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28/10/2010

(UK) Whitechapel, series 2 : un polar noir étrangement intemporel

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Ce lundi soir s'achevait, sur ITV1, la saison 2 de Whitechapel. Comme la première saison, un succès public considérable qui fut diffusé durant l'hiver 2009 (je signale au passage qu'un an et demi d'écart entre deux saisons, c'est beaucoup trop long pour ma mémoire), elle fut en tout composée 3 épisodes, formant un seul arc narratif, et ramenant à la vie la légende d'une figure de l'histoire criminelle britannique. A la différence de la première saison, l'audience fut moins au rendez-vous, tout en restant très honorable. La série a cependant été dominée par sa concurrente directe programmée sur BBC1, Spooks (MI-5).

Pour le reste, Whitechapel reprenait les mêmes ingrédients qui avaient fait la spécificité et la réussite (certes, avec ses défauts et maladresses) de son précédent cycle, qui avait été consacré à Jack l'Eventreur (The Ripper). On y retrouve donc tant cette atmosphère assez fascinante, vaguement intemporelle, que la dimension humaine qui en avaient fait le piquant. Ne bénéficiant plus de l'effet de surprise de la première, cette saison 2 s'affranchit sans sourciller de certaines contraintes narratives qui peuvent laisser une impression mitigée. Pourtant, dans l'ensemble, il est difficile de ne pas se laisser happer par ce récit.

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Si la diffusion de la saison 1 remontait à plus d'un an et demi, c'est dans la continuité immédiate de celle-ci que s'ouvre cette seconde saison. Les conséquences et séquelles de l'affaire du copycat de Jack l'Eventreur sont encore visibles et les références à ces évènements parsèment tout l'arc. Cet héritage à assumer explique en partie la difficulté initiale à laquelle sont confrontés les scénaristes : réussir à introduire de façon crédible, et sans paraître sur-exploiter artificiellement le concept de base de Whitechapel, l'idée que, dans ce même quartier, des meurtres semblent, une nouvelle fois, être le fait de personnes se référant à d'anciennes gloires criminelles, et cherchant à se faire un nom. La série n'y parvient que de façon mitigée, s'empressant de repartir sur des bases similaires à l'excès, en faisant intervenir très tôt (peut-être un peu trop tôt) l'historien/documentariste qui les avait secondés dans leur précédente affaire. La légende des jumeaux Kray n'ayant pas forcément aussi bien traversé la Manche que Jack l'Eventreur, l'attrait mythique joue moins et il faut une partie du premier épisode pour véritablement se glisser dans les enjeux de la saison.

Les scénaristes se révèlent cependant plutôt astucieux. En effet, si c'est le cadavre, rejeté par la Tamise, d'un détenu échappé qui met les enquêteurs sur cette première piste qu'ils vont s'entêter à suivre jusqu'au bout, les transformations du paysage criminel londonien et le début d'évènements troublants remontent à plusieurs mois déjà. Et c'est en fait tout un quartier qui paraît vivre dans la peur au quotidien, confronté à une explosion de violences dont l'origine demeure protégée par une prudente loi du silence appliquée consciencieusement. Mais, à mesure que le DI Chandler et le DCI Miles, duo désormais parfaitement complémentaire, progressent dans leur investigations, ce sont des ramifications sans précédent, allant au-delà de  la rue et des gangs, qui se dévoilent peu à peu. Ils vont soudain se sentir bien seuls dans cette guerre qu'ils initient contre un véritable système de compromission criminelle qui s'est mis en place. Peuvent-ils vraiment lutter contre ces fantômes des "jumeaux Kray" ? Le prix à payer ne sera-t-il pas trop élevé ?

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Si cette saison 2 de Whitechapel laisse une impression ambivalente au téléspectateur, elle le doit au relatif manque de crédibilité de l'histoire mise en scène. Car il y a quand même une différence majeure dans la structure narrative par rapport à la saison 1. En effet, transposer l'oeuvre d'un serial killer d'un siècle à l'autre, hormis la prise en compte des progrès de la police scientifique, cela ne pose pas a priori de problème d'adaptation insurmontable. En revanche, tenter de faire revivre, en ce début de XXIe siècle, l'ambiance de la rue et du crime organisé des années 50 afin de consacrer des chefs de gangs d'un autre temps, c'est plus problématique. En un demi-siècle, c'est toute le réalité criminelle qui s'est profondément transformée. Pourtant, la série ne va pas hésiter à dépeindre un Londres de l'ombre quasi unifié sous la férule des Kray... Au-delà de cette homogénéité criminelle, le portrait de la police qui est dressé, aussi peu flatteur qu'il soit, renvoie également à des moeurs de compromission et de corruption dont les dynamiques émanent clairement d'une autre époque. Certaines scènes n'auraient ainsi pas dépareillé dans un épisode de Life on Mars.

