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12/12/2012

(K-Drama / SP) Art : les aléas de la création artistique et de la construction d'un mythe cinématographique


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Après deux semaines de pause, cela fait du bien de reprendre la plume et de vous retrouver ! Surtout que si ces derniers jours ont été éprouvants, ils ont aussi levé un grand poids de mes épaules, et soudain l'écriture se fait plus légère et spontanée. De retour aux affaires après 15 jours d'absence (ce qui, dans la planète sériephile, équivaut à une faille spatio-temporelle qui ne se résorbera pas avant des semaines), en ce mercredi asiatique, je préfère laisser les dernières nouveautés de côté pour revenir sur une fiction visionnée en novembre qui m'a intrigué et fasciné comme peu dernièrement : Art.

Le format permis par les drama special de KBS - des histoires courtes, se déroulant sur une heure - est propice aux expérimentations, saisissant l'occasion pour nous entraîner par-delà les canons classiques du petit écran sud-coréen. Ecrit par Han Seung Woon, Art incarne parfaitement cette ambition, nous glissant dans les coulisses de l'industrie cinématographique en adoptant le style particulier du mockumentary (ce qui est une première pour moi, n'ayant encore jamais vu la télévision sud-coréenne s'initier à ce type de fiction). Au final, cela donne une heure très intéressante à tous les niveaux qui fait pour l'instant de Art mon drama special préféré de la saison.

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Dans l'imaginaire du cinéphile sud-coréen moderne, le film Hideout apparaît aujourd'hui comme une légende. Flop retentissant lors de sa sortie, où il avait réuni pour sa première séance 32 spectateurs, il est pourtant le premier film du pays à avoir été invité au Festival de Cannes. Mais face à cet accueil glacial, le réalisateur a brûlé toutes les copies existantes de son film, avant de se donner la mort. L'actrice principale, la mystérieuse Ko Jeong Ah, a ensuite rapidement disparu du milieu cinématographique. Depuis, Hideout est pourtant devenu une référence dans les ciné-clubs du pays ; tout passionné du grand écran a visionné quelques extraits de très mauvaise qualité d'un film dont il n'existerait plus aucune copie intacte originale.

C'est du moins ce que l'on croyait lorsque, à Cannes, un festivalier met la main sur une version d'origine entièrement préservée. Pour préparer le retour au pays et la sortie en DVD du chef-d'oeuvre mythique, un jeune réalisateur se voit confier le soin de faire un documentaire qui conduise dans les coulisses du tournage passé et éclaire les mystères de la conception du célèbre film. Interviewant d'anciens membres du casting ou de l'équipe technique, il a pour objectif de retrouver l'actrice principale. Mais si Hideout jouit aujourd'hui d'un statut de film culte, Joon découvre surtout les paradoxes et les difficultés qui ont marqué sa conception, loin de l'aura que l'oeuvre a désormais acquise.

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Art est tout une histoire rythmée et stimulante du fait de sa densité : plusieurs récits se superposent, puisque l'on suit la conception d'un documentaire sur... la conception d'un film. Semblable à une enquête où le but est de multiplier les interviews afin de revenir aux sources de l'oeuvre étudiée, le drama se construit sur une dynamique d'opposition permanente entre le réalisateur et la scénariste du documentaire. Le premier voit dans ce projet le moyen de -enfin- se faire un nom dans une industrie qui semble avoir oublié qu'il était autrefois considéré comme un de ses talents prometteurs. Il n'hésite pas à se détacher de l'oeuvre elle-même pour s'intéresser aux conflits bien plus humains et matériels l'ayant entourée, exaspérant sa collègue qui veut restituer l'âme de Hideout. Pourtant, très vite, il apparait que ces deux jeunes professionnels poursuivent inconsciemment une même quête, réunis par le métier créatif qu'ils ont choisi : celle de comprendre comment un simple film a pu acquérir une telle aura.

S'intéressant aux voies impénétrables et si aléatoires de la création artistique, Art nous entraîne par-delà le culte d'un film, déconstruisant progressivement le phénomène contemporain que l'oeuvre est devenue, avec la part de mystères, d'extrapolations et de légendes entretenues depuis des années. Apportant soudain un nouvel éclairage et du recul par rapport à cet ensemble, le drama essaie d'apprécier et d'expliquer comment le processus de création, mais aussi tout ce qui a pu ensuite entourer la vie et l'exploitation du film, ont chacun participé à la construction d'un mythe qui a échappé à son concepteur. La fiction éclaire à quel point le mélange de facteurs contradictoires a été décisif : des adversités mal surmontées aux contraintes budgétaires inattendues, en passant par les gestions difficiles d'égos et des actes spontanés finalement conservés. Ils ont tous apporté une pierre à l'édifice en gestation. En filigrane, se dessine aussi le portrait peu flatteur d'une industrie, de ses intérêts commerciaux, et des enjeux financiers jamais loin de sacrifier le créatif, tandis que jouait aussi la complexité du contexte politique où la censure conservait un rôle.

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Comme tout mockumentary, la forme a également son importance dans Art, le drama special jouant sur les vues plus ou moins intrusives et proches que permettent les caméras multiples qui accompagnent les personnages principaux. L'aspect documentaire reste un facteur à part entière du récit : les protagonistes intéragissent avec l'appareil qui les filme, prenant le public potentiel à témoin. La réalisation réussit très bien aussi à faire ressortir l'ambivalence du format, oscillant entre mise en scène mercantile et un réalisme spontané qui nait dans les saillies verbales et réactions capturées.

