05/05/2010
(J-Drama / Pilote) Sunao ni Narenakute : du virtuel à la rencontre IRL, portrait d'une socialisation moderne
Un "mercredi asiatique" original aujourd'hui : ce n'est pas en Corée du Sud mais au Japon que je vous emmène pour explorer cette saison 2010 et ses nouveautés. Car ma téléphagie a connu un nouveau tournant, parmi les cycles qui l'animent. Cela devait faire plus d'un an que je n'avais plus regardé de j-dramas. Et bien, je vous annonce qu'après de longs mois d'hibernation, il semblerait que mon intérêt pour le Japon se soit soudain réveillé au cours de la semaine passée. En somme, il est fort probable que ce pays ne soit plus une destination si exceptionnelle que ça, dans le cadre du mercredi asiatique (même si la Corée du Sud demeure privilégiée).
Il faut dire que je passais trop de temps à lire des reviews de séries japonaises, en quête de la petite étincelle, pour échapper éternellement au prosélytisme d'un internaute qui me convaincrait de sauter le pas et de rompre cette distance prise avec le petit écran du pays du Soleil Levant. Le tournant s'est donc produit la semaine passée : sur le blog Ladytelephagy (une mine d'or, notamment en découvertes de pilotes de tous les horizons, que je soupçonne constituée grâce à l'utilisation d'une machine à voyager dans le temps pour réussir à regarder tout cela en le reviewant), la critique proposée sur un des nouveaux dramas de ce printemps a aiguisé ma curiosité : elle concernait Sunao ni Narenakute. Série présentée a priori un peu comme la rencontre improbable de classiques comme Last Friends et Densha Otoko, je suis ressortie très satisfaite de cette découverte.
Sunao ni Narenakute est un drama diffusé depuis le 14 avril 2010 sur Fuji TV. Projet assez ambitieux à la base, disposant d'un casting accrocheur, la série a la particularité d'avoir choisi comme concept de départ, un outil très actuel : twitter. Cette inspiration n'est pas le propre du Japon, puisque des scénaristes aux quatre coins de la planète (aux Etats-Unis, par exemple) commencent à s'intéresser au potentiel narratif se cachant derrière ces micro-messages du quotidien et leurs frustrants 140 caractères. Cependant, plus qu'un drama sur cet outil de communication particulier, Sunao ni Narenakute s'empare d'une thématique relativement générale : celle de la place du virtuel dans la construction du lien social au sein de nos sociétés modernes, initiant par ce biais une réflexion sur ses rapports avec la vie réelle. La représentation de twitter dans ce drama le rapproche d'ailleurs un peu d'une forme d'ersatz de chat privé, tant les différents followers paraissent former une communauté fermée (même si la suite du drama nous montre que ce n'est, malheureusement peut-être pour certains, pas le cas).
Sunao ni Narenakute nous introduit donc dans les vies compliquées de plusieurs jeunes adultes, habitués à échanger leurs dernières réactions sur leur vie via internet. Un quotidien personnel qu'ils présentent évidemment sous un jour biaisé, cédant facilement à la tentation de l'embellir ou de ne sélectionner que certaines informations à partager avec leurs followers. Cependant, le maintien facile de cette fiction, générée par la distance, va voler en éclat le jour où l'un d'entre eux propose une rencontre IRL ("in real life"). La série va alors explorer cette composante spécifique des relations humaines entretenues sur internet, la présentant avec une sobriété et une justesse qui sonnent profondément authentiques. Ne perdant pas de temps en introduction inutile, le pilote présente immédiatement les enjeux. S'y déroule ainsi la première réunion, dans la vraie vie, entre Nakaji (Keisuke), Haru (Tsukiko), Doctor (Seonsu), Linda (Kaoru) et Peach (Hikaru), une amie de Haru se laissant entraîner par l'enthousiasme de cette dernière.
