisode permet à la série de dépasser ce cadre presque manichéen de départ pour esquisser ce qui va finalement constituer la problématique principale : la conciliation des deux est-elle possible ?

De manière plus subtile et dosée qu'il n'y paraîtrait a prori, c'est une réflexion sur les ambivalences de nos rapports entre ces idéaux, possiblement antagonistes, du professionnel et du personnel, qui s'esquisse à travers la figure centrale. Le premier épisode constitue une étape narrative nécessaire : après avoir souligné à l'excès combien chaque choix de vie semble se rattacher à des comportements opposés, Queen of Reversals opère une synthèse en mettant en exergue les conflits internes de Tae Hee, qui prouve qu'elle n'entend aucunement abandonner l'un ou l'autre. La fausse impression initiale d'un possible cloisonnement entre ces deux vies est rapidement dépassée. Le principe de réalité rattrape le couple. C'est un nouvel équilibre que Tae Hee doit trouver, et ce, en dépit d'une assise professionnelle qui se dérobe. Car au-delà du plan personnel, c'est le cadre social, et ses préconceptions, qui vient complexifier l'ensemble. La série dresse en effet le portrait sans complaisance d'un milieu professionnel machiste, où celles qui veulent réussir doivent faire un choix.

A la question du cumul de ces deux objectifs, se rajoute en plus un autre aspect que l'on pressent déjà dès le second épisode : l'union presque excessivement pragmatique de deux êtres, sans doute plus poussés par la crainte de la solitude que par leur amour réciproque, peut-elle survivre à tous ces obstacles ? Reprenant le processus relationnel à l'envers, c'est peut-être après le mariage que les deux jeunes vont finalement apprendre à se connaître... et à tester la solidité de leurs sentiments.   

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Sur la forme, Queen of Reversals bénéficie d'une réalisation assez traditionnelle, sans valeur ajoutée particulière. Cependant, elle n'hésite pas non plus à dynamiser certaines mises en scène, jouant sur de petits effets de style cartoonesques pour accentuer l'émotionnel de certains moments-clés ou introduire des décalages plus humoristiques et léger dans une tonalité d'ensemble assez sérieuse. Ce minimalisme agrémenté de passages plus proches des comédies romantiques classiques permet au drama de pleinement s'inscrire dans les deux tableaux qu'il s'est fixé : son allure plus mature ne signifie pas qu'il doive sacrifier le registre déluré et faussement ingénu de ce genre télévisuel, satisfaisant ainsi tous ses téléspectateurs.

Enfin, concernant le casting, comme je l'ai dit, Queen of Reversals a la particularité - et le mérite - de parvenir à passer outre les réserves que je pourrais a priori formuler à son sujet. Si Kim Nam Joo (Queen of Housewives) rentre rapidement dans la peau d'un personnage peut-être plus à l'aise et naturel dans le côté autoritaire et maîtrisé de la carriériste que dans le volet fleur bleue de l'amoureuse, je ne pense pas arriver à jamais véritablement adhérer au jeu de Jung Joon Ho (Last Scandal, IRIS), qui incarne son mari. Je n'ai pas été séduite, mais il ne m'a cependant pas non plus dérangé. Tant que l'intérêt du téléspectateur pour l'intrigue n'en pâtit pas, cela reste donc anecdotique. A leurs côtés, Chae Jung Ahn (Coffee Prince, Cain and Abel, Emperor of the Sea) joue le rôle de la rivale, dont la concurrence très personnelle avec Hae Tee s'exerce sur tous les plans, professionnel comme privé. Ha Yoo Mi (Cain And Abel) incarne la froide personnalité de l'ancienne mentor. Enfin, Park Shi Hoo (Iljimae, Prosecutor Princess) est introduit au cours du second épisode, en incarnation d'une des figures les plus classiques de ce genre de drama sud-coréen : le fils prodigue d'une riche famille qui a encore beaucoup à apprendre pour mettre de l'ordre dans son sens des priorités.