Si les atouts du mockumentary sont bien exploités, cela se fait parfois au détriment du développement des personnages. C'est pourquoi sans doute les acteurs donnent l'impression de mettre un peu de temps à trouver leurs marques. Cependant, étant donné que l'approche privilégie la sobriété et un jeu le plus naturel possible, cela n'amoindrit en rien l'exercice de style proposé. C'est Eom Tae Goo qui incarne le réalisateur à qui est confié le soin de mener cette enquête dans les coulisses de cette oeuvre mythique. On retrouve à ses côtés Lee Bo Hee, Park Joon Geum, Kim Sin Ah, Kim Jong Goo ou encore Baek Chan Gi.

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Bilan : S'intéressant à la manière dont une oeuvre peut changer de dimension pour atteindre un véritable statut "culte" allant bien au-delà du film d'origine, Art est un drama extrêmement intéressant par sa manière d'éclairer sans complaisance, ni jugement, les aléas de la création et les paradoxes et contradictions de l'industrie cinématographique. Le format du mockumentary est indéniablement un atout pour le récit : non seulement il permet une mise en scène dynamique de l'enquête des documentaristes, mais il apporte aussi une fraîcheur très appréciable à l'ensemble.

Art est donc une expérience télévisuelle très intéressante qui exploite pleinement sa courte durée (même si elle peut peut-être un peu frustrer, effleurant seulement certaines thématiques). Reste qu'il s'agit d'un essai dans un genre qu'on n'a pas forcément souvent l'occasion de voir dans le petit écran sud-coréen : à découvrir !


NOTE : 8,5/10

07/11/2012

(K-Drama / SP) Re-Memory : en quête d'une reconstruction

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Après trois semaines consécutives passées au Japon, remettons le cap en Corée du Sud. En attendant quelques dramas nouveaux lancés au cours du mois, j'ai poursuivi mon exploration de la saison actuelle des dramas special de KBS. On y trouve décidément des genres très différents, même si je constate souvent que le format court (un peu plus d'une heure) sied sans doute plus à des human dramas - comme l'avait démontré The Temple (The Gate of Truth) en septembre - qu'à des fictions faisant des incursions dans le registre du thriller. Cependant, cette semaine, je me suis arrêtée cette semaine sur une fiction finalement assez intriguante : Re-Memory, scénarisée par Hwang Min Ah.

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Lee Yeong In travaille dans une galerie d'art. Si elle a longtemps dessiné, elle a depuis abandonné ses rêves de peinture. En effet, suite à un traumatisme, elle souffre d'un trouble rare, la prosopagnosie, qui l'empêche d'être capable de reconnaître les visages de ceux qu'elle croise. Evoluant sans repère au sein de la société, elle ne peut identifier visuellement les gens qu'elle rencontre, ses connaissances mêmes restant à jamais des étrangers pour ses yeux. Un soir, à la galerie, elle est prise à partie par un homme, dont elle assiste au meurtre. Choquée, elle essaie tant bien que mal d'aider la police dans ses investigations. Le détective Kang Ji Hoon se préoccupe tout particulièrement de son sort, pour ses propres raisons...

Plus que dans l'enquête qu'elle met en scène, c'est en réalité dans un autre registre, celui de la fiction d'ambiance introspective que Re-Memory retient l'attention. L'histoire est en effet l'occasion d'apporter un éclairage sur l'héroïne, sur les frustrations engendrées par sa condition particulière, mais aussi, à terme, sur la reconstruction nécessaire qu'elle doit entreprendre pour réapprendre à vivre et se dépasser. Son incapacité à mémoriser les traits de ceux avec qui elle parle font de ce qui l'entoure un troublant monde inconnu, encore plus inquiétant qu'il ne l'est réellement car elle ne peut y établir aucun repère. En plus de la placer à part, rendant toute socialisation impossible, ce trouble l'empêche véritablement de vivre. La barrière qu'elle a établie avec l'extérieur la rend en fait comme prisonnière de sa propre condition. Et l'évènement relaté dans ce drama special met en lumière toutes les limites qui l'enserrent.

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Cette exploration offerte autour du personnage central reste le principal attrait d'un drama special qui emprunte à différents autres registres familiers, ayant tendance à quelque peu se disperser au fil du récit, avec des enjeux assez mouvants : du simple policier d'enquête, on glisse ensuite vers l'idée de vengeance, en prenant même le temps d'une esquisse de relation qui s'établit entre l'héroïne et le policier. La brièveté du format oblige à rester succinct, parfois trop. Et sans doute le scénario ne fait pas preuve d'une maîtrise suffisante pour bien doser tous ces thèmes, laissant l'impression d'une superficialité d'ensemble sans vraiment être en mesure de s'approprier et d'exploiter toutes les idées. De plus, si l'ensemble reste intriguant et si la plupart des twists fonctionnent, il manque aussi une réelle tension à l'ensemble qui aurait permis à Re-Memory de s'épanouir dans un suspense que son histoire méritait. Une meilleure direction de l'histoire et hiérarchisation aurait sans doute donné un résultat plus abouti, et donc satisfaisant.

