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22/01/2011

[TV Meme] Day 21. Favorite Ship.

Poursuivons l'exploration du versant "fleur bleue" de la téléphagie... Aujourd'hui, le "favorite ship", c'est-à-dire le couple préféré : cela nous renvoie à ces personnages dont on a souvent longtemps rêvé l'union avant que les scénaristes ne laissent enfin les personnages céder aux sirènes de l'amour... mais aussi parfois aux frustrantes expériences où on est malheureusement parti pour attendre toujours. D'un naturel assez peu enclin à verser dans cette ambiance de romance, je suis de façon générale très peu "shipper". Au mieux, je me prendrais d'affection pour tel ou tel paire, mais cela tiendra souvent plus aux personnages qu'au couple en lui-même qu'ils peuvent former ensemble.

Si on laisse de côté les romances sud-coréennes, dont c'est la principale fonction de faire craquer mon apparente insensibilité, et toutes les adaptations britanniques d'oeuvres littéraires Jane Austen-ienne et autres (sinon, je ne vais jamais m'en sortir), il y a une poignée de ships que ce jour du Tv Meme m'évoque. En remontant dans l'histoire de ma téléphagie, on croisera notamment, qu'ils aient un jour vraiment formé un couple à l'écran ou que cela soit resté un secret espoir de la téléspectatrice que  j'étais : Quinn & Wade, dans Sliders ; Ally & Larry, dans Ally McBeal ; Tara & Willow, dans Buffy ; Rory & Jess / Lorelai & Luke, dans Gilmore Girls, Bobby & Lindsay, dans The Practice, Josh & Donna, dans A la Maison Blanche ; Veronica & Logan, dans Veronica Mars... Mine de rien, il y en a quand même quelques-uns qui m'ont marqué.

Mais celui qui reste mon couple phare, qui m'a probablement le plus fait vibrer et certainement fait passer par tous les états émotionnels possibles, celui qui avait une alchimie pimentée comme aucun autre, cela reste sans conteste Aeryn Sun et John Crichton, dans Farscape !

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Aeryn Sun & John Crichton
Farscape (1999 - 2003)

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La magie de ce duo, c'est d'avoir su jouer sur ce qui fait la force d'un couple dans le petit écran, cette dimension émotionnelle intense, tout en apportant quelque chose de plus. Aeryn Sun et John Crichton, c'est une dynamique accrocheuse, toujours explosive, rythmée par des réparties piquantes délicieuses et des dialogues quelque peu surréalistes qui flirtent bon le choc culturel entre l'humain et la Peacekeeper. Le cadre de science-fiction leur offrira des codes narratifs qui leur seront propres, proposant ainsi des passages décalés uniques en leur genre. 

Au-delà de cette alchimie fascinante, la série va savoir patiemment et de façon crédible poser les jalons de cette relation. Le téléspectateur assiste ainsi à la lente maturation d'une union a priori aussi improbable qu'impossible. Au final, il y aura toujours quelque chose de profondément authentique, qui sonne à la fois si juste et de manière tellement touchante, dans la façon dont ces deux-là vont peu à peu apprendre à se connaître et se comprendre, pour voir leurs liens grandir et leur confiance réciproque se solidifier.

Le charme de ce couple tient aussi à la fraîcheur que l'on ressent à suivre ses péripéties. Car la série trouve, avec une habileté narrative à saluer, ce subtil et diffus équilibre entre les difficultés et jalons classiques d'une relation amoureuse, et ce petit plus atypique apporté par l'univers de science-fiction. En somme, Farscape saura d'une part bousculer les codes traditionnels et redistribuer les cartes quand il le faudra, n'hésitant pas à inverser les rôles, mais également, d'autre part, retrouver à l'occasion le terrain confortable et universel des bases de toute union.


An Aeryn & John moment :



Bonus - Le générique de la saison 3 :

15:45 Publié dans (TV Meme) | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : tv meme, farscape |  Facebook |

21/01/2011

(FR) 1788... et demi : un essai de divertissement historique décalé non transformé

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Parmi mes résolutions téléphagiques de 2011 figure celle de m'intéresser plus à la télévision française. Parce que c'est très paradoxal et surtout assez frustrant de constater qu'il me manque tellement de repères sur le sujet ; et qu'en réalité, je comprends mieux le fonctionnement de la télévision anglaise. A l'origine, ce désintérêt relatif est en fait une conséquence de mon mode de consommation des séries, qui ne passe plus depuis plusieurs années par les diffusions sur les chaînes de télévision. C'est déjà très compliqué de réussir à m'installer le jour J à heure H pour regarder un film, alors une série... même quand je l'apprécie beaucoup et qu'elle est diffusée sur seulement deux vendredi, comme Nicolas le Floch en décembre dernier, j'ai quand même réussi à oublier le second épisode. Si j'allume ma télévision, c'est pour regarder un DVD ; le reste relève de l'exceptionnel. Heureusement, la VOD existe.

Reste que j'ai vraiment envie de prendre le temps de me pencher sur cette production : 2011 sera, au moins en partie, française. Même si je n'ai (et n'aurai) toujours pas Canal +. Ainsi parmi mes bonnes initiatives de ce mois de janvier 2011, j'ai commencé le rattrapage d'Un Village français. J'achève la saison 1 et ai l'intention de poursuivre jusqu'à troisième, avant de vous proposer un bilan. En tout cas, pour le moment, ce visionnage se fait avec plaisir ! Toujours pleine de bonne volonté, j'ai regardé les premiers épisodes d'une nouvelle série, d'Olivier Guignard, diffusée sur France 3 samedi dernier, et dont les trois derniers épisodes seront proposés demain soir : 1788... et demi. Comme c'est utopique de m'imaginer devant ma télévision un samedi soir (pour toutes les raisons énoncées ci-dessus, plus le fait que cela corresponde au week-end), de bonnes âmes ont créé pluzz.fr pour des gens comme moi. 

