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29/01/2012

(FR) Un village français, saisons 1 à 3 : chronique du quotidien ordinaire sous l'Occupation

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Après avoir tant voyagé à travers le globe, j'ai reposé mes valises en France en ce mois de janvier. Mercredi soir, je me suis installée devant Les Hommes de l'Ombre sur France 2. Une fiction pas inintéressante, mais dont l'inégalité chronique est symptomatique de bien des maux qui pèsent sur la télévision française. Pour un passage réussi, combien de flottements téléphonés ?

Je le reconnais, les séries françaises et moi, c'est une longue histoire de désamour. Il fut un temps où j'en testais, parfois avec réussite : j'ai encore le souvenir de Police District qui avait su considérablement me marquer. Mais trop d'insatisfactions ont fini par me lasser. Je suis donc partie en voyage. Ca m'a permis de découvrir qu'il existait des horizons sériephiles inexplorés au-delà des Etats-Unis ; que l'on pouvait trouver des perles dans les petits écrans de pays dont j'ignorais tout. Ce n'est pas une simple quête pour se dépayser. Ca a été (et c'est toujours) une voie d'apprentissage sériephile pour mieux comprendre ce que le petit écran a à offrir.

Avec le recul, je me rends compte que je fonctionne beaucoup par cycles. Tout en diversifiant les nationalités de mes programmes, il y a toujours eu des périodes consacrées à l'exploration plus avancée de tel ou tel pays. En France, hormis quelques exceptions, il faut avouer que j'ai très peu regardé la télévision ces 5 dernières années. Cependant quand, dans le même temps, je vois le dynamisme global que connaissent les productions à travers le monde, j'ai envie de revenir donner une chance à celles à venir ou que j'ai pu rater. J'ai donc pris des résolutions pour 2012 : jeter un oeil aux séries de Canal + (j'ai donc investi dans les DVD de Reporters et d'Engrenages). Et puis, prendre le temps de rattraper une série qui m'intriguait depuis ses débuts : Un Village français sur France 3. 

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Un Village français a été créée par Frédéric Krivine, Philippe Triboit et Emmanuel Daucé. Elle a débuté sur France 3 le 4 juin 2009. Si elle compte déjà trois saisons, une quatrième sera diffusée ce printemps 2012. Il faut préciser que j'ai visionné les deux premières saisons, de six épisodes chacune, l'année dernière. Puis, en ce mois de janvier, je me suis lancée dans la troisième, me surprenant à la regarder à un rythme beaucoup plus soutenu tant le récit était devenu vraiment prenant. On peut donc dire que cette série constitue ma première expérience concluante de ce cycle "séries françaises".

Un Village français entreprend de nous plonger dans la Seconde Guerre Mondiale, et plus précisément durant l'occupation allemande, en s'intéressant au quotidien d'une petite ville de province, sous-préfecture fictive du Jura, Villeneuve, qui se situe non loin de la ligne de démarcation. La série débute en juin 1940 et devrait donc nous raconter les cinq années qui vont suivre jusqu'à la libération et la fin de la guerre. C'est aux côtés de la population civile que nous allons vivre ces années difficiles. Que ses personnages soient entrepreneur, agriculteur, maire, policier ou institutrice, c'est à la survie de citoyens ordinaires dans des circonstances extraordinaires qu'est consacrée la série. Elle va nous relater leurs doutes, leurs choix, les prises de positions, mais aussi les sacrifices que les circonstances précipiteront.

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En premier lieu, il est impossible de rédiger une critique d'Un Village français sans souligner l'affirmation progressive que la série connaît. En effet, elle bénéficie d'une amélioration constante à chacune de ses saisons, comme si les scénaristes gagnaient en assurance et maîtrisaient de mieux en mieux leur thème, leurs objectifs, mais aussi le format télévisuel choisi. Initialement, pour s'imposer comme une chronique humaine et chorale s'intéressant au quotidien d'une galerie de personnages, la fiction fait le choix de s'intéresser à des journées-clés, souvent espacées, dont les évènements sont représentatifs de tout ce qui est en train de se passer dans le pays. Hormis quelques accélérations dramatiques opportunes, comme pour le 11 novembre 1940, chaque épisode apparaît comme une forme d'instantané semi-indépendant. Or, au cours de la saison 3, la perspective change : le feuilletonnant devient dominant, et les scénaristes prennent alors la pleine mesure du format.