Sur la forme, si la réalisation donne une image qui apparaît un peu datée, un peu trop en retrait et posée peut-être. Cependant l'introduction est assez réussie grâce au choix de placer la caméra du point de vue de l'héroïne tandis qu'elle doit affonter le monde avec sa condition si frustrante : certaines scènes, surtout au début, ont quelque chose d'oppressant teinté de paranoïa - quand les visages apparaissent non reconnaissables y compris au téléspectateur qui assiste aux scènes du point de vue de Yeong In. Si le drama special n'aura pas vraiment exploré plus avant cette voie, il y avait là quelques idées intéressantes. Quant au casting, l'interprétation froide et toute en retenue de Cha Soo Yeon convient très bien à son rôle, jeune femme presque inaccessible à l'extérieur, qui s'efforce de malgré tout poursuivre sa vie. Face à elle, Kim Tae Hoon interprète le policier qui prend son affaire très à coeur et se rapproche d'elle pour des raisons qui lui sont propres. On retrouve également Kim Gyoo Cheol, Choi Moo In, Lee Mi So ou encore Nam Dong Jin.

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Bilan : Si Re-Memory aurait gagné à mieux identifier et hiérarchiser ses enjeux dès le départ, ce drama special reste une fiction expérimentale intéressante par sa volonté de dépasser la simple enquête policière, pour proposer une approche plus intime et psychologique d'une figure principale qui doit se reconstruire. Restant un peu trop superficiel dans sa façon de traiter ses thèmes pour pleinement satisfaire et manquant d'une tension qui aurait été bienvenue, l'ensemble laisse quelques regrets, mais reste cependant intriguant.


NOTE : 6,25/10


La bande-annonce du drama :


11/01/2012

(K-Drama) Resurrection : un thriller de vengeance parfaitement exécuté

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Retour au mercredi asiatique classique après les festivités des dernières semaines ! Suite à la déception causée par The Empress à la fin de l'année dernière, je suis partie en quête d'un revenge drama plus solide dans lequel m'investir. Et puis, il faut dire qu'en dehors de Story of a man, je n'ai pas eu tant de fois l'occasion de réellement apprécier jusqu'au bout ce genre particulier de séries. Plusieurs parmi vous, comme Titania ou Minalapinou, m'avaient déjà conseillé fortement Resurrection. J'ai donc profité des vacances de fin d'année pour m'y plonger.

Resurrection s'inscrit dans le cadre de ces "rattrapages" auxquels je veux aménager plus de temps en 2012. Ce n'est pas un drama récent, puisqu'il a été diffusé sur KBS2 au cours de l'été 2005. Scénarisé par Kim Ji Woo, à qui l'on doit également The Devil ou encore actuellement Fermentation Family (que je compte bien regarder), il comporte au total 24 épisodes, d'une heure chacun environ. Dans l'ensemble, on y retrouve efficacement exploités tous les ingrédients qui font l'identité d'un k-drama - aussi bien sur le plan esthétique, musical que narratif. J'ai ainsi passé un bon moment devant mon petit écran !

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L'histoire de Resurrection est complexe et met plusieurs épisodes pour véritablement enclencher la vengeance qui va être le coeur du récit. Tout commence il y a 20 ans : un inconnu a déposé chez Suh Jae Soo un garçon ensanglanté et sous le choc. Le traumatisme a fait tout oublier au gamin traumatisé qui a été incapable d'expliquer ce qui lui était arrivé, ou même de dire son nom. Jae Soo, déjà père d'une petite fille, Eun Ha, craignant pour la vie de l'enfant, a donc fait le choix de l'élever comme son fils, sous le nom de Suh Ha Eun. Le seul lien avec son mystérieux passé qu'a conservé Ha Eun est un badge de police qu'il avait avec lui à son arrivée. Cet objet nourrit une vocation, puisqu'il lui ouvre une voie professionnelle toute tracée, le jeune homme décidant d''entrer dans la police. Lorsque la série débute, il est un inspecteur déjà aguerri. Une affaire va cependant précipiter un nouvel engrenage et faire ressurgir ce passé oublié.

Son équipe est appelée sur les lieux de ce qui a toutes les apparences d'un suicide. Mais Ha Eun, trouvant le cas suspicieux, se persuade qu'il s'agit d'un meurtre mal déguisé. Il n'hésite pas à bousculer les personnes qu'il suspecte. Ce qu'il ignore c'est que ce cas est connecté avec les évènements d'il y a 20 ans. En remuant le passé, il va découvrir ce que son amnésie lui avait fait oublier : son véritable nom est Yu Gang Hyuk. Son père, un inspecteur de police, a été tué dans un accident de voiture dilligenté par ceux qui risquaient d'être exposés par l'enquête qu'il menait alors. Ha Eun a réchappé par miracle à l'accident, grandissant inconscient de la tragédie et séparé de sa famille, et notamment de son jumeau, Shin Hyuk. Mais il a désormais attiré l'attention des mauvaises personnes : ceux qui ont échoué à le tuer il y a 20 ans, craignant qu'il ne les expose, décident de ternir sa réputation de flic, puis de le faire assassiner.

Seulement, dans leur précipitation, les tueurs confondent les deux frères qui viennent de se retrouver : Shin Hyuk est celui qui est tué. Décidé à venger son frère et tous les drames qui ont brisé sa famille, Gang Hyuk échange leur identité, prenant la place de Shin Hyuk, en tant que vice-président d'une puissante entreprise de construction, tandis que Ha Eun est considéré comme mort. Il va alors entreprendre de faire payer ceux qui ont trahi son père et provoquer tous ses malheurs. 

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Si ce résumé des évènements fondant l'intrigue principale peut paraître long et complexe, ne vous y trompez pas, le premier atout de Resurrection est de disposer d'une trame narrative d'ensemble où tout s'emboîte et est parfaitement orchestré. Nous sommes en effet face à un drama qui sait prendre son temps pour bien poser et développer ses différentes intrigues. Les cinq premiers épisodes forment ainsi une sorte de long chapitre introductif, présentant les personnages et la situation de chacun, et décrivant les évènements qui viendront justifier la vengeance à venir. Ce début permet à la série de se construire sur des bases solides, mesurant le chemin qui sera parcouru par le héros et la métamorphose que va lui faire subir la voie vengeresse embrassée. Conservant un rythme constant du premier au dernier épisode, le drama va ensuite entreprendre d'exposer sous nos yeux un engrenage très prenant.

