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23/03/2011

(K-Drama / Pilote) Crime Squad (Detectives in trouble) : série policière captivante et efficace sur fond de drame personnel

 

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En jetant un oeil sur les différents billets asiatiques publiés depuis le début de l'année, je me suis surprise à constater qu'une forme d'alternance s'installe dans cette rubrique, rythmée par des aller-retours entre le Japon et la Corée du Sud. Ainsi, en 2011, j'ai pour l'instant évoqué 6 séries sud-coréennes, 4 japonaises et 1 originaire de Hong-Kong. Le quasi monopole sud-coréen de 2009-début 2010 s'est errodé, et mes programmes se réouvrent au Pays du Soleil Levant après un ou deux ans de relative prise de distance. Je me dis que ce rééquilibrage est sans doute bon signe : je suis en train de trouver progressivement un équilibre dans ma consommation téléphagique asiatique.

Cependant, si cette tendance amorcée l'été dernier se confirme chaque mois un peu plus, n'allez pas croire pour autant que j'en délaisse le petit écran sud-coréen. Je m'y disperse sans doute moins que l'an dernier ; mais j'ai toujours ma (longue) liste de dramas passés à découvrir (dans laquelle j'avance lentement). De plus, ce pays reste sans doute celui dont je suis le plus près les informations (probablement à égalité avec l'Angleterre), et je conserve des attentes fortes à l'égard de certains projets. C'est ainsi qu'en ce mois de mars, une nouveauté avait plus particulièrement retenu mon attention : Crime Squad (a.k.a. Detectives in trouble / Homicide), qui rejoint la thématique policière de ces derniers mercredis.

Diffusé sur KBS2 depuis le 7 mars 2011 (lundi/mardi soir), les 3 premiers épisodes de ce drama n'ont pas encore balayé toutes mes réserves initiales (il faudra sans doute attendre la fin pour cela), mais ces débuts ont retenu toute mon attention. Et vous ne pouvez imaginer à quel point cela m'a fait plaisir de retrouver Song Il Gook dans un rôle consistant !

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Si Crime Squad nous présente le quotidien d'une unité relevant de la Seoul Gangnam Police Homicide Division, les évènements qui ont forgé l'explosive situation interne dans laquelle nous sommes plongés se sont déroulés il y a plusieurs années. A l'époque, Jung Il Do, un policier tentant d'intercepter un criminel, n'avait pas hésité à ouvrir le feu sur le véhicule prenant la fuite. La voiture avait terminé sa course dans la vitrine d'un café, provoquant deux morts parmi les clients. Park Se Hyuk, jeune père de famille qui y avait laissé sa fillette pour quelques minutes, ne put qu'assister impuissant au drame. Si Jung Il Do s'en tira sans la moindre conséquence disciplinaire, assumant pleinement le choix qu'il fit ce jour-là, Park Se Hyuk ne se remit jamais de la perte de son enfant. Cherchant à comprendre les motifs de cette fusillade fatale, tout en essayant de trouver un exutoire dans l'arrestation des criminels, il quitta tout pour s'engager dans la police.

Cinq ans après, Se Hyuk est devenu un policier impulsif et combatif, prompt à délaisser les règles pour parvenir à ses fins, n'hésitant pas à user de méthodes à la limite de légalité. Élément aussi incontrôlable qu'autodestructueur, il est cependant un officier efficace. Jusqu'à présent protégé par son supérieur hiérarchique qui faisait office de figure paternelle, ce dernier quitte ses fonctions. Mais qu'elle n'est pas la stupeur de Se Hyuk lorsqu'il découvre l'identité de son nouveau patron, qui n'est autre que Jung Il Do, toujours aussi inflexible sur ses positions. Un temps tenté de démissionner, il faut, malgré tout, travailler ensemble, en dépit de la tension évidente entre les deux hommes. Leurs différences de styles veient en effet s'ajouter au douloureux passé commun, Se Hyuk n'a pas pour autant tourné la page. D'autant que certaines découvertes viennent le conforter dans l'idée qu'il y a peut-être dans cette tragique fusillade des zones d'ombre à éclaircir - notamment qui protégea à l'époque Jung Il Do ? -.

Tout en conservant en toile de fond ces évènements tragiques à l'esprit, Crime Squad va aussi nous plonger dans les enquêtes souvent mouvementées de l'unité et des protagonistes qui gravitent autour, notamment une jeune journaliste qui semble avoir un lien particulier avec Park Se Hyuk.

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Crime Squad est une série policière qui se veut à la fois orientée vers un réalisme moderne empruntant aux derniers cop show occidentaux, tout en conservant ce mélange des tonalités propre aux séries sud-coréennes, pour lesquelles la dimension humaine, plus personnelle, est toute aussi déterminante. A la différence d'autres récents essais trop artificiels pour intéresser un public qui n'y retrouvait ni l'efficacité des intrigues, ni l'âme des kdramas, les débuts de Crime Squad trouvent rapidement un équilibre intéressant. Non seulement l'alternance de priorités entre des enquêtes mouvementées et un émotionnel plus intime est bien gérée, mais les différences de tons se succèdent et se mêlent avec beaucoup de naturel. L'utilisation de certains seconds rôles permet ainsi d'offrir quelques scènes opportunément plus légères, même s'il règne cependant dans la série une tension constante qui l'oriente sans doute vers un registre plutôt dramatique.

Si elle n'évite pas toujours l'écueil de certains passages un peu brouillons (notamment l'entrée en matière des 10 premières minutes), la construction narrative de Crime Squad tend à démontrer que les scénaristes savent où ils vont. La série débute en effet de manière opportune par une première affaire qui touche personnellement les membres de l'unité, puisque c'est un proche de l'autre victime de la fusillade fatale qui entreprend de se venger, visant donc Jung Il Do. En plus d'avoir le mérite d'introduire efficacement les enjeux, posant une forme de fil rouge qui va fidéliser le téléspectateur, ces deux premiers épisodes permettent aussi de cristalliser l'opposition entre Park Se Hyuk et Jung Il Do, exacerbant leurs différences de styles. Leur confrontation a ceci d'attrayant (et d'original) qu'elle est certes intense, mais pas dénué de nuances : les choix finalement faits par Park Se Hyuk, en sauvant la vie de Jung Il Do, l'illustrent bien.

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C'est d'ailleurs cette dimension humaine qui va se révéler être l'atout le mieux maîtrisé de Crime Squad. Loin d'avoir des personnages unidimensionnels qui s'enfermeraient dans leurs oppositions, la série va au contraire s'attacher à mettre en scène leurs ambivalences. Peu à peu, grâce à cette ambiance qui fluctue de l'action au drame, en passant par des pointes plus orientées vers la comédie, s'esquissent des figures complexes, et donc intéressantes. Dans ce registre, c'est incontestablement sur le personnage de Park Se Hyuk que repose le drama. Vivant toujours dans l'ombre de la mort de sa fille, sa détresse se mêle à une rage qui apporte au personnage une ambiguïté très intrigante. Sa croisade contre le crime apparaît autant comme une forme de vengeance par substitution que comme une voie d'expiation pour n'avoir pas empêché la mort de sa fille. L'alternance d'explosion de violence incontrôlée et d'autres moments plongés dans un auto-apitoiement presque pathétique confère une épaisseur psychologique à ce personnage vraiment crédible de père endeuillé.