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Avant même de parler du fond de la série, au-delà des débats que l'on peut avoir relatifs à la politique des fictions de France Télévision (faire ou ne pas faire de l'historique), il y a un point qui, j'ai l'impression, pose constamment  problème : la diffusion elle-même. Les programmations en rafale d'inédits demeurent une spécialité bien déplaisante (par exemple, l'an dernier, La Commanderie était tombée au champ d'honneur de la programmation expéditive) qui condamne invariablement - et a priori - la plupart de leurs séries à ne pas trouver de public, indépendamment des questions de genre ou de qualité. C'est un reproche qui est récurrent, mais il faut malheureusement constater que, début 2011, France 3 reste encore trop souvent incapable de mettre en valeur certaines de ses productions. Et trois épisodes à la suite, cela relève juste du gaspillage, en tendant très fortement vers l'écoeurement. 1788... et demi a donc fait sans surprise naufrage au niveau des audiences samedi soir dernier.

Pourtant, si la thématique traitée n'innovait pas, la tonalité d'ensemble tranchait en revanche avec les classiques (d'aucuns capricieux diraient "poussiéreux") historiques de France Télévision. 1788... et demi se propose de relater avec une tonalité plutôt décalée le quotidien mouvementé d'une famille noble à la veille de la Révolution française. Le comte François de Saint-Azur élève en effet seul ses trois filles, Madame s'étant retirée au couvent. En dépit de difficultés financières chroniques, c'est en esprits libres et insouciants que les membres de cette famille croquent la vie à pleines dents, inconscients des frémissements annonçant les bouleversements qui balaieront privilèges et statut social. Si le père cache une âme d'inventeur derrière une passion pour les canons, ses filles correspondent chacune à un stéréotype bien défini, de la libertine au garçon manqué. S'ils sont naturellement enclins à profiter de la vie, la gestion de leur domaine, objet de bien des convoitises, n'est pas de tout repos. Ce sont toutes ces péripéties que nous allons suivre.

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Dès le départ, l'objectif est clair :  1788... et demi entend donner un coup de jeune à la série historique, visant un public plus jeune que les habituelles fictions de ce genre. Son ambition est justement de surprendre par l'étonnante légèreté de ton qu'elle adopte. Nous embarquant aux côtés d'une famille ayant fait de l'insouciance une philosophie de vie, avec la fâcheuse tendance à ne pas prendre au sérieux grand chose, le téléspectateur s'invite dans un univers qui se veut hédoniste et sans tabous moraux - on s'y débarrasse ainsi sans sourciller de cadavre dans le lac. Les personnages suivent leurs envies du moment, tout en faisant preuve d'un froid pragmatisme dès lors qu'un obstacle se met en travers de leur route. Le terme "provocateur" serait sans doute excessif, mais la série cultive assurément un parfum de douce insolence. La tonalité est volontairement décalée, souvent enjouée à l'excès, poussant jusqu'au bout la logique du divertissement.

Devant ce tableau rafraîchissant, on comprend aisément ce que 1788... et demi essaye de faire : une série douceureusement impertinente et irrévérencieuse qui balaierait le carcan habituel du genre historique. Malheureusement, en dépit de cette bonne volonté manifeste, l'essai de style louable tourne rapidement à vide. Ce qu'il manque à 1788... et demi, c'est une réelle consistance du scénario. En fait, le soin apporté à son ambiance générale, comme tous ces détails travaillés jusque dans les variations de style au cours des dialogues, paraît avoir été réalisé au détriment de l'intrigue. A trop vouloir en faire sur l'emballage, le scénario a oublié le principal : il faut des enjeux concrets, qui ne relèvent pas seulement de l'anecdotique brodé. Le deuxième épisode permet certes d'introduire quelques éléments narratifs un peu plus consistants, mais il reste cantonné dans ce registre un peu frustrant du divertissement auto-contemplatif.

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A partir de son concept, 1788... et demi aurait pu être une vraie comédie historique. Il ne s'agissait pas de se rapprocher des tons des short-com type Kaamelott, comme j'ai pu le lire ailleurs, mais il aurait fallu au contraire assumer son format et jouer sur un décalage plus subtil. Dans ce registre, je pense ici, par exemple, à l'atmosphère assez savoureuse que l'on retrouve dans certains romans de Frédéric Lenormand, tels La jeune fille et le philosophe ou encore Les princesses vagabondes (vu qu'on se situe au XVIIIe siècle, je trouve la comparaison opportune). C'était au final plutôt ce que j'attendais de la série au vu des premières images et des ambitions affichées. J'en ressors donc un peu frustrée, face à un résultat qui reste au stade de la déclaration d'intention.

Pour autant, l'initiative même non aboutie reste à saluer. Car si elle ne prend pas la mesure de ce qu'elle aurait pu être, 1788... et demi a montré des choses très intéressantes jusque dans sa forme. La réalisation n'innove pas, se rapprochant des autres fictions historiques de la chaîne, avec une image agréable à l'oeil et surtout très claire, mais ce qui va surtout marquer le téléspectateur, c'est assurément la bande-son étonnante que la série propose. On retrouve en effet omniprésente une musique dont les accents épiques surprennent, renvoyant a priori plutôt aux images de western et des grandes épopées. Cela donne quelque chose d'assez intéressant, en rupture avec le contenu assurément moins aventureux et grandiose que ne le laisserait penser ces chansons. 1788... et demi exploite sans doute un peu trop ce filon, risquant de lasser, mais au moins a-t-elle le mérite d'essayer.