Le grand atout de Resurrection est de bénéficier d'une écriture dont la fluidité et la cohésion sont à saluer, récompensant l'investissement du téléspectateur. Les différentes étapes d'exécution de la vengeance imaginée par Ha Eun sont méthodiquement mises en scène, avec une cohérence qui permet d'adhérer très facilement au postulat de départ que constituent cette double tragédie à 20 ans d'intervalle et l'échange d'identité qui s'ensuit. On ne trouve dans cette série aucun saut qualitatif, ni d'inégalité, si bien qu'elle apparaît un peu comme l'antithèse de ces k-dramas qui s'égarent avant la fin : chaque épisode se justifie, et si le récit n'évite pas toujours certaines longueurs, dans l'ensemble une impression de maîtrise prédomine jusqu'au dénouement final, les confrontations du dernier épisode méritant vraiment le détour. La conclusion sera logique, préservant la part d'ambiguïté d'une fiction qui aura toujours maintenue ouverte une possible rédemption pour ce héros qui nous entraîne sur un chemin fatal.

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Au-delà d'une intrigue qui demeure le point fort de la série, Resurrection doit également beaucoup à son personnage principal. Car ce qui m'a le plus marqué dans ce thriller fort efficace, c'est l'évolution du personnage de Gang Hyuk/Ha Eun. Le drama joue habilement sur toutes les facettes et ambivalences de son désir de vengeance, tout en exposant aussi le prix payé : le sacrifice personnel qu'il fait en changeant d'identité, contraint de couper les liens avec les siens, et découvrant une autre famille, dans laquelle il aurait dû grandir et qui tient tout autant que lui à ce frère qu'il n'a eu le temps de recroiser que quelques minutes. Vient ainsi s'ajouter au thème de la vengeance, celui de la perte d'identité. On assiste en effet à la transformation troublante, aux accents tragiques et au parfum presque schizophrénique, de ce personnage complexe, que son envie même de revanche fait souffrir.

Cependant, si Resurrection investit efficacement les canons les plus classiques des séries sud-coréennes, elle se heurte aussi à certaines limites assez fréquentes dans ce genre. Aussi bien exécuté qu'il soit, ce drama présente deux points faibles. Le premier tient au fait d'avoir absolument voulu greffer une inévitable romance et des triangles sentimentaux dispensables qui, s'ils ont parfois leur intérêt dans certaines confrontations, alourdissent aussi inutilement la dynamique d'ensemble. La relation entre Ha Eun et Eun Ha tombe dans un schéma trop répétitif pour véritablement servir de fil rouge émotionnel. Le second élément criticable tient à la figure du "méchant" représenté par celui qui sert d'homme de main aux réels commanditaires ciblés par Ha Eun. Caricature aux traits trop forcés et maniérés pour lui donner une réelle crédibilité, il n'offre pas la stature d'opposant que l'on aurait pu légitimement attendre. Le sur-jeu de l'acteur est en partie responsable, mais c'est l'écriture trop unidimensionnelle du personnage qui en premier lieu à blamer. Reste que ces quelques défauts ne viennent pas remettre en cause la solidité d'ensemble du triller.

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Sur la forme, Resurrection est également particulièrement bien maîtrisé. La réalisation est plaisante à suivre, avec une photographie qui reste dans l'ensemble plutôt sombre. Loin de la pétillance d'une rom-com, cela correspond ainsi parfaitement à ce que l'on peut attendre d'une ambiance de thriller. La mise en scène est de facture classique, avec une théâtralisation savamment rôdée, offrant notamment ces traditionnels temps de suspension où la bande-son prend le pas sur le récit. Cela fonctionne parce que l'OST est globalement d'un très bon niveau, tous les morceaux récurrents - chansons comme instrumentaux - marquant l'oreille du téléspectateur et contribuant à la tonalité du drama.   

Enfin, pour porter cette histoire à l'écran, Resurrection dispose d'une galerie d'acteurs dont la plupart m'était a priori déjà très sympathique. Celui qui est le plus sollicité et qui délivre la performance la plus marquante est assurément Uhm Tae Woon (The Devil, Doctor Champ). Avec une interprétation schizophrénique, il capture toutes les nuances entre ces deux personnages très différents que sont les jumeaux, mais aussi la transformation progressive de Ha Eun dont la personnalité se dilue dans ses désirs de vengeance. L'acteur est magistral et apporte une crédibilité et une consistance notables à ce(s) rôle(s) qui étai(en)t potentiellement glissant(s). A ses côtés, on retrouve deux actrices que j'apprécie : Han Ji Min, qui m'avait marqué dans Capital Scandal, et la toujours dynamique So Yi Hyun (Hyena, Swallow the sun). Enfin pour compléter le quatuor, Go Joo Won (My Woman, The King and I) est sans doute celui qui dispose du rôle le moins travaillé, restant donc logiquement plus en retrait.

