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17/11/2010

(K-Drama / Pilote) Queen of Reversals : arbitrage compliqué entre carrière professionnelle et vie personnelle


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Après une escapade japonaise des plus intéressantes, il était temps de retourner en Corée du Sud en ce troisième mercredi asiatique du mois de novembre, afin de s'intéresser aux dernières séries du pays du Matin Calme que j'avais un peu délaissées dernièrement. Ce week-end, je me suis donc arrêtée sur les diverses nouveautés sorties depuis la mi-octobre, en quête d'un petit coup de coeur, ou du moins d'un drama dont les débuts parviendraient plus particulièrement à aiguiser ma curiosité.

Seriez-vous surpris d'apprendre que, tout compte fait, défiant quelque peu mes attentes (mais je suis coutumière du fait), ce n'est ni Daemul, ni Mary Stayed Out All Night (dont la légèreté volatile a fini par faire évaporer mon attention) qui auront retenu mon intérêt téléphagique, mais les premiers épisodes d'une nouvelle série, diffusée depuis le 18 octobre 2010 sur MBC : Queen of Reversals ? Alors même que ce drama avait l'obstacle d'avoir pour lead-in masculin un acteur que j'aime fort peu, finalement, par l'énergie et l'efficacité d'une narration qui ne tergiverse pas, j'ai lancé le second épisode sans hésiter et ait fini la soirée (quasi) conquise. Sans être une suite directe de Queen of Housewives, les deux séries restent quand même liées dans leur inspiration ; cependant, n'ayant pas eu l'occasion de regarder la première l'an dernier, je vais m'abstenir de la moindre référence. 

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Dans le domaine très (voire excessivement) riche des comédies romantiques sud-coréennes, Queen of Reversals investit la thématique de la difficile conciliation - et du choix peut-être nécessaire - entre vie personnelle épanouie et carrière professionnelle rondement menée. Sa spécificité tient à ce que la série va choisir de se concentrer non sur une énième progressive construction d'une relation en amont de toute concrétisation relationnelle, mais, au contraire, sur les conséquences ultérieures causées par la vie de couple, avec les difficultés et ajustements nécessaires pour s'adapter aux exigences du travail. Pour en arriver à ce stade, le premier épisode de Queen of Reversals condense, en une petite heure, toutes les étapes qui requièrent habituellement, au terme de mille et un rebondissements, au moins 20 épisodes dans un k-drama classique pour obtenir une belle concrétisation : à savoir le passage de la première rencontre, petit flirt innocent, jusqu'à l'autel où est célébré le mariage. Pour la série, l'enjeu est ailleurs : la vie après cette union se résume-t-elle bien à la sacro-sainte conclusion "et ils vécurent heureux..." ? Pas si sûr.

Directrice d'un département marketing dans une entreprise importante, Hwang Tae Hee est une professionnelle accomplie. Carriériste assumée, elle s'élève aux responsabilités grâce au soutien de sa mentor et supérieure hiérarchique, Han Song Yi, qui voit en Tae Hee une plus jeune version d'elle-même, qu'elle pourra conduire vers les sommets tant que la jeune femme saura placer ses priorités dans le bon ordre : pourquoi s'embêter du poids d'une famille alors que par l'indépendance financière que permet ce job, elle peut profiter pleinement de la vie sans avoir à faire de compromis constants. Seulement Tae Hee, qui règne en "Mishil" (cf. Queen SeonDeok) sur son département, n'est pas aussi réfractaire à l'idée de partager sa vie avec quelqu'un. La pression parentale et sociale (ciel, 32 ans déjà !), mais aussi les circonstances et cette peur d'une vie solitaire où elle finirait aussi aigrie que sa Song Yi, vont conduire à Tae Hee à rêver de pouvoir cumuler les deux, vie privée et professionnelle pleinement remplie. C'est sur son lieu de travail qu'elle va finalement rencontrer Bong Jun Soo. Si ce dernier a eu une relation passée avec une autre de ses collègues (avec laquelle Tae Hee est déjà à couteaux tirés), leur histoire - un amour qui n'a rien de passionnelle, mais apparaît plus comme une relation saine et confortable - les conduit en moins d'un épisode devant l'autel.

Seulement, loin d'être un achèvement, les problèmes ne font que commencer... Au travail, comme à la maison. Ne se sont-ils pas mariés trop vite, préoccupés qu'ils étaient par une situation stable ? Chacun pourra-t-il réellement faire les compromis nécessaires pour s'adapter à l'autre ?