Cependant, presque paradoxalement, si on peut lui reprocher ce côté irréel, vaguement déconnecté, c'est aussi cela qui fait de cette série une fiction policière à part. Car Whitechapel reste avant tout, plus que jamais dans cette seconde saison, un polar noir classieux, où règne une étrange intemporalité. Il y a comme un parfum diffus d'anachronisme latent, probablement recherché, qui exerce une véritable fascination. Peu importe finalement le manque de crédibilité de l'histoire. Les scénaristes ne demandent pas au téléspectateur de croire en la réalité de ce récit, mais simplement de se laisser happer par cette indéfinissable atmosphère décalée et en dehors du temps. En somme, par ses thématiques et sa narration, Whitechapel s'impose en prudente héritière des polars noirs se déroulant dans les troubles du milieu du XXe siècle. Le cadre est certes transposé de manière anachronique, mais l'attractivité du sujet demeure intacte. 

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Au-delà de cette question majeure relative à l'ambiance, l'autre réel point fort de Whitechapel, peut-être le plus solide, réside incontestablement dans ses personnages, ou plutôt dans la dynamique de son duo principal d'enquêteurs. Passés la rencontre et les ajustements des débuts, les voilà toujours aussi antinomiques, mais désormais beaucoup plus proches, recherchant tant bien que mal un équilibre précaire dans leur relation de travail. Ce qui a changé par rapport à la défiance de la saison 1, c'est qu'ils partagent à présent une certaine compréhension réciproque, des forces comme des faiblesses de l'autre. Si leurs clashs sont inévitables, leurs rapports n'en sont pas moins basés sur une confiance inébranlable.

Ce respect, plus ou moins perceptible suivant leurs échanges, les autorise à plus se dévoiler, conférant à leurs personnages une dimension humaine supplémentaire, plus touchante et personnelle, aux yeux du téléspectateur. Cet aspect est d'autant plus intéressant à explorer que l'affaire va les pousser dans leurs derniers retranchements, voire même au-delà. Les jumeaux Kray appartiennent à l'histoire encore récente de la ville ; et c'est à des blessures personnelles du passé que Miles va être confronté. Tandis que le DI Chandler voit son enquête peu à peu lui échapper. Ses insécurités ressortent, accompagnées des rituels qui tentent maladroitement de les contenir pour ramener une vaine illusion de contrôle. Voir ces personnages à ce point secoués et remis en cause permet de jouer efficacement sur l'empathie du téléspectateur.

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Sur la forme, cette saison 2 de Whitechapel s'avère toujours aussi appliquée, consciencieusement investie dans une recherche d'esthétique propre. Si, encore une fois, on reste parfois dans le domaine de l'expérimental plus ou moins réussie, dans l'ensemble, c'est un travail de bonne facture qui est proposé. Capitalisant beaucoup sur l'atmosphère que les images peuvent générer, la série soigne sa réalisation et n'hésite pas à jouer avec les teintes de la photographie. Le rendu visuel est ainsi très agréable à l'oeil et donne une réelle classe à la série.

Enfin, le très solide casting permet de conférer une légitimité supplémentaire à Whitechapel. Rupert Penry-Jones (Cambridge Spies, Spooks) est parfait pour retranscrire toute la complexité de son personnage, entre force et faiblesse, doté une volonté de fer vaguement idéaliste emprisonnée dans des compulsions échappant à son contrôle. A ses côtés, Philip Davis (Bleak House, Collision) propose l'abrasivité adéquate pour incarner le pendant complémentaire afin d'équilibrer le duo. On retrouver également à l'affiche des valeurs sûres comme Steve Pemberton (The League of Gentlemen, Blackpool), Alex Jennings (The State Within, Cranford), ou encore Sam Stockman, George Rossi, Ben Bishop, Christopher Fulford et Peter Serafinowicz.

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Bilan : A défaut de crédibilité du scénario mis en scène, cette saison 2 de Whitechapel offre une ambiance assez fascinante, quelque peu irréelle et intemporelle, qui capte le téléspectateur peut-être presque aussi efficacement qu'une histoire qui aurait été vraisemblable. La série investit avec une certaine jubilation tous les codes du polar noir, adoptant des ressorts narratifs issus d'un autre âge. Cela lui donne une étrange ambivalence, quelque peu anachronique, mais elle va assumer finalement jusqu'au bout cette spécificité tranchant avec toutes les autres fictions policières du moment. Certes on pourra aussi regretter que la série ait sans doute trop souvent tendance à céder à une relative facilité, dans ses rebondissements comme dans l'avancée de l'enquête. Pourtant, au-delà de ces maladresses ou faiblesses dont le téléspectateur est parfaitement conscient, il est difficile de ne pas être happé par Whitechapel.


NOTE : 7/10


La bande-annonce de la saison :

01/10/2010

(Pilote UK) Downton Abbey : un somptueux period drama

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Le 1er XXe siècle a décidément les honneurs du petit écran en ce début d'automne 2010, nous offrant pour le moment deux des pilotes introductifs les plus accrocheurs de cette rentrée occidentale. Alors certes, j'ai une fibre historique particulièrement sensible. Seulement, dans les deux cas, ces deux fictions se situent potentiellement dans un créneau bien plus large que la simple "série en costumes". On y trouve tant une réelle dimension humaine, qu'un reflet sociétal intrigant qui sait aiguiser la curiosité du téléspectateur.

Après HBO qui se propose de faire revivre l'Atlantic City du temps de la prohibition, c'est ITV qui nous présente un period drama somptueux, s'ouvrant en 1912. Un autre continent, un autre milieu et un autre genre, pour un même soin méticuleux apporté à la reconstitution d'époque. La chaîne anglaise a mis les petits plats dans les grands et semble avoir eu les moyens de ses ambitions, pour le plus grand plaisir d'un téléspectateur comblé tant par le fond que par la forme, au cours de ce premier épisode diffusé ce dimanche soir (26 septembre) en Angleterre.

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Ecrit par Julian Followes, à qui l'on doit notamment Gosford Park, Downton Abbey s'ouvre dans l'avant-guerre, en 1912, sur un drame maritime resté dans les mémoires (et que ITV a justement pour projet de faire revivre au petit écran, avec le même Julian Followes aux commandes), le naufrage du Titanic. Les nouvelles de la tragédie touchent, au petit matin, le château qui va servir de cadre à la fiction. Downton Abbey fait office de luxueuse demeure pour Lord Grantham et sa famille. Elle est d'ailleurs juridiquement rattachée à ce titre de noblesse, liant ainsi l'immeuble au devenir du titre.

Or le drame survenu dans l'océan Atlantique ne va pas rester un simple fait divers impersonnel relaté par quelques lignes d'articles dans les journaux. En même temps que l'information est publiée dans la presse, un télégramme en provenance de New York apporte une triste nouvelle. Deux proches parents du maître de maison figuraient à bord du navire. Lord Grantham n'ayant eu que des filles, ils étaient ses uniques héritiers pour conserver Downton Abbey, ce lieu dans lequel ils se sont tant investis, au sein de l'entourage proche de la famille.

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Une fois posé ce sujet d'héritage, source d'une préoccupation principale qui sous-tend l'ensemble de l'histoire, c'est par la pleine exploitation de sa dimension chorale que Downton Abbey acquiert un tout autre relief. Dotée d'une riche galerie de personnages, elle s'attache à individualiser et humaniser chacun, se préoccupant de la plus humble servante jusqu'au Lord à la tête de la maisonnée. Cet ensemble hétéroclyte, instantané d'une certaine réalité sociale d'époque, va faire la richesse de ce premier épisode, rythmé par des dialogues savoureux et des piques ciselées à merveille.

Cette heure se révèle être d'une densité et d'une volatilité admirables, créant et capturant parfaitement une ambiance intense, où la rigidité de la hiérarchie se heurte aux rapports de force constants qui se jouent en toile de fond, à tous les échelons. Ainsi, tandis que chacun s'inquiète pour le futur et ce nouvel héritier, cousin fort lointain et inconnu soudainement intronisé par le sort, ce sont aussi des tensions plus immédiates et concrètes qui agitent tous les protagonistes de ce petit monde ordonnancé à l'excès. L'arrivée d'un nouveau valet, Bates, ancien soldat qui cotoya Lord Grantham à la guerre, perturbe ainsi les conventions. Tandis que certains lorgnent sur son poste, d'autres se préoccupent des apparences : un semi-invalide, en raison d'une blessure, peut-il remplir cet office efficacement et sans dépareiller avec le decorum huilé quotidien ?

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Le premier élément qui frappe donc lors du visionnage de cet épisode, c'est le caractère tellement vivant du tableau qui est ainsi dressé. Derrière ce cadre de reconstitution historique soignée, où certaines scènes versent dans un élégant théâtralisme, c'est en fait un fascinant dynamisme qui traverse toute la fiction. Face aux ambitions contrariées des uns et aux alliances de circonstances des autres, le téléspectateur se trouve comme happé dans un tourbillon de tensions contradictoires que la promiscuité de Downton Abbey exacerbe logiquement.

Par la vitalité et la versatilité de sa tonalité, Downton Abbey est une oeuvre remarquable à plus d'un titre : si le soin apporté à ce décor, riche en détails, est un plaisir pour les yeux, la maîtrise de la mise en scène et de la narration impressionne. Il se dégage en effet quelque chose de confusément grisant, presque enivrant, au sein de cet univers virevoltant. L'histoire peut n'être encore qu'au stade de l'exposition, les préoccupations juridico-financières peuvent paraître excessivement abstraites... mais l'ensemble posé semble tellement abouti que l'on se surprend à s'investir pleinement dans le quotidien présenté, sans faire le moindre effort conscient.

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Si l'ambiance de la maisonnée est si bien dépeinte, c'est aussi grâce au travail réalisé sur les personnages introduits, dont les aspirations personnelles commencent à être esquissées dans ce premier épisode, comme un avant-goût des développements à suivre. Dotés de personnalités hautes en couleurs, tous s'imposent naturellement à l'écran. Aucun n'apparaît unidimensionnel. D'emblée, on perçoit les ambivalences ou les paradoxes des postures adoptées par ces protagonistes dont les portraits s'affinent au fil de l'épisode, donnant avant tout, pour le moment, une grande envie d'en savoir plus.

Cette dimension humaine très travaillée se renforce par le contraste rapidement évident, entre les apparences rigides du decorum et la réalité des coulisses du château. Sous la surface faussement aseptisée, où les convenances sociales ont été parfaitement intégrées, Downton Abbey dévoile un univers teinté d'ambiguïtés, bien plus complexe et, surtout, très impitoyable. Au-delà de l'intensité des sentiments et des jalousies entretenues, ce sont des rapports de forces subtils qui s'esquissent, captivant tout particulièrement le téléspectateur.

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Abouti sur le fond, Downton Abbey l'est également sur la forme, proposant une photographie somptueuse et une belle réalisation particulièrement soignée. C'est un vrai plaisir pour les yeux que de suivre ce costume drama qui éblouit facilement le téléspectateur par sa reconstitution de l'intérieur de ce château. Le budget, conséquent, a été manifestement investi à bon escient. Le visuel est de plus accompagné d'une superbe bande-son, sublimant et soulignant certains passages, qui achève de vous transporter dans l'histoire.

Enfin, pour couronner le tout, les répliques délicieusement ciselées qui rythment l'épisode sont confiées à un casting cinq étoiles. Parler d'une distribution impressionnante est presque un euphémisme ; la performance est en plus à la hauteur des attentes suscitées : tout le monde est au diapason pour proposer de magnifiques interprétations. Pensez donc que l'on retrouve notamment à l'affiche : Hugh Bonneville (The Silence, Lost in Austen), Maggie Smith (Nanny McPhee and the Big Bang, Harry Potter), Elizabeth McGovern (Three Moons over Milford), Michelle Dockery (Cranford), Dan Stevens (Sense & Sensibility), Penelope Wilton (Doctor Who, Pride & Prejudice), Jim Carter (Cranford), Phyllis Logan, Siobhan Finneran (Benidorm), Joanne Froggatt (Robin Hood), Rob James-Collier (Coronation Street) ou encore Brendan Coyle (Lark Rise to Candleford).

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Bilan : Downton Abbey est un somptueux costume drama dont le premier épisode est à la hauteur des ambitions formelles affichées. Reconstitution historique soignée, proposant des images qui sont un délice pour les yeux, elle s'impose par la densité et la richesse de son écriture. Les dialogues sont souvent savoureux, les personnages ambivalents mais fascinants. On perçoit une réelle dimension humaine, très travaillée, qui permet de sublimer l'instantané historique et social d'une époque. A savourer.


NOTE : 8,75/10


La bande-annonce de la série :

27/09/2010

(Mini-série UK) Bouquet of Barbed Wire : le subversif ne suffit pas.

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En 1976, une mini-série, adaptée d'un roman des années 60 d'Andrea Newman, choquait l'Angleterre, tout en rencontrant un vrai succès. Amorale, subversive, repoussant et détruisant toutes les conventions, Bouquet of Barbed Wire a ainsi marqué la télévision britannique de son empreinte. Plus de trois décennies plus tard, ITV se ré-appropriait ce nom qui résonne toujours d'un écho particulier outre-Manche pour proposer une version modernisée de cette histoire, complexe à plus d'un titre, par le biais d'une mini-série qu'elle a diffusé au cours de ce mois de septembre 2010 (durant trois lundis soirs d'affilée).

Comme toute reprise de fiction aussi iconoclaste, l'exercice de modernisation s'est avéré délicat. Plus que certaines modifications visant à crédibiliser le cadre, il était facile de deviner que ce serait surtout la gestion de la frontière du choquant qui allait être difficile pour cette nouvelle adaptation. La télévision moderne a fait son oeuvre, désensibilisant considérablement un téléspectateur qui n'est plus choqué par grand chose venu de son petit écran.

Pourtant, plus que l'évolution des moeurs télévisuelles, c'est probablement la réduction conséquente de sa durée qui aura été dommageable à Bouquet of Barbed Wire. En effet, cette version de 2010 ne comprend plus que 3 épisodes, contre 7 pour l'originale. Ces contraintes expliquent sans doute en partie le résultat saccadé, très mitigé voire peu satisfaisant, auquel la mini-série est parvenu. Quelques étincelles ne pouvant faire oublier le déséquilibre narratif constant qui l'a caractérisée.

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Il était une fois une famille sans histoire. Cliché de la petite bourgeoisie britannique, avec enfants en école privée et belle demeure à la campagne. Une famille qui, pourtant, derrière ces apparences pseudo parfaites ,cache déjà des failles et des non-dits que le bonheur affiché masque plus ou moins. Mais ce fragile équilibre va être perturbé par un nouvel arrivant qui va méthodiquement entreprendre de détruire toutes ses fondations.

La si belle Prue Manson, prunelle des yeux de son père, va en effet entrer dans l'âge adulte plus rapidement que ce dernier n'aurait pu l'imaginer, séduite par son professeur de littérature, le mystérieux Gavin Sorenson. Prue sait si peu de choses à son sujet. Mais l'heure n'est plus aux interrogations, car la jeune femme est enceinte, abandonnant ainsi ses projets d'études. Or l'introduction de Gavin dans la famille ne va pas se faire sans heurt. D'une insolence travaillée, adoptant un comportement souvent odieux, il provoque constamment un beau-père déjà déstabilisé par la conscience dérangeante du fait que sa fille lui échappe et grandisse loin de lui. Mais chacun s'accroche à ses secrets, tandis que Gavin bouleverse chaque jour un peu plus les certitudes de tous les membres de cette famille autrefois ordinaire. Peu à peu les Manson se désagrègent tandis que les interdits sont transgressés les uns après les autres.

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Car s'il y a bien une constance dans ce tourbillon pas toujours maîtrisé que constitue Bouquet of Barbed Wire, c'est cette volonté presque revendiquée de repousser les limites. La mini-série entreprend de jouer avec les codes moraux afin de mieux s'en affranchir, opérant ainsi une redistribution des conventions. La dynamique qui s'installe entre les différents personnages principaux apparaît d'emblée viciée, un malaise se crée sans que l'on sache immédiatement en desceller l'origine et les aboutissants. Derrière ces rapports ambivalents, les frustrations des uns et des autres, face à des situations qui les troublent, vont se charger de ramener à la surface, les exposant au grand jour, des désirs et des pulsions jusqu'alors inavouées.

A ce petit jeu, il est évident que Bouquet of Barbed Wire peut difficilement retrouver le retentissement que l'histoire avait eu il y a trois décennies. La télévision moderne est passée par là. Mais la mini-série s'emploie cependant à mettre en scène avec conviction cette dérive humaine qui va conduire au drame et à la déchéance. Adultère, inceste, harcèlement, maltraitance... toutes les thématiques propres aux tragédies familiales seront exploitées. Avec plus ou moins d'envergure. Il faut cependant quand même reconnaître la force de certains passages. Parmi les moments marquants, je citerais notamment la scène finale du premier épisode, terriblement glaçante, qui est sans doute une des plus réussies de la mini-série. Prue, défigurée par son mari, y observe Gavin s'automutiler dans la pénombre, à la lueur d'une bougie. Au-delà du drame, c'est aussi l'ambiguïté de leurs rapports que le regard qu'elle lui jette transcrit parfaitement. Il est dommage que Bouquet of Barbed Wire ne soit parvenue que par brèves éclipses à cet indéfinissable équilibre.

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Car aussi ambitieuse qu'elle puisse être dans les thèmes traités, ce sont surtout ses problèmes de narration qui vont marquer et entraver la mini-série. Avoir réduit sur seulement 3 épisodes de 45 minutes, une histoire sans doute trop dense pour ce format, donne un résultat au fil narratif saccadé à l'excès, où c'est par sauts que l'intrigue progresse, sans donner la moindre impression d'homogénéité. Cela manque de cohésion et la force du récit en souffre considérablement, puisque la progression de l'histoire paraît trop souvent parachutée sans préavis. Plus qu'une simple maladresse d'écriture, on a comme le sentiment qu'il y a eu des coupes sombres dans le scénario.

Cette construction déséquilibrée empêche Bouquet of Barbed Wire de véritablement toucher le téléspectateur, alors même qu'elle met en scène une tragédie à l'issue fatale entre-aperçue dès la première scène qui s'ouvre sur un flashforward. Navigant entre un théâtralisme aux accents irréels et un drame humain dont la mini-série peine à véritablement imposer l'ambiance, c'est un peu de la même manière qu'avec les codes moraux qu'elle se joue de la logique des ficelles scénaristiques. Difficilement catégorisable, iconoclaste à l'excès, sans que tout cela soit forcément volontaire. 

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Sur la forme, il n'y a en revanche pas grand chose à redire. La réalisation est plutôt de bon standing, proposant quelques plans personnalisés assez inspirés. La musique, instrumentale, contribue à l'ambivalence de l'atmosphère mise en scène, accompagnant naturellement certaines scènes ou servant d'interludes. Elle se fond dans le décor narratif sans véritablement marquer.

Enfin, le casting souffre sans doute un peu de l'inconsistance du récit lui-même, les acteurs peinant à prendre la pleine mesure des ressentis insuffisamment approfondis de leurs personnages. On retrouve pourtant un certain nombre de têtes familières du petit écran britannique : Trevor Eve (Waking the Dead), Imogen Poot, Tom Riley (Lost in Austen), Hermione Norris (La Fureur dans le sang, Spooks (MI-5)), Jemima Rooper (Lost in Austen).

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Bilan : Donnant l'étrange impression de ne jamais véritablement démarrer ou de sauter des étapes du récit, Bouquet of Barbed Wire ne réussira pas à faire entrer le téléspectateur dans l'histoire qu'elle raconte. Certes, elle offrira bien quelques scènes de confrontations méritant clairement le détour dans cette autodrestruction familiale méthodique à laquelle on assiste. Cependant, ces quelques lignes de dialogues ciselés et piquants se noieront dans une masse mal maîtrisée, où le rythme saccadé ne fait que souligner un peu plus le manque de cohésion d'ensemble.

Je reste persuadée que la principale erreur est structurelle : ce fut celle de réduire la mini-série à seulement 3 épisodes, les évènements s'enchaînant trop vite, sans transition et sans qu'on puisse jamais en apprécier toute la portée. Il n'empêche que je serais curieuse de jeter un oeil sur la version de 1976 si j'en ai l'opportunité, ne serait-ce que pour constater les transformations du traitement de cette intrigue.


NOTE : 4,5/10


La bande-annonce de la mini-série :

13/08/2010

(UK / Pilote) Sherlock Holmes : les classiques sont indémodables. (A Scandal in Bohemia)


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Certes, la réécriture et modernisation de la figure du célèbre détective anglais, signée Moffat et Gatiss, a enchanté notre été téléphagique (surtout 2 épisodes sur les 3). C'était délicieusement écrit et, cerise sur le gâteau, sacrément bien joué. Je l'avoue, j'ai été agréablement surprise par la maîtrise de Benedict Cumberbatch, qui a parfaitement cerné le personnage qu'il incarne, en délivrant une performante des plus enthousiasmantes.

Cependant, quand on évoque Sherlock Holmes à un téléphage, logiquement, le nom qui lui vient à l'esprit instinctivement, celui qui représente la personnification télévisée du détective dans bien des coeurs et des souvenirs, demeure, bien évidemment, Jeremy Brett. Il aura conquis bien des générations, dans ce qui est considéré comme probablement la meilleure adaptation au petit écran des romans de Sir Arthur Conan Doyle (nous verrons ce que l'avenir réserve à Sherlock, 3 épisodes, c'est insuffisant pour émettre un jugement).

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Sherlock Holmes, c'est une série produite par Granada Television, dont la diffusion s'étendit de 1984 à 1994, sur la chaîne anglaise ITV. La maladie, puis le décès de Jeremy Brett, en 1995, interrompit la suite d'adaptations. Elle a porté à l'écran, au total, 41 des 60 aventures romancées par Arthur Conan Doyle. Elle se divise en six saisons et cinq téléfilms, portant sur quatre grandes périodes, respectivement intitulées The Adventures of Sherlock Holmes (1984-1985), The Return of Sherlock Holmes (1986-1988), The Casebook of Sherlock Holmes (1991-1993) et, enfin, The Memoirs of Sherlock Holmes (1994).

Jeremy Brett laissera une trace indélébile dans la mythologie de Sherlock Holmes, par une interprétation plus vraie que nature du détective anglais, donnant vie dans sa complexité et ses paradoxes à ce personnage qui a tant fasciné et fascine toujours autant. A ses côtés, le personnage du Docteur Watson connaîtra un changement de casting. Tout d'abord interprété par David Burke, durant The Adventures of Sherlock Holmes, ce sera ensuite Edward Hardwicke qui prendra la relève pour le reste des adaptations.

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Avoir suivi, au cours des dernières semaines, la modernisation proposée par BBC1 a réveillé en moi mon éternelle fibre nostalgique toujours prompte à être réactivée au moindre prétexte. D'où, ces derniers jours, ma soudaine envie de renouer avec les classiques et de me replonger dans cette ambiance victorienne inimitable, reconstitution historique particulièrement soignée et intégrée de façon naturelle à ce récit policier. C'est ainsi que je me suis  installée devant le premier épisode de la série, curieuse de revoir comment la série nous avait introduit dans son univers.

A la différence du Sherlock BBC-ien, qui opta pour une approche narrative chronologique, en ré-adaptant à l'écran, à sa manière, l'aventure marquant la première rencontre entre Sherlock Holmes et John Watson, à l'occasion de l'enquête sur Une étude en rouge (A study in Scarlet, en VO), le Sherlock Holmes ITV-ien préfère lui nous introduire directement auprès d'un duo déjà formé, à la dynamique bien huilée et aux repères posés. Peut-être pour offrir aux téléspectateurs l'opportunité d'entre-apercevoir toutes les différentes facettes de ce personnage si complexe qu'est Sherlock Holmes, ce premier épisode est une adaptation de la seule histoire, publiée en 1891 par Arthur Conan Doyle, mettant en scène une des figures féminines pourtant les plus importantes du canon Holmes-ien, Irene Adler. Il s'agit d'Un scandale en Bohème (A scandal in Bohemia).

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L'épisode est tout d'abord intéressant, car, de par son statut de "pilote", c'est à lui que va incomber la tâche de nous introduire dans cette nouvelle version du canon Holmes-ien. Puisque les personnages ont déjà adopté ce quotidien routinier qui est le leur, au 221B Baker Street, la présentation à destination du téléspectateur va être amenée de façon informelle. Dans cette perspective, les premières minutes vont s'avérer particulièrement réussies. Nous y suivons le retour de Watson après plusieurs jours d'absence. Le temps de croiser Mrs Hudson et le voilà à l'étage, incertain, presque anxieux, de l'état dans lequel il va retrouver Sherlock Holmes.

Dès les premiers échanges entre eux, dialogues déjà savoureux et captant immédiatement l'essence des deux personnages, les clés principales pour comprendre le fonctionnement du duo nous sont distillées, en guise d'introduction qui ne porte pas son nom. Sherlock Holmes et son esprit brillant, si versé à sombrer dans l'ennui lorsqu'aucun mytère ne se dresse devant lui. Son penchant pour certaines drogues et autres sources d'addiction est en même temps l'occasion de montrer la haute estime qu'a pour lui (et son intelligence) un Watson que le recours à ces produits met hors de lui. Sherlock et sa profession, unique, de "consulting detective", statut qu'il s'est lui-même donné. Aucun doute, l'esprit Holmes-ien est là, instantanément, dans le petit écran.

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L'histoire en elle-même est divertissante et plaisante à suivre, car elle est l'occasion d'y retrouver utilisés tous les ingrédients qui font l'identité de la série. L'héritier du trône de Boheme sollicite les services de Sherlock Holmes pour retrouver une photographie compromettante, prise aux côtés d'une jeune femme qu'il a aimée il y a quelques années, Irene Adler. Désormais fiancé à quelqu'un de rang noble, ce souvenir, conservé par son ancienne amie, donne des sueurs froides au prince, qui craint le scandale. Blessée d'avoir été éconduite, Irène lui aurait assuré qu'elle enverrait la photographie l'incriminant le jour de l'officialisation de ses fiançailles. Malgré tous ses efforts et autres effractions peu légales, l'objet demeure hors d'atteinte du fiancé qui, ne sachant plus comment s'y prendre, se tourne donc vers le célèbre détective anglais.

Au final, tout cela nous donne une aventure rythmée, qui maintient l'attention du téléspectateur tout au long de l'épisde. On y retrouve aussi avec plaisir les éléments essentiels du "canon". Des jeux de déductions, autour d'une simple lettre excessivement sybilline, jusqu'aux déguisements et autres missions "sous couverture" pour se jouer de son adversaire du jour, en passant par un sens de l'initiative et de la débrouillardise sollicité comme il se doit. Et puis, l'histoire revêt peut-être une dimension supplémentaire de par la déférence vis-à-vis du personnage d'Irene Adler, brève rencontre qui marquera profondément le détective, comme insiste dessus à plusieurs reprises Watson.

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Bilan : Classique indémodable, reconstitution littéraire comme historique aboutie et entière, Sherlock Holmes est une de ces fictions sur laquelle le temps n'a que peu d'emprise, si ce n'est de façon anecdotique, en terme d'images et de réalisation. Savoureuses à suivre, les aventures mises en scène ont ce même parfum, tour à tour intrigant, piquant, qui émane des livres, porté par la fascination magnétique qu'exerce, auprès du téléspectateur, la version de Sherlock Holmes proposée par Jeremy Brett. Un classique qui se savoure sans modération.


NOTE : 9/10


Le générique (au thème musical savoureux) :

23/07/2010

(UK) Jeeves and Wooster : insouciance bourgeoise et pragmatisme flegmatique pour une comédie "swinguante"

 

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Une des traditions de ce blog demeure la volonté d'explorer avec vous les trésors reconnus ou méconnus de la télévision britannique, en n'hésitant pas à remonter le temps au-delà des productions actuelles. C'est ainsi qu'aujourd'hui, je vais vous parler d'une série datant du début des années 90, Jeeves and Wooster. Cet incontournable et délicieusement swinguant britishism télévisuel, adapté des romans de P. G. Wodehouse, mit en scène le duo phare d'acteurs comiques de l'époque, les inséparables Hugh Laurie et Stephen Fry (de Blackadder à A bit of Fry and Laurie).

Diffusée sur ITV1, du 22 avril 1990 au 20 juin 1993, Jeeves and Wooster comporte 4 saisons, pour un total de 23 épisodes. Elle est malheureusement inédite en France (même si l'idée d'une adaptation VF apparaît quelque peu blasphématoire tant l'essence de la série réside dans la tonalité des dialogues de sa version originale, le fait qu'elle n'est jamais franchie la Manche est assez déprimant - trop british ?). L'intégrale est cependant disponible en coffret DVD zone 2, en Angleterre. Pour les curieux que la langue de Shakespeare n'effraie pas, mais qui ne sont pas encore parfaitement bilingues, notez bien que l'édition UK comporte des sous-titres anglais pour tous les épisodes.

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Jeeves and Wooster se déroule dans la société britannique bourgeoise de la première partie du XXe siècle, dans l'entre-deux guerres. Elle suit les pérégrinations mondaines de Bertie Wooster (Hugh Laurie). Ce jeune héritier de bonne famille, demi-aristocrate dévorant la vie en dilettante appliqué, dont le quotidien se résume à diviser son temps entre bon temps entre amis et fuites continuelles devant les responsabilités et les propositions de mariages arrangées par ses tantes. Bertie a la tête pleine de courants d'air, mais n'est jamais à court d'imagination pour mettre au point des plans, aussi complexes qu'inutiles, pour parvenir à ses fins auprès de ses comparses mondains.

Heureusement pour lui, si ses orchestrations sont généralement vouées à un échec aussi cinglant que potentiellement humiliant, il dispose à son service de l'assistance d'un valet maîtrisant parfaitement tous les rouages de cette société, en la personne de Jeeves (Stephen Fry). Toujours sur-informé, semblant conserver constamment plusieurs coups d'avance sur son très distrait maître, Jeeves sauvera la mise à son employeur plus d'une fois. Derrière ses politesses maniérées à l'excès, qui s'accompagnent d'un flegme personnel que rien ne saurait perturbé, le valet élève la manipulation au rang d'art et s'impose un cérémonial distant et détaché, en parfait contre-poids des dérapages non-contrôlés de Wooster.

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Jeeves and Wooster suit donc le quotidien, aussi mouvementé qu'anecdotique dans ses préoccupations, d'un jeune héritier profitant pleinement de l'instant présent et dont le principe de vie premier consiste à fuir devant toute responsabilité potentielle. Derrière ce savoureux parfum épicurien, c'est l'instantané d'une époque que l'on retrouve dans l'environnement mis en scène. Il nous plonge, non sans piquant et avec un détachement teinté d'un humour noir aussi flegmatique que diffus, dans les moeurs de la bonne société britannique de l'époque. La pointe de cynisme qui perce derrière les accents obséquieux de Jeeves, comme le portrait caricatural de cette classe sociale priviléiée, ne font qu'ajouter à cette impression d'ensemble.

Au-delà de son ambiance bourgeoise, Jeeves and Wooster paraît respirer et renvoyer une allure "so british" à chaque scène, personnifiant par ses ressorts et ses enjeux, une certaine époque, mais aussi une certaine image d'Epinal, entre rigidité sociale et insouciance des années folles, qui nous semblerait aujourd'hui presque folklorique, mais dont le charme de la transposition à l'écran est indéniable.

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Si le portrait global est attrayant, la force - et l'attrait majeur - de Jeeves and Wooster réside bien évidemment dans l'association de ses personnages phares, aussi improbable que logique tant la complémentarité des deux s'impose comme marquante. Le piquant de cette dynamique ainsi mise en scène se trouve notamment dans cette relation de subordination, existant entre un maître et son valet, dont la versatilité, en l'espèce, apparaît bien atypique. C'est qu'il y a incontestablement des accents d'un Mariage de Figaro moderne et britannique dans les ressorts de cette savoureuse comédie. Si bien que si leurs rapports ne s'inversent jamais, le stoïcisme réservé de Jeeves ne l'empêchera pas de gratifier la caméra de quelques sourires en coin subtiles, dont la signification est plus parlante que bien des longs discours.

Pour couronner le tout, Hugh Laurie et Stephen Fry s'en donnent à coeur joie dans cette sorte de "mano à mano" d'où perce une complicité indéniable. Leur enthousiasme se communique aisément à un téléspectateur sous le charme, tandis que chacun personnifie, dans le moindre de ces maniérismes, le personnage qu'il interprète. Hugh Laurie est parfait en aristocrate inconséquent, oscillant entre franches niaiseries et grimaces hautaines. Et, si Stephen Fry apporte la retenue nécessaire pour mettre en scène ce valet obséquieux, il parvient également, par quelques mimiques plus discrètes, à faire ressortir toute la subtilité du jeu de Jeeves, derrière ce théâtralisme poli. Délicieux !

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Bilan : Jeeves and Wooster est une comédie britannique savoureuse, objet télévisuel aussi à part que incontournable. Derrière sa façade insouciante, sa tonalité épicurienne et ses accents ironiques à l'égard de cette aristocratie d'avant-guerre, elle repose avant tout sur la dynamique atypique, plus subtile qu'une simple "subordination", existant entre un duo fabuleux de personnages haut en couleurs, qui sont l'âme de la série. Les pérégréniations mondaines de Wooster ne sont que prétextes à mettre en scène un humour théâtral, plus en finesse et en petites touches qu'il n'y paraîtrait au départ, où l'on ressent bien l'inspiration littéraire d'origine. Le téléspectateur se laisse séduire par ce charme swinguant, presque nostalgique, intemporel, qui s'y diffuse...

Jeeves and Wooster est une série à part, dont il faut savoir prendre le temps de savourer chaque épisode. Mais n'hésitez pas à être curieux, la découverte se mérite !


NOTE : 7,75/10


Le générique, délicieusement swing :


Un extrait de la série, les 20 premières minutes du premier épisode (en VOSTA) :