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23/04/2011

(Mini-série DAN) Edderkoppen (L'araignée) : un polar noir entre trafics et corruptions dans un pays à reconstruire

 
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Après avoir évoqué l'après Seconde Guerre Mondiale au Japon, mercredi, avec Fumou Chitai, je vous propose aujourd'hui de rester dans cette période mais de revenir en Europe, pour une critique d'ensemble d'une mini-série danoise intrigante, Edderkoppen (c'est-à-dire "L'araignée"). Mon exploration téléphagique au Danemark se poursuit sur des bases intéressantes, avec cette fois-ci, une fiction historique (oui, il ne m'aura pas fallu longtemps pour mettre la main sur une du genre !) au parfum enfumé et grisâtre, caractéristique des polars noirs se déroulant au milieu du XXe siècle.

Edderkoppen est une mini-série comportant 6 épisodes, d'une heure chacun environ. Elle fut diffusée sur la chaîne DR1, en 2000, rassemblant près de 2 millions de téléspectateurs (sur 5 millions d'habitants). Pour épicer l'ensemble, précisons également que son scénario est basé sur l'histoire vraie d'un syndicat du crime danois, même si l'adaptation est romancée et que la mini-série prend bien soin de préciser que, si elle s'inspire de certaines figures qui ont bien existé, elle reste une fiction. 

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Edderkoppen s'ouvre quelques années après la fin de la Seconde Guerre Mondiale, en 1949, à Copenhague. La ville, comme le pays tout entier, est encore en train de se reconstruire. Les blessures laissées par la guerre ne se sont pas refermées. Les actions des nouvelles institutions gouvernementales apparaissent toujours fragiles face à une économie balbutiante, où le rationnement des denrées perdure. Un marché noir conséquent s'est développé en parallèle. Ces trafics génèrent des revenus qui alimentent des réseaux souterrains, faisant la richesse de certains. A mesure que l'importance de ces derniers grandit, c'est une véritable toile d'araignée criminelle qui se tisse peu à peu dans Copenhague, avec la bénédiction d'officiers de police corrompus ou de connivence.

Dans cette même ville, Bjarne Maden est un jeune journaliste au Social-Democrat, encore plein de certitudes sur son métier et plus que désireux de faire ses preuves. Idéaliste refusant la moindre compromission avec une éthique à laquelle il tient, il entreprend de tenter d'exposer le marché noir dont il perçoit l'importance grandissante. Il soupçonne que se cache derrière ces activités un véritable syndicat du crime bien plus organisé que ce que les officiels veulent bien reconnaître. C'est avec une obstination où l'audace confine parfois à de l'inconscience que Bjarne va se lancer dans une sorte de croisade aux ramifications plus importantes qu'il n'aurait pu l'imaginer. En quête de la tête pensante, "l'araignée", il remonte une toile qui le conduit dans les hautes sphères dirigeantes du Danemark. A mesure qu'il progresse, les choses ne vont cesser de se complexifier pour le jeune homme, qui voit en plus son quotidien bouleversé par le retour des Etats-Unis de son frère, Ole, un ancien sympathisant nazi qui a fui le pays il y a des années.

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La réussite première d'Edderkoppen tient à l'ambition qui transparaît d'une mini-série qui entend exploiter une multitude de thématiques, proposant ainsi un contenu riche et diversifié. Nous plongeant dans les bas-fonds, c'est-à-dire plus précisément dans les coulisses officieuses de Copenhague, cette fiction se réapproprie avec succès les classiques codes narratifs du polar. Elle impose une ambiance noire, très 50s', invitant même des airs de jazz à venir bercer certaines scènes dans un style assez atypique pour une fiction danoise. La mini-série joue d'ailleurs sur cet aspect : dans l'esprit du téléspectateur, le parallèle avec un Chicago de la Prohibition ne serait presque pas déplacé. Mais ce qui fait cependant la valeur ajoutée d'Edderkoppen par rapport à d'autres fictions du genre, c'est que si criminels et société respectable se confondent, cela s'explique parce que nous nous situons sur ce champ de ruines à reconstruire qu'est l'après-guerre.