Enfin, rien à redire du côté d'un casting qui s'attache avec application à retranscrire ces personnages hauts en couleurs. Sam Karmann se révèle convaincant et bien inspiré dans son rôle de comte un peu déconnecté, tandis qu'à ses côtés, ses filles sont incarnées par Julie Voisin, Lou de Laâge et Camille Claris qui proposent des interprétations très rafraîchissantes. On croise également notamment Philippe Duclos ou encore Natacha Lindinger

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Bilan : Avec sa tonalité insouciante aux accents vaguement impertinents, 1788... et demi tente de donner un coup de jeune au divertissement historique, en le drapant dans les habits d'une comédie qui s'efforce de jouer sur les codes narratifs du genre pour mieux les détourner. Expérimentation louable, elle repose malheureusement trop sur cette ambiance particulière, oubliant que comédie ne rime pas avec scénario inconsistant. L'atmosphère plus comique n'a pas à être développée au détriment du fond ; les deux doivent se soutenir et se compléter. Mais il faut apprendre de ses erreurs, et 1788... et demi a le mérite de briser la routine du petit écran français. C'est déjà à souligner. Les trois derniers épisodes diffusés demain soir corrigeront peut-être certains défauts, lui permettant de s'affirmer plus fermement. Il faut persévérer !


NOTE : 4,5/10


La bande-annonce de la série :

20/01/2011

(Pilote US) Being Human US : quête identitaire et d'humanité (de l'autre côté de l'Atlantique)

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Sur la question épineuse des remakes, j'ai une position de principe : si je ne connais pas l'original, je me lance sans arrière-pensée ; dans le cas contraire, le maître-mot est "attendre et voir". En cette mi-saison américaine, les adaptations ayant un arrière-goût très britannique (au sujet duquel le visionnage d'Episodes fait figure de docu-fiction instructif, à défaut d'être drôle), je connais - et même parfois, aime beaucoup - toutes les versions originales. Et forcément, cela crispe mes instincts téléphagiques de découvrir une autre adaptation anglophone d'une série appréciée... a fortiori encore en production ! C'est pour cela qu'il n'y aura pas de review de Shameless US (dont je respecte bien trop la version de Channel 4), ni de Skins US (dont j'ai déjà établi en regardant trois saisons de la version anglaise que cette série n'était pas faite pour moi - il n'y a pas de raison que la traversée de l'Atlantique change quoique ce soit).

Au fond, pointer l'absence de valeur ajoutée de ces pilotes et dresser des comparaisons sans fin ne servirait pas à grand chose. Si la liste des adaptations mortes-nées est excessivement longue, on pourra toujours objecter que la première saison de The Office US fut une atroce tentative de copier/coller ratée... Mais qui oserait dire aujourd'hui que, sur l'ensemble de son oeuvre, cette série n'a rien apporté et n'a été qu'une pâle copie de son aînée ? On peut apprécier diversement les changements effectués, reste qu'elle a trouvé sa place. Par conséquent, si pour le moment, je ne vois pas l'utilité de suivre Shameless US, seul le temps pourra me permettre de juger.

Cependant, être allergique aux remakes de mes séries, c'est une chose. Me servir une série vampirique en guise de hors d'oeuvre alors que j'attends le 23 janvier avec impatience, c'en est une autre. Et, même si c'est sur SyFy (qui m'a excessivement déçue ces dernières années), vous me connaissez : dans ces cas-là... je teste bien évidemment !

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Mine de rien, il faut dire que c'est quand même le troisième pilote en quatre ans qui nous est proposé de Being Human, la naissance chaotique de la série sur BBC3 étant restée dans les mémoires (ses ajustements de tonalité, comme son recasting). A force, je suppose que cela contribue à vous faire aborder les déclinaisons qui s'enchaînent avec un esprit plus ouvert (j'étais de ceux qui avaient déjà considérablement râlé devant les modifications apportées par rapport au pilote d'origine). Et puis, si j'ai énormément d'affection pour elle, je reconnais aussi que Being Human verse souvent dans une forme d'expérimentation narrative pas toujours pleinement maîtrisée (et que la première saison fut très poussive). En résumé, je n'attendais rien de particulier de Being Human US. Mais finalement, à son niveau de divertissement fantastique et au vu du matériel de départ, il faut reconnaître que ce premier épisode d'introduction remplit son office. Ni plus, ni moins.

Reprenons pour les retardataires : cette série raconte la colocation compliquée de trois créatures surnaturelles, un vampire, un loup-garou et un fantôme, qui aspirent toutes à une humanité qui leur est malheureusement inaccessible. Le pilote reprend les grandes lignes de l'originale britannique. Aidan et Josh travaillent tous deux dans un hôpital de la ville. Ils sont amis, rapprochés par une relative "différence" par rapport au monde qui les entoure, même si leurs genres ne s'entendent guère en temps normal : Aidan est en effet un vampire (le choix du prénom ayant des airs de private joke qui ne laissent pas indifférent) et Josh est un loup-garou. Après une énième nuit extrêmement mouvementée où leur nature a repris le dessus et fait des ravages - les conséquences des actions d'Aidan étant plus dramatiques -, ils se décident à reprendre leur vie en main et à emménager ensemble dans une maison où ils pourront être eux-mêmes. Cette résolution les conduit dans une nouvelle demeure qu'ils découvrent déjà habitée... par un fantôme ! Sally hante en effet les lieux depuis sa mort mystérieuse il y a quelques mois.