Le premier attrait de ce drama réside dans la mise en valeur de sa dimension humaine. Signe de la maturité de son écriture, la série aborde des thèmes adultes, n'hésitant pas à traiter de sujets difficiles. Si l'amour demeure invariablement une dynamique centrale, il se place loin d'une présentation fleur bleue idéalisée. Et, surtout, viennent s'y greffer des maux modernes, entravant bien plus sûrement que le jeu des sentiments, le quotidien de chacun des personnages. Certes les premiers épisodes n'évitent pas toujours le recours aux accents du mélodrame. Pour autant, la série ne verse jamais dans un pathos excessif dans lequel l'ambiance se ferait trop pesante. Agrémentée de scènes plus légères, où le collectif soudé permet d'alléger l'ensemble en se tournant résolument vers l'avenir, Sunao ni Narenakute se révèle souvent touchante, voire émouvante. Elle propose une exploitation pleine et entière de toute la large palette d'émotions humaines. Le mélange de ces différents ingrédients fonctionne : il se dégage de l'ensemble une véritable vitalité communicative.
Les scénaristes parviennent instinctivement à un équilibre fragile, mais convaincant, pour le moment, entre les diverses tonalités, réussissant à alterner le drame et les moments d'éclaircie marqués par ce besoin irrépressible d'aller de l'avant. Dans cette perspective, une des forces de Sunao ni Narenakute, qui assoit sa portée, reste d'avoir choisi une approche frontale et explicite pour nous relater les problèmes rencontrés par ses héros. Car, au sein de cette galerie de personnages très différents, rapprochés par une solitude que les rapports virtuels ne peuvent pleinement compenser, leur point commun semble être la façon dont la vie a pu, ou continue de, les abîmer. Nous sommes en effet face à des individus plus ou moins brisés, plongés dans des situations difficiles, voire intenables, pour lesquels cette rencontre IRL va peut-être pouvoir être une bouée de sauvetage. Apprendre ou re-apprendre l'amitié, l'amour... Sunao ni Narenakute, c'est aussi une réponse à l'isolement de l'homme moderne dont le salut passe par la force du collectif.
Sur un plan formel, la série se révèle des plus solides. La réalisation reste classique, mais offre quelques bons plans. A l'occasion, le découpage de l'écran et les balayages de changement de scènes s'insèrent sans souci dans la narration globale. La bande-son est plutôt sympathique et plaisante, collant bien à l'ambiance générale ; il faut cependant noter la forte présence de chansons anglophones.
Enfin, si tous ces arguments déjà énoncés ne vous ont pas encore convaincu de laisser sa chance à Sunao ni Narenakute, son casting devrait lui attirer les faveurs de quelques téléspectateurs supplémentaires, au vu des têtes connues qui s'y pressent. On retrouve en effet à l'affiche un couple phare composé de Eita et Ueno Juri (ce qui ne fait, certes, que renforcer la tentation du téléspectateur de faire des parallèles avec Last Friends). Pour assurer une touche d'international, le chanteur coréen Hero JaeJoong (membre de DBSQ) est venu pratiquer son japonais. Tamayama Tetsuji et Seki Megumi complètent ce casting assez homogène et plutôt solide.
Bilan : Série aux premiers abords assez sombres, Sunao ni Narenakute dresse le portrait désenchanté du quotidien d'une génération plongée dans une société où le lien social s'est dilué. S'intéressant à un nouvel outil de socialisation (twitter), elle esquisse une réflexion sur ces réseaux sociaux capables de faire naître des relations qui, à terme, peuvent devenir tout aussi tangibles et solides. Fable sur l'amitié, tout autant que questionnement sur les rapports et la place du virtuel et du réel, ce drama se rélève très riche en émotions les plus diverses, alternant scènes poignantes et instants d'éclaircie salvateurs. Ses premiers épisodes remplissent efficacement leur office, permettant de s'attacher aux différents protagonistes et donnant envie au téléspectateur de s'investir.
NOTE : 7,5/10
Une brève présentation de la série :
07:11 Publié dans (Séries asiatiques) | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : j-drama, sunao ni narenakute, fuji tv, eita, ueno juri, seki megumi, tamayama tetsuji, hero jaejoong | Facebook |