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Bilan : Thriller très prenant, Resurrection est un drama admirablement bien construit, au rythme constant, qui dépeint un engrenage létal dont le développement maîtrisé n'échappe jamais à sa scénariste. La série s'avère parfaitement représentative de tout un savoir-faire et devrait plaire aux amateurs de k-dramas : elle rassemble en effet tous les ingrédients qui font la force du petit écran sud-coréen, aussi bien dans le contenu de l'histoire et dans sa dimension émotionnelle, que dans la mise en scène proposée. Si elle n'est pas exempte de tout défaut, n'échappant pas à certaines longueurs et à quelques partis pris narratifs discutables, elle captive du début à la fin. Le téléspectateur se laisse ainsi prendre à ce jeu de vengeance, et ne le regrette pas une seule seconde. A voir !


NOTE : 7,5/10


Le générique :


Un MV avec une chanson de l'OST :

22/06/2011

(K-Drama / Special) Wonderful Coffee : un portrait de femme touchant et naturel

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Cette semaine a été un peu plus calme dans mes programmations asiatiques. Il faut dire qu'après le choc White Christmas (dont je n'arrive toujours pas à arrêter de parler), il est bien difficile de revenir au quotidien "normal" des dramas en cours. Pour me changer les idées, j'ai fait quelques excursions du côté de Taïwan et de Hong Kong ce week-end, et je me suis aussi lancée dans un projet que j'envisageais depuis quelques mois déjà en Corée du Sud : jeter un oeil aux dramas special de KBS. Comme mon été s'annonce très chargé côté professionnel, j'avoue y voir aussi un moyen de garder la saveur du petit écran sud-coréen sans avoir à prendre trop d'engagement auprès de longs dramas (et disons que je n'ai pas non plus toujours le temps de consacrer autant d'heures à la rédaction d'une review comme le bilan de la semaine dernière).

J'ai déjà eu l'occasion de vous parler de ces cycles qui se rapprochent plutôt d'anthologies, avec des dramas special series, comme Rock Rock Rock ou, justement White Christmas. Mais on y trouve aussi des dramas special qui eux ne comporte qu'un seul épisode. Ce sont les articles d'Eclair et de Minalapinou qui avaient attiré mon attention sur ces derniers. Si je ne les reviewerai pas tous avec exhaustivité, j'ai quand même envie d'évoquer ceux qui auront retenu mon attention, d'une façon ou d'une autre. 

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C'est sur le troisième épisode de ce cycle que je vais m'arrêter aujourd'hui : Wonderful Coffee a été diffusé le 29 mai 2010 sur KBS2. S'il y aurait sans doute tout un article analytique à écrire sur les rapports fusionnels des dramas sud-coréens et de leur obsession l'art de faire du café, reste que ce simple mot inclus dans un titre résonnera toujours d'une façon particulière et chaleureuse aux oreilles du téléspectateur. La bonne nouvelle, c'est que Wonderful Coffee va savoir perpétuer cette diffuse magie de la boisson cafféiné.

Oh Jong est une mère de famille célibataire qui élève, seule, ses trois filles, chacun de ses enfants étant issus de différents pères. Si elle a l'habitude de cumuler les petits boulots, elle répond un jour à l'annonce d'un petit café. La grande amatrice de cette boisson qu'elle est se révèle vite des plus douées pour apprendre à concevoir les mélanges les plus rafinés. Oh Jong, d'un naturel enjoué et très social, prend également beaucoup de plaisir à intéragir avec ses clients. Elle parvient même peu à peu à faire s'ouvrir son si renfrogné patron, un ancien camarade d'école perdu de vue, Choi Chang, qui ne comprend pas grand chose aux relations humaines. Mais le parcours et les choix de vie d'Oh Jong demeurent une source d'exclusion sociale irréductible.

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Wonderful Coffee est un drama special d'un classicisme assumé dans le bon sens du terme, qui va s'avérer étonnamment rafraîchissant rafraîchissant. Si son histoire ne présente pas de prise de risque particulière, il émane de l'ensemble une douce authenticité, pleine de chaleur humaine, caractéristique d'une fiction qui parvient à retranscrire sans artifice un émotionnel auquel le téléspectateur ne va pas demeurer insensible. Le charme de l'épisode réside essentiellement dans le portrait de son personnage principal : son naturel sociable et optimiste s'entremêle avec les préoccupations plus poignantes d'une mère de famille célibataire qui partage pourtant les préoccupations des femmes de son âge sur sa vie future et amoureuse. On s'attache instinctivement à cette femme volontariste dont on va suivre, avec implication, l'évolution.

Touchante histoire humaine, Wonderful Coffee n'en demeure pas moins éprouvant à l'occasion. Ne se cantonnant pas à une simple déclinaison des ingrédients de la romance, elle n'hésite pas à aborder de manière directe des thématiques sociales parfois dures. Car Oh Jong n'est pas une énième trentenaire rêvant de prince charmant. Elle sait ce qu'est la vie. Elle a déjà connu trois mariages et est aussi une mère de famille qui doit être présente pour ses trois filles. Si le drama special effleure avec tact cette problématique plus intime de savoir si elle peut encore envisager une vie amoureuse et avoir le droit d'espérer un futur avec quelqu'un, c'est par son autre grande thématique qu'il va surtout marquer : la mise en scène de l'opprobre social sous lequel Oh Jong ploie sans rompre, lorsque sa situation personnelle est connue. Les petites humiliations quotidiennes sont autant de coups de poignard invisibles, une forme de violence sociale toute aussi dure à endurer.