Car Edderkoppen, c'est aussi une série où l'on retrouve ce parfum un peu particulier d'une société qui a perdu ses repères et où, dans la confusion qui règne, tout est à rebâtir. Le retour du frère de Bjarne, qui avait eu dans les années 30 des sympathies nazies, permet de manière incidente de montrer que les choix passés cataloguent toujours les individus. Cependant la mini-série ne fait qu'effleurer ces thématiques sociales. Elle s'attache en revanche à mettre en lumière la façon dont cette "araignée du crime" que traque Bjarne s'est créée. La guerre a entraîné sur des sentiers loin de la légalité des hommes issus de milieux très différents. La Résistance a fondé des réseaux, elle a aussi su trouver ses ressources. Ses membres, officiels ou officieux, sont les rebâtisseurs de ce nouveau Danemark. Mais tous ne partagent pas la même vision du futur. Le retour à l'ordre et à la légalité n'est pas pour tous une priorité. Si ces tensions ne sont pas toujours précisément explicitées sur le moment, la résolution finale offrira à cette intrigue une dimension supplémentaire qui jette un autre éclairage sur l'ensemble de la mini-série.

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Cette atmosphère entre crime et après-guerre se révèle donc être un cocktail détonnant des plus intrigants. Cependant Edderkoppen bénéficie également, pour s'assurer de la pleine attention du téléspectateur, d'une intrigue qui se complexifie considérablement au fil des épisodes. Dans cette recherche qui nous plonge dans les dessous d'un groupe de la Résistance et des mythes qui ont pu l'accompagner, on se perd parfois un peu dans cette galerie d'individus louches et de noms qu'on ne retient pas toujours. Mais la mini-série parvient à maintenir une tension constante des plus appréciables et qui durera jusqu'à la fin. Si bien que, même si on devinera avant Bjarne quelles sont les réelles forces à l'oeuvre, le téléspectateur s'est trop attaché à la destinée du jeune homme et aux choix difficiles qu'il va devoir prendre pour vouloir brusquer les choses. Le puzzle se résoudra en temps voulu et de façon convaincante.

De plus, Edderkoppen n'a rien d'un polar froid déshumanisé. Au contraire, on y retrouve avec une intensité parfois même un peu trop poussée toutes les passions des relations humaines. Ces dernières sont d'ailleurs traitées avec plus ou moins d'habileté. La relation entre Bjarne et son frère, Ole, est décrite avec beaucoup d'ambivalence qui lui confère une touche d'authenticité supplémentaire. En dépit de l'adolescence nazie d'Ole, il y a un lien indéfectible qui semble les unir. Au-delà des valeurs différentes, des concurrences qui se créent parfois, ils restent deux frères qui ont plus ou moins conscience des limites à ne pas franchir avec l'autre et se soutiendront quand il le faudra. Je serais en revanche plus nuancée sur le personnage féminin, prétexte à décliner une ritournelle amoureuse un peu trop caricaturale et forcée pour que l'on y adhère, d'autant qu'elle occasionne des ruptures de rythme dispensables lors de certains passages un peu longs.

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L'atmosphère de polar noir des 50s' dans laquelle semble baigner Edderkoppen se retrouve sur la forme, par le biais d'une réalisation qui va utiliser à bon escient des teintes aux coloris noircis un peu froids. Dans ce décor typiquement enfumé où la cigarette est un ingrédient d'ambiance, l'esthétique d'ensemble renforce cette impression de reconstitution historique. Si quelques effets de style (les ralentis notamment) sont dispensables, le téléspectateur apprécie ces images qui correspondent parfaitement à la tonalité du récit proposé. De même, les musiques collent à l'époque et à la manière dont cette période nous est retranscrite à l'écran.

Enfin, Edderkoppen bénéficie d'un excellent casting qui n'est pas étranger au charme qui se dégage de la mini-série. J'y ai retrouvé pour mon plus grand plaisir un certain nombre de têtes déjà connues (mais bon, le petit écran danois est vraiment petit, d'où ce rapide sentiment de familiarité avec les acteurs que l'on y croise), à commencer par l'acteur principal, qui joue actuellement dans Den som Draeber : le toujours charmant Jakob Cedergren (Morden i Sandhamn, Harry & Charles). En jeune premier, journaliste encore idéaliste qui va peu à peu réaliser les forces et intérêts en jeu, il n'a pas son pareil et se révèle très convaincant. A ses côtés, les téléspectateurs qui ont suivi la saison 1 de Forbrydelsen reconnaîtront notamment Lars Mikkelsen (que l'on retrouve aussi à l'affiche de Den som Draeber), Bjarne Henriksen (Blekingegade, Lykke) ou encore Ben Mejding. On retrouve également Stine Stengade, Lars Bom, Birthe Neumann, Louis Mieritz, Flemming Enevold, Peter Steen, Troels Lyby, Max Hansen ou encore Lotte Andersen.