Réussissant ainsi à susciter immédiatement l'empathie du téléspectateur, Crime Squad va parvenir à jouer efficacement sur les différents tableaux qu'elle investit. Si la crédibilité manque parfois à certaines scènes d'action, la série a le mérite de ne jamais verser dans un excès de sérieux démesuré. Bénéficiant d'un rythme de narration rapide, elle sait insuffler une dynamique, et plus généralement une fraîcheur, dans sa dimension policière, qui apporte une fluidité à ses intrigues. Cette consistance sur le fond est parachevée grâce à ces enjeux plus personnels, navigant entre relationnel et émotionnel, qui donne vraiment envie de s'investir dans l'histoire.

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Sur la forme, Crime Squad est un drama qui semble surtout apprécié la sobriété, évitant de trop en faire dans l'action (même si on n'échappe pas à quelques mises en scène parfois un brin exagérées). Dotée d'images versant dans une teinte plutôt claire, la série exploite et bénéficie favorablement de cette simplicité de style qui correspond à ses ambitions et pour lesquelles elle est à la hauteur. Je serais en revanche un peu plus réservée sur la bande-son, notamment concernant l'OST dont la première chanson se révèle sans réelle identité et peine un peu à capturer vraiment la tonalité ambiante de la série. La seconde, plus mélancolique, sonne déjà plus juste.

Enfin, le casting du drama n'est pas étranger à l'affectif que sait toucher Crime Squad. Vous savez déjà combien j'apprécie Song Il Gook (The Kingdom of the Wind, Lobbyist), l'amoureuse des sageuk qui est en moi, et qui a vécu pleinement l'expérience de visionnage du "marathon" Jumong, ne peut que garder une affection particulière pour cet acteur. Et le retrouver dans ce drama m'a fait d'autant plus plaisir qu'il y délivre une performance intense et juste, particulièrement convaincant pour incarner cet officier impulsif, au comportement frôlant l'autodestruction, brisé par le drame de la mort de sa fille. Face à lui, le responsable indirect de cette situation, également son supérieur hiérarchique, est joué par Lee Jong Hyuk (Chuno). Ce dernier n'a pas son pareil pour afficher une forme d'impassibilité un peu dédaigneuse propre à son personnage, mais j'ai un peu peur que son jeu un brin monolithique (et, a fortiori par contraste avec Song Il Gook, vraiment inexpressif) ne devienne lassant à la longue. A leurs côtés, on retrouve notamment Song Ji Hyo (Goong, Jumong), Park Sun Young (Winter Bird, The Sons of Sol Pharmacy House, 101st Proposal, 18 vs 29), Jang Hang Sun (Jejoongwon, Baker King Kim Tak Goo), Sung Ji Roo (Lobbyist, The Birth of the Rich), Sun Woo Sun (Queen of Housewives), Kim Joon (Boys Before Flowers) ou Lee Min Woo (Life is Beautiful).

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Bilan : Série rythmée et très vivante, Crime Squad est un cop show qui bénéfice de l'art sud-coréen de mêler les tonalités et les thématiques. Ainsi, au-delà d'une dynamique orientée vers l'action à l'occasion des enquêtes, on y retrouve également une dimension émotionnelle surprenante d'intensité, avec certaines scènes très poignantes. Si la maîtrise des histoires policières reste sans doute à affiner, ces débuts révèlent un réel potentiel, accentué par l'empathie que suscite très vite ce drama et porté par un casting solide au sein duquel Song Il Gook est magistral.

Si on ne pourra juger de la qualité d'ensemble qu'à la fin, au vu des fils rouges introduits, Crime Squad apparaît en tout cas comme une série, parfois un peu brouillonne mais toujours consistante, qui donne envie au téléspectateur de s'investir. Voilà qui fait plaisir !


NOTE : 7/10


Une bande-annonce de la série :


Une chanson de l'OST (ending) :

23/02/2011

(K-Drama / Pilote) President : la bataille pour la Maison-Bleue sera sans pitié


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Il ne sera pas dit que l'on peut passer tout un mois sur My Télé is Rich ! sans retourner en Corée du Sud, et c'est donc au pays du Matin Calme que nous entraîne ce dernier mercredi asiatique de février. Après plusieurs semaines désertiques, enfin, il y a eu une étincelle dans mes programmes sud-coréens ! Ou plutôt, une satisfaction personnelle tout d'abord : j'ai mis la main sur des sous-titres anglais de qualité pour apprécier les premiers épisodes d'un drama sur lequel je voulais jeter un oeil depuis plusieurs mois et que j'avais presque fini par oublier : President. Et cerise sur le gâteau : j'ai aimé (la série) !

Diffusé sur KBS2 depuis le 15 décembre 2010, ce drama s'achèvera demain soir en Corée du Sud, au terme de 20 épisodes, dans une relative confidentialité. Car parmi les séries politiques de ces derniers mois, c'est la calibrée Daemul qui s'est envolée vers les sommets, tandis que President n'a jamais pu ne serait-ce que frôler des taux d'audience à deux chiffres. Sauf qu'il m'avait fallu trois fois pour parvenir laborieusement au bout du pilote excessivement brouillon de Daemul, et qu'on a beau depuis m'en vanter les supposés mérites par la suite, honnêtement, je n'ai pas trouvé la motivation pour poursuivre cette expérience peu concluante. A l'opposé, ce week-end, une fois le premier épisode de President lancé, je n'ai plus pu décoller de mon petit écran avant d'avoir fini le... troisième épisode.

Certes les amateurs de romances ou encore de comédies légères passeront sans doute leur chemin sans regret, mais pour le moment, ce cocktail accrocheur et pimenté entre dynamiques politique et familial se révèle franchement très addictif.

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President (프레지던트) nous plonge dans les tumultes d'une vie politique sud-coréenne qui s'agite à l'approche de la future élection présidentielle. [Parenthèse constitutionnelle : La Corée du Sud un régime présidentiel, dans lequel le président est élu au suffrage universel direct pour un mandat de cinq ans non renouvelable.] Au sein du parti au pouvoir (The New Wave Party), les ambitions de chacun s'affirment. De l'héritier présomptif, Premier Ministre à l'image policée, au jeune parlementaire ambitieux qui entend bien ne pas patienter et est prêt à brûler les étapes pour arriver au sommet, les primaires vont déjà offrir une première manche d'opposition très musclée, d'où un seul prétendant pourra émerger. Après avoir un temps hésité, appuyé par une épouse tout autant ambitieuse, Jang Il Joon décide de se lancer dans la bataille électorale, à quelques mois de la date fatidique des primaires, dans l'espoir d'obtenir l'investiture du Parti de la Nouvelle Vague.

Parallèlement, le jour-même de son annonce de candidature, dans une petite île éloignée de toutes ces préoccupations, une explosion de gaz, a priori accidentelle, dans une vieille maison, tue son habitante, tandis que son fils en réchappe de peu. Ce dernier, Yoo Min Ki, est un jeune réalisateur de documentaire travaillant à Séoul. Quelques jours après, encore sous le choc, alors qu'il reprend difficilement le travail, il est sollicité directement par l'équipe de campagne de Jang Il Joon : lui est offerte la possibilité de venir filmer un documentaire sur les coulisses de la campagne, avec des conditions d'accès particulièrement avantageuses. Peu politisé et guère intéressé par ces sujets, Min Ki reste un temps sceptique devant cette proposition dorée, n'en comprenant pas la raison.

