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17/07/2013

(K-Drama / Pilote) Empire of Gold : ton univers impitoyable

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En ce mercredi asiatique, je vous propose de rester en Corée du Sud. Il est en effet temps de jeter un oeil aux nouveautés de ces dernières semaines, et plus précisément, sur celle qui, comme je vous l'avais annoncée, aiguisait le plus ma curiosité : Empire of Gold et ses promesses de confrontations implacables, parsemées de twists.

Ce drama est diffusé sur SBS, les lundi et mardi soirs, depuis le 1er juillet 2013. Côté coulisses, on retrouve à l'écriture Park Kyung Soo, à la réalisation Jo Nam Kook, et à la production Lee Hyun Jik. Ces derniers n'en sont pas à leur coup d'essai ensemble, puisqu'il s'agit de l'équipe à qui l'on doit The Chaser, un drama diffusé l'an dernier également sur SBS. L'occasion de me rappeler que je n'ai toujours pas vu The Chaser... Mais il figure en bonne place parmi ma liste sud-coréenne à visionner ! Une envie de rattrapage d'autant plus accentuée par les débuts très prometteurs que signe Empire of Gold : c'est aussi sombre et impitoyable qu'attendu, mais c'est aussi très prenant en dépit de l'aridité du monde des affaires dans lequel le téléspectateur est entraîné.

[La review qui suit a été rédigée après le visionnage des 4 premiers épisodes de la série.]

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Empire of Gold s'ouvre au début des années 90. Jang Tae Joo est alors un simple étudiant, issu d'un milieu modeste. Son père, travailleur infatigable, espérait pouvoir ouvrir un petit restaurant, objectif pour lequel il a travaillé toute sa vie. Malheureusement, un mauvais investissement immobilier le laisse ruiné, pion impuissant dans une bataille d'enjeux financiers autour de la reconstruction de quartiers. Dans les incidents qui émaillent les protestations qui suivent, il est mortellement brûlé. Tae Joo sacrifiera vainement son avenir pour quelques liquidités qui devaient permettre de lui offrir un traitement nécessaire à sa survie. Avec une mère et une soeur endeuillées et devant se débrouiller seules, Tae Joo se retrouve en prison. Cet enchaînement d'évènements va le conduire à redéfinir ses priorités et à reconsidérer les opportunités qui méritent d'être saisies...

Le puissant groupe Sungjin qui a broyé la famille de Tae Joo dans ces affaires immobilières appartient à la famille Choi, mais, dévorée par les ambitions et les égos de chacun, l'entente est loin d'y régner en interne. Tandis que le patriarche décline et doit affronter la maladie, tous les coups sont permis entre cousins, voire même entre frères et soeurs, pour prévaloir, avec des décisions prises qui seront fatales à certains. Fille de l'actuel président, Choi Seo Yoon l'assiste armée d'une détermination sans faille. Son principal rival est son cousin, Choi Min Jae : les deux perpétuent la relation conflictuelle de leurs pères respectifs. Min Jae est justement celui qui était responsable du projet immobilier qui a brisé la famille de Tae Joo.

Lorsqu'il sort de prison en exploitant un drame dans la famille Choi, Tae Joo décide de se glisser à son tour dans le monde des affaires immobilières, se montrant aussi audacieux que résolu. Il bâtit une entreprise qui le conduit à se heurter aux différents représentants de la famille Choi...

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Empire of Gold démarre sur un ressort narratif le plus classique qui soit dans le petit écran sud-coréen : celui de l'antagonisme social entre riches et pauvres, puissants et faibles. Mais à partir de cette base de départ, il se démarque vite en ne s'enfermant pas dans une approche manichéenne. C'est un drama résolument sombre, impitoyable dans tous les sens du terme, dans lequel aucun personnage n'incarnera une figure de chevalier blanc. Tandis que les Choi s'affrontent pour les commandes du groupe dans une lutte où tous les coups sont permis, Tae Joo intègre vite les codes de ce milieu qu'il abhorre. Mieux, il se prend au jeu de l'adrénaline et des confrontations. Il lui aurait été possible de se retirer après un premier coup réussi, ayant offert à sa mère le restaurant dont elle rêvait tant. Mais il ne peut se résoudre à se détourner de cette voie qui a le potentiel de lui ouvrir les sommets. Poussant le parallèle jusqu'au bout, les affaires immobilières sont ici assimilées aux jeux d'argent : les projets sont autant de paris où on peut, à chaque fois, perdre entièrement sa mise initiale, voire bien plus.

Décidé à prendre sa destinée en main, Tae Joo évolue à partir du moment où il goûte au parfum de la force et du pouvoir. Il peut certes un temps opposer à ses détracteurs qu'il a, lui, conscience du mal qu'il est capable de faire aux plus faibles pour avoir été dans leur situation, seulement il dérive rapidement vers la même gestion brutale que celle de ses adversaires. De manière générale, Empire of Gold est en effet une fiction dure qui présente la vie comme un rapport de forces permanent : il s'agit d'écraser ou d'être écrasé. Dès le quatrième épisode, la compromission définitive de Tae Joo semble actée par une confrontation symbolique avec une jeune femme dont il vient de briser la vie du père : il est renvoyé dos à dos avec les Choi. La noirceur ambiante domine donc véritablement l'ensemble du drama. Chaque protagoniste agit par calcul, selon ses intérêts et sans le moindre scrupule même familial, avec un apparent détachement émotionnel qui n'est remis en cause que lors d'une poignée de situations exceptionnelles.