Si elle compte 12 épisodes, et non plus 6 comme les deux premières, la saison 3 est plus ramassée, se déroulant sur une période plus brève. Le récit est dense, porté par une tension dramatique croissante, et rythmé par d'efficaces cliffhangers. Un Village français devient alors véritablement captivant : désormais le téléspectateur est naturellement porté à enchaîner les épisodes, au vu de tout ce qui est laissé en suspens. On assiste clairement à la construction de grands arcs narratifs, la saison formant une sorte de boucle, les derniers épisodes concluant et tirant les conséquences des évènements tout en redistribuant les cartes et en laissant incertain le destin de plusieurs protagonistes pour la saison suivante. Si le nombre d'épisodes conduit à peut-être étirer un peu trop certaines storylines qui perdent alors une part de leur intensité (la préparation de l'attentat par les communistes notamment), dans l'ensemble, ce changement d'approche est maîtrisé et surtout vraiment perceptible pour le téléspectateur.

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Outre cette prise de conscience des possibilités offertes par le format, à laquelle il est vraiment intéressant d'assister, Un Village français mérite également le détour en raison de son sujet et de la manière dont il est traité. C'est ici dans le registre de la reconstitution historique que la série s'impose. En faisant le choix de traiter de cette zone grise que représente l'occupation, sa première réussite va justement être de ne jamais tomber dans une approche manichéenne qui aurait été par trop réductrice. Au contraire, elle dresse un tableau très nuancé de tous ces habitants, ordinaires, qui poursuivent comme ils le peuvent leur vie. Elle montre bien combien les positions de chacun peuvent fluctuer et dépendre des circonstances ou du statut social, mais aussi combien il est difficile d'analyser une situation comme celle de l'occupation dans l'immédiateté, sans avoir le moindre recul, alors que l'on est pris dans toutes ces difficultés - alimentation, couvre-feu, ligne de démarcation - qui entravent désormais le quotidien.

Qu'ils fassent avant tout preuve de pragmatisme, qu'ils suivent de réelles convictions politiques ou nationalistes, ou qu'ils soient simplement entraînés par les circonstances, les personnages sont amenés à faire des choix. Au fil des saisons, une radicalisation s'opère. Il est frappant de constater combien les motifs qui provoquent les glissements vers une résistance ou une collaboration actives sont très différents. Si initialement, chaque protagoniste apparaît comme un stéréotype représentatif d'une situation, à mesure que la série avance, les personnages gagnent en épaisseur. Les motivations et les failles de chacun apparaissent au grand jour. Ils s'affirment, se radicalisent, leur psychologie se développe et se précise. Le téléspectateur en a alors une meilleure compréhension. Cette progression contribue ainsi à les humaniser, transformant la chronique rigoureuse mais un peu distante des débuts, en un récit dans lequel on s'implique de plus en plus émotionnellement.

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Sur la forme, Un Village français est une série soignée. La réalisation est parfaitement maîtrisée, ni trop figée, ni trop nerveuse, mais restant toujours très posée et capable de s'adapter aux différentes scènes. La photographie permet une belle reconstitution historique. De plus, la série dispose d'un générique très bien pensé dont la teinte beige, semblable aux anciennes photos d'époque, donne l'impression d'inviter le téléspectateur à feuilleter les archives de cette petite ville provinciale.