Mais sa première rencontre avec Jang Il Joon va l'éclairer de la plus surprenante des manières et lui donner la clé manquante : ayant appris le décès de sa mère, le politicien lui révèle être ce père biologique absent dont elle avait toujours tu le nom, emportant son secret dans sa tombe. Peu disposé à l'égard de cette soudaine figure paternelle imposée dont il doute des réelles motivations, Min Ki va cependant essayer d'apprendre à le connaître, rapidement conscient de la puissance de nuisance dont il dispose. La révélation de l'existence d'un fils illégitime causerait en effet un scandale suffisant pour anéantir toute chance électorale. Mais quel est donc le degré de sincérité de Jang Il Joon ? Qui manipule qui dans ces jeux politiciens où les pions sont si facilement sacrifiables et sacrifiés ?

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L'attrait de President réside tout d'abord dans sa capacité à mêler et alterner habilement les deux grandes thématiques que la série investit, entre tumultes politiques et soubresauts familiaux. Deux thèmes au sein desquels le drama va introduire un même parfum de compromis et d'ambiguïté qui se révèle très accrocheur.

Le récit débute chronologiquement avec l'annonce par Jang Il Joon de son intention de briguer l'investiture de son parti, ouvrant la première étape de cette quête vers la Maison-Bleue : les primaires. Si la série se montre naturellement plus versée dans l'éclairage des rouages des basses oeuvres de la politique politicienne que dans le débat d'idées, un des aspects à mettre à son crédit sera incontestablement sa capacité à installer une tonalité chargée d'ambivalences. Portée par des protagonistes aux priorités équivoques, par rapport auxquels il est parfois difficile de se positionner pour le téléspectateur, la série n'est absolument pas manichéenne. Tout en dressant un portrait de ce milieu éloigné de tout idéalisme, elle ne tombe pourtant pas dans un excès désillusionné inverse. Notons que c'est faire preuve d'une maturité narrative à saluer que de savoir éviter cet écueil sur lequel tant d'autres séries politiques se sont échouées : President ne propose pas le récit de l'ascension d'une figure soi-disant providentielle. Conservant une distance opportune avec son sujet, c'est avant tout à une prenante quête du pouvoir que ce drama nous convie.

En effet, President apparaît surtout comme une série sur l'ambition. L'idée principale qui semble guider les scénaristes reste celle-ci : la politique est un combat, de conceptions du pouvoir autant que de personnes. C'est sur cette dimension que le drama appuie en s'attachant à dévoiler, sans complaisance aucune, la mécanique impitoyable de ces jeux de politique politicienne. Jang Il Joon aura beau se draper dans un étendard de probité qu'il porte haut, et qu'il respecte sur certains points par la grâce d'une morale à géométrie variable, le téléspectateur ne se départira jamais d'une certaine réserve à son égard, se demandant surtout si l'éthique à vraiment quelque chose à voir avec son refus de certaines compromissions. N'est-ce pas plutôt un prudent instinct de survie qui lui fera chercher à préserver le futur de ses ambitions ? Car quand les portes de la salle de stratégie se referment, face à la réalité des sondages, la fin justifiera toujours les moyens. Et il n'aura pas d'hésitation à user de toutes les armes dont il dispose... 

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Au-delà de son immersion dans ce cambouis politique, President va ainsi capter l'attention du téléspectateur par la complexité de ses personnages, transposant cette sourde ambiguïté jusque dans leurs rapports, même familiaux. Cette dimension humaine, que le drama n'oublie pas de soigner, permet de ne jamais dépersonnaliser ou déshumaniser ces jeux de pouvoir, offrant ainsi un pendant concret aux problématiques politiques. Cela permet de s'assurer de la fidélité d'un téléspectateur qui, sans forcément aimer instantanément les personnages, se sent rapidement impliqué dans le sort de chacun. Si President ne renie pas une influence proche parfois de la dynamique de certains soaps, elle évite pour le moment habilement d'en faire trop, tout en se ménageant des possibilités d'évolution familières (la fille aînée opportunément "adoptée", par exemple). Dans le même temps, la série intrigue par des protagonistes dont les personnalités semblent continuellement se complexifier.

Que penser de la facilité avec laquelle Jang Il Joon décide exposer son fils (légitime) à une humiliation, forme de punition qu'il a certes bien cherché, mais qui surtout permet à son père de récupérer politiquement l'affaire ? Comment interpréter le geste fait à l'égard de Min Ki ? La révélation spontanée laisse le téléspectateur songeur, tout comme l'explication sybilline donnée ("tout fils a droit de connaître son père"). A l'image du jeune homme, le téléspectateur ne peut qu'être troublé devant la coïncidence entre la mort de sa mère et l'annonce de candidature de ce père biologique qui aurait tout à perdre dans ces révélations. Pour autant, c'est bien Jang Il Joon qui a pris lui-même l'initiative de dévoiler la vérité à un fils caché qui ignorait tout. A l'instar des autres personnages, Min Ki prend rapidement la mesure de ce milieu teinté de faux-semblants où les rapports de force semblent la seule vérité. Si bien qu'à son tour, il délaisse sa relative naïveté initiale, se mettant au diapason d'un ensemble assurément très pimenté. 

De façon plus générale, President esquisse des rapports familiaux particulièrement ambivalents, qui vont rester difficiles à cerner. Certes la cellule familiale demeure fondamentale. Mais derrière une apparence faussement unie, chacun semble tiraillé par son propre sens de la grandeur et sa conception personnelle de la famille, à l'image de Jo So Hee, épouse et mère impliquée, décidée à atteindre les sommets tout en protégeant les êtres qui lui sont chers. Héritière d'un grand groupe industriel, c'est pour elle que Jang Il Joon a oublié, le temps d'un séjour en Europe, cette jeune femme simple perdue sur son île, enceinte de ses oeuvres. So Hee n'a pas une fonction de faire-valoir : elle est autant une alliée de poids, qu'un possible point faible, ses actions, moins réfléchies, pouvant se révéler dangereuses. Reste que sa priorité familiale apparaît sincère, face un époux tout à ses rêves présidentiels. Fragilisée par la campagne électorale, l'introduction (pour l'instant secrète) de Min Ki risque bien de déstabiliser un peu plus une famille plus fragile que l'image renvoyée.

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Sur la forme, President s'avère plutôt soigné et assez plaisant. La réalisation est dynamique, à l'image du rythme d'ensemble de la série. On ressent une volonté manifeste de bien faire qui est agréable. Cependant ces efforts n'échappent malheureusement pas à la tentation de trop en faire, notamment relativement à la bande-son. En effet, c'est un recours constant à la musique que propose ce drama, entre divers accompagnements instrumentaux et autre ces petits thèmes au piano - à l'écoute certes plaisante -, qui finit par banaliser cette utilisation. Quasiment aucune scène ne va se dérouler sans une touche musicale, plus ou moins envahissante, en arrière-plan sonore. Comme la série est peu contemplative et jamais figée, on échappe à l'impression clipesque que donnent certains k-dramas. Mais, même si cela ne gêne pas le récit, cette débauche musicale apparaît un peu excessive.