Fiction presque désensibilisée par le décor ainsi posé, Empire of Gold doit en plus composer avec l'aridité du monde des affaires dépeint. Les jeux immobiliers, entre spéculations et manipulations, sont des problématiques peu accessibles à l'observateur extérieur. La réussite du drama est de savoir les intégrer à la tension ambiante, avec des enjeux et des confrontations qui sont, eux, clairement identifiés. Le téléspectateur s'implique donc, happé par un rythme de narration très vif, qui ne laisse aucun temps mort. Il faut vraiment saluer une écriture qui fait preuve d'une intensité jamais prise en défaut. Les numéros de duettistes et autres confrontations s'enchaînent, parfaitement orchestrés. C'est d'ailleurs dès les premières scènes de l'épisode 1 que la série avait frappé fort et placé la barre très haut. Le contrat est par conséquent parfaitement rempli pour ce qui est de retenir l'attention. Un seul bémol sur ces développements, ou plutôt un avertissement : Empire of Gold doit se méfier du sur-régime et de la tentation d'une surenchère que ces 4 épisodes, solides, frôlent parfois. A elle de savoir s'inscrire dans la durée.

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Si l'écriture est homogène et convaincante, avec plusieurs passages mêmes franchement enthousiasmants, Empire of Gold reste extrêmement académique sur la forme. La réalisation a tendance à privilégier les plans serrés, et il y a peu d'initiatives de la part de la caméra. Le drama retrouve cependant du souffle et une ampleur grâce à son ambiance musicale : il bénéficie d'une bande-son riche en instrumentaux, avec quelques envolées de musique classique qui accompagnent parfaitement la montée des tensions. En résumé, c'est un drama musicalement happant, mais visuellement un peu plat.

Enfin, côté casting, au sein du trio principal, on retrouve tout d'abord Go Soo (My Fair Lady, Will it snow for Christmas ?), à qui est confié le rôle de Tae Joo. Il a la présence qu'il faut à l'écran pour imposer son personnage - et il le prouve dès la marquante scène d'ouverture avec la confrontation face au politicien et puis sa gestion des conséquences. Je vous avoue en plus que c'est un acteur que j'ai tendance à apprécier : cela me fait donc plaisir de le retrouver ! Face à lui, Son Hyun Joo (The Chaser) est impeccable : glaçant en adversaire imperturbable et machiavélique, mais aussi capable de souligner les déchirements auxquels il se résout, notamment dans sa vie maritale. Lee Yo Won (Queen Seon Deok, 49 days) reprend, elle, le rôle de l'héritière, pour l'instant froide et déterminée, pour lequel elle délivre une interprétation honnête qu'il faudra juger dans la durée. Parmi les rôles plus secondaires, on croise également notamment Ryu Seung Soo (Sirius), ou encore Jang Shin Young (The Empress), en associée de Tae Joo, deux acteurs qui figuraient également dans The Chaser

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Bilan : Plongeant le téléspectateur dans une atmosphère aussi sombre que prenante, Empire of Gold signe des débuts convaincants. L'écriture est assurée, et le rythme narratif rapide, avec une bonne exploitation des diverses rivalités. L'intensité du récit et la noirceur ambiante contrebalancent efficacement l'aridité certaine des affaires immobilières mises en scène. Dans ce milieu calculateur où les émotions semblent comme proscrites et où les sentiments ne sont pas une donnée prise en considération, le flashforward du début du premier épisode annonce un développement (un mariage) qui aiguise la curiosité sur ses motivations réelles, d'autant que pour le moment Tae Joo et Seo Yoon sont au mieux indifférents l'un l'autre, au pire adversaires. En résumé, ce sont là des débuts prometteurs qui savent retenir l'attention du téléspectateur. A surveiller... en espérant que le drama assure dans la durée !


NOTE : 7,25/10


Une bande-annonce de la série :

14/07/2013

(Pilote AFRQ SUD) Room 9 : une unité de police sud-africaine face au surnaturel

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Nouveau pays, et même nouveau continent en ce dimanche estival ! Aujourd'hui, je vous propose de traverser la Méditerranée, direction l'Afrique. Jusqu'à présent, mes incursions sur ce continent ont été le plus souvent indirectes (une série étrangère y entraînait ses personnages, telle Kidnap and Ransom). J'ai cependant eu deux principales expériences, belles et dépaysantes, sur ce continent. D'une part, la superbe The No. 1 Ladies' Detective Agency grâce à laquelle la BBC et HBO nous glissaient aux côtés d'une détective au Botswana. Et d'autre part, celle qui était ma seule série sud-africaine, la déroutante Charlie Jade, une co-production avec le Canada, qui exploitait très habilement sa thématique de mondes parallèles.

C'est avec ces seules bases que je me suis lancée dans Room 9. Cette série a été diffusée sur une chaîne de la télévision publique, SABC1, du 12 novembre 2012 au 30 janvier 2013 (Pour un aperçu de la télévision sud-africaine, je vous invite à lire cet article très instructif : Saga afrikaans : la télévision sud-africaine pour les nuls). Si je peux vous en parler aujourd'hui, c'est qu'une chaîne du câble britannique, The Africa Channel, a entamé sa diffusion depuis le 8 juillet 2013. Room 9 est d'autant plus intéressante qu'elle tranche dans un paysage audiovisuel sud-africain dominé par les soaps : c'est en effet une série qui relève de la science-fiction et du fantastique. Comme l'expliquent ses créateurs, le précédent Charlie Jade a joué, en plus de toutes les influences de séries étrangères du genre. Room 9 est donc une initiative intéressante... même si son pilote ne manque pas de problèmes.

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Room 9 se déroule dans un monde alternatif ou dans un futur proche, au sein d'une mégalopole nommée New Azania, laquelle évoque au téléspectateur de grandes villes comme Johannesburg ou Nairobi. L'Afrique du Sud est désormais divisée en plusieurs grands "secteurs". Dans ce contexte, la série met en scène une unité de police spécialisée dans l'occulte. Surnommés ironiquement par leurs collègues les "Zombie Cops", ses membres sont sollicités dès que les forces de l'ordre se retrouvent face à un crime touchant au sacrilège, à l'inexplicable... en résumé, impliquant peut-être le surnaturel. En fait, ce sont toutes les affaires que nul service ne veut, celles qui semblent impossible à résoudre, qui leur échouent.

Au cours du pilote, une nouvelle détective, Alice Kunene, est affectée à l'unité. Pour son premier poste, elle est pleine d'ambitions, ne se doutant pas un seul instant de la réalité du service dans lequel elle débarque. Elle doit immédiatement s'adapter aux méthodes de son collègue, un vétéran du nom de Gabriel Harkness. Alors que ce dernier a tendance à voir le surnaturel à l'oeuvre derrière bien des cas, la jeune femme lui oppose vite un scepticisme rationnel et rigide. Parmi les autres membres de l'unité, Alice doit aussi apprendre à travailler avec Ruby Prins, une jeune medium aveugle employée comme documentaliste, et Solomon Onyegu, un Nigérian adepte du Voodoo, expert dans le domaine du paranormal.

Dès son premier jour en tant que détective, Alice se retrouve introduite malgré elle dans une lutte létale face aux créatures de ses pires cauchemars.

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Du point de vue du téléspectateur européen, l'originalité de Room 9 tient évidemment à son cadre. De la même façon que s'installer devant une anthologie comme Hometown Legends était une porte d'entrée intéressante pour plonger dans le folklore surnaturel sud-coréen, visionner Room 9 permet à l'amateur de fantastique de découvrir des créatures propres aux légendes sud-africaines. Ainsi, face au meurtre horrible qui constitue l'enquête du pilote, c'est l'occasion d'apprendre ce qu'est un tokoloshe, une créature crainte de la mythologie Zoulou. Pour la suite, la série promet des figures plus familières peuplant toutes les histoires horrifiques : dans la présentation faite par Harkness, c'est toute la palette du surnaturel qui est mobilisée pour l'occasion, allant des poltergeist aux cultes sataniques, en passant par des vampires... Sur le papier, cette réappropriation sud-africaine pouvait donc aiguiser la curiosité. Le résultat laisse une impression plus mitigée : l'exploitation de la spécificité du background ne semble pas une priorité. De même, les particularités et tensions propres à la société sud-africaine (le fait d'associer à Harkness, Alice, qui est une personne de couleur, est pourtant d'importance) sont tout juste mentionnées. Le pilote se contente du minimum, posant vaguement quelques jalons mais sans réussir l'immersion attendue.

En fait, Room 9 est une transposition, sans valeur ajoutée, de tous les plus classiques ressorts narratifs - d'aucuns qualifieraient de "clichés" - que l'on croise dans trop de fictions mettant en scène des enquêteurs du surnaturel. La série cède à de nombreux stéréotypes, à commencer par la composition de son duo principal, avec le croyant et la sceptique, lesquels sont destinés à s'opposer pour découvrir à terme qu'ils forment une paire complémentaire. Plus problématique, l'écriture manque cruellement de subtilité, ayant tendance à surligner les points clés comme les petits clins d'oeil, sans laisser une seule fois l'initiative à l'imagination et à la réflexion du téléspectateur. Par exemple, nommer un personnage principal "Alice" et vouloir lui faire découvrir un monde inconnu, le symbole est bien vu en théorie. Mais était-il nécessaire de faire énoncer à voix haute par son collègue, dès son introduction, ce clin d'oeil à Lewis Carroll logiquement déduit par le téléspectateur ? La suite du pilote confirme cette tendance à ne laisser aucun non-dit, ni même d'inconnu sur ses personnages. Recourrant à des dialogues (proches du monologue parfois) dont les lignes apparaissent comme une exposition extrêmement artificielle, l'épisode donne clé en main toutes leurs motivations et les raisons pour lesquels ils réagissent de telle manière face au surnaturel. Il s'agit donc d'une première approche démystificatrice et peu habile qui peine à retenir l'attention.

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Sur la forme, Room 9 a d'évidentes limites notamment budgétaires, ce qui peut poser problème lorsque l'on souhaite proposer une incursion dans le fantastique (avec ses effets spéciaux). Seulement le reproche à adresser au réalisateur sera surtout le fait qu'il s'enferme dans une forme très académique, ne faisant preuve d'aucune réelle initiative pour tenter de dépasser ces contraintes et de glisser le téléspectateur dans le genre horrifique. Ce pilote ne se construit pas d'identité visuelle particulière, se limitant seulement à quelques effets d'ambiance. C'est tout l'inverse de ce qu'avait été capable de réaliser Charlie Jade sans requérir la moindre débauche de moyens. Un point positif cependant, la série dispose d'un (long) générique : cf. la première vidéo ci-dessous.

Côté casting, enfin, Room 9 souffre sans doute d'une direction d'acteurs assez en retrait, mais également peut-être de leur inexpérience. Alice Kunene est interprétée par Zethu Dolmo, et son nouveau collègue policier qui l'initie à l'univers de cette unité policière particulière par David Butler (Rhodes, Life is Wild). Anthony Oseyemi (aperçu dans la saison 3 de Strike Back), Angela Ludek et Elné Pretorius complètent la distribution principale. Notez que si Room 9 reste une série assez générique, il est un point sur lequel elle ne fait pas l'impasse, c'est la langue. Elle mélange constamment anglais et d'autres langues locales (que je ne saurais pas identifier). Les passages qui ne sont pas parlés en anglais sont sous-titrés (The Africa Channel est une chaîne anglaise), mais il y a des échanges où les langues se mélangent, et quelques expressions échappent au téléspectateur. Reste que cette immersion linguistique est la bienvenue : à défaut de voir développer le décor, elle est l'occasion de rappeler dans quel pays la série se situe. Un véritable dépaysement linguistique est ainsi permis.

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Bilan : Room 9 a certes pour elle, du point de vue d'un téléspectateur européen, un intérêt culturel, grâce au survol de quelques créatures du folklore mythologique sud-africain, ainsi que grâce à une immersion linguistique aboutissant à un mélange de langues qui reste une garantie de dépaysement. Malheureusement, son pilote souffre de trop de maladresses d'écriture et de limites de mise en scène pour être convaincant. Cependant l'initative d'une telle fiction de fantastique/science-fiction, au sein d'un paysage audiovisuel sud-africain peu porté sur ce genre, reste intéressante à noter en terme de créativité.

En résumé, pour une première incursion sud-africaine dans le fantastique, je vous recommanderai plutôt de vous intéresser à Charlie Jade [La bande-annonce], d'autant plus que cette dernière est disponible en DVD en France. Dotée d'une histoire complexe et ambitieuse, elle bénéficie d'une ambiance vraiment à part qui plaira aux amateurs.

Reste que cet article sur Room 9 m'aura permis d'inaugurer une nouvelle catégorie sur My Télé is Rich! : les séries africaines. Une catégorie qui n'attend que ma curiosité (et des accès à ces fictions) pour s'enrichir de nouveaux billets ! L'été, c'est aussi l'occasion d'expérimenter et de voyager vers de nouvelles terres sériephiles.


NOTE : 4,5/10


Le générique de la série :


La bande-annonce de la série :

12/07/2013

(Mini-série UK) Smiley's People (Les Gens de Smiley) : l'ultime confrontation de deux maîtres-espions


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Aujourd'hui, je vous propose de poursuivre mon cycle "Espionnage" avec un grand classique du petit écran britannique : Smiley's People (Les Gens de Smiley). Il s'agit du dernier acte d'une trilogie de l'écrivain John Le Carré, commencée avec Tinker Tailor Soldier Spy (La Taupe), puis qui s'est poursuivie dans The Honourable Schoolboy (Comme un collégien). Le premier roman a fait l'objet d'une adaptation en mini-série par la BBC en 1979, et les plus anciens lecteurs du blog parmi vous se souviendront sans doute combien ce visionnage m'avait marqué. Le second tome, où Smiley tient un rôle moins central, n'a pas été porté à l'écran, la chaîne faisant le choix de se concentrer directement sur l'ultime face-à-face entre Smiley et son vis-à-vis soviétique, Karla.

Smiley's People est un roman qui a été publié en 1979. Son adaptation par la BBC a été diffusée en 1982. Prenant la suite de Tinker Tailor Soldier Spy, elle compte 6 épisodes. Côté casting, Alec Guinness reprend le rôle de George Smiley. Côté coulisses, John Le Carré, pas pleinement satisfait du résultat auquel a abouti la précédente mini-série, décide de plus s'investir dans la conception, non seulement au niveau de la production, mais aussi de l'écriture, puisqu'il en devient co-scénariste aux côtés de John Hopkins. Dans la lignée de Tinker Tailor Soldier Spy, Smiley's People est une incontournable fiction d'espionnage : son intrigue à tiroirs et ses nuances de gris s'appuient sur une solide galerie de personnages.

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Après l'identification de la taupe qui opérait au sein du Cirque (le MI-6) dans Tinker Tailor Soldier Spy, George Smiley avait un temps repris en main le service, puis il a été à nouveau évincé, retournant à cette retraite qu'il avait quittée pour chercher la source des fuites vers l'URSS au sein des renseignements britanniques. Dans Smiley's People, il est à nouveau rappelé pour une ultime mission : elle va venir conclure une confrontation emblématique de cette Guerre Froide qui a façonné un personnel et des méthodes de travail que d'aucuns renvoient désormais au passé. En effet, un ensemble d'évènements remet Smiley sur la piste de son puissant vis-à-vis soviétique, Karla.

Tout commence en France, où une réfugiée russe est sollicitée par les services de l'ambassade soviétique pour procurer des papiers officiels à une jeune femme présentée comme sa fille. Elle en informe le réseau d'un ex-général soviétique en exil, "Vladimir", qui dirige une organisation depuis Londres. Peu de temps après, ce dernier prend contact avec le MI-6 : il réclame de parler à son ancien officier de liaison, Max, pseudonyme de George Smiley. Une rencontre est organisée dans la précipitation. Mais l'ex-officier dissident ne l'atteindra jamais : il est assassiné en chemin. Smiley est alors rappelé en urgence. Il découvre que ses anciens réseaux ont été laissés à l'abandon par les nouveaux dirigeants du MI-6, lesquels le pressent d'éviter de faire la moindre vague : il convient de refermer l'affaire sans que le Cirque y soit associé.

Mais Smiley n'entend pas abandonner celui qu'il considérait comme un vieil ami. Qu'avait découvert Vladimir de si important ? La piste va conduire Smiley en Europe continentale, d'Allemagne jusqu'en Suisse, sur les pas d'un maître-espion soviétique qu'il affronte depuis plusieurs décennies : Karla. 

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Smiley's People est une oeuvre dense. Elle nous plonge dans les coulisses d'un affrontement de l'ombre, résidu d'une Guerre Froide qui a perdu le sens et le manichéisme de ses débuts. Les certitudes des uns et des autres se sont en effet étiolées au fil du temps et des réalités, et la série capture à merveille l'atmosphère désillusionnée, ambivalente et grise que représente le décor dans lequel baignent les services de renseignements. La progression du récit est lente, mais bénéficie d'une écriture d'une richesse rare, dont le soin du détail ne laisse rien au hasard. Tout en s'appuyant sur une galerie de personnages qui sont autant de produits, à des degrés divers, de cette confrontation Est-Ouest, elle dispose de dialogues subtils, où les non-dits semblent parfois peser plus lourds que les paroles échangées à haute voix. La mini-série glisse le téléspectateur dans un puzzle complexe et éclaté, où chaque protagoniste, chaque nouvel élément d'information, constitue une pièce inconnue dont il convient de prendre la mesure pour la replacer correctement et résoudre l'énigme posée par la mort de Vladimir. En fait, chacun est un pion sur un échiquier où se joue une partie qui ne dévoilera son véritable enjeu que lors du dénouement final, aboutissement de l'enquête méthodique et implacable conduite par Smiley.

Smiley's People est ainsi une série qui acquiert toute sa dimension lorsqu'on l'apprécie une fois sa conclusion berlinoise passée : elle est l'occasion d'assister à un ultime face-à-face entre deux maîtres-espions qui sont les symboles d'une époque révolue. Un des grands mérites de cette confrontation finale est qu'elle permet d'esquisser un portrait nuancé et fascinant, chargé d'autant d'ombres que de lumières, de George Smiley. A la fois tenace et usé, l'espion britannique se dédie entièrement à cette investigation qu'il pressent être son dernier coup d'éclat. Armé d'une détermination froide où perce dans le même temps un certain détachement flegmatique, Smiley se réapproprie sans hésitation les armes de son adversaire, usant de tous les moyens de pression dont il dispose... A tel point que la réussite de ses plans ne sera pas l'apogée attendu : la victoire remportée sur Karla semble ne pas avoir de saveur pour Smiley qui y assiste en spectateur. Fatigué, compromis, il paraît avoir laissé filer ses dernières illusions, jusque dans sa vie maritale : le briquet autrefois subtilisé par Karla et qu'il néglige à la fin symbolise son propre abandon de cette épouse volage dont il était tant épris. Smiley's People se conclut de façon plus amère que triomphante, refermant une intrigue parfaitement orchestrée, qui sied très bien à la tonalité ambiante de la mini-série.

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Outre la solidité de son scénario, Smiley's People repose également sur une galerie d'acteurs extrêmement convaincants, au sein de laquelle une partie reprend les mêmes rôles tenus dans Tinker Tailor Soldier Spy trois ans auparavant. Au centre du récit - même si la première demi-heure de la mini-série se déroule sans lui -, on retrouve à nouveau un Alec Guinness parfait. Son interprétation de Smiley est extrêment juste et riche en nuances. Il renvoie une image à la fois froide et posée. A sa persévérance intacte, vient s'ajouter un détachement fatigué, marque de la vieillesse, mais aussi de sa conscience de jouer ce qui est probablement son dernier round dans un milieu de l'espionnage qui a déjà considérablement évolué. En résumé, il se réapproprie pleinement ce personnage littéraire.

En outre, parmi les acteurs de la mini-série précédente, on retrouve également Siân Phillips (I, Claudius), Beryl Reid (The Secret Diary of Adrian Mole Aged 13 3/4), Bernard Hepton (Secret Army, Colditz, Bleak House (1985), The Charmer) ou encore Anthony Bate (Game, Set, and Match). Quant à Patrick Stewart (Star Trek : The Next Generation), il reprend le rôle de Karla, omni-présent en arrière-plan sans avoir à prononcer une seule ligne de dialogue et que l'on apercevra uniquement pour le final berlinois. Parmi les autres figures, on croise également Eileen Atkins (Psychoville, Doc Martin), Curd Jürgens, Maureen Lipman (A Little Princess), Barry Foster (Fall of Eagles), Bill Paterson (Wives and Daughters, Criminal Justice, Little Dorrit, Law & Order UK), Michael Lonsdale, Mario Adorf (Der große Bellheim, La Piovra 4) ou encore Michael Elphick (Harry, Boon).

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Bilan : Dans la lignée de Tinker Tailor Soldier Spy, Smiley's People est une solide fiction d'espionnage, à l'intrigue complexe, dense et bien menée. S'appuyant sur un casting impeccable, elle nous glisse dans une partie de jeux d'espions où tous les coups sont permis, pour un enjeu qui ne se dévoilera que sur la fin lorsque le puzzle reconstitué permettra de prendre la mesure de tout ce qui s'est joué au cours des six épisodes. C'était mon deuxième visionnage de la mini-série en ce début de mois de juillet, et j'en ai peut-être encore plus apprécié les subtilités de l'ultime confrontation qui y est dépeinte, ainsi que celles du portrait qui est proposé de George Smiley. Une fiction incontestablement à ranger parmi les incontournables du genre !


NOTE : 8,5/10


Une bande-annonce de la mini-série :

Les génériques d'ouverture et de fin :

07/07/2013

[Blog] Perspectives de visionnage estival & Petite pause (Ter)


C'est l'été ! Cette période entre saisons où le planning du sériephile se fait plus clairsemé et où le soleil nous éloigne quelque peu des écrans noirs. Pas de pause estivale au sens strict, le blog conservera son rythme, mais j'ai prévu un peu plus d'évasions loin du net cette année. Au programme, il y aura normalement deux petites pauses d'une semaine chacune. Et la première a donc lieu la semaine prochaine :
pour une (ou plusieurs) nouvelle(s) critique(s), rendez-vous le week-end du 13/14 juillet.

En attendant, comme c'est le début du mois de juillet, je vous propose de profiter du billet du jour pour faire un point sur nos visionnages respectifs et échanger un peu sur nos projets sériephiles estivaux. De mon côté, je ne vous le cache pas : la déception prédomine parmi les nouveautés actuelles (au point de ne pas avoir envie de perdre mon temps à rédiger des articles complets dessus). En revanche, ce qui est plus chouette, c'est que j'ai déjà bien entamé plusieurs rattrapages assez enthousiasmants !

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Commençons par les séries actuelles, avec un certain nombre de déceptions parmi les prétendantes aux programmations estivales. Outre le raté The White Queen auquel j'ai déjà consacré un billet, si on se tourne vers les Etats-Unis... Le pilote de Under the Dome, une adaptation d'un roman de Stephen King, a empilé clichés et mystères en agitant de grosses ficelles narratives, exaspérant plus qu'il ne suscite la curiosité. Graceland, la petite dernière de USA Network, oscille entre les genres reproduisant des recettes trop éprouvées, mêlant le cadre détendu californien et un décor policier plus dramatique, sans que le cocktail ne soit très convaincant. Quant à Siberia, je pense avoir déjà du mal à adhérer au concept même de la fiction, et son premier épisode m'a pareillement laissé indifférente. Je n'ai pas encore testé Ray Donovan, sur Showtime, mais j'avoue que les bandes-annonces et les échos que j'ai pu parcourir ne m'ont guère donné envie pour le moment. Il ne me reste en cours que Longmire que j'ai finalement repris : elle garde pour elle son atout de dépaysement et une ambiance à part. Enfin, côté australien, le pilote de The Time of Our Lives m'a semblé poussif, même si je conserve un faible pour les fictions centrées sur les dynamiques familiales : je pense regarder le deuxième avant de fixer mon opinion.

Face à cette relative morosité, vous allez sans doute tenter de me rassurer en me disant qu'il y a encore la très attendue The Bridge qui débarque mercredi prochain sur FX. Mais cette série a contre elle ma réticence instinctive et assez difficile à surmonter face aux remakes de fictions que j'ai appréciées, a fortiori lorsque la série originale est encore en cours de production (la saison 2 de Broen/Bron est annoncée pour l'automne 2013 en Scandinavie). Si bien que je ne sais pas encore si je la regarderais, ni si je dépasserais le pilote dans l'hypothèse où la curiosité prendrait le dessus (cf. mes nombreux précédents de Shameless à House of Cards).


La bande-annonce de The Bridge (FX, à partir du 10 juillet)


Morne saison oblige, je me rabats comme souvent sur des projets de rattrapage. Ma grande résolution de l'été va être la découverte de la britannique Foyle's War, huit saisons soit 25 épisodes en tout, depuis 2002. N'y allons pas par quatre chemin : j'ai beaucoup aimé les premiers épisodes ! Les intrigues policières sont solides, les personnages donnent envie de s'impliquer et le contexte de la Seconde Guerre Mondiale apporte une originalité très bien exploitée et une dimension historique à laquelle je suis sensible. Dans le même temps, j'ai poursuivi un de mes grands projets au long cours, mon cycle "Espionnage". Je viens de finir Smiley's People, la suite de Tinker, Tailor, Soldier, Spy (La Taupe), toujours avec Alec Guinness dans le rôle de Smiley. Elle conclut de belle manière le face-à-face avec le maître-espion soviétique Karla. Sur un thème similaire, j'ai aussi quasiment terminé Reilly : Ace of Spies, avec Sam Neill : une mini-série de 1983 qui romance la vie d'une figure de l'espionnage du premier quart du XXe siècle, lequel a notamment pu inspirer Ian Fleming dans son portrait de James Bond (A ce sujet, avez-vous vu que la mini-série consacrée à l'auteur prévue sur Sky Atlantic, Fleming, se rapproche ? Un premier teaser a été dévoilé par là). Reilly : Ace of Spies nous entraîne dans la Russie pré et post-révolution bolchevique, et se révèle plaisante à suivre.


Une bande-annonce de Reilly : Ace of Spies


Par ailleurs, toujours dans mes cycles de rattrapage, celui de l'ORTF cette fois-ci, j'ai bien avancé dans la première saison de Aux frontières du possible, une série française du début des années 70 où l'on suit deux agents enquêtant sur des intrigues aux confins de la science. Un duo qui figure en bonne place parmi les ancêtres de X-Files quelques décennies plus tard.

Enfin, sur le continent asiatique, pas mal de nouveautés ces derniers jours en Corée du Sud, tandis qu'au Japon, la saison estivale a commencé. Pour l'instant, côté k-dramas, celui qui aiguise le plus ma curiosité est Empire of Gold. Sinon, parmi les j-dramas que je compte tester, j'ai notamment coché Woman, derrière lequel on retrouve l'équipe à qui l'on doit le marquant Mother. Le titre du drama suivant les mêmes bases, j'ai vraiment envie d'y croire ! Une team a déjà commencé le sous-titrage anglais, donc je découvrirai cette série très prochainement.



En résumé, point de disette sériephile, même si les dernières nouveautés ne m'ont pas enthousiasmé. De votre côté, qu'avez-vous testé récemment ? Quelles sont vos séries du moment, vos attentes pour l'été et les quelques résolutions de découvertes que vous avez pu prendre pour cette parenthèse de quelques semaines ?

03/07/2013

(K-Drama) The End of the World : un magistral thriller pandémique

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Du point de vue du téléspectateur occidental, le fonctionnement du petit écran sud-coréen semblerait avoir au moins un avantage, celui de proposer des séries complètes, sans risquer de voir une fiction s'échouer tristement sur l'écueil de son non-renouvellement nous abandonnant devant un cliffhanger frustrant. Cependant la logique économique et le règne des audiences y sont tout aussi tranchants. Passons les cas des allongements impromptus où l'on va ajouter quelques épisodes à un drama en cours de diffusion, en raison de son succès, voire parce que la production de celui censé lui succéder a pris du retard. Il arrive aussi que les chiffres soient trop bas pour laisser à la série le nombre d'épisodes initialement commandés. C'est ce qui est arrivé ce printemps à The End of the World. Sauf que ce drama mériterait d'être connu pour bien d'autres raisons que la relative indifférence du public sud-coréen.

The End of the World a été diffusé sur la chaîne jTBC, du 16 mars au 5 mai 2013. Il devait initialement compter 20 épisodes, nombre qui a été ramené à 12 du fait de la faiblesse de ses audiences. S'inscrivant dans le genre classique du thriller pandémique, comme une autre série de ce printemps, The Virus, il s'agit d'une adaptation d'un roman de Bae Young Ik (au titre anglophone "Infectious Disease"). On retrouve à la réalisation, Ahn Pan Seok, qui a fait les beaux jours de jTBC l'an dernier avec la superbe A Wife's Credentials, tandis que le scénario a été confié à Park Hye Ryeon. Malgré son brutal raccourcissement, The End of the World reste une série vraiment intéressante : déjouant consciencieusement les mille et un clichés qui parsèment le petit écran sud-coréen, elle délivre une histoire solide et intense, sobre et cohérente, qui est à saluer.

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The End of the World débute sur des bases très proches de l'autre drama printanier du genre, The Virus. Un virus inconnu fait plusieurs victimes, alertant le centre de lutte épidémiologique du pays. Ne figurant sur aucune des bases de données internationales et ne répondant à aucun des traitements existants, cette maladie atteint un taux de mortalité de 100% : aucun des patients n'en réchappe une fois que les symptômes se sont manifestés. Pire, si elle n'affecte que les êtres humains, elle est extrêmement contagieuse. Le risque de pandémie est d'autant plus important que la source de cette épidémie semble être un homme porteur du virus, mais dont le système immunitaire est parvenu à lui résister. Or, toujours contagieux et bouleversé par ce qui lui arrive, il fuit les autorités, refusant l'isolement qui lui est promis.

The End of the World, c'est donc l'histoire de plusieurs courses contre-la-montre. Les enjeux mis en scène sont d'envergure : il s'agit d'éviter que ne se propage une terrible pandémie. Non seulement il importe d'organiser l'isolement de tous les malades et d'établir des zones de quarantaine, mais c'est aussi sur le plan de la recherche d'un traitement que la course est engagée. Pour nous faire vivre ces storylines qui s'entrecroisent, le drama met en scène différents protagonistes, des membres d'une équipe d'intervention sur le terrain jusqu'aux dirigeants du centre de lutte épidémiologique, en passant par les scientifiques qui tentent de mettre au point un médicament. Les évènements mettront à rude épreuve l'éthique professionnelle, les loyautés et les principes de chacun.

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Sur le papier, The End of the World a tout du traditionnel et familier thriller pandémique, avec la double tension sous-jacente reposant d'une part sur la propagation du virus, et d'autre part sur la mise au point d'un traitement médical. Ce qui permet au drama de se démarquer, ce n'est pas une originalité, mais le style choisi pour aborder un tel sujet. On y retrouve un souci de réalisme pointilleux et rigoureux : nulle surenchère, nulle hystérie, le scénario déjoue méticuleusement toute tentation d'artifice (le contraste avec The Virus est saisissant). L'objectif est de dérouler une histoire solide et cohérente. Le rythme est volontairement lent, faisant preuve d'un sens du détail très appréciable. La tension se construit peu à peu, permettant d'entrapercevoir une gestion de crise qui se veut authentique : cette dernière ne passe pas seulement par des interventions sur le terrain, c'est aussi tout un appareil administratif qu'il faut mobiliser. Ce sont donc des conciliabules, des compromis de hiérarchie, mais aussi de personnes... Il faut du temps pour que ces officiels prennent pleinement la mesure de ce qui est en train d'échapper à leur contrôle, et la série décrit avec rigueur tout le processus suivi.

Car la situation est bel et bien très grave : le titre du drama ("la fin du monde") n'est pas usurpé. Seulement, avant d'arriver à ce pic annoncé de la crise pandémique, The End of the World fait preuve d'une belle maîtrise d'ensemble pour poser un à un ses jalons narratifs. C'est sur ce plan que la réduction de 20 à 12 épisodes laisse bien des regrets. En entrant dans le dernier quart (au moment où le raccourcissement a été connu), le rythme se fait soudain plus rapide, avec un temps d'exposition et de mise en contexte réduit au minimum. Cependant, l'équipe créative parvient à préserver la cohérence de l'histoire. Elle est aussi capable de rester fidèle à l'arc prévu, en extrayant les éléments les plus importants. Le drama atteint dans ses derniers épisodes une intensité durablement marquante. Non seulement la pandémie entre dans un seuil critique, mais surtout la mutation du virus rend les malades doublement dangereux : la maladie agit sur leur personnalité, et la contamination de ceux qui sont censés les soigner devient un de leurs buts. Les raisonnements se font alors de plus en plus glaçants, les plans envisagés de plus en plus désespérés... Les déchirements et les deuils s'enchaînent, au cours d'une apothéose dramatique au souffle extrêmement puissant.

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Série donc rigoureuse, donnant la priorité à un traitement réaliste de ses storylines, The End of the World paraît au premier abord assez froide. Pourtant, ce n'est pas un drama déshumanisé par ses enjeux. C'est même l'inverse, car, au fil du récit, il devient en plus en plus évident que par-delà le cadre de la lutte pandémique, le coeur de son sujet est en fait l'humanité. Une humanité qui n'est certainement pas placée sous son meilleur jour : elle est justement dépeinte humaine, donc faillible. Elle se fait souvent égoïste, établissant ses priorités en fonction des intérêts et attachements personnels de chacun. L'humanité, c'est cet individu infecté et contagieux qui refuse de se rendre, incapable de digérer le sort injuste qui s'acharne sur lui et d'admettre que ses efforts pour payer ses études ont été vains, tout comme les sacrifices faits sur ce bâteau de malheur. Ce sont aussi ces dirigeants du centre de lutte épidémiologique qui naviguent dans les eaux troubles des jeux politiques et carriéristes, cherchant des compromis pour préserver l'intérêt collectif sans nuire à leurs intérêts propres. De même, ce sont encore ces scienfiques qui cèdent aux querelles des égos et aux machinations alors que la survie de la société est en jeu...

Plus généralement, ce sont tous ces êtres humains frappés personnellement par la maladie, ou bien marqués par celle d'un être cher, et qui se retrouvent capables d'actes que leur raison aurait combattu en toutes autres circonstances. Cela peut les conduire aux pires extrêmités : être prêt à sacrifier les autres pour se donner une chance, ou tout simplement pour se venger de n'avoir déjà plus cette chance. Mais derrière ce tableau sombre, The End of the World éclaire aussi ce que cette humanité a de précieux : la faculté de se dépasser en temps de crise, à l'image du plongeon dans le fleuve de Kang Joo Hun pour sauver celui qui peut être la clé vers un éventuel traitement, et par ricochet pour peut-être sauver la jeune femme dont il s'est pris d'affection. Le développement de la relation entre Joo Hun et Na Hyun est d'ailleurs traité avec beaucoup de justesse, sans jamais compromettre la progression de l'intrigue, tout en offrant une accroche émotionnelle au téléspectateur. Le choix de l'authenticité au niveau du développement de la pandémie se retrouve ainsi dans les portraits dressés, ne négligeant rien des pires ressorts de la nature humaine, mais montrant aussi comment l'assemblage de ces individus, portés par des motivations très différentes, peut permettre de continuer à aller de l'avant et, à terme, préserver l'essentiel malgré tout.

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En plus d'un scénario solide et abouti, c'est aussi grâce au soin porté à la forme que The End of the World se démarque : le drama a une identité visuelle très travaillée. La réalisation est superbe, avec une caméra capable de jouer dans le registre de l'intime, comme dans celui des scènes de crise. Du fait du rythme de narration relativement lent, ce sont les images qui prennent le relais pour immerger le téléspectateur dans l'histoire. Le drama se signale également par sa très bonne gestion de son ambiance musicale. Sur ce point, j'ai tendance à penser que l'on reconnaît un bon k-drama dans ce registre à sa capacité à conserver des plages de silence, à l'inverse de ces (trop nombreuses) fictions où la musique est constamment envahissante. Or The End of the World sait utiliser le silence, alternant également des instrumentaux plus rythmés et des morceaux de musique classique. Signe de cette maîtrise, un des moments presque magiques est celui où Kang Joo Hun entraîne une Lee Na Hyun malade au bord du fleuve et se met à entonner une chanson : c'est juste, touchant comme il faut. Un éphémère instant de grâce, tout simplement.

Enfin, The End of the World a le mérite de pouvoir s'appuyer sur un solide casting qui a parfaitement pris la mesure de la tonalité particulière de la série : le maître-mot du jeu d'acteur est donc la sobriété, misant sur cette proximité naturelle qui s'établit avec des figures qui régissent si normalement jusque dans leurs défauts à la situation extraordinaire à laquelle elles sont confrontées. Le duo de l'équipe d'intervention qui se rapproche au fil du drama, composé de Yoon Je Moon (Tree with Deep Roots) - qui interprète le responsable de l'équipe - et de Jang Kyung Ah (Rock Rock Rock) - une nouvelle arrivante -, est parfaitement représentatif de cette approche. La complicité qui s'établit, et le glissement vers la prise de conscience de sentiments, sont superbement retranscrits, avec une fraîcheur qui va droit au coeur du téléspectateur. Et à leur côté, nul ne dépareille. On croise notamment Jang Hyun Sung (Jejoongwon, A Wife's Credentials), Kim Chang Wan (White Tower), Park Hyuk Kwon (Tree with Deep Roots, A Wife's Credentials) - qui a peut-être le rôle le moins dosé -, Yoon Bok In, Gil Hae Yun, Lee Hwa Ryong, Song Sam Dong, Kim Yong Min ou encore Park In Young.

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Bilan : Parti sur les bases classiques du thriller pandémique, The End of the World est un drama d'ambiance qui fait preuve d'une rigueur et d'une authenticité remarquables tout au long de ses 12 épisodes. Privilégiant cohérence et sobriété à toute dérive artificielle, la série propose un récit soigné et appliqué, jamais précipité, où la tension monte progressivement, à mesure que la situation empire. Au fil de cette gestion de crise ainsi dépeinte, il apparaît vite que l'objet central du drama, ce sont avant tout les hommes. Dans le portrait nuancé mais sans complaisance qu'il dresse, il éclaire leur faillibilité, leur égoïsme, mais aussi cette persévérance et cette force qui leur permettent, malgré tout, de réaliser des miracles.

Par ses thèmes et la manière dont ils sont traités, The End of the World reste indéniablement une rareté dans le petit écran sud-coréen. Comme A Wife's Credentials dans un autre registre, elle est une de ces pépites dont on aimerait qu'elles ouvrent une voie dans laquelle poursuivre pour la création télévisuelle du pays du Matin Calme. En attendant, voici 12 épisodes qui méritent assurément l'investissement.


NOTE : 8,25/10


Une bande-annonce de la série :