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Bilan : Derrière les codes narratifs qu'elle emprunte polar noir en nous plongeant dans la toile de trafics et de corruption tissée par un syndicat du crime, Edderkoppen bénéficie aussi de ce parfum caractéristique de la fiction d'après-guerre. Au-delà du chaos persistant dans lequel est plongée Copenhague, il y a en toile de fond un retour progressif à la légalité pour des membres de la Résistance qui ont longtemps oeuvrer légitimement en marge de la loi. L'histoire est complexe, mais le dénouement final dénote une maîtrise d'ensemble des plus convaincantes. Ainsi Edderkoppen est une fiction à multiples facettes, prenante par ses intrigues et attachante par son personnage principal. Une mini-série que je ne regrette donc pas d'avoir découverte.


NOTE : 7/10


La scène d'ouverture, suivie du générique :

08/04/2011

(Pilote DAN) Den som dræber (Those who kill / Traque en série) : du policier classique un peu trop froid


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Finalement, cette semaine aura été consacrée à la télévision danoise ! Après le bilan de la saison 1 de Forbrydelsen dimanche dernier, poursuivons aujourd'hui l'exploration de ce genre, souvent glacial mais cher au petit écran scandinave, le policier, avec le pilote d'une des dernières nouveautés en provenance du Danemark. Den som draeber (Those Who Kill) est une série actuellement en cours de diffusion, depuis le 13 mars 2011. Prévue pour une durée de 12 épisodes de 45 minutes (ou découpée en 6 épisodes de 90 minutes), elle doit normalement se conclure le 15 mai prochain.

D'après une idée originale de l'écrivaine Elsebeth Egholm, adaptée par le scénariste Stefan Jaworski, son premier épisode a été un succès d'audience incontestable, puisqu'il a réuni presque 1,5 millions de téléspectateurs danois devant leur petit écran le dimanche soir, avec des chiffres qui correspondent aux plus hauts scores de la chaîne pour une fiction danoise depuis décembre 2008. A noter qu'une déclinaison cinématographique de cet univers est également prévue, la sortie d'un film aura lieu au Danemark en septembre prochain.

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Construite sur les bases narratives d'un procedural show classique, 90 minutes étant consacrées à une même affaire, Den som draeber nous plonge dans le quotidien d'une unité de police spécialisée dans les homicides, avec en toile de fond le spectre de possibles serial killers. Si le service est dirigé par Magnus Bisgaard, c'est sur Katrine Ries que le récit va se concentrer. La jeune femme dispose d'un fort caractère, mais surtout de nerfs toujours à vif qui la rendent prompte à réagir instinctivement et très rapidement sur le terrain, comme l'illustrent les premières minutes de l'épisode.

C'est à une affaire particulièrement sordide que va être consacré ce pilote : la découverte des cadavres, enterrés suivant une mise en scène assez spéciale, de quatre femmes disparues au cours des six dernières années. La ritualisation du processus meurtrier s'affinant au fil des victimes, c'est sans nul doute l'oeuvre d'un serial killer. La police piétinant, Katrine n'hésite alors pas à s'adresser à un profiler. Contre l'avis de son supérieur, elle sollicite Thomas Schaeffer. Un choix qui prête à controverse au vu des antécédents de ce dernier, dont la collaboration avec la police s'est terminée dans de très mauvaises conditions. Mais s'il a désormais repris l'enseignement à l'université, les enquêtes réelles lui manquent trop pour qu'il décline bien longtemps l'offre de Katrine, en dépit des réticences de son épouse. 