Ensemble, les trois colocataires vont essayer de tendre vers une "normalité" à laquelle ils aspirent tant, se soutenant et s'entre-aidant pour embrasser une humanité qui se refuse à eux.

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C'est en jouant une partition connue que le pilote de Being Human US s'approprie plutôt efficacement le concept et les codes de la série. Ne perdant pas inutilement son temps, il pose rapidement les grandes problématiques qui vont être au coeur du show et qui en font tout l'intérêt : cette quête fragile et vaine vers une banalité qui n'est malheureusement pas envisageable pour nos trois héros. Les premières scènes d'une nuit sanglante, sur lesquelles se superpose opportunément un monologue de présentation chargé d'amertume où perce une détresse qui touche facilement le téléspectateur, n'innovent pas, mais ont le mérite de permettre à chacun de rentrer directement dans la série. Ce passage souligne ainsi toute l'ambivalence de la démarche du trio. Le reste de l'épisode déroule ensuite de façon calibrée. Sans surprise, chacun des personnages correspond (invariablement, certains soupireront sans doute) au stéréotype classique auquel renvoie sa nature dans l'imaginaire collectif.

Cependant l'enjeu réel ne réside pas  dans ces mises en scène ou dans cette éventuelle exploitation d'une mythologie fantastique, comme c'est souvent le cas dans les séries de ce genre. Dans Being Human, ce qui a toujours fait tout l'attrait de la franchise, par-delà les versions, reste la dynamique qu'elle doit être capable d'insuffler entre ses différents protagonistes. C'est par l'affectif qu'elle gagnera la fidélité du téléspectateur. Et dans cette perspective, ce pilote dévoile un potentiel indéniable. Si Sally reste pour le moment en retrait, le duo entre Aidan et Josh fonctionne bien, avec une réelle complicité à l'écran. Le personnage du loup-garou est sans doute celui qui se détache le plus en raison de la frustration extrême qu'il exprime, tout en investissant aussi un registre plus comique - de la même manière, en somme, que George est le personnage le plus intéressant de Being Human - , mais le côté plus sombre et posé d'Aidan sert de pendant parfait. 

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Sur la forme, Being Human US est une fiction bien calibrée, s'inscrivant parfaitement dans le registre des fictions de SyFy. Il faut dire que, côté effets spéciaux, la franchise part de très loin avec le budget proche du néant et les transformations laborieuses offertes sur BBC3. En clair, il n'était pas possible de faire plus cheap ; par conséquent, un peu par contraste, Being Human US semble avoir les moyens de transposer de façon honnête tous ces passages fantastiques à l'écran. Pour contribuer à installer la tonalité, il a été jugé bon d'ajouter à cela une bande-son pas désagréable, mais trop envahissante à mon goût. En espérant que cela soit un peu plus modéré par la suite.

Enfin, le casting, un peu trop aseptisé et fade, ne m'a pas pleinement convaincu. Mais il faut reconnaître que chacun fait ce qui est attendu de lui et propose une interprétation correcte à défaut de marquer (du SyFy donc). De tout façon, leur atout réside incontestablement dans les personnages qu'ils campent : ces derniers étant facilement attachants, il est aisé de les suivre sans déplaisir. Le temps fera le reste. Sam Witwer (Battlestar Galactica, Smallville) joue le rôle d'Aidan le vampire, Sam Huntington (Cavemen), celui de Josh le loup-garou, et Meaghan Rath (The Assistants), Sally la fantôme. Par ailleurs, les téléphages noteront en second plan la présence de Mark Pellegrino (Lost, Supernatural), dans ce qui est l'adaptation du rôle de Herrick, le chef des vampires qui porte le nom de Bishop dans la version américaine.

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Bilan : Le pilote de Being Human US délivre ce que l'on pouvait attendre de lui : une introduction prévisible mais pas dénuée d'identité, dans un univers fantastique où les thématiques très humaines parlent facilement au téléspectateur. Optant pour une tonalité assez sombre (plus proche du pilote original ou de la saison 2 de la version UK) qui sied aux préoccupations et actions des différents protagonistes et devrait plaire aux amateurs du genre, la série part sur des bases tout à fait correctes, sans autres ambitions que de proposer un honnête divertissement fantastique.

Autant dire que pour une téléphage telle que moi, qui a besoin de sa dose vampirique hebdomadaire, Being Human US trouverait facilement une place dans mes programmes. Elle en trouvera d'ailleurs sans doute une dans quelques semaines. Mais en attendant, ce dimanche 23 janvier reprend sur BBC3 la saison 3 de la seule Being Human existant dans mon coeur à ce jour. Cette dernière ayant l'avantage de l'ancienneté et l'attachement que je lui porte n'étant aucunement comparable avec ce dernier rejeton de SyFy, je vais mettre sa consoeur américaine  de côté en prévision des périodes plus creuses.

A suivre donc, mais pour les amateurs du genre !


NOTE : 6/10


La bande-annonce :

19/01/2011

(K-Drama / Pilote) Sign : un medical investigation drama jouant (trop?) sur tous les tableaux

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L'évènement téléphagique du week-end sud-coréen était assurément le final de Secret Garden (un coup de coeur personnel qui aura dépassé toutes mes attentes). Mais comme il me faudra un peu de temps pour prendre du recul et jeter un regard rétrospectif rationnel sur ce drama, aujourd'hui sera le premier mercredi asiatique du blog à traiter d'un k-drama de 2011.