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Si j'avais initialement été intriguée par la lecture du synopsis, c'est pourtant un autre aspect de Queen of Reversals qui m'a d'abord séduite dès les premières minutes, et littéralement happée dans un récit pourtant encore balbutiant : il s'agit de l'extrême énergie dégagée par son écriture. Bénéficiant d'un style très direct, qui ne laisse pas de place à des tergiversations inutiles, la série se réapproprie tous les codes scénaristiques classiques de la romance sud-coréenne, tout en y distillant une sacrée vitalité et une dynamique communicative. Certes, ce rythme effréné se justifie particulièrement pour le premier épisode qui nous expédie en une petite heure ce que tout drama coréen normalement constitué mettrait une série entière à concrétiser. Mais dans les manières et les propos très directs des uns et des autres, plus qu'une simple commodité narrative, c'est surtout un style propre que Queen of Reversals se découvre. Envisageant ses intrigues avec une étonnante franchise décomplexée, n'hésitant pas à verser dans la comédie, elle s'impose comme une fiction très rafraîchissante, non en jouant sur la corde habituelle de l'innocence diffuse et touchante, si chère aux k-dramas, mais plus dans sa façon sans artifice de mettre en scène des relations, certes compliquées, mais absolument pas alambiquées.

Adoptant une approche finalement plus pragmatique que romantique, le téléspectateur se découvre une proximité presque instinctive avec les situations décrites et les problématiques posées. Ce qui tranche et fait finalement une part de l'originalité de la série, c'est qu'à la différence des comédies romantiques sud-coréennes traditionnelles, qui vont pleinement jouer et capitaliser sur l'affectif du téléspectateur, dans Queen of Reversals, c'est plutôt sur la situation en elle-même que se concentre l'intérêt du téléspectateur. Peut-être est-ce dû à une écriture qui, tout en étant très aiguisée et aimant cultiver un certain décalage, semble dans le même temps assez mature. Ce n'est pas un de ces dramas qui permettra au téléspectateur de fondre devant tel ou tel personnage. Car, finalement, le couple principal, tout en ne provoquant aucune aversion, ne nous prend pas non plus particulièrement par les sentiments. Mais à défaut de nous aveugler dans un émotionnel de circonstances (registre où une série comme Coffee House aura excellé cette année), Queen of Reversals va finalement nous gagner par son histoire. Et c'est déjà en soi une victoire.

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En effet, outre ce style dont la spontanéité permet à la série de bénéficier d'une plaisante sobriété, son second atout réside tout simplement dans son concept. Certes, l'originalité du traitement du thème principal ou la subtilité des mises de scène ne sont pas les priorités de Queen of Reversals. Elle n'hésitera pas non plus à céder à quelques facilités scénaristiques pour le bien de l'avancement de son intrigue. Mais si l'évolution de Tae Hee, passant de la carriériste pré-formatée à la femme qui prend soudain conscience qu'elle ne veut pas finir seule, peut sembler au premier abord assez abrupte, l'ensemble jouit d'une telle dynamique que le téléspectateur n'a aucune peine à la suivre. Se concentrant plutôt sur cette crainte lancinante et communément partagée de la solitude - qui peut d'ailleurs expliquer cette précipitation initiale du couple principal - , la série joue pleinement sur la dualité de sa figure centrale. Après avoir volontairement forcé jusqu'à la caricature les traits des deux extrêmes de ces comportements - entre travail et couple -, le second épisode permet à la série de dépasser ce cadre presque manichéen de départ pour esquisser ce qui va finalement constituer la problématique principale : la conciliation des deux est-elle possible ?

De manière plus subtile et dosée qu'il n'y paraîtrait a prori, c'est une réflexion sur les ambivalences de nos rapports entre ces idéaux, possiblement antagonistes, du professionnel et du personnel, qui s'esquisse à travers la figure centrale. Le premier épisode constitue une étape narrative nécessaire : après avoir souligné à l'excès combien chaque choix de vie semble se rattacher à des comportements opposés, Queen of Reversals opère une synthèse en mettant en exergue les conflits internes de Tae Hee, qui prouve qu'elle n'entend aucunement abandonner l'un ou l'autre. La fausse impression initiale d'un possible cloisonnement entre ces deux vies est rapidement dépassée. Le principe de réalité rattrape le couple. C'est un nouvel équilibre que Tae Hee doit trouver, et ce, en dépit d'une assise professionnelle qui se dérobe. Car au-delà du plan personnel, c'est le cadre social, et ses préconceptions, qui vient complexifier l'ensemble. La série dresse en effet le portrait sans complaisance d'un milieu professionnel machiste, où celles qui veulent réussir doivent faire un choix.