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Si le personnage incarnant l'intérêt romantique de l'épisode correspond aux canons millimétrés du genre, c'est plus globalement l'atmosphère générale de ce drama special qui permet d'adhérer à l'histoire. Le café offre aussi quelques parenthèses traditionnelles, sur l'art de concevoir ces boissons arômatisées, à finalité folklorique - même si en l'occurence, le folklore étant français, cela donne surtout l'impression de renvoyer à un second degré involontaire qui prête à sourire (mais entendre prononcer quelques mots de français dans un drama est toujours sympathique). De plus, ce lieu est aussi un endroit de socialisation, où la volonté d'aller vers les autres d'Oh Jong trouve pleinement à s'exprimer.

Enfin, côté casting, Wonderful Coffee doit beaucoup à Yoon Hae Young (The Tale of Janghwa and Hongryeon) qui incarne, avec une spontanéité et un naturel rafraîchissants, le caractère enjoué et sociable de l'héroïne. A ses côtés, logiquement plus en retrait, on retrouve notamment Jo Yeon Woo (The Scarlet Letter) en patron forcément arrogant et peu versé dans le relationnel, Moon Hee Kyung (Harvest Villa, Giant) et Lee Han Na (Tazza).

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Bilan : Derrière la partition classique que joue Wonderful Coffee, le charme opère grâce à l'authenticité et à la fraîcheur qui se dégagent de l'ensemble. Plus qu'une simple romance potentielle, c'est un portrait touchant et authentique d'une femme qui demeure, en dépit des petites brimades quotidiennes, inébranlablement fidèle à ses principes et ses certitudes de vie. Une jolie histoire simple et sans ambition particulière qui se suit sans déplaisir.


NOTE : 6,25/10

15/06/2011

(K-Drama) White Christmas : un magistral thriller psychologique hautement déstabilisant

Evil rolled itself in the snow and came after us.

Are monsters born? Or are they made?

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Il y a des reviews qui s'écrivent toutes seules parce que nous sommes en territoire si bien connu que notre grille de lecture est déjà rôdée ; il y en a d'autres qui se construisent spontanément dans la frustration d'une déception... Mais il existe enfin des séries qui laissent le critique presque démuni devant son écran. Celles qui marquent, interpellent, laissent sans voix. Celles pour lesquelles, encore sous le choc, on voudrait simplement pouvoir s'emparer du premier dictionnaire des synonymes venu afin de coucher sur le papier tous les superlatifs qu'on pourrait y croiser. Comment, aujourd'hui, réussir à rédiger ma critique de White Christmas ? Comment rationaliser et tenter maladroitement de mettre des mots sur ce ressenti si intense, à la fois si perturbant et si personnel, que m'a laissé cette série ? Je n'ai sans doute pas le recul nécessaire, mais je vais quand même relever le défi. 

White Christmas est un drama spécial, comportant 8 épisodes, qui a été diffusé sur KBS2 du 30 janvier au 20 mars 2011. Scénarisé par une valeur sûre du petit écran sud-coréen, Park Yun Sun (à qui l'on doit notamment Alone in Love), il n'est pas arrivé par hasard dans ma télévision ; et je remercie très fort Waxius et Xiaoshuo pour avoir su aiguiser ma curiosité. Perturbant, fascinant, glaçant, déroutant, c'est un thriller psychologique qui pousse les recettes du genre à leur paroxysme, et qui nous entraîne à ses côtés dans une expérimentation des bas instincts de la nature humaine dont on ne ressort pas complètement indemne. Bref, un drama qui tranche dans le paysage téléphagique du pays du Matin Calme. Un must-seen incontournable.

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White Christmas se déroule dans le cadre déshumanisé d'un établissement perdu dans un désert blanc enneigé. Le lycée privé de Susin High est une institution extrêmement élitiste, qui n'accueille que les plus brillants élèves de Corée du Sud. Elle est entièrement consacrée à un seul objectif : les faire rentrer dans une des plus prestigieuses universités du pays, portés par un rythme scolaire vertigineux et une compétition constante entre eux. Isolé dans les montagnes, construit suivant les plans d'un architecte dont la démesure reflète bien le projet éducatif que représente ce pensionnat, Susin High est aussi un bâtiment ultra-moderne où la surveillance se rapproche plus de celle d'une prison que d'un lieu d'apprentissage. C'est dans ce cadre très froid, dans tous les sens du terme, que vont prendre corps les événements de cette série.

L'histoire débute la veille de Noël. Les seules vacances de l'année : huit jours autorisés loin d'un lieu qui se vide de quasiment tous ses occupants à cette période. Seuls restent généralement une poignée d'élèves ne pouvant rentrer en famille ou préférant étudier (même si cela porterait malheur). Ils sont sept en ce réveillon de 2010 à avoir choisi de ne pas quitter le lycée, un de leurs professeurs restant en tant qu'adulte responsable. Mais s'ils sont si nombreux par rapport à l'année précédente où ils n'étaient que deux, c'est qu'ils ont reçu une bien glaçante lettre, accusatrice, annonçant qu'un décès interviendra prochainement... La tension monte peu à peu dans ce huis clos où d'autres acteurs inattendus vont entrer en jeu. Car dans l'ombre où se dissimulent d'autres monstres, notamment un serial killer s'étant échappé non loin de là.

Un fil rouge, question lancinante presque réthorique, va accompagner cette descente aux enfers à la découverte de soi, pleine de faux semblants, alors que soupçons et trahisons plongent chacun dans une sourde paranoïa : "naît-on monstre ou nous fait-on devenir ainsi ?"