Je vous l'avais déjà confié, rien ne me tentait vraiment a priori parmi les nouveautés. Mais je suis téléphage, donc curieuse, par conséquent cela n'était pas un synopsis peu affriolant qui allait m'arrêter. Et c'est finalement sur Sign que mon choix s'est porté. Un peu par défaut, mais aussi en raison du genre plus policier que la série souhaitait investir. Si sa trame principale lui permet de progressivement gagner en intérêt, j'avoue que ses deux premiers épisodes ne m'ont ni vraiment marqué, ni vraiment convaincu que ce drama mérite de s'y investir davantage. Cependant, pour ceux qui veulent se changer les idées hors des comédies romantiques, Sign peut être une solution...

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 Cette série est officiellement présenté comme un "medical investigation drama", c'est-à-dire qu'elle se propose d'aborder des enquêtes policières sous une perspective plus vraiment originale de nos jours, mais qui reste quand même particulière, celle de la science, à travers le travail de la police scientifique et des médecins légistes. C'est donc une série dont les ressorts narratifs vont être basés sur les indices qui vont pouvoir être collectés et exploités d'une scène de crime, ou sur l'art de faire parler le cadavre d'une victime au cours d'une autopsie. Prompt à exploiter les possibilités qu'offre ce concept en terme d'environnement, Sign nous entraîne en terrain connu dès ses débuts, puisqu'elle s'ouvre sur la mort très suspecte d'une star de la chanson, le leader d'un groupe de k-pop : l'idée de l'homicide fait rapidement son chemin, mais la résolution de l'énigme apparaît rapidement ne pas être la priorité pour tous les protagonistes.

En effet, l'enquête, complexifiée par la sur-médiatisation du cas, va réveiller les tensions inter-services et voir s'affronter différents responsables qui vont avoir tendance à laisser prévaloir leurs ambitions personnelles sur la bonne conduite de l'enquête. Le seul à rester focaliser uniquement sur l'investigation est sans doute Yoon Ji Hoon, médecin légiste au NFS, un institut public chargé notamment de procéder aux autopsies pour la police. Brillant tout en étant doté d'un sens du relationnel proche du néant, ce dernier s'attache à faire son job avec une abnégation louable, mais qui ne tient pas toujours compte de la réalité des rapports de force présents. C'est ainsi que sur cette affaire, il va se heurter de plein fouet à un de ses concurrents de toujours, professeur renommé qui ne partage pas son refus de toute compromission, Lee Myung Han.

Cependant, derrière cette apparente bataille d'égos se cache une affaire plus complexe qu'il n'y paraît. Et si conclure le plus rapidement et en faisant le moins de vague possible paraît être la préocupation première de tous les responsables, c'est peut-être aussi parce qu'en arrière-plan, d'autres jeux d'influence, bien plus puissants, sont à l'oeuvre. La vérité peut-elle -et doit-elle- toujours triompher ?

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Le premier élément scénaristique marquant la découverte de Sign tient assurément à son concept, ou plus précisément à l'approche finalement assez paradoxale qu'elle en fait. C'est amusant de voir la façon dont la série revendique ostensiblement ses influences sans pour autant réellement les embrasser. Certes, depuis une décennie, il suffit de placer au coeur de l'intrigue des scientifiques - policier ou médecin légiste -, et l'esprit du téléspectateur se tournera automatiquement vers la ville de Las Vegas d'où est parti ce phénomène. Et Sign entend pleinement capitaliser sur cet effet de mode. Sans d'ailleurs s'en cacher le moins du monde, au vu du nombre de références directes faites aux Experts dont l'épisode regorge. La fascination pour la série américaine a ainsi forgé la vocation de l'héroïne, tout autant qu'elle suscite la méfiance des plus anciens qui n'ont manifestement pas la même vision de leur métier.

Sauf que... demander à une série sud-coréenne de faire du CSI relève du mimétisme illusoire. Là où sa consoeur américaine déclinera de manière calibrée et huilée un formula show qui s'attachera à une méthode d'investigation rigoureuse, Sign ne va en rien renier le canevas habituel qui forge les bases des k-dramas. Si bien qu'en dépit de cette aspiration à s'inscrire dans un héritage télévisuel particulier, et même si les scénaristes s'efforcent par intermittence de recréer une ambiance scientifique objective, Sign ne va devoir à la série, qu'elle cite pourtant constamment, qu'une poignée de passages qui paraissent au mieux étrangement exotiques dans la narration globale, au pire parfois en rupture avec une tonalité d'ensemble subjectivisant pleinement toutes les situations.

A défaut d'être vraiment maîtrisé, ce qui l'amène à verser trop souvent dans un registre un peu artificiel, disons que, d'un point de vue purement téléphagique, l'expérience est intéressante car la comparaison des influences met vraiment en lumière un certain nombre de ficelles et dynamiques propres à la nationalité de la fiction.

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Au-delà de cette quête identitaire un peu hésitante, Sign se présente sous les traits d'une série policière qui va rapidement prendre des accents de vrai thriller. Certes, c'est une mort suspecte qui sert de catalyseur à l'intrigue, avec une victime symptomatique d'une autre dérive k-drama-esque, puisqu'il s'agit du leader d'un groupe phare de k-pop, permettant par la même occasion de nous entraîner derrière les paillettes, dans les coulisses pas forcément très accueillantes de cette industrie. Cependant, sur cette enquête sur-médiatisée mais qui aurait malgré tout pu être presque banale, vont venir se greffer toutes les complications du genre envisageables. Et autant dire que dans ce domaine, Sign n'hésite pas à voir les choses en grand, voire un peu dans la démesure. Luttes d'influence, abus de pouvoir, impunité des puissants... s'y casent toutes les grandes thématiques familières du petit écran sud-coréen.