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Bilan : Construite autour d'une thématique des rapports entre professionnel et personnel somme toute classique, mais qui trouve toujours un écho actuel particulier, Queen of Reversals séduit l'attention du téléspectateur par son style direct et une tonalité d'ensemble finalement très décomplexée, entre drama et humour. Bénéficiant d'un rythme de narration rapide, qui ne laisse pas place à des tergiversations inutiles, l'écriture de la série se joue des clichés du genre pour se révéler plus mature et réfléchie qu'il n'y paraitrait au premier abord. Insistant sur l'ambivalence et la difficulté des arbitrages de son personnage principal, en filigrane, par petites touches, s'esquisse le portrait d'une génération active moderne qui n'estime plus que ces deux idéaux doivent automatiquement s'exclure l'un, l'autre. Des jeunes adultes qui sont désormais le produit d'une société qui leur a appris à vouloir tendre aux deux ; même si cette dernière ne semble pas toujours prête à dépasser ses préjugés et valeurs traditionnelles.

Plaisante à suivre, faisant preuve d'un dynamisme contagieux et communicatif, Queen of Reversals débute donc sur de solides bases qu'il lui reste donc à faire fructifier. A suivre !


NOTE : 6,75/10


La bande-annonce de la série :

 


La chanson principale de l'OST :


13/11/2010

[TV Meme] Day 13. Favorite childhood show.

Ce jour du TV Meme m'a posé un irréductible problème d'interprétation. Dans sa période considérée tout d'abord, comment comprendre le terme "enfance" ? Mais aussi pour savoir à quel type de "show" devait-on faire référence : seulement les séries, ou bien fallait-il inclure les dessins animés ? Un rapide tour d'horizon sur la toile m'aura appris que chacun a adapté suivant ses particularités ce jour du TV Meme. Si bien qu'en ce qui me concerne, restant toujours strictement dans le domaine des séries télévisées "live", j'ai décidé de considérer arbitrairement que l'enfance s'étendait jusqu'à 10 ans. La question était donc de savoir quelles séries je pouvais regarder à une époque dont, je l'avoue, il me reste surtout des souvenirs très flous pas forcément rigoureusement chronologiques.

Quelle fut donc ma série préférée avant l'âge de 10 ans ?

Quand j'ai progressivement dépassé le stade des seuls dessins animés, ce fut d'abord pour des séries plus anciennes. La télévision n'étant pas la bienvenue à la maison, c'était de manière sporadique que j'entrevoyais cette culture. Je me rappelle de midis passés devant La petite maison dans la prairie (repère inaltérable qui transcende les générations). Mon père ayant vaguement pris en charge une esquisse d'éducation téléphagique indirecte, il entreprit de redécouvrir avec moi les années 50-60 : de  Zorro aux Aventures de Rintintin, en passant par Au nom de la loi, ce furent donc mes premières séries télévisées. En résumé, les fondations de ma téléphagie furent basées dans le Far West..

Parallèlement, m'émancipant peu à peu, je me souviens que j'éprouvais déjà une certaine fascination pour les aventures télévisées lointaines. Aussi loin que je puisse remonter, le premier gros coup de coeur téléphagique qui m'est resté en mémoire est une mini-série que nous avions eu la bonne idée d'enregistrer sur une VHS que j'ai longtemps chérie, et qui se nommait Deux ans de vacances. Une adaptation d'un roman de Jules Verne que j'ai dû regarder jusqu'à en connaître les moindres dialogues. Parmi mes autres références de l'époque, il y avait également Rémi sans famille (la mini-série, pas le dessin animé).


Le thème musical du générique Deux ans de vacances (1974) :

La version des paroles est tchèque, mais la vidéo propose quelques images de la série.
Le générique français était le suivant : Lien vidéo.


Cependant, ma série préférée d'avant mes 10 ans est à rechercher dans les fictions contemporaines à cette période. A l'époque, les séries phares du milieu des années 90 (Lois & Clark et autres Highlander) n'avaient pas encore pris leurs quartiers sur M6, mais c'est pourtant sur cette chaîne que j'ai découvert, par moi-même, la première série pour laquelle j'allais volontairement abréger mes nuits (soit le symptôme typique d'une téléphagie en gestation). Une série qui a pu me faire lever aux aurores à la maison certains jours, qui m'a appris les rudiments du décryptage de programme télé pour en suivre la diffusion parfois un peu aléatoire, et qui m'a même fait comprendre un certain nombre de ressorts des adaptations littéraires à la télévision, puisque tous les romans de Walter Farley figuraient depuis bien longtemps dans ma bibliothèque...

N'empêche que, j'aurais été mes parents, je me serais sans doute méfiée dès ce moment-là des risques de glissements téléphagiques de leur fille.

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L'étalon noir (The Adventures of the Black Stallion )

(1990-1993)

 


Il ne me reste de cette série que quelques fugaces images de scènes hors contexte et surtout une indéfinissable et profonde nostalgie, commune à toutes ces fictions qui ont bercé et marqué nos premières années de téléphagie et de conscience balbutiantes. J'éprouve toujours un petit pincement au coeur lorsque les paroles de la chanson du générique - que je connais encore intégralement - retentissent.

Sans doute mon attrait pour cette histoire d'amitié, pour cette aventure profondément humaine, fut pour partie conjoncturel, finalement reflet de goûts d'une confondante banalité. Le début des années 90, c'était l'époque où, dans mes lectures, je dévorais Mon amie Flicka, L'herbe verte du Wyoming et autre Crin-Blanc. J'ai aussi pratiqué l'équitation pendant plusieurs années. L'Etalon Noir avait en plus l'avantage d'être diffusé à un des rares moments où je pouvais prendre le contrôle de la télévision... Nous étions donc faits pour nous recontrer.

Au final, j'en garde de tendres souvenirs et presque une certaine mélancolie, ne regrettant pas un seul instant qu'elle m'ait accompagnée en ces prémices - indispensables en bien des façons - d'une passion pour les séries qui se confirmera dans les années qui suivirent.

12/11/2010

(UK) Spooks (MI-5) : series 9, episode 8 (Finale) - Bilan

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Cette semaine a vu se clôturer en Angleterre diverses séries qui auront accompagné, bon gré, mal gré, mon automne téléphagique. L'heure est au bilan, contrasté il faut bien le dire. Avant d'essayer de partager tout l'enthousiasme qu'a su générer en moi celle qui fut la meilleure nouveauté anglo-saxonne de la rentrée, Downton Abbey, commençons sans doute par le sujet qui fâche le plus. Parce qu'il est toujours triste d'assister au délitement d'une série que l'on aime sincèrement.

Lundi dernier s'est terminée la neuvième saison de Spooks sur BBC1. Ce dernier épisode n'aura rien sauvé, s'inscrivant dans la droite lignée des faiblesses qui auront lourdement handicapé la série cette année. Si je me suis presque demandée s'il n'existait pas une forme de malédiction pesant sur les saisons correspondant à un chiffre multiple de 3 (les saisons 3 et 6 avaient jusqu'à présent étaient celles que j'avais le moins appréciées), j'ai peur que le diagnostic ne soit plus grave que des signes numérologiques. Si j'aime et aimerai toujours profondément cette série, n'est-elle pas arrivée à un moment où il lui conviendrait de tirer dignement sa révérence, au risque sinon de se perdre définitivement ?

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Le fil rouge de la saison aura, cette fois-ci, été interne au MI-5. Pas de conspiration internationale à stopper, ni de vastes complots à mettre à jour. Seulement la lente et douloureuse implosion, rapidement inéluctable, de la section D. Car cette saison 9 aura été celle de la descente aux enfers pour un des personnages principaux : Lucas North. Ou du moins pour celui que l'on croyait être Lucas North. Le coup de maître des scénaristes de Spooks aura été de réussir à détruire en huit petits épisodes ce qu'ils étaient fragilement et méticuleusement parvenus à construire en introduisant ce personnage. Lorsque ce dernier était arrivé, il y a deux saisons, dire que j'étais sceptique était un euphémisme. Je n'ai jamais caché ne pas être la plus grande fan de Richard Armitage (contrairement à la croyance commune, non, je n'aime pas tous les acteurs britanniques que je croise dans le petit écran) ; et, à la manière de Rupert Penry-Jones en début de saison 3, il venait remplacer un personnage (et un acteur) que j'appréciais beaucoup. Il ne faut jamais sous-estimer le sentimentalisme du téléphage. Pourtant, la solidité de la saison 7 - une des plus abouties que la série nous ait offerte - et l'installation globale de Lucas North m'auront la première agréablement surprise et pleinement convaincue.

C'est donc avec une certaine amertume devant ce spectacle semblable à une trahison scénaristique à retardement, que j'ai assisté à la déconstruction proposée par cette saison 9. Car, paradoxalement, l'intrigue de cette année se sera développée en saccageant minutieusement tout le travail mené au cours des deux dernières saisons. Or, en sacrifiant ainsi volontairement toute cohérence narrative pour céder à l'attrait clinquant et dramaturgique de la construction artificielle d'une pseudo-intrigue détruisant l'image d'un de ses personnages centraux, c'est l'âme de Spooks que les scénaristes ont également égaré en cours de route. J'aurais aimé pouvoir dire avoir ressenti la moindre émotion lors de cette confrontation finale sur le toit. J'aurais souhaité pouvoir comprendre l'empathie de Ruth pour un homme qui s'est finalement révélé être un étranger. J'aurais eu envie d'être touchée, même légèrement, par le conflit interne, auto-destructeur, de Lucas. Il n'en a rien été. De cette sortie sans panache n'est restée que la désagréable impression d'artificialité d'une intrigue qui a toujours sonné trop fictive et creuse pour que l'on y adhère. Il était simplement impossible de s'investir émotionnellement dans une histoire qui n'avait pas de sens ; car, quoiqu'en pensent les scénaristes, ils ne sont pas omnipotents au point de pouvoir faire table rase du passé en entamant la saison 9 d'une série.

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Tout au long de ces huit épisodes, une question m'a taraudé l'esprit : pourquoi avoir pris le risque d'une telle redistribution des cartes a priori contre-nature ? Il ne s'agissait pas d'une trahison pour un idéal ou une somme d'argent. Non, il s'agissait de détruire toutes les fondations d'un personnage. Si on regarde l'évolution passée de Spooks, on constate que la saison 7 a constitué une apogée pour ce qui est de l'exploitation d'un fil rouge représentant une menace internationale. La saison 8 aura tenté, avec plus de maladresses et moins de succès, de reprendre les mêmes ingrédients. Les scénaristes se sont-ils dits que, finalement, l'élément à retenir de la saison 7 pouvait être plutôt l'implosion de la section D avec un de ses membres s'en dissociant ? Mais cette année, outre ce point de départ erroné, l'inconsistance de l'écriture de la série aura achevé de dénaturer l'ensemble. Prenons simplement un des exemples les plus révélateurs de la réflexion inachevée des scénaristes : le rappel de Malcolm, vaguement entrevu le temps d'une poignée de scènes dont je cherche encore l'utilité et la raison, autre que jouer sur une basse fibre nostalgique qui aveuglerait le téléspectateur.

Evoquer Malcolm, avec les souvenirs des "good old days" que cela implique, amène à soulever une autre faiblesse, qui n'est certes pas propre à cette saison spécifiquement : le manque d'esprit de groupe animant la section D. Spooks a toujours su renouveler ses effectifs avec un côté impitoyable qui a pu nous faire nous ronger les sangs plus d'une fois. Sans forcément aspirer à l'ambiance un peu utopique qui régnait aux débuts de la série, il manque désormais à à la série - c'était également le cas l'an passé - une véritable union en son sein qui permettrait d'humaniser ses personnages. En liquidant des figures clés, les saisons 7 et 8 auront atteint des intensités dramatiques fascinantes, mais auront privé Spooks d'une dimension humaine dont elle ne peut faire l'économie. Certes, il y a toujours Harry et Ruth qui auront sauvé bien des scènes cette année mais, même eux finissent par tourner en rond. Parmi les nouveaux introduits en début de saison, le personnage de Beth aura brillé par sa fadeur et son inconsistance. Dimitri aura montré plus de potentiel, mais n'aura pas été suffisamment exploité. Si bien qu'en plus de ne pas être parvenue à proposer une histoire solide sur le fond, cette saison 9 aura confirmé l'incapacité de Spooks à renouer avec l'atmosphère et l'esprit d'équipe qui ont pu constituer un des attraits, peut-être plus implicite, mais tout aussi important, de la section D.   

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Bilan : Cette saison 9 m'a considérablement déroutée et, quelque part, fâchée avec les scénaristes de Spooks. Si la plume de cette review a été trempée dans l'encre amer d'un dépit profond, c'est avant tout parce que j'aime cette série. Certes je reconnais qu'il serait excessif de tout rejeter en bloc dans les épisodes de cette année. Si l'arc d'ensemble est à oublier, certaines histoires auront bien eu ce parfum caractéristique, désormais un peu éventé, qui agit comme un rappel teinté de nostalgie. Cependant c'est désormais vers une conclusion que j'aimerai voir la série s'orienter. Une vraie fin qui renouerait avec l'esprit de Spooks, non cette caricature facile et forcée à laquelle les scénaristes ont trop souvent cédé cette année. Peut-être est-il temps de refermer un chapitre qui restera majeur dans la fiction britannique des années 2000.


NOTE : 5,5/10


Le générique de cette saison 9 :