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Thriller psychologique d'une intensité aussi constante qu'éprouvante, White Christmas façonne progressivement ses enjeux dans une atmosphère pesante, vite oppressante, dans laquelle la tension ne va cesser de croître tout au long des huit épisodes. Ce drama s'impose tout d'abord au téléspectateur par la consistance de son scénario habilement huilé, lequel nous plonge sans retenue dans les abîmes les plus sombres de l'âme humaine, dans les recoins les plus troublés et inexplorés d'une nature que l'on finit par craindre. Se construisant par le biais de rebondissements fréquents et un recours à de multiples twists, la série exploite pleinement son format relativement court pour ne jamais subir de baisse de rythme, parvenant à constamment se renouveler, redéfinissant ses enjeux et dévoilant sous une autre perspective les événements en cours.

Drama d'ambiance stylé et soigné, sa faculté à éprouver les nerfs du téléspectateur ne repose pas tant sur un suspense qu'il distille avec parcimonie, que sur sa manière d'installer une tension psychologique particulièrement éprouvante. S'il y aura des morts, l'enjeu premier n'est pas simplement la survie. Alors que l'on aurait pu un instant imaginer le récit suivre les pas d'un simple slasher movie ou autre film d'horreur, White Christmas s'approprie certains des codes narratifs propres à ce genre, tout en les dépassant rapidement. Quelque part au milieu de ces dîners tout droit sortis d'un roman d'Agatha Christie, la série fait sienne un thème bien plus ambitieux, autrement plus déstabilisant : celui d'une expérimentation sur la nature humaine, menée de manière quasi-scientifique, qui va repousser les limites jusqu'à la rupture recherchée des certitudes et fondations psychologiques des personnages.

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White Christmas n'usurpe pas en effet son qualificatif de "thriller psychologique". Car c'est autant leur intégrité mentale que physique que les élèves vont avoir à défendre. Le projet de celui qui, d'abord tapi dans l'ombre, ensuite en pleine lumière, orchestre ce cauchemar est simple, trouver la réponse à une question obsessionnelle : naît-on monstre ou peut-on nous faire devenir ainsi ? Psychologue fasciné par le fonctionnement du cerveau humain, il est aussi un serial killer qui, ayant déjà nombre de victimes à son actif, sait composer avec la mort. En plaçant ces lycéens dans un environnement particulier, propice à des jeux de laboratoire, le drama traite habilement de thématiques qui nous conduisent aux confins des sciences de l'esprit et de la criminologie, anéantissant la frontière ténue entre déterminisme et libre arbitre. C'est à la naissance d'un monstre que Kim Yo Han, le serial killer, veut assister face à des adolescents censés représentés la future élite du pays. Et c'est en sapant tant de repères qu'il va conduire chacun à se redéfinir et à s'interroger sur lui-même.

Derrière son apparence si froide de prime abord, White Christmas n'est pas un drama détaché de ses personnages. Au contraire, c'est une série profondément humaine, dont la seconde force réside justement dans l'empathie qu'elle va être en mesure de faire naître à l'égard de ses protagonistes. Car dans leur prison éducative aussi glacée qu'élitiste, ces jeunes gens sont avant tout le reflet d'une société ultra-concurrentielle, où le lien social semble rompu et où l'individualisme forcené prime sur toute autre considération. Le drame que cache la lettre morbide que chacun a reçue en est la parfaite illustration : derrière une telle base de départ, se trouve une critique aussi amère que désillusionnée de cette indifférence à l'égard d'autrui qui apparaît érigée en règle de vie. A partir de là, l'expérimentation conduite va amener à une réflexion sur leurs priorités, mais aussi sur leur identité, pour le meilleur comme pour le pire... au nom de la survie.

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Il faut dire que White Christmas va vraiment soigner la psychologie de ses personnages, explorant la genèse de ces adolescents devenus sujets d'étude à leur corps défendant. Car derrière des apparences faussement lisses ou unidimensionnelles, ils se révèlent peu à peu dans leurs ambiguïtés et leurs failles, dévoilant souvent des malaises ou blessures autrement plus profonds qui les déterminent et définissent dans leurs comportements presque malgré eux. Le téléspectateur s'attache à toutes ces personnalités si différentes, mais aussi si semblables dans leurs insécurités. Chacun a en lui un ressort qui, quelque part, semble brisé. On s'investit d'autant plus à leurs côtés que la situation de crise, exceptionnelle, à laquelle ils sont confrontés va les voir évoluer et faire prendre conscience de bien des choses, tant sur un plan individuel que collectif. L'artificielle union dans l'adversité de ces jeunes gens, qui se côtoient habituellement comme des étrangers, pose aussi bien les bases d'une incertaine confiance que les germes de la trahison. La notion de sacrifice pour la survie du groupe restera également un des thèmes récurrents les plus troublants et fascinants.

Au-delà de l'expérimentation déstabilisante à laquelle le serial killer se livre, ces quelques jours vont constituer une véritable - et traumatisante - thérapie de choc, dont tous ne sortiront pas indemnes psychologiquement. Celui qui s'impose naturellement comme le leader du groupe, Park Moo Yul, illustre bien cette progressive complexification au fil du drama. Etiqueté élève modèle, toujours prompt consciemment ou non à assumer les responsabilités, au point de voir jusqu'à l'enseignant lui accorder sa confiance pour gérer les situations de conflit pouvant éventuellement naître, il voit peu à peu son contrôle sur lui-même se fissurer à mesure que les événements dégénèrent. Le passage au révélateur des failles les plus intimes de chacun conduit à une forme de déconstruction psychologique, appuyant sur des peurs anciennes ou des blessures mal cicatrisées qui demeurent encore très vivaces. En suivant des codes de narration qui empruntent à la psychanalyse, White Christmas parvient à donner une dimension presque tragique à des personnages qui auraient pu dans n'importe quelle autres circonstances paraître banals ou anodins et qui, par leur fragilité, finissent par nous toucher au coeur. C'est ce qui permet au drama d'obtenir du téléspectateur un investissement émotionnel très important qui, couplé à la tension ambiante, rend le visionnage très éprouvant.