D'autant plus que si Sign ne peut pas être un CSI-like, c'est aussi parce que le drama va naturellement personnaliser, presque à outrance, tous ses enjeux. En quelques minutes, il transforme ainsi une simple (en théorie, du moins) autopsie en affrontement jusqu'au-boutiste entre deux rivaux de toujours, allant jusqu'à en faire son premier cliffhanger. Non seulement les égos et ambitions personnelles prennent rapidement le pas sur une enquête qui reste déterminante sans être l'enjeu central, mais la série introduit également l'autre versant confrontationnel par excellence, celui des déceptions amoureuses, en ajoutant à la situation déjà explosive le ressentiment d'un ex-petite amie en colère, qui exerce désormais des responsabilités au bureau du procureur.

En résumé, Sign ne craint pas d'en faire trop. La série ne cherche d'ailleurs pas à faire dans le réalisme, mais plutôt à positionner ses protagonistes les uns par rapport aux autres, tout en sur-dramatisant les oppositions potentielles. C'est sans doute là où le bât blesse. Si l'intrigue globale finit par retenir l'attention, les personnages apparaissent eux enfermés dans des stéréotypes trop déshumanisés. La distribution des rôles est classique, de la jeune apprentie pleine de bonne volonté au génie arrogant/narcissique/asocial, mais peine à trouver un équilibre crédible. On garde une sensation d'artifice et la dynamique ne prend pas au sein de cette galerie de personnages (du moins au cours des deux premiers épisodes). Mon plus grand souci réside d'ailleurs dans la figure centrale, excessivement antipathique et cariturale, malheureusement présentée sans la moindre prise de distance. Si bien qu'au final, il est vraiment difficile de s'attacher à qui que ce soit.

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Sur la forme, Sign propose une réalisation maîtrisée. Certes, elle ne résiste pas à quelques effets de style, notamment pour mettre en scène la victime ou bien la personne suspecte le soir du crime, mais cela reste globalement assez sobre. Certains montages ou découpages particuliers de l'écran dénotent une réelle volonté d'essayer d'insuffler une forme de dynamisme à l'ensemble - sans forcément toujours y réussir -, doublé d'un effet "high tech" qui se traduit par la mise en valeur du recours à la science. Pour accompagner ses choix, le drama est efficacement servi par une bande-son rythmée, mêlant les styles musicaux. Le rendu musical n'est pas inintéressant.

Enfin, un dernier mot sur le casting qui, là-aussi, manque peut-être d'argument pour me convaincre de donner une chance supplémentaire à la série. Il y a beaucoup de sur-jeu, notamment dans les interprétations des deux acteurs principaux. J'avoue que Park Shin Yang (The Painter of the Wind) m'a plutôt agacé - mais cela tient beaucoup à l'écriture très unidimensionnelle de son personnage. A ses côtés, dans les figures fémines, Kim Ah Joong joue sans surprise la partition prévisible de l'apprentie au fort caractère mais qui a encore tant à apprendre. tandis qu'Uhm Ji Won (The woman who still wants to marry) trouve progressivement sa place à mesure que son personnage peut dévoiler d'autres facettes. Jun Kwang Ryu (Jumong, Baker King) s'impose sans souci dans le registre du rival du héros. Enfin Jung Gyu Woon étant charmant ayant d'autres atouts que son jeu d'acteur (et mes souvenirs de Doctor Champ étant encore frais dans ma mémoire), je me contenterai donc de dire que, pour le rôle de policier impulsif qui lui est dévolu, je suis certaine qu'il conviendra parfaitement.

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Bilan : Série d'inspiration policière qui souhaite jouer sur tous les tableaux thématiques, Sign assume un mélange des genres fourni sans craindre d'en faire trop. Tour à tour enquête scientifique sur laquelle les rivalités personnelles prennent le pas, mais aussi thriller n'oubliant pas une pointe de romance désillusionnée, le drama multiplie les sources d'inspiration, tout en peinant un peu à dégager une identité précise au cours de ces deux premiers épisodes. L'intrigue principale s'assure de retenir l'attention d'un téléspectateur dont la curiosité est attisée par la dimension démesurée qu'elle acquiert. Mais si les personnages sont placés au coeur de la dynamique de la série, ils s'enferment pour le moment dans des registres excessivement prévisibles qui les rendent trop artificiels pour que leur sort importe au téléspectateur.

Pour trouver un équilibre, il reste à Sign à tirer toutes les conséquences au plan humain de la personnalisation des enjeux de ses enquêtes. Si elle y parvient, ceux qui souhaitent s'offrir une petite parenthèse sans comédie romantique y trouveront peut-être leur compte.


NOTE : 5/10


La bande-annonce (images du deuxième épisode) :


Le générique :


Une chanson de l'OST :


16/01/2011

(Mini-série UK) The Lost Prince : un portrait intimiste au coeur des tourbillons de l'Histoire

The story of the prince that history forgot.

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L'actualité du petit écran a beau avoir été très riche ces derniers jours, c'est finalement vers des explorations téléphagiques plus anciennes que je me suis tournée. Non seulement parce qu'il faut bien que je me plonge de temps en temps dans ma (haute) pile de DVD à voir, mais aussi parce que les découvertes que j'y fais sont bien trop captivantes pour que je songe à leur préfèrer des pilotes de concept au parfum confusément anachronique, de remake inutile ou d'énième déclinaison d'ersatz Shonda Rhimes-iens exotiques, proposés en ce début de mois de janvier aux Etats-Unis. Pourtant j'ai bien tenté de jeter un oeil à tout cela ; mais que voulez-vous, la fiction qui a retenu mon attention cette semaine date de 2003. Elle s'intitule The Lost Prince ; et elle, elle a le mérite de me rappeler pourquoi je suis téléphage.

