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07/10/2012

(Pilote UK) The Paradise : au bonheur de l'amateur de period drama ?

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Je me souviens que lorsque BBC1 avait annoncé la commande de The Paradise, j'avais souligné la news avec un plus d'insistance qu'à l'accoutumée. La raison ? Si les cours de français du lycée ont pu m'écoeurer d'un certain nombre d'auteurs classiques dont je suis désormais incapable d'ouvrir un livre (adieu les Maupassant, Balzac et autres), ils m'ont aussi introduit dans les oeuvres de mon auteur du XIXe siècle préféré, Emile Zola, par l'intermédiaire d'un premier roman qui fut justement Au bonheur des Dames. Je me souviens de ces longues descriptions colorées nous immergeant dans les coulisses d'un grand magasin et éveillant mille étoiles dans les yeux de l'adolescente que j'étais.

Autant prévenir tout de suite cependant : The Paradise est une adaptation très libre, dont le point à retenir est surtout qu'elle a été confiée à Bill Gallagher, plus connu pour le period drama Lark Rise to Candleford, avec lequel The Paradise partage certainement plus de points communs et d'influence qu'avec son oeuvre d'origine qu'est Au Bonheur des Dames. La série a débuté le 25 septembre 2012. Elle comptera 8 épisodes. Au terme de son pilote (j'avoue ne pas avoir résisté et avoir enchaîné directement avec le deuxième), il est clair que l'approche sera extrêmement classique et calibrée. Mais je suis une grande incorrigible, car je me suis aisément prise au jeu de l'ambiance et de l'univers créés.

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The Paradise suit l'arrivée en ville d'une jeune campagnarde, Denise, qui espère venir travailler pour son oncle, propriétaire d'un petit magasin en ville. Mais les temps sont durs pour le commerçant qui est contraint d'expliquer à sa nièce qu'il ne peut l'engager pour le moment. En effet, face à lui, s'est installé et développé un immense magasin qui ne cesse de s'étendre et de gagner en activité, comme en clientèle. La concurrence est rude pour la petite entreprise familiale. Ne pouvant envisager de rester inactive en attendant que la situation s'arrange, Denise décide de prendre sa destinée professionnelle en main : elle postule pour une position de vendeuse dans cette gigantesque entreprise qu'est le Paradise.

Embauchée pour une période d'essai, elle découvre, fascinée comme toutes les jeunes femmes du magasin, le maître de lieu, Moray. Veuf depuis la mort accidentelle - et quelque peu suspecte aux yeux de certains - de sa femme, c'est un entrepreneur ambitieux, magnétique et séducteur, qui a de très grands projets pour son magasin. Il est actuellement très proche de Katherine Glendenning, la fille d'un riche Lord, et il se murmure que le mariage serait dans l'air. Denise découvre également l'envers du décor de ce milieu très concurrentiel, avec ses règles et des employés qui ont pour objectif de saisir toutes les opportunités qui s'offrent à eux dans leur travail. La jeune provinciale qu'est Denise, et qui a encore beaucoup à apprendre, va tenter de trouver sa place dans ce nouveau monde.

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Ce dont je me souviens le plus clairement dans l'oeuvre d'origine est son atmosphère, caractérisée notamment par de longues descriptions méticuleuses d'étalages de produits à perte de vue. Dès la première incursion dans le magasin, The Paradise capture parfaitement ce mélange de luxe et d'abondance qui assaille les sens des clients et affole les porte-monnaies. La reconstitution de cet intérieur trop riche en couleurs chatoyantes et remplis de produits jusqu'à l'excès donne un aperçu de ce qui fait l'attractivité - et en un sens, l'âme - des lieux. L'impression faite sur les clients, cet enchantement des sens qui confine à l'émerveillement, est bien retranscrite. Lieu de passage, mais aussi lieu de vie, ce vaste bâtiment est un centre commercial animé qui est le cadre adéquat pour mettre en scène toute une galerie de protagonistes, de toutes conditions et de toutes ambitions. Les employés y travaillent, y mangent et y dorment : en quasi-huis clos, la série peut donc s'épanouir au rythme de la frénésie des journées au sein du magasin.

Si le téléspectateur - comme le visiteur - peut se laisser un temps emporter par ces débordements de luxe, The Paradise présente ces lieux pour ce qu'ils sont : un temple du consumérisme, où tout est fait justement pour faire tourner la tête du client. Les passages concernant la gestion de l'entreprise sont intéressants, mais sur ce point, la série se contente d'un traitement très superficiel des thèmes abordables, en retrait par rapport à l'oeuvre d'origine. Grâce à l'oncle de Denise et à quelques réflexions par-ci, par-là, on mesure globalement la révolution que représente, dans le commerce, la montée de ce grand magasin. On devine également la concurrence avec le modèle familial qui ne peut lutter à armes égales. Mais The Paradise ne fait aucun effort particulier de recontextualisation sociale, n'insistant pas non plus sur la condition des employés. Il s'agit d'un period drama qui s'appuie prioritairement sur le relationnel, ne conservant que le sujet principal, sans la richesse des thèmes de la fiction d'origine.

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Ce parti pris volontaire, quelque peu réducteur de la part du scénariste, peut générer des regrets : celui de voir évoluer la série dans un registre un peu trop lisse et policé. Mais si elle repose sur des dynamiques assez convenues, il faut reconnaître qu'il n'en demeure pas moins très facile de se prendre au jeu. En effet, l'ambiance fonctionne : pas seulement pour nous entraîner dans les rayonnages débordants du magasin, mais aussi pour nous donner envie de suivre cet ensemble de personnages, dont les rapports, les confrontations et les sentiments promettent. Dans son pilote, The Paradise vend avant tout un potentiel : ses protagonistes restent dans l'ensemble encore très stéréotypés, un peu trop calibrés, mais avec sept épisodes à venir, il sera temps, après cette introduction, de soigner leurs caractérisations. Ainsi, par exemple, concernant Denise : elle est pour l'instant l'archétype de la jeune provinciale, avec sa part de naïveté et de sérieux. On attend d'elle qu'elle gagne en assurance et en audace, dépassant cette image un peu pâle.

Au cours du premier épisode, c'est sans surprise le personnage de Moray (anglicisation de Mouret) qui se détache et intrigue le plus fortement. Le portrait qui s'esquisse sous nos yeux a en effet sa part d'ambivalence. C'est un homme d'affaires, avec une vision, une de ces ambitions démesurées qui menace à tout moment de partir hors de contrôle et de réduire à néant ce qu'il a déjà réalisé. C'est quelqu'un qui est à la fois prêt à tout pour parvenir à ses fins, mais qui semble aussi suivre un certain code de conduite un peu flou. Il est un commercial conscient qu'il faut plaire à des clients ; seulement tout aussi arriviste qu'il soit, il n'en conserve pas moins une certaine conscience de classe qui le conduira plus naturellement à se ranger du côté de la plèbe que de l'aristocratie. C'est un homme à femmes, un séducteur... qui reste pourtant inaccessible et fidèle au fantôme de sa défunte épouse, dont la mort accidentelle jette une ombre sur les rumeurs qui l'entourent. Il joue sur les sentiments d'une riche héritière, sans que l'on puisse déterminer quel degré d'honnêteté il y a dans son attitude. Difficile à cerner, se laissant emporter et emportant le téléspectateur dans ses projets et desseins, il est celui que l'on retient de ces débuts.

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Sur la forme, The Paradise est un period drama qui sait exploiter les atouts de l'environnement dans lequel l'histoire évolue : la mise en scène du cadre luxueux du magasin répond aux attentes, insistant sur la chotayance des costumes comme des produits exposés. La réalisation reste cependant posée et très classique, sans prise de risque particulière. La flamboyance du décor en magasin contraste d'ailleurs avec la photographie beaucoup plus sombre dès que l'on quitte les rayonnages. A noter la présence d'un générique plutôt bien pensé, qui reflète la tonalité de la série (cf. la première vidéo ci-dessous).

Enfin, la série bénéficie d'un casting où l'on retrouve beaucoup de têtes familières du petit écran britannique. Les performances d'ensemble sont correctes, même s'il manque encore cette petite étincelle qui fait la différence. Seul Emun Elliott (Paradox, Lip Service, Threesome) dispose du script nécessaire pour vraiment s'imposer à l'écran, et il réussit à capturer les différentes facettes de son personnage et des ambiguïtés qui l'entourent, sans pour autant encore complètement marquer. Denise est interprétée par Joanna Vanderham (The Runaway, Young James Herriot, Above suspicion : silent scream) qui apporte l'innocence qui convient à cette figure. Les amateurs de Lark Rise to Candleford retrouveront notamment Sarah Lancashire. On croise également Matthew McNulty, David Hayman, Laura Power, Peter Wight, Stephen Wight, Sonya Cassidy, Ruby Bentall, Elaine Cassidy, Finn Burridge, Jenna Russell ou encore Patrick Malahide.

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Bilan : Cherchant à retranscrire l'ambiance particulière qui est celle d'un grand magasin de la seconde moitié du XIXe siècle, jouant pleinement sur un décor où l'abondance se dispute au luxe pour faire tourner bien des têtes, The Paradise est un period drama de facture classique qui, par-delà son cadre et l'atmosphère cultivés, mise avant tout sur les dynamiques relationnelles entre ses personnages. On pourra lui reprocher de présenter un ensemble convenu et finalement assez générique dans son genre, ayant évacué en grande partie toute recontextualisation sociale et l'apport qu'aurait pu représenter une adaptation plus fidèle de l'oeuvre d'origine. Mais aussi familière que sonne la recette, elle n'en conserve pas moins ses attraits.

Une fiction qui devrait éveiller la curiosité des amateurs de period dramas.


NOTE : 7/10


Le générique de la série :

La bande-annonce de la mini-série :

17/10/2010

(Pilote UK) Lip Service : The L Word à Glasgow ?

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Si la semaine dernière britannique fut riche en émotions, entre drames humains ou policiers, BBC3 se chargea cependant d'y apporter une touche de légèreté plus romancée en débutant, ce mardi 12 octobre, la diffusion de son nouveau drama sentimental, Lip Service. Si la grisaille écossaise - et certains accents caractéristiques de cette partie du Royaume-Uni - avait succédé à la chaleur californienne, la lecture du concept de départ amenait naturellement à dresser un parallèle avec la seule série ayant marqué le créneau dans lequel Lip Service prétendait s'affirmer, The L Word.

Je n'ai pas vu suffisamment d'épisodes de cette dernière pour me risquer à opérer des comparaisons au-delà du seul rapprochement des synopsis. Cependant, pour explorer la question du traitement de cette thématique à la télévision américaine, je vous conseille la lecture de cet intéressant article publié sur God Save My Screen, cette semaine : L'homosexualité féminine dans les séries américaines. Restait qu'a priori, suivre les (més)aventures sentimentales d'un groupe de lesbiennes et de leurs amis, pouvait déboucher sur un drama relationnel plaisant. De ce premier contact un peu brouillon qu'offre le pilote, un élément central semble encore à travailler : développer une dimension humaine attachante.

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Optant pour un cadre géographique plutôt original et dépaysant, loin de Londres, c'est la ville de Glasgow, en Ecosse, que Lip Service a choisi pour cadre, afin de nous relater les vies amoureuses, plus contrariées qu'épanouies, de plusieurs personnages lesbiens et de leur entourage. Après une scène d'introduction pouvant s'interpréter, soit comme une façon peu subtile et un brin maladroite de donner immédiatement le ton de la série, soit comme un clin d'oeil provocateur gratuit, le pilote s'ouvre sur le retour au pays de la fille prodigue, partie précipitamment aux Etats-Unis deux ans auparavant, Frankie. Juste avant de mourir, sa tante, seule membre de sa famille dont elle fut proche depuis la mort de ses parents, lui a laissé un étrange message mystérieux sur son répondeur. C'est autant pour assister aux funérailles que pour tenter comprendre le sens de ces derniers propos bouleversés que Frankie s'envole donc pour Glasgow.

La jeune femme retrouve sur place son groupe d'amis tel qu'elle l'a laissé, mais surtout son ex-petite amie/meilleure amie, Cat, avec qui elle a rompu de manière très cavalière il y a deux ans. Cette dernière, le coeur toujours brisé, demeure marquée par cette relation qui s'est si mal terminée, si bien qu'elle en est tout juste au stade d'envisager d'aller à nouveaau de l'avant. Le retour de Frankie ne va-t-il pas ré-ouvrir ses anciennes blessures, alors même que Cat vient tout juste d'accepter un dîner avec une policière ? Reste qu'elle n'est pas la seule à souffrir de déboires amoureux. Sa rafraîchissante collocataire, Tess, ne trouve ainsi pas de meilleure idée que d'entrer par effraction chez son ex-petite amie, afin de récupérer une robe lui appartenant, découvrant au passage, de façon très humiliante, que son ex la trompait et sortait avec sa nouvelle compagne bien avant qu'elles ne rompent officiellement. Tandis que le frère de Cat s'apparente à un soupirant à la cause désespérée, mais toujours prêt à aider, face à une Tess qui ne semble jamais voir les attentions dont elle peut faire l'objet, l'horizon amoureux de la jeune femme s'éclaircit lorsqu'elle rencontre une présentatrice télé qui craque instantanément pour elle.

Ce sont donc les péripéties amoureuses et les dynamiques relationnelles existant au sein de ce cercle de jeunes gens, entre amitié et amours, que Lip Service se propose de nous faire vivre.

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Faisant preuve de beaucoup d'application pour installer et développer rapidement les dynamiques relationnelles existant entre ses personnages, ce pilote laisse cependant une impression mitigée. S'il n'hésite pas à dépeindre des situations un peu excessives, tendant souvent vers un rocambolesque vaudevillesque, mais qui sonne parfois un peu creux, l'ensemble souffre surtout d'une relative prévisibilité. Certes, le rythme de narration de ce premier épisode s'avère maîtrisé, mais c'est surtout son inconstance qualitative qui le caractérise. Toutes ces interactions, aussi diversifiées qu'elles soient, paraissent manquer d'un élément essentiel dans ce genre de série : cette authenticité vitale et nécessaire qui lui donne une âme. Peinant à trouver le ton juste, Lip Service souffre, de façon assez paradoxale pour une série basée sur du relationnel, d'un déficit de dimension humaine. Un défaut que l'installation progressive des protagonistes, au fil des épisodes, pourrait permettre d'atténuer ou de corriger.

Le contenu mitigé de ce pilote est un peu à l'image de ses personnages. Figure introductive et centrale, Frankie demeure pour le moment difficile à cerner. Très impulsive, dotée d'un caractère affirmé et d'une certaine tendance à l'auto-destruction, elle impose sans difficulté une présence forte à l'écran. Cependant le téléspectateur peine à se lier immédiatement à ce personnage ambiguë. Peut-être le temps permettra-t-il de mieux appréhender son intensité. Sa relation avec Cat s'inscrit dans cette même lignée, alternant des passages inspirés et qui sonnent justes, et d'autres qui paraissent trop forcés. Tout cela manque de spontanéité. La seule à tirer son épingle de la distribution, dans ce pilote, est Tess. Derrière ses discours désillusionnés, on s'attache plus facilement à cette jeune femme portée par une énergie irrésistible, qui vascille quelque fois, mais ne semble jamais faiblir.

Inconstante qualitativement, dans son traitement des personnages comme de leurs rapports, l'objectif premier, pour Lip Service, semble devoir être de gagner en subtilité pour réussir à s'humaniser d'avantage dans les prochains épisodes.

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Sur la forme, il y a relativement peu à dire. La réalisation, classique et sans prise d'initiative particulière, bénéficie surtout du cadre de la ville de Glasgow ; ce qui lui permet de nous proposer quelques défilés d'images, façon carte postale, durant les transitions entre certaines scènes.

Enfin, côté casting, chacun prend peu à peu ses marques et personne ne sort réellement du lot, proposant des prestations homogènes. On retrouve notamment à l'affiche Ruta Gedmintas, Laura Fraser (Rita dans Single Father dimanche dernier, Conviction), Fiona Button (The Palace) ou encore Emun Elliott (Paradox).

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Bilan :  Si sa galerie de personnages, diversifiés et aux caractères bien affirmés, semble offrir une base intéressante à exploiter à Lip Service, il faudra, pour fonder dans la durée un drama relationnel réellement abouti, que la série travaille sa capacité à retranscrire, avec le ton juste et plus de spontanéité et de naturel, les histoires mises en scène. Sans être déplaisant à suivre, ni manquer de rythme, ce pilote a peut-être voulu trop en faire pour installer immédiatement l'ambiance de la série, d'où l'impression un peu brouillonne et parfois très forcée qui s'en dégage. Le décor étant désormais posé et les personnages introduits, c'est à l'écriture de mûrir et de s'affiner pour permettre à Lip Service de grandir. Ou du moins pour devenir un divertissement auquel on peut s'attacher.


NOTE : 5/10


Un extrait du premier épisode :