Enfin, le casting laisse une impression d'ensemble globalement satisfaisante, confirmant l'appréciation positive que l'on ressent à l'égard de la galerie de personnages rapidement identifiables. Choi Soo Jong (Emperor of the Sea), que j'avais déjà trouvé convaincant l'été dernier dans Comrades, incarne à merveille ce politicien charismatique qui, derrière des principes de moralité affichés, ne manque pas d'ambiguïté. Ha Hee Ra (Catch a Kang Nam Mother, Give me food), son épouse à la ville comme à l'écran, offre un pendant parfait pour compléter ce couple ambitieux, collaboratrice active aux projets de son mari. Pour incarner leurs enfants, Wang Ji Hye (Personal Preference), en fille aînée responsable, trouve rapidement ses marques, tandis que Sung Min (du groupe Super Junior) reste pour l'instant cantonné à quelques brèves apparitions. Vous savez que j'ai toujours un peu tendance à me méfier des chanteurs devenant acteurs surtout dans leurs premiers dramas ; mais pour incarner le fils illégitime, j'avoue avoir été agréablement surprise par la prestation de Jay Kim (du groupe Trax). En plus d'être plus que charmant (c'est le moment de vous confesser mon léger crush), j'ai trouvé qu'il délivrait une performance d'ensemble globalement solide. Quant aux rôles secondaires globalement plutôt bien travaillés - ce qui est appréciable -, signalons notamment la présence de Kang Shin Il (Call of the country), Im Ji Eun (The Painter of the wind), Lee Doo Il (Chosun Police 3) ou encore Kim Heung Soo (Invicible Lee Pyung Kang). 

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Bilan : President est un drama rythmé et accrocheur, qui trouve rapidement le juste équilibre entre politique et famille, sachant pleinement exploiter tous les ressorts émotifs et dramatiques, teintés d'un machiavélisme de circonstance, que ces thématiques permettent. Nous plongeant dans une arène politique qu'elle dépeint sans complaisance, la série fait preuve d'une maturité narrative louable pour intéresser le téléspectateur à ces jeux de pouvoir. Elle évite aussi bien la déshumanisation de ce versant aride de politique politicienne que la facilité qu'aurait offerte la mise en scène d'une supposée figure providentielle. Se construisant autour de personnages ambivalents, souvent intriguants, et dont le sort ne nous est pas indifférent, President se révèle un drama efficace, calibré mais atypique par son thème, qui sait donner envie de s'y investir.


NOTE : 7/10


Une bande-annonce de la série :


Une chanson de l'OST :

01/12/2010

(K-Drama / Pilote) Marry me, Mary (Mary stayed out all night) : un concentré de légèreté


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Pour ouvrir ce mois de décembre, prenons - enfin - le temps de consacrer ce mercredi asiatique à un k-drama dans la lignée de ces légères sucreries mélodramesques dont le pays du Matin Calme a le secret, également très attendu en raison de son casting : Marry me, Mary (a.k.a. Mary stayed out all night), diffusé depuis le 8 novembre 2010 sur KBS2.

Soyons franc, si cela fait deux semaines que je reporte la critique, c'est en partie parce que je n'ai pas vraiment d'enthousiasme à partager devant cette découverte. Non qu'elle soit déplaisante à suivre, puisqu'elle prend peu à peu ses marques et que Moon Geun Young illumine l'écran. Mais il faut bien dire qu'elle est arrivée dans le courant d'un mois de novembre particulièrement chargé qualitativement en nouveautés sud-coréennes, de Secret Garden (qui s'impose comme mon gros coup de coeur de ces six derniers mois) à King Geunchogo. Abondance de séries ne nuit pas, mais oblige à hiérarchiser et à dresser un ordre des priorités. Tout dépendra ensuite de ce que l'on recherche ; car, pour un téléspectateur en quête de léger pétillant, assurément, Marry me, Mary est toute adéquate. Mais il faut bien reconnaître que la magie n'a pas opéré à mon égard. 

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D'emblée, la série s'installe dans le registre de la gourmandise sucrée-acidulée, naïvement romancée, qui se savoure sans arrière-pensée devant son petit écran. Le concept se révèle finalement d'une simplicité relativement désarmante, reprenant ces recettes traditionnelles, promptes à rapprocher des opposés et à faire naître des relations. Sans réellement prendre de distance avec l'histoire mise en scène, Marry me, Mary investit efficacement un terrain déjà connu de tout amateur de k-drama.

Wi Mae Ri est une jeune femme pragmatique et pleine d'entrain, étudiante par intermittence, employée quand elle le peut, dont le quotidien est rythmé par les coups de semonce des multiples créanciers de son père. Dotée d'un tempérament naturellement enjoué, elle s'efforce de prendre la vie du bon côté et de ne pas se laisser atteindre par ce harcèlement perpétuel, tout en protégeant son père du mieux qu'elle le peut, avec ses faibles moyens. Suite à un accident de voiture, elle rencontre - dans des circonstances donc quelque peu compliquées - le chanteur indépendant d'un groupe se produisant dans un club de sa ville, Kang Moo Kyul. Après l'avoir poursuivi pour le forcer à signer une décharge de responsabilité, la jeune femme finit par se lier, bon gré, mal gré, avec un artiste somme toute assez envahissant, qui n'hésite pas à s'inviter chez elle. 

Parallèlement, le père de Mae Ri, préoccupé par sa catastrophique situation financière, retrouve par hasard une vieille connaissance, un industriel ayant fait fortune au Japon. Ce dernier propose à Dae Han un accord pour l'aider à faire disparaître ses ennuis : il épongera toutes ses dettes si Mae Ri épouse son fils, Jung In. Effrayée à la perspective d'un mariage arrangé que son père perçoit comme sa bouée de sauvetage, Mae Ri fait alors passer Moo Kyul pour son nouvel époux, fausses photos de célébration à l'appui. Mais le mensonge ne fait qu'empirer une situation déjà bien confuse lorsque son père exhibe un faux certificat de mariage. Finalement, un bien curieux compromis est trouvé, satisfaisant toutes les parties : Mae Ri dispose d'une période d'essai de 100 jours au bout de laquelle elle devra faire un choix entre les deux jeunes gens qui lui sont proposés - ou éventuellement les refuser tous deux. Comment Mae Ri passera-t-elle ces quelques mois avec son temps ainsi divisé en deux ? Son coeur s'ouvrira-t-il à l'un ou à l'autre ?

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Comme il est facile de le pressentir à la lecture du synopsis, Marry me, Mary présente un cocktail condensé et revendiqué de légèreté parfaitement calibrée, qu'elle va s'attacher à exploiter par des recettes qui ont plus que fait leur preuve dans le petit écran sud-coréen. Avec une relative insouciance enjouée, un peu à l'image de son héroïne, la série prend son temps pour installer ses enjeux. Faisant le choix de capitaliser pleinement sur une indéfinissable innocence d'écriture, elle introduit dès le départ une dynamique plaisante, presque infantile dans le bon sens du terme, qu'incarne à merveille la resplendissante Mae Ri. C'est sans nul doute dans ce personnage que réside l'âme et le coeur de la série. Déjà, dans ses scènes solitaires, elle éclaire l'horizon du téléspectateur, perdue dans appartement vidée de tout mobiliser à savourer ses dramas. Dans les scènes versant plus dans le relationnel, voire la confrontation, elle apporte ce soupçon de spontanéité qui sonne juste, tout en trouvant instantanément une naturelle alchimie avec ses partenaires, à commencer par Moo Kyul.

Le corollaire nécessaire d'un tel cocktail de légèreté implique, pour que cela fonctionne, de parvenir à charmer le téléspectateur. Car le seul concept de départ - ces fameux 100 jours pour faire un choix - n'est pas un réel fondement narratif consistant, mais constitue plus un prétexte commode à des mises en scène, allant du rocambolesque franchement comique au touchant quasiment désarmant. Appliquant des recettes bien huilés, Marry me, Mary se révèle au final très contemplative dans sa narration, misant ouvertement tout sur ses personnages, prenant plaisir à distiller, par petites scènes anecdotiques, les bases des relations qu'elle va nous relater. Elle y met d'autant plus d'application que, pour s'assurer d'une tonalité en adéquation avec cette ambition de proximité émotionnelle, la série joue la partition connue de l'écriture à la naïveté aussi confondante que désarmante, dans laquelle le téléspectateur est invité à se laisser bercer.