Saluée et récompensée jusqu'aux Etats-Unis où elle a remporté en 2005 l'Emmy Award de la meilleure mini-série, il s'agit d'une fiction d'une durée totale de 3 heures, composée de deux parties d'une heure et demie chacune. Son visionnage s'inscrit dans le cycle de découvertes des oeuvres de Stephen Poliakoff entamé depuis quelques mois, et au cours duquel j'ai déjà eu l'occasion de vous parler de Perfect Strangers, puis dernièrement de Shooting the Past. J'avoue que ma fascination grandissante pour le style qui marque ces fictions a encore pris une autre dimension en regardant The Lost Prince.

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The Lost Prince couvre une décennie de bouleversements politiques européens, s'ouvrant durant le Noël 1908 et se terminant en 1919 dans les ruines d'une Première Guerre Mondiale qui aura redessiné géopolitiquement et constitutionnellement une Europe où le temps n'est plus aux monarchies. Marquant la fin d'une époque, elle nous relate ces évènements de la perspective d'une famille royale britannique au sein de laquelle se joue un autre drame, plus personnel.

Car The Lost Prince s'appelle John. Il est le plus jeune fils du roi George V et de la reine Mary. Atteint d'épilepsie depuis son plus jeune âge et ayant eu une enfance marquée par des violentes crises soigneusement dissimulées par sa famille, sa santé précaire a également empêché le garçon de s'épanouir normalement, souffrant d'un léger retard dans ses capacités mentales. Devant l'inéluctabilité d'une situation de plus en plus difficile, souhaitant évacuer artificiellement cette douleur et le soustraire à tout regard extérieur, ses parents organiseront son éloignement, le tenant à l'écart de la cour et des mondanité où il ne pouvait être qu'une source d'embarras. D'abord reclus dans une maison attenante, il finira par être envoyé dans une ferme loin de tout à la campagne.

C'est cette courte vie aux accents tragiques que la mini-série nous relate, explorant les relations du prince avec son entourage. Au centre de son univers, il y a Lalla, sa fidèle nourrice, qui restera jusqu'au bout son plus précieux soutien. Mais sa famille demeurera également une constante. Si John n'entretiendra que des rapports excessivement distendus avec des parents peu enclins naturellement à exprimer des sentiments mais qui souffrent profondément de leur impuissance face à son état, il conservera toujours une relation pleine de complicité avec un de ses frères, George, à peine plus âgé que lui, égaré lui-aussi dans ce jeu des apparences où ce qui est socialement attendu de lui ne lui correspond absolument pas.

John mourut finalement à l'âge de 13 ans, en 1919, d'une crise d'épilepsie plus violente que les autres, concluant une mini-série assurément poignante à plus d'un titre.

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Dense et théâtrale, bénéficiant d'une narration admirablement maîtrisée de bout en bout, The Lost Prince est une mini-série aboutie qui s'inscrit dans les thématiques chères à Poliakoff - la famille, l'Histoire - tout en y apportant un souffle supplémentaire par rapport aux autres mini-séries dont j'ai déjà pu vous parler (Perfect Strangers comme Shooting the Past) : ici, l'Histoire ne se re-découvre pas dans les images d'archives, elle s'écrit sous nos yeux, ajoutant une dimension émotionnelle encore plus intense.

The Lost Prince, c'est tout d'abord une histoire familiale. C'est un drame humain pudique qui ne verse jamais dans le larmoyant facile. C'est un portrait plein de vie d'un garçon, puis d'un adolescent dynamique, dont la mini-série va s'attacher à suivre le quotidien. Si son handicap est traité avec beaucoup justesse, mais aussi de pudeur, c'est également parce qu'il confère à John l'insouciance de ceux dont l'état leur permet de ne pas être astreint à l'étiquette sociale rigide de leur statut, pouvant ainsi énoncer sans sourciller des vérités crues que personne n'oserait formuler à voix haute dans ce monde d'apparences. Une liberté mise en exergue tout au long du récit que lui envie son frère George, insupporté par la pensée de la carrière militaire déjà régentée qui l'attend. Les destinées parallèles, toutes aussi peu enviables, des deux frères, constituent un fil rouge narratif des plus opportuns. L'intensité des rapports fraternels que les deux garçons partagent, par contraste à la distance que maintient le reste de la famille, est aussi très émouvante, apportant à John une chaleur humaine dont il a besoin même s'il n'en a pas toujours conscience. C'est dans cette optique qu'il faut aussi saluer le rôle que joua Lalla, nourrice tellement attentionnée et obstinée qu'elle se substitua en bien des points à une mère dont le statut empêchait qu'elle remplisse cette fonction.

The Lost Prince apparaît donc à la fois comme un portrait intime, mais aussi comme une immersion dans un certain microcosme monarchique, qui va lui permettre de relier naturellement ces histoires personnelles à des évènements d'une toute autre dimension, tout aussi déstabilisant pour la famille royale.

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The Lost Prince, c'est aussi en arrière-plan des pages d'Histoire troublée qui se tournent sans complaisance. C'est le récit d'une décennie de redistribution des cartes en Europe que la monarchie britannique va s'efforcer de traverser en dépit d'une hostilité grandissante à son égard. Comme toujours, la narration de Poliakoff fonctionne pleinement, avec une intensité fascinante, par le biais des symboles et des mises en scène. A travers les leçons du précepteur de John, matérialisées par ces présences de personnalités décorées et imposantes lors de l'enterrement d'Edouard VII, nous entrevoyons l'étendue de toute cette parenté royale, de degré plus ou moins proche, qui règne aux quatre coins de l'Europe. La Première Guerre Mondiale va venir bouleverser cet échiquier politique, faisant perdre leurs derniers repères à un couple royal qui subit même la méfiance de son propre peuple, allant jusqu'à devoir abandonner le nom aux consonances germanophones que la famille porte.

Les cousins, proches d'hier, se transforment en ennemis. Emportés par les chaos de l'Histoire, certains abdiquent, d'autres sont renversés. Parmi ces monarques déchus aux destinées incertaines, c'est sur le sort d'une famille particulière, celle à la fin la plus tragique, que la mini-série va s'arrêter : les Romanov, à travers deux moments clés. C'est tout d'abord en un temps d'insouciance que nous les rencontrons quand, en cousin de George V, Nicolas II rendit visite à ce dernier, accompagné de toute sa famille, notamment de ses quatre filles tout de blanc vêtues qui fascinèrent tant le jeune John. Une famille qui, à la différence de sa consoeur anglaise, vit encore dans une conception d'absolutisme, sans avoir l'habitude des compromis, comme le souligne l'attitude adoptée par la Tsarine, accentuée par les tergiversations sans fin de Nicolas II. Nous ne reverrons ensuite la famille du Tsar que dans l'imagination de John. Pour sauver sa position fragilisée, alors que partout en Europe les monarchies disparaissent, George V fera pression pour que l'Angleterre n'accueille pas ces souverains russes déchus si impopulaires auprès de son opinion publique. Dans un style propre à Poliakoff, celui d'un récit indirect distant, le téléspectateur assistera à leur exécution, qui entérinera définitivement la fin d'une époque.

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Fascinante par le traitement qu'elle propose de cette multiplicité des thématiques abordées, The Lost Prince est également une mini-série pleinement aboutie sur la forme. Elle porte ici la marque caractéristique de son auteur. Sa réalisation, soignée, trouve en effet une inspiration théâtrale dans laquelle elle s'épanouit. Certains mises en scène versent dans une symbolique soigneusement étudiée, où le poids et la force des images se veulent bien plus parlant que des dialogues qui sont parfois absents de ces passages. A ce titre, je pense que la scène qui m'a le plus marqué se situe au début de la deuxième partie. Alors que l'Europe est en ébulition, suspendue à la réaction russe et allemande suite à l'assassinat de l'archiduc François-Ferdinand, on y voit le Tsar Nicolas II s'adonner insouciant à sa passion pour la natation sous les yeux de sa famille rassemblée. Sur le côté, les militaires attendent son ordre de mobilisation, tandis que la devanture dans laquelle la famille tsariste est confortablement installée, d'une couleur rouge sombre, se reflète dans l'eau jusqu'à la forme allongée de Nicolas II, lequel porte également un costume de la même couleur. Cette ombre rouge qui s'étend, c'est celle du sang. C'est le destin de cette famille qui bascule par la décision alors prise et l'engrenage qui s'enclenche. Ce passage est un vrai modèle du genre.

De plus, The Lost Prince porte également la marque musicale de Poliakoff, avec une utilisation fréquente, résolument intégrés au récit, de morceaux de musique classique qui retranscrivent à merveille la tonalité des scènes qu'ils accompagnent. Elle sublime certains passages, et son apogée se trouve sans doute dans le récital final délivré par John, poignant d'une intensité émotionnelle où percent tant de regrets qu'elle en bouleverse la famille royale comme le téléspectateur.

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Enfin, The Lost Prince ne serait sans doute pas cette oeuvre magistrale sans la performance d'ensemble que délivre son superbe casting. Il faut tout d'abord saluer les plus jeunes qui remplissent admirablement leur rôle, Daniel Williams (Frankenstein), puis Matthew James Thomas (Britannia High) incarnant tour à tour un prince John touchant, à la fois fragile et plein de vie. Brock Everitt-Elwick (Bonkers), puis Rollo Weeks leur offriront un pendant parfait, dans le rôle de son frère George.

Du côté des adultes, on retrouve des acteurs confirmés qui trouvent ici l'occasion de nous rappeller tout le bien que l'on pense d'eux : Gina McKee (The Forsyte Saga, The Silence) est une Lalla dévouée, Tom Hollander (Cambridge Spies, The Company, Desperate Romantics, Rev, Any Human Heart) un roi George V navigant à vue en ces temps si troublés, Miranda Richardson (Rubicon) une reine Mary tout en retenue et en dignité dont la sensibilité perce à l'occasion l'apparence froide qu'elle s'est construite. Enfin Bill Nighy (State of Play) est, comme toujours, excellent. Parmi les autres acteurs, signalons la présence de Michael Gambon en Edward VII vieillissant, la reine Alexandra étant interprétée par une émouvante Bibi Anderson.

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Bilan : Bénéficiant d'une écriture aboutie, maniant avec habileté l'art de la mise en scène et des symboles, The Lost Prince est une mini-série touchante, profondément humaine, qui propose un portrait attachant et sensible de ce prince oublié. A travers sa brève vie, elle nous immerge dans le milieu codifié et rigide d'une monarchie à la légitimité vacillante, au centre duquel on trouve une famille royale britannique luttant pour sa survie face à l'Histoire qui est en marche, perdant ses repères et isolée dans la guerre comme face aux révolutions qui ont lieu sur le continent européen.

Rejoignant certaines thématiques chères à Poliakoff comme la famille et l'Histoire, The Lost Prince mérite sa place au sein de ces incontournables oeuvres qui ont donné ses lettres de noblesse au petit écran. Indispensable.


NOTE : 9,25/10


Un extrait - la scène (qui me fait fondre en larmes) du récital à la fin :

 

Le thème musical :