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La tradition scandinave existant dans le domaine du policier, tout comme le savoir-faire l'accompagnant, n'est plus à démontrer. De la littérature au petit et au grand écran, les passerelles sont multiples et généralement bien maîtrisées. Mais le défi posé aux fictions actuelles est justement celui de savoir se renouveler et apporter une valeur ajoutée à ce genre désormais très balisé. Le pilote de Den som braeder relève difficilement le challenge de l'innovation, laissant finalement une impression assez mitigée. Calibré, il reprend des ficelles familières qui ont fait leur preuve et face auxquelles le téléspectateur ne saurait rester insensible. Exploitant ainsi cette figure toujours efficace du serial killer, intrigant par l'établissement de son profil psychologique comme par ses agissements, l'épisode sait aussi introduire des personnages faillibles et prompts à se laisser emporter par leurs enquêtes. Le duo formé par Katrine et Thomas a incontestablement du potentiel, avec une complémentarité naturelle évidente ; et ce, en dépit du sentiment de déjà vu que laisse la dynamique qui s'installe.

C'est d'ailleurs en partie par son classicisme que Den som braeder peine à trouver son identité. Indéniablement, la série respecte toutes les clauses du cahier des charges attaché au genre. Mais si sa recette a fait ses preuves, il lui manque ici le liant nécessaire pour faire la différence et prendre une dimension supplémentaire afin de s'imposer. L'univers créé manque d'épaisseur. Si l'amateur trouve facilement ses marques, l'histoire apparaît  unidimensionnelle, ne développant qu'un volet strictement policier, trop déshumanisé et sans relief. S'attachant à cultiver une atmosphère froide, parfois glaciale au sens propre du terme, l'épisode est tout entier dédié à la trame principale, ne prenant le temps de s'enrichir que de façon artificielle d'autres ingrédients qui lui auraient donné un équilibre plus consistant. Pour la suite, il apparaît notamment impératif de plus s'investir dans une dimension humaine qu'elle ne fait qu'effleurer : cela n'est pas insurmontable, puisque l'épisode pose quand même des bases intéressantes sur ce plan.

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Un peu trop froid sur le fond, Den som draeber l'est aussi sur la forme. Certes, les forêts et champs enneigés offrent un cadre glacial privilégié qui permet de poser une ambiance, et c'est toute la série qui se décline à travers ce filtre. Sans que la réalisation constitue une véritable valeur ajoutée sur laquelle la fiction capitalise vraiment, l'image est soignée et, surtout, ses teintes se révèlent toujours très épurées, qu'elles tendent vers des couleurs claires ou que l'on se trouve plongé dans l'obscurité. La bande-son s'avère en revanche assez peu inspirée : ne mettant pas en valeur la la narration, Den som draeber ne parvient jamais vraiment à en tirer parti.

Cependant, soulignons enfin que la série bénéficie d'un casting qui m'était a priori sympathique, même si le potentiel n'est peut-être pas pleinement exploité dans ce premier épisode. Si je ne connaissais pas Laura Bach, qui interprète l'inspectrice principale, j'avais plutôt apprécié Jakob Cedergren dans Morden i Sandhamn (même si cette mini-série policière est très dispensable), tandis que Lars Mikkelsen restera sans doute toujours associé à Forbrydelsen dans mon esprit. A leurs côtés, on retrouve également Lærke Winther Andersen et Frederik Meldal Nørgaard. (Je devine que si je poursuis plus avant mon exploration du petit écran danois, je vais facilement recroiser des têtes connues.)

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Bilan : Den som draeber est une série policière au sens le plus (trop?) traditionnel du terme, dotée une intrigue entièrement consacrée à la traque d'un criminel. L'enjeu n'est pas de savoir qui il est, mais bien de l'attraper à temps, ce qui permet à la série de jouer sur une tension psychologique appréciable. Cependant, le pilote se heurte à l'écueil d'une prévisibilité trop grande pour vraiment décoller. Ces 90 minutes s'avèrent globalement efficaces pour retenir l'attention du téléspectateur, mais il manque quelque chose. Il faudra non seulement que la suite sache faire preuve de plus d'inventivité, mais aussi d'une dimension humaine plus approfondie, pour donner à la série une chance de vraiment s'installer sur le long terme. 

Constituant apparemment un projet ambitieux de TV2, Den som draeber laisse donc entrevoir quelques éléments pas inintéressants, mais a indéniablement encore tout à prouver (et beaucoup d'aspects à améliorer) après ce pilote. Pour les amateurs du genre.


NOTE : 6/10


La bande-annonce de la série :