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Sauf que si tous les synonymes et nuances des adjectifs "tendre" ou "mignon" vous viennent en effet inévitablement et naturellement à l'esprit, au cours du visionnage des premiers épisodes, le constat n'en demeure pas moins que la série va échouer à dépasser ces simples déclarations d'intention. A aucun moment, elle n'a réussi à véritablement me toucher. En fait, jamais je ne suis parvenue à me débarrasser d'une impression lancinante d'artifice, qui m'a empêchée de véritablement rentrer dans une histoire sonnant trop creux. Ce ressenti de fictivité, exacerbé par un concept donnant l'impression paradoxale d'être à la fois trop alambiqué et trop caricatural, m'a donc laissé de marbre, observatrice extérieure ni impassible, ni conquise, en dépit de ces quelques scènes, plus pétillantes que les autres, dont on sent confusément que ce sont celles qui doivent marquer.

J'ai coutume de dire que nombre de fictions sud-coréennes ne s'adressent pas au cerveau du téléspectateur (pour l'amoureuse des k-dramas que je suis, cela n'a rien d'un reproche), mais à son coeur, qu'elles ont l'art de savoir toucher et mettre nu comme peu de séries. Le risque de tout miser sur quelque chose d'aussi volatile et subjectif que le domaine émotionnel, c'est qu'à partir du moment où le charme n'opère pas, tout le château de cartes s'effondre. Peu importe que l'on perçoive consciemment le potentiel sous-jacent, peu importe que l'on apprécie telle ou telle scène particulière, ce qui l'emporte, c'est une impression globale de manque de consistance qui va rendre impossible l'adhésion au scénario. Si bien qu'imperceptiblement, au fil de l'épisode, l'intérêt du téléspectateur glisse progressivement pour ne plus tenir qu'à un fil quand vient la fin. Voici malheureusement quelle a été mon expérience devant Marry me, Mary. Il y a eu de petites étincelles par intermittence, mais à aucun moment, la magie globale de la série ne m'a touchée.

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Si la série est mitigée sur le fond, en revanche, aucun reproche ne pourra lui être adressé sur la forme. Dotée d'une réalisation énergique, d'une photographie qui n'hésite pas à sacrifier à certains effets de style pour donner le ton, l'image se révèle donc plaisante. Côté bande-son, Jang Geun Suk poursuit sa carrière de chanteur par petit écran interposé (un jour, il faudra tout simplement que quelqu'un l'autorise à diversifier sa carrière à cet autre domaine, au lieu de se servir tous ses projets filmés pour parfaire ses vocalises - ce dont je ne me plains pas) en interprétant les chansons "rock/indie" qui composent l'OST de Marry me, Mary. Si une réflexion sur les paroles d'une des chansons, relative à un bus, m'avait bien fait rire sur Dramabeans, j'avoue que les rythmes finissent par être entêtant après une écoute prolongée de plusieurs épisodes.

Enfin - et c'est sans doute cela qui sauve ce drama de l'étiquette de "comédie romantique anecdotique" -, l'incontestable atout de la série réside dans son casting. Moon Geun Young (The Painter of the wind, Cinderella's sister) illumine l'écran : à la fois pétillante et d'une étonnante fraicheur, elle est la raison pour laquelle Marry me, Mary pourra charmer certains. A ses côtés, Jang Geun Suk (Hong Gil Dong, Beethoven Virus, You're Beautiful) se rappelle à notre bon souvenir. Si j'ai toujours eu beaucoup d'affection pour lui, la sobriété stylistique de l'époque de Beethoven Virus me manque vraiment. Enfin, le casting est complété par Kim Jae Wook (Bad Guy) et Kim Hyo Jin (I am happy).

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Bilan : Concentré de légèreté, Marry me, Mary mêle à son classicisme narratif calibré, une innocence d'écriture désarmante et chaleureuse. Portée par une héroïne resplendissante, la série peine pourtant à concrétiser les promesses qu'elle laisse entrevoir. La magie ne parvenant pas à opérer, c'est son singulier manque de consistance global qui finit par ressortir : tout y sonne un peu trop creux, un peu trop vain, pour réussir à faire adhérer à l'histoire.

La série aura probablement ses amateurs ; d'autant que je ne nie pas qu'elle dispose d'un certain potentiel que la suite lui permettra peut-être d'exprimer. Mais elle m'aura laissée insensible, moi qui ne souhaitais qu'y trouver un réconfort chaleureux. Marry me, Mary restera donc probablement un rendez-vous manqué.


NOTE : 5,5/10


La bande-annonce de la série :


Une des chansons de l'OST :


21/07/2010

(K-Drama / Pilote) Gumiho : Tale of the Fox's Child (Grudge : The Revolt of Gumiho) : immersion soignée dans les légendes des contes coréens

 

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En ce mercredi asiatique, changeons un peu de style. Vous songez à vous ménager une petite pause dans votre dégustation de comédies romantiques (comment ça, Coffee House ne vous a pas séduit ?!) ? Vous vous êtes montrés peu enclin à vous laisser entraîner dans des fictions de guerre (certes, Road Number One n'était pas la meilleure tentative d'incursion dans ce genre) ? Rassurez-vous, la télévision sud-coréenne a d'autres cordes à son arc. KBS2 a ainsi pensé à vous et propose une séduisante alternative qui, avec son esthétique ambitieuse, dévoile des atours chatoyants : Gumiho : Tale of the Fox's Child.

Diffusé les lundi et mardi soirs, depuis le 5 juillet 2010, c'est un drama qui n'hésite pas à mélanger différents genres, pour laisser entrevoir un potentiel des plus intéressants. Car au-delà du fantastique, définitivement à l'honneur cet été en Corée du Sud, à travers la fameuse légende des Gumihos - dont je vous avais déjà parlé il y a quelques semaines pour l'anthologie Hometown Legends (2008) -, il s'agit d'une série historique, où actions et sentiments viennent régenter une quête plus profonde, commune aux différents protagonistes : un récit de survie et de cohabitation.

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Le premier épisode de Gumiho : Tale of the Fox's Child pose une situation, plus qu'il ne donne d'indications concrètes sur la tonalité à venir de la série. Semblant naviguer entre plusieurs genres, c'est grâce à ce mélange original - et, en même temps, intrigant - qu'il retient l'attention d'un téléspectateur qui, s'il n'est pas encore conquis, voit son intérêt irrémédiablement piqué par la richesse des thématiques soulevées au cours d'une première heure laissant entrevoir bien des promesses.

L'histoire en elle-même mérite bien un épisode d'exposition pour que ses tenants et aboutissants soient compris. Derrière l'apparence de jeune femme réservée et séduisante qu'elle renvoie, Goo San Daek est en réalité une créature de légende, une Gumiho. Lorsqu'elle n'apparaît pas sous ses traits argentés, elle ressemble à une humaine normale. Il y a dix ans de cela, un homme s'était rendu jusqu'à son repère et l'avait vue sous sa véritable forme. Elle ne l'avait alors épargné qu'avec la promesse qu'il ne parlerait jamais de cette rencontre. Sur le chemin du retour qu'il emprunta, elle s'était ensuite présentée à lui sous des traits humains, le séduisant sans difficulté.

Pourquoi un tel subterfuge ? Si une Gumiho peut vivre, pendant dix années, comme une épouse modèle aux côtés d'un homme, elle pourra accéder à un trésor plus précieux que sa vie : embrasser cette humanité tant prisée, quasi-inaccessible, et se débarrasser de sa nature de Gumiho. Et, consécration la plus précieuse pour une mère préoccupée par l'avenir de sa descendance, l'enfant qu'elle aurait alors eu à l'occasion cette union deviendrait également humain, échappant à la "malédiction".

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Les années ont passé depuis la rencontre de San Daek avec celui qui est désormais devenu son époux. De leur mariage, est née Yeon Yi. Cette dernière, aujourd'hui âgée de 9 ans, est devenue une fillette éveillée et curieuse. Mais, un soir, peu de temps avant que le fameux cycle décennal ne se soit entièrement écoulé, l'alcool délie la langue du père, trop bavard, qui raconte la rencontre qu'il fit, presque dix ans auparavant, au fond d'une grotte, avec un gumiho. Cette parole inconséquente d'ivrogne brise la promesse faite jadis pour lui épargner la vie, et rompt du même coup le processus enclenché qui aurait permis à San Daek d'accéder à cette humanité qu'elle aura frôlé. En plus de perdre sa femme, c'est également sa fille que l'homme condamne. Yeon Yi ne pourra rester une petite fille comme les autres ; la puberté approchant, elle se transformera en gumiho. 

Le quotidien policé de la modeste famille prend fin cette nuit-là. Le choc de la découverte de la véritable nature de sa femme sera fatale à un mari à l'instabilité mentale accrue par l'absorption d'alcool. Il se suicidera dans la nuit mouvementée suivant la révélation. Laissant son épouse et leur fille, livrées à elles-mêmes, dans un royaume dévasté, en proie à une épidémie semant derrière elle une traînée de cadavres et des villages dépeuplés.

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Parallèlement, le pilote suit un autre fil rouge, qui rejoindra l'histoire principale avant la fin de l'épisode. Il nous introduit ainsi dans la demeure d'une famille noble locale. De santé fragile, l'état de la petite fille du maître de maison s'est aggravé, la laissant aveugle. A court de solution, son père consulte un shaman qui lui livre une solution prophétique particulièrement glaçante. Pour assurer une longue vie à l'enfant, il devra trouver l'enfant qui est née en même temps qu'elle... pour lui prendre son foie, seul remède qui garantirait la survie de sa fille. Le shaman prédit que l'enfant en question viendra naturellement à eux, entraînée par le destin.

Nul besoin de préciser, vous l'avez déjà deviné : la fin de l'épisode nous révèle que la fillette en question, visée par cette prophétie, est Yeon Yi. On retrouve ainsi ici une thématique classique à toute fiction sur les gumihos : la consommation d'organes ayant un effet revivifiant à part. Ici, de manière inversée par rapport au folklore local, qui assimile ces créatures à une parenté démoniaque, les scénaristes ont choisi de faire du gumiho la proie.

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Ainsi exposée, la situation de départ révèle déjà la complexité inhérente à ce drama, la condition de gumiho des deux héroïnes ne venant que précariser un peu plus un sort déjà peu enviable. Il s'agit d'un secret qu'elles ne doivent dévoiler sous aucun prétexte. Or, Yeon Yi ignore pour le moment tout de sa véritable nature, ses pouvoirs ne s'étant pas encore manifestés, puisqu'elle se situait dans un entre-deux, tendant à consacrer son humanité grâce au processus de transformation en cours de sa mère. Encore enfant, immature, innocente et spontanée comme peuvent l'être les fillettes de son âge, elle n'est pas en mesure de se protéger. Ce rôle va devoir être assuré par une mère, dont la méfiance des humains est viscérale.

L'intérêt de ce drama va être de ne pas hésiter à combiner plusieurs problématiques. Au poids de ce secret à préserver vient donc s'ajouter la prophétie du shaman : pour sauver la fille noble, Yeon Yi devra être sacrifiée, le jour de ses 10 ans, soit dans 3 mois. Une sorte de double épée de Damoclès pèse sur sa tête. Le pilote tire ici admirablement bien son épingle du jeu, en réussissant à mêler de façon plutôt habile et inspirée la diversité de ces enjeux, combinant efficacement ces thématiques fantastiques.

Cette originalité dans le paysage des kdramas de la saison 2010 se montre donc d'autant plus attractive, que ce qui frappe lors du visionnage de cet épisode, au-delà d'une homogénéité encore perfectible, c'est sa richesse.

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Cette richesse se manifeste à plusieurs niveaux, à commencer par la diversité de contenu que propose ce pilote.

Si Gumiho : Tale of the Fox's Child est une série dont les personnages principaux sont des héroïnes qui n'ont rien de guerrières, elle ne va pas hésiter à utiliser sa connotation fantastique pour impulser de l'action et mettre en scène des confrontations violentes. Exploitant opportunément le thème de la dualité entre l'animalité, à laquelle renvoie la nature de gumiho, et l'humanité, nous avons ainsi droit à plusieurs scènes de combat, se distinguant par de belles chorégraphies. Parmi ces passages marquants, il y en a notamment un qui symbolise parfaitement tout le potentiel de la série. Il est à la fois atypique - puisqu'il s'agit d'une attaque non par des humains, mais par des tigres - et traditionnel télévisuellement parlant, au sens noble du terme : c'est une course-poursuite à travers une forêt de bambous, digne exercice de voltige, dont le style n'est pas sans évoquer des dramas références comme Damo.

Au final, ce pilote propose un contenu dense, présenté avec beaucoup de rythme et qui alterne les tonalités, tantôt proche du drame personnel classique et intimiste, d'autre fois plus proche des codes scénaristiques de la série historique où viennent se mêler quelques combats. S'il n'y a semble-t-il aucune intrigue de cour à attendre, en revanche, le cadre de la société confucéenne, socialement si rigide et codifiée, de la Corée du Chosun (Joseon) devrait également offrir matière à réflexion sur les rapports entre les différents protagonistes.

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Au-delà de toutes les pistes potentielles qu'ouvre ce premier épisode, qui suffisent à retenir l'attention du téléspectateur, il est impossible d'en rédiger une review complète sans évoquer et louer Gumiho : Tale of the Fox's Child sur sa forme. Car la série se situe incontestablement dans la tranche haute des dramas sud-coréens, en terme de réalisation, sans non plus trop en faire, à la différnece d'un Chuno (Slave hunters). Bénéficiant d'une esthétique soignée, particulièrement aboutie, agrémentée de plans admirablement bien maîtrisés, et - surtout - d'une photo superbe, ce drama est un vrai plaisir pour les yeux du téléspectateur. Les couleurs à l'écran sont belles et chatoyantes, sans être racoleuses. Si bien qu'on ressent l'impression très agréable d'avoir devant soi une production pleinement travaillée jusque dans ses détails formels. Cette apparence est corroborée par le volet musical de la série : la bande-son s'inscrit dans une sobriété toute en retenue, très opportune. Elle joue sur l'ambiance plus ou moins dramatiques de certaines scènes, accentuant le trouble des tonalités et le mélange des genres, sans jamais verser dans la surenchère.

Enfin, le casting ne dépareille pas de ce bel ensemble. Se partagent la tête d'affiche, l'actrice accomplie, Han Eun Jung (Cinderella Man, The Lawyers of the Great Republic Korea), en mère Gumiho protectrice, et la jeune, et pourtant omni-présente dans le petit écran sud-coréen, Kim Yoo Jung (cette année, elle a joué la jeunesse des héroïnes de Dong Yi et de Road Number One). A leurs côtés, on retrouve notamment Jang Hyun Sung (croisé, un peu plus tôt cette saison 2010, dans JeJoongWon), la jeune Seo Shin Ae, Suh Joon Young, ainsi que quelques habitués des seconds rôles de dramas, tels Kim Jung Nan (Creating Destiny), Kim Gyu Chul (Merchant Kim Man Deok) ou encore Im Seo Yeon.

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Bilan : Aussi avare en indications sur l'avenir que soit le pilote de Gumiho : Tale of the Fox's Child, il remplit très efficacement sa première fonction, celle d'aiguiser la curiosité d'un téléspectateur rapidement séduit, tant par l'esthétique, qu'intrigué par ce mélange des genres.

Bénéficiant d'une écriture solide, ce premier épisode, riche en promesses, révèle un potentiel indéniable, en trouvant l'inspiration aussi bien auprès des codes des dramas historiques, sans renier les scènes d'action, qu'auprés de dramas familiaux plus intimistes. Le tout demeure assujetti à une dose de fantastique légendaire, qui permet de suivre une thématique centrale originale, et qui tranche avec les sujets traditionnels des kdramas : une quête de survie, une réflexion sur la différence... Sous-tendant et transcendant les storylines, une question demeure : quels rapports sont possibles entre humains et Gumiho ?

S'il est trop tôt pour émettre un jugement éclairé sur le drama en lui-même, ce pilote a assuré l'essentiel pour moi : il m'a donné envie de découvrir quel sort attend les personnages introduits. Et je suis d'autant plus enthousiaste que, par son sujet, il semble exploré un univers bien différent de ceux que j'ai eus l'occasion de suivre depuis le début de 2010.


NOTE : 7/10


La bande-annonce de la série :


Le générique de la série :


07/07/2010

(K-Drama / Pilote) Comrades (Jeonwoo / Legend of the Patriots) : le déchirement d'une nation


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Le 25 juin 1950, les forces nord-coréennes franchissaient le 38e parallèle, dans le cadre d'une vaste offensive qui allait marquer le début d'un conflit particulièrement meurtrier, la Guerre de Corée. C'était une guerre visant à la réunification, mais elle allait sceller la partition du pays du Matin Calme. En 1953, l'armistice signée consacrerait un retour au statu quo ante bellum maintenu depuis lors.

Ce mois de juin 2010 correspondait donc à la comémoration des soixante ans du déclenchement du conflit. La thématique demeurant évidemment centrale, l'industrie de l'entertainment n'est logiquement pas en reste, sur grand écran, comme sur petit écran. Ainsi, pas moins de deux chaînes sud-coréennes se sont attelées à des projets pour faire revivre cette tragédie. Si le buzz médiatique indiquait qu'il fallait plutôt surveiller avec attention Road No. One, sur MBC, c'est finalement Comrades (Jeonwoo), sur KBS1, qui a tiré son épingle du souvenir de cet évènement historique, s'installant au-dessus de la barre des 15% de part d'audience avec ses premiers épisodes.

Diffusée depuis le 19 juin 2010 (le samedi et le dimanche) et d'une durée prévue de 20 épisodes, Comrades est en fait le remake d'une série datant de 1975. Loin du mélodrama classique, tout en s'en réappropriant certains codes, elle s'inscrit dans un registre assez atypique à la télévision sud-coréenne, celui des fictions de guerre (je vous avoue que je n'en avais encore jamais vues avant cet été et cette double ration). Même si une pointe de relationnel et de sentiments amoureux percent inévitablement entre certains protagonistes, il s'agit donc d'un drama résolument  concentré sur les combattants et la tragédie en cours.

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Le premier atout majeur de Comrades résidait évidemment dans le sujet particulièrement fort que le drama se proposait de nous raconter. Pour ma part, non seulement j'étais très curieuse de découvrir la façon dont il allait être traité par les chaînes sud-coréennes, mais en plus, j'y trouvais également derrière un intérêt purement historique : rien de tel qu'une série sur tel ou tel évènement pour aller me faire ouvrir les livres d'Histoire et découvrir des rayonnages jusqu'à présent inconnus de la bibliothèque. D'autant que, soyons franc, si j'ai quelques souvenirs vagues d'un paragraphe consacré à ce conflit dans le cadre d'un cours sur la guerre froide, tout cela forme des connaissances bien parcellaires, qui se limitent à quelques repères chronologiques qui ne combleraient même pas une fiche wikipedia. En résumé, en avant pour une double découverte des plus intrigantes !

Dès son premier épisode, Comrades choisit de nous plonger directement au coeur d'un conflit déjà entamé, à une période charnière où les rapports de force s'inversent. En effet, après les grandes manoeuvres initiées par le Nord au cours de l'été 1950, la contre-offensive du Sud paraît inarrêtable. En octobre 1950, Pyongyang tombe. Comrades s'ouvre justement sur cette bataille, donnant d'emblée la tonalité de la série, alors que nous vivons l'assaut aux côtés d'une unité de combat sud-coréenne. L'armée nord-coréenne est alors en déroute. La fin semble proche, certains parlent ouvertement de l'hiver. Mais l'intervention chinoise, avec ses centaines de milliers de "volontaires", va redistribuer les cartes et signer le début d'une nouvelle reconquête venue du Nord, obligeant les forces sud-coréennes à se replier en catastrophe.

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Au milieu des ruines du champ de bataille qui constitue son cadre, Comrades justifie son titre alternatif, "Legend of the Patriots", et l'aspect comémoratif sous-jacent, en s'attachant surtout à la dimension humaine de la guerre. Derrière le rappel des idéaux sacrifiés dans la boue des tranchées, la série se place, certes, dans une perspective majoritairement sud-coréenne, mais elle fait cependant clairement le choix de mettre en scène des protagonistes combattant dans les deux camps, n'occultant ni leur diversité, ni leurs conceptions, parfois très personnelles, de ce conflit fratricide.

Ce soin dans la reconstitution se ressent d'ailleurs jusque dans l'effort fait pour bien poser le contexte global, que rend possible la galerie disparate des personnages mis en scène. Aucune des deux armées ne forme un bloc monolithique. Chaque soldat a son histoire et ses propres motivations. Certains obéissent à des logiques géographiques, le Sud contre le Nord. D'autres à des convictions politiques, qui peuvent aller de la volonté de gagner son indépendance face à "l'impérialisme" américain à la lutte idéologique contre le communisme, en passant par ceux qui, simplement, souhaiteraient survivre ; nul n'obéit aux mêmes raisons.

Au-delà de ce tableau très hétérogène d'un pays déchiré, en arrière-plan, Comrades capte aussi une amertume que tous, sud comme nord-coréen, partagent à des degrés divers et qui les rapprochent d'autant : la désillusion commune d'une nation aspirant à se retrouver après plusieurs décennies d'occupation japonaise, et qui voit ses espoirs sombrer alors qu'elle se transforme en champ de bataille d'une lutte qui dépasse son seul cadre. Du soutien apporté au Nord par les "volontaires" chinois aux bombardements constants des avions de l'armée américaine assistant le Sud, c'est une guerre civile aux couleurs très internationales qui se déroule sur leur sol et dans laquelle se noie la souveraineté coréenne.

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Si les thèmes forts du drama sont rapidement et efficacement posés, en revanche, la série va mettre plus de temps à bien installer ses protagonistes. Le premier épisode, condensé de scènes de batailles tout juste entrecoupées de fugitifs passages de détente, se déroule presque sans temps mort, mais sans, non plus, réellement prendre le temps d'individualiser les personnages et d'humaniser ces soldats qui nous semblent tous interchangeables derrière leurs équipements militaires et la saleté qui recouvre leur visage. Certes, c'est un souci commun dans toutes les séries de guerre (les débuts de The Pacific au printemps avaient bien confirmé cette règle), cependant, j'avoue être restée plutôt réservée à la fin du pilote, un peu dans l'expectative concernant les fils rouges qu'allait suivre Comrades pour nous relater cette guerre. Heureusement, j'ai été vite rassurée par la tournure prise par les deux épisodes suivants, au cours desquels la série s'affirme et l'intérêt du téléspectateur grandit.

S'intéressant aux petites histoires au sein de la grande Histoire, Comrades s'attache aux destins d'une poignée de combattants de tous bords. Si la reconstitution des grandes batailles laisse un peu sur sa faim (pour des raisons techniques surtout), en revanche, la description du chaos suivant la contre-offensive nord-coréenne s'avère beaucoup plus piquante et permet du même coup à chacun des personnages de trouver une place. L'armée sud-coréenne en déroute laisse en effet, en territoire ennemi, des unités dispersées, tandis que des déserteurs, des deux camps, tentent, souvent vainement, de s'éloigner des hostilités. Un chaos ambiant très bien reconstitué.

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L'ensemble est certes considérablement romancé, en adaptant les codes scénaristiques classiques de la télévision sud-coréenne à la situation. Ainsi Lee Soo Kyung, femme officier engagée volontaire dans l'armée nord-coréenne, connaît intimement le sergent de l'unité sud-coréenne que nous suivons depuis le début, Lee Hyun Joong. Leurs routes vont se croiser quand le sort d'un général du Sud va être en jeu. Mais qu'importe les coïncidences, puisque, au contraire, cela permet non seulement de déchirer ce voile d'anonymat recouvrant les soldats des deux camps, mais c'est aussi l'occasion de mettre en exergue, de la plus symbolique des manières, le déchirement interne provoqué par cette guerre civile. Un fossé s'est creusé au nom de convictions politiques, mais la différence entre les combattants des deux camps n'est pas si profonde.

Un dialogue, chargé de regrets, entre Soo Kyung et le général du Sud, témoigne à la fois de la distance existant entre eux, mais aussi de cet amour commun pour un pays qu'ils ne conçoivent simplement pas de la même façon. Assujetti aux russes et aux chinois, ou bien aux américains, où se trouve la réelle indépendance ? Chacun aspire pourtant à une unification du territoire sous sa bannière, ne cherchant pas la scission, mais bel et bien une assimilation. Autre signe de cette paradoxale promiscuité, en dressant ce tableau d'une nation scindée en deux, Comrades n'occulte pas la perméabilité de la frontière délimitant chaque camp. Tous les soldats mis en scène ne sont pas bercés d'idéaux, et les failles de la nature humaine et son instinct de survie reprennent parfois le dessus sur la géopolitique.

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En lui laissant le temps de s'installer et de nous intéresser aux destinées de ses personnages principaux, Comrades gagne progressivement en intensité comme en densité. Les trois premiers épisodes que j'ai eu l'occasion de visionner jusqu'à présent m'ont paru aller crescendo ; au fur et à mesure que le drama avance, l'intérêt qu'il suscite croît. J'ai aussi eu le sentiment qu'à partir du moment où la série choisit de rester, plus modestement peut-être, à une échelle humaine, en s'arrêtant principalement sur le sort de sa poignée de protagonistes, elle réussit à acquérir une épaisseur autrement plus convaincante que lors de ses reconstitutions trop ambitieuses.

Mais on touche ici à un registre sans doute purement formel. Recréer de grandes batailles où s'affrontent des centaines de soldats implique d'importants moyens techniques. Certes, Comrades s'en sort très honorablement. Mais sa réalisation demeure aussi prudente qu'extrêmement classique. Elle parvient à générer une atmosphère guerrières des plus tendues. Cependant, au milieu des explosions et des échanges de coups de feu, il est également très difficile de ne pas dresser des parallèles, somme toute naturels, avec d'autres productions de guerre récemment visionnées. Je reconnais que c'est sans doute un réflexe injuste et surtout très subjectif. S'il est évident que ce drama n'a pas vocation à essayer de rivaliser avec une série aussi esthétiquement aboutie que The Pacific (pour parler d'exemples encore frais), j'ai quand même fortement ressenti la différence de moyens budgétaires. Cet aspect plus "cheap" ne remet pas du tout en cause la série sur le fond, mais il laisse au téléspectateur une impression un peu nuancée au cours de certains grands chantiers de reconstitution. 

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Toujours sur un plan formel, en digne fiction comémorative, Comrades aime logiquement la symbolique et les jolis effets de style. Quoi de plus survoltant que la pleine exploitation d'une bande-son assez ambitieuse ? L'utilisation de musiques aux accents volontairement épiques s'inscrit dans la tonalité globale de reconstitution recherchée par la série. D'ailleurs certains morceaux sont très beaux. Finalement, même si leurs recours sonnent parfois un brin excessif, on se laisse facilement emporter par le souffle qui traverse alors le drama.

Enfin, du côté du casting, à la manière de la série elle-même, les acteurs s'imposent progressivement derrière les figures des soldats. La tête d'affiche est composé d'un solide trio, comprenant les acteurs Choi Soo Jong (Emperor of the Sea), Lee Tae Ran (The Woman Who Wants to Marry) et l'impeccable Lee Duk Hwa (Empress Chun Choo), en général de l'armée sud-coréenne dont l'expérience au combat impose le respect dans chaque camp. Ils sont épaulés par une galerie de personnages plus secondaires tout aussi importants pour donner le ton de la série et contribuer à sa richesse et à sa diversité. Parmi eux, on retrouve notamment Kim Roe Ha, Hong Kyung In, Im Won Hee, Nam Sung Jin, Ryy San Wook, Lee Seung Hyo, Park Sang Woo, Ahn Yong Joon, Jung Tae Woo ou encore Lee Joo Suk.

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Bilan : Série de guerre nous plongeant au coeur du conflit, aux côtés des combattants, Comrades ne se départit pas pour autant des codes scénaristiques classiques de la télévision sud-coréenne, afin d'exploiter pleinement une dimension humaine lui permettant de relater les petites histoires au sein de la grande Histoire. Si les moyens techniques limitent la portée de certaines des reconstitutions les plus ambitieuses, le drama gagne progressivement en intensité et en épaisseur, à mesure que ses protagonistes s'affirment et que des fils rouges plus personnels apparaissent derrière le vaste tableau de la guerre. Comémorative, Comrades s'attache également à son contexte. Elle dresse le portrait teinté d'amertume d'une nation qui assiste à son implosion, sous la pression conjuguée des convictions politiques internes et des interventions internationales.

Ainsi, en dépit d'une certaine inégalité, suivant les storylines, et d'une homogénéité d'ensemble encore à travailler, les débuts de Comrades entretiennent la curiosité du téléspectateur. Si la série poursuit sur la voie suivie par les trois premiers épisodes qui vont crescendo, le résultat final peut se révéler très intéressant. Sinon, voici quand même un drama atypique qui mérite le détour, sur un sujet historique et contemporain qui mérite à lui-seul une attention toute particulière.


NOTE : 6,75/10


La bande-annonce :


Une chanson de l'OST de la série, avec des photos promos défilant à l'écran :