Enfin, le casting se révèle homogène et solide, ce qui est déterminant dans le cadre d'une série chorale comme Un Village français. Si on peut ressentir plus ou moins d'affinités pour certains personnages, et si suivant les saisons, tous ne sont pas mis en valeur pareillement, les acteurs délivrent des interprétations globalement sans fautes. Parmi eux, on retrouve notamment Robin Renucci, Audrey Fleurot, Nicolas Gob, Thierry Godard, Nade Dieu, Emmanuelle Bach, Patrick Descamps, Fabrizio Rongione, Marie Kremer, Maxim Driesen, Max Renaudin, Lucie Bonzon, Nathalie Cerda, Constance Dollé, Samuel Theis ou encore Richard Sammel.

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Bilan : Reconstitution historique soignée, abordant avec toute la nuance nécessaire cette période complexe qu'a été l'occupation allemande durant la Seconde Guerre Mondiale, Un Village français est une série qui grandit au fil des saisons. Son écriture s'affirme progressivement. Non seulement, elle va prendre pleinement conscience des possibilités offertes par son format, en embrassant un rythme feuilletonnant particulièrement efficace au cours de la saison 3. Mais elle va aussi peu à peu humaniser ses personnages, retranscrivant les conflits qui les agitent et permettant de mieux comprendre les choix qu'ils font ou feront. Une série donc intéressante à découvrir à plus d'un titre !


NOTE : 7,25/10


Une bande-annonce (saison 2) :

Le générique :

27/01/2012

(Pilote UK) Call the Midwife : aux côtés de sages-femmes dans les années 50

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Vous connaissez mon penchant pour les period drama, quelque soit l'époque qu'ils mettent en scène. Et si en plus ils peuvent nous offrir d'intéressants portraits de femmes, c'est encore mieux. En ce mois de janvier, les chaînes m'ont entendu puisque plusieurs séries s'intéressent au milieu du XXe siècle d'une perspective féminine. Il y a d'abord la canadienne Bomb Girls, mini-série se déroulant durant la Seconde Guerre Mondiale diffusée depuis le début du mois, et sur laquelle je reviendrais peut-être. Et puis, dans un tout autre genre, BBC1 nous propose, elle, une immersion dans les années 50.

Call the Midwife a débuté le 15 janvier dernier. Écrite par Heidi Thomas, elle s'inspire des mémoires de Jennifer Worth. Ayant remporté un joli succès d'audience le dimanche soir, puisque son premier épisode a rassemblé plus de 9 millions de téléspectateurs et qu'ils étaient encore plus de 8 millions devant le second, une deuxième saison a d'ores et déjà été commandée par la BBC. En attendant, la première saison comportera en tout six épisodes. Et après avoir visionné les deux premiers épisodes (sur les conseils avisés de Skyefleur), je suis certaine que je serai au rendez-vous pour la suite !

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Call the Midwife se déroule dans les années 50, dans un quartier populaire de l'Est londonien. Elle s'intéresse au quotidien des sages-femmes de Nonnatus House, un établissement où des infirmières laïques interviennent aux côtés de religieuses. La série débute par l'arrivée d'une nouvelle sage-femme, tout juste qualifiée, Jenny Lee, qui est également la narratrice de l'histoire. Issue d'un milieu social qui ne l'a pas préparée aux conditions de vie des classes les plus défavorisées de son pays, la jeune femme a du mal à s'adapter aux situations qu'elle doit gérer, les notions d'hygiène notamment apparaissant complètement étrangères à certaines de ses patientes.

A travers le travail des sages-femmes, la série prend le pouls d'un quartier où, sans moyens contraceptifs pour contrôler les naissances, les familles sont souvent très nombreuses (même si la première patiente de Jenny, qui attend son vingt-cinquième enfant, restera un cas exceptionnel). Parallèlement, Call the Midwife va aussi éclairer l'apprentissage de ces jeunes sages-femmes qui ont choisi de venir ici exercer ce métier, mais qui connaissent encore si peu la réalité de la vie. Leurs difficultés à se plier aux exigences et à la flexibilité demandées, le caractère très éprouvant d'une tâche qui peut être la plus belle qui soit - contribuer à donner la vie - ou tourner à un drame poignant, mais aussi l'amitié qui se noue entre elles, sont autant de thématiques que la série va entreprendre d'explorer.