A la question du cumul de ces deux objectifs, se rajoute en plus un autre aspect que l'on pressent déjà dès le second épisode : l'union presque excessivement pragmatique de deux êtres, sans doute plus poussés par la crainte de la solitude que par leur amour réciproque, peut-elle survivre à tous ces obstacles ? Reprenant le processus relationnel à l'envers, c'est peut-être après le mariage que les deux jeunes vont finalement apprendre à se connaître... et à tester la solidité de leurs sentiments.   

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Sur la forme, Queen of Reversals bénéficie d'une réalisation assez traditionnelle, sans valeur ajoutée particulière. Cependant, elle n'hésite pas non plus à dynamiser certaines mises en scène, jouant sur de petits effets de style cartoonesques pour accentuer l'émotionnel de certains moments-clés ou introduire des décalages plus humoristiques et léger dans une tonalité d'ensemble assez sérieuse. Ce minimalisme agrémenté de passages plus proches des comédies romantiques classiques permet au drama de pleinement s'inscrire dans les deux tableaux qu'il s'est fixé : son allure plus mature ne signifie pas qu'il doive sacrifier le registre déluré et faussement ingénu de ce genre télévisuel, satisfaisant ainsi tous ses téléspectateurs.

Enfin, concernant le casting, comme je l'ai dit, Queen of Reversals a la particularité - et le mérite - de parvenir à passer outre les réserves que je pourrais a priori formuler à son sujet. Si Kim Nam Joo (Queen of Housewives) rentre rapidement dans la peau d'un personnage peut-être plus à l'aise et naturel dans le côté autoritaire et maîtrisé de la carriériste que dans le volet fleur bleue de l'amoureuse, je ne pense pas arriver à jamais véritablement adhérer au jeu de Jung Joon Ho (Last Scandal, IRIS), qui incarne son mari. Je n'ai pas été séduite, mais il ne m'a cependant pas non plus dérangé. Tant que l'intérêt du téléspectateur pour l'intrigue n'en pâtit pas, cela reste donc anecdotique. A leurs côtés, Chae Jung Ahn (Coffee Prince, Cain and Abel, Emperor of the Sea) joue le rôle de la rivale, dont la concurrence très personnelle avec Hae Tee s'exerce sur tous les plans, professionnel comme privé. Ha Yoo Mi (Cain And Abel) incarne la froide personnalité de l'ancienne mentor. Enfin, Park Shi Hoo (Iljimae, Prosecutor Princess) est introduit au cours du second épisode, en incarnation d'une des figures les plus classiques de ce genre de drama sud-coréen : le fils prodigue d'une riche famille qui a encore beaucoup à apprendre pour mettre de l'ordre dans son sens des priorités.

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Bilan : Construite autour d'une thématique des rapports entre professionnel et personnel somme toute classique, mais qui trouve toujours un écho actuel particulier, Queen of Reversals séduit l'attention du téléspectateur par son style direct et une tonalité d'ensemble finalement très décomplexée, entre drama et humour. Bénéficiant d'un rythme de narration rapide, qui ne laisse pas place à des tergiversations inutiles, l'écriture de la série se joue des clichés du genre pour se révéler plus mature et réfléchie qu'il n'y paraitrait au premier abord. Insistant sur l'ambivalence et la difficulté des arbitrages de son personnage principal, en filigrane, par petites touches, s'esquisse le portrait d'une génération active moderne qui n'estime plus que ces deux idéaux doivent automatiquement s'exclure l'un, l'autre. Des jeunes adultes qui sont désormais le produit d'une société qui leur a appris à vouloir tendre aux deux ; même si cette dernière ne semble pas toujours prête à dépasser ses préjugés et valeurs traditionnelles.

Plaisante à suivre, faisant preuve d'un dynamisme contagieux et communicatif, Queen of Reversals débute donc sur de solides bases qu'il lui reste donc à faire fructifier. A suivre !


NOTE : 6,75/10


La bande-annonce de la série :

 


La chanson principale de l'OST :