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En plus d'être extrêmement solide sur le fond, White Christmas est également un drama particulièrement soigné sur la forme. Le réalisateur, Kim Yong Soo, est un habitué des fictions d'horreur comme Hometown Legends, et il n'hésite pas à emprunter certaines mises en scène à ce genre, contribuant ainsi à appuyer l'atmosphère inquiétante et oppressante qui se dégage dès les premières scènes pourtant anodines. Dotée d'une photographie épurée mettant en exergue le cadre déshumanisé de ce désert blanc dans lequel est perdu ce trop vaste établissement, la série bénéficie d'une réalisation aboutie, avec des plans vraiment travaillés, jouant sur une esthétique et une symbolique derrière lesquelles on devine l'intention d'accentuer la dimension froide investie par la fiction.

De plus la bande-son ne laisse, elle non plus, rien au hasard. Offrant un mélange des styles réfléchi et parfaitement au diapason du récit, sa diversité lui permet de participer pleinement à l'installation de l'ambiance atypique de la série. Elle propose non seulement des ballades pop sud-coréenne et des chansons anglo-saxonnes, mais également des morceaux de musique classique dont le thème hantera longtemps les nuits d'un téléspectateur envoûté (pour vérifier par vous-même, allez écouter la troisième vidéo en fin d'article, qui présente des images du premier épisode en utilisant une des musiques - du Vivaldi - qui va s'imposer comme une des plus emblématiques du drama, donnant des frissons à chaque fois qu'elle retentit).

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Enfin, pour porter cette histoire si intense à l'écran, le casting, s'il est globalement inexpérimenté, se révèle à la hauteur des attentes. Au sein du groupe d'étudiants, je ne connaissais vraiment que Baek Sung Hyun (That Fool), que j'avais trouvé très attachant l'an dernier dans Running Gu. C'est un jeune acteur avec lequel j'arrive à ressentir spontanément une forme d'empathie et mon impression d'alors ne s'est pas démentie ici, dans ce rôle pourtant plus difficile qu'il tient, leader responsable dont le vernis d'"élève modèle" va peu à peu se craqueler. A ses côtés, Kim Young Kwan (More charming by the day) est très convaincant en personnage prompt à exploser, dont l'agressivité masque mal ses faiblesses et incertitudes. Lee Soo Hyuk est un "Angel" perturbé que j'attendrais avec curiosité de découvrir dans d'autres rôles (si What's up est un jour diffusé peut-être). Sung Joon (Lie to me) fait un étudiant détaché de toute émotion des plus parfaits, tandis que Hong Jong Hyun (Jungle Fish 2) incarne un adolescent effacé perdu au milieu de ces fortes personnalités. Kwak Jong Wook (Queen Seon Duk) joue un personnage resté marqué par un handicap, sa surdité. Kim Hyun Joong et ses cheveux rouges seront aussi à surveiller à l'avenir. Quant à la seule fille de la bande, Esom, elle personnifie le côté aussi défiant que mélancolique de l'adolescente.

Face à eux, on retrouve un Kim Sang Kyung pondéré, qui se cale avec beaucoup de sobriété dans ce rôle de serial killer au sang froid, presque curieux, conduisant de manière imperturbable l'expérimentation qu'il entend mener sur les étudiants. C'est un acteur que l'on a pu croiser dans des dramas tels que Lawyers ou Call of the country, mais que personnellement je connais surtout via le cinéma : il était dans le dernier film sud-coréen que je suis allée voir dans les salles obscures en mars, Hahaha, et Memories of Murder est resté gravé dans ma mémoire d'apprentie cinéphile.

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I arrived at a private high school in Gangwon-do.
There, I discovered a letter left by an angry deceased boy.
And 7 kids who didn't know what sins they had committed.
Jealousy and hatred over something that could never be theirs.
Hatred and yearning in many different colored layers.
The continuing snowstorm.
I was excited by all these things that seemed destined to suit me.
I want to know through these children.
The answer to an old question.
Is a monster born as one,
or made into one ?

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Bilan : Thriller psychologique aussi prenant que déstabilisant, White Christmas est un drama à part dans le petit écran sud-coréen. Original dans le bon sens du terme, il impose son identité bien loin des canons classiques. Au cours des huit épisodes qui le composent, il construit une réflexion à la fois sombre et éprouvante nous plongeant dans les abysses les plus noirs de la nature humaine. Sa consistance sur le fond s'allie à une étonnante empathie à l'égard de cette galerie bigarrée de personnages, ce qui rend le visionnage encore plus intense, dans ce huis clos étouffant mettant les nerfs à rude épreuve. On ressort de White Christmas un peu étourdi, presque choqué, indubitablement perturbé, voire bouleversé. C'est un de ces dramas inattendus qui marquent durablement. Un incontournable.

Peut-être aurais-je dû attendre un peu plus avant d'écrire cette review sans avoir forcément pris le temps du recul, l'ayant terminé il y a seulement trois jours. Ce visionnage m'a laissé sur un sentiment d'une intensité difficile à décrire, et j'espère malgré tout avoir su à peu près le retranscrire.


NOTE : 9/10


Le générique de la série :

 

La bande-annonce de la série :

 

Un MV avec un des morceaux de musique classique de l'OST :