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Choisir de s'intéresser au métier de sages-femmes va permettre à Call the Midwife de jouer sur plusieurs tableaux. Tout d'abord, le fait que ses personnages soient au plus proche de la population est l'occasion de proposer une reconstitution historique complète de l'époque et des moeurs de ces quartiers populaires. Elle va ainsi décrire les conditions de vie de ces classes les plus défavorisées. Et si elle renvoie parfois l'impression d'instantanés trop proprets, la série n'occulte pas pour autant des problématiques sociales et de santé qui demeurent des enjeux centraux, comme en témoigne le destin de cette fille-mère que la grossesse arrache un temps à la prostitution dans le deuxième épisode.

Pour autant, Call the Midwife ne tombe jamais dans le misérabilisme. La série trouve en effet le juste équilibre dans sa tonalité, pour apparaître avant tout comme porteuse d'un message d'espoir. Dès la fin du premier épisode, d'ailleurs, une discussion éclaire ce parti pris : les héroïnes, ce ne sont pas ces sages-femmes qui se dévouent pour accompagner ces mères, ce sont ces dernières qui perpétuent le cycle de la vie même avec le peu dont elles disposent. Et c'est d'ailleurs dans cette optique que le métier de sage-femme est parfaitement exploité : si des drames se produisent inévitablement, dans le même temps, le fait de voir ainsi transmettre la vie redonne des forces, amenant naturellement à se tourner vers le futur avec un réel optimisme. On touche ici au charme de Call the Midwife : sa faculté à susciter un véritable kaléidoscope d'émotions.

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L'attrait de Call the Midwife tient en effet à sa profonde humanité. Une humanité qui est explorée grâce à la thématique médicale, mais aussi grâce à la galerie de personnages attachants qu'elle met en scène. Si la série demeure toujours dans un registre à dominante dramatique, elle sait aussi introduire à l'occasion des passages plus légers. Ainsi, une des religieuses, avec ses étranges divagations ou sa chasse continuelle à la moindre pâtisserie, permet des parenthèses bienvenues qui équilibrent l'ambiance du récit. Plus généralement, à défaut de figures originales ou surprenantes, la série opère une distribution des rôles efficaces qui permet au téléspectateur de s'investir à leurs côtés.

La narratrice, Jenny Lee, sert de clé d'entrée dans ce quartier. C'est à travers son regard que l'on découvre ce métier. Il faut rappeler que ces sages-femmes laïques sont avant tout des jeunes femmes qui ont encore beaucoup à apprendre non seulement sur leur travail, mais aussi plus globalement sur la vie. Au-delà de leur sens des responsabilités, transparaît surtout leur inexpérience. Cette relative innocence, que certaines de leurs patientes soulignent, leur confère une sincérité touchante et donne envie au téléspectateur de les accompagner dans cet apprentissage.

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Sur la forme, Call the Midwife est une vraie réussite. C'est un period drama diffusé sur BBC1 et cela se perçoit dans la mise en scène et l'esthétique de la photographie. La reconstitution est soignée. De manière très appuyée, la série entreprend vraiment de jouer sur une fibre nostalgique qu'elle cultive. Le générique, et sa succession de photographies en noir et blanc, donne immédiatement le ton. La bande-son est également sur ce point révélatrice : elle utilise à plusieurs reprises des chansons d'époque ou des chants religieux qui servent de transition ou de conclusion. Cela contribue à cette atmosphère étonnamment chaleureuse, contrastant avec la réalité des conditions de vie dépeintes.

Enfin, Call the Midwife bénéficie d'un casting sympathique. C'est Jessica Raine qui incarne Jenny Lee, la narratrice dont la voix off (âgée) nous relate avec le recul ces années dans l'Est londonien. L'actrice capture bien à la fois l'innocence, mais aussi la détermination, de la jeune femme. A ses côtés, pour incarner ses collègues de travail, on retrouve l'excellente Miranda Hart, dans un registre très différent de la comédie habituelle (Miranda), Helen George et Bryony Hannah (Above Suspicion : Silent Scream). Quant aux religieuses, elles sont jouées par Jenny Agutter (Spooks), Pam Ferris (Little Dorrit), Judy Parfitt (Funland, Little Dorrit) et Laura Main (Murder City).

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Bilan : Period drama à l'esthétique soignée et au sujet très intéressant, Call the Midwife est une série chaleureuse et attachante, parfaitement représentative du savoir-faire des prime-time de la BBC. En nous relatant le quotidien de ces sages-femmes, elle entreprend d'explorer toutes les facettes - médicales et sociales - d'une thématique à fort potentiel. Par les destinées féminines qu'elle nous raconte, qu'il s'agisse des futures mères ou bien des sages-femmes elles-même, la série semble avant tout célèbrer une humanité revigorante, le tout accompagné d'un parfum de douce nostalgie assumée. A conseiller aux amateurs de period drama.


NOTE : 7,5/10


La bande-annonce de la série :

25/01/2012

(K-Drama / Pilote) Fermentation Family : le quotidien dégustatif et humain d'un restaurant

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Retour en Corée du Sud en ce mercredi asiatique pour évoquer mes impressions sur les premiers épisodes d'une série du câble, actuellement en cours de diffusion : Fermentation Family. Plusieurs éléments avaient aiguisé ma curiosité à l'égard de ce drama : le fait qu'il soit écrit par Kim Ji Woo, à qui l'on doit justement Resurrection ou encore The Devil ; la tonalité des affiches promos qui m'intriguait ; et puis aussi, n'étant pas d'humeur à me lancer dans une comédie romantique, Fermentation Family me semblait donc proposer une alternative à tester.

Cette série est diffusée sur la chaîne jTBC depuis le 7 décembre 2011, les mercredi et jeudi soirs, et se clôturera le mois prochain. Du fait de sa présence sur le câble, son exposition reste très limitée (les audiences oscillent actuellement autour de la barre fatidique des 1% de parts de marché), si bien que je n'avais pas eu l'occasion de lire des échos sur le drama avant de me lancer. J'en ressors finalement, après trois épisodes, avec une impression globalement mitigée, même si j'y ai trouvé une chaleur humaine et dégustative qui ne m'a pas laissé indifférente.

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Fermentation Family s'intéresse au quotidien d'un restaurant coréen traditionnel et familial, Chunjin, particulièrement connu pour ses plats au kimchi. L'établissement, qui a toujours privilégié sa taille modeste et une ambiance chaleureuse pour des clients parmi lesquels on croise nombre de fidèles habitués, connaît dernièrement des difficultés financières. Tandis que le propriétaire actuel, Lee Ki Chan, refuse obstinément les offres de rachat d'une société qui se fait de plus en plus pressante, sa fille, Kang San, peu impliquée dans le devenir de cette entreprise de famille, se rêve chef d'un grand restaurant et ne revient que très rarement dans ce lieu chargé de souvenirs. Elle travaille pour un établissement en ville. C'est là-bas qu'elle croise pour la première fois Ko Ho Tae, ce dernier critiquant à voix haute un plat qu'elle a préparé.

Pourtant Ho Tae n'a rien d'un expert culinaire : c'est un homme de main de la mafia locale, même s'il a toujours gardé une certaine indépendance. C'est cet état d'esprit qui l'amène à entrer en conflit avec le nouveau chef de leur groupe, lequel se lance dans une pratique de prêts à taux usuraires que Ho Tae n'approuve pas. Le défiant ouvertement, il finit roué de coups par ses collègues... Les choses auraient pu être plus graves si Kang San n'était pas intervenue. Pressée par sa soeur de venir voir leur père pour son anniversaire, elle ramène finalement Ho Tae dans la vaste demeure familiale. Or ces lieux éveillent des souvenirs enfouis chez le gangster. Orphelin abandonné lorsqu'il avait 4 ans, le restaurant et son cadre lui sont étonnamment familiers. Y-est-il déjà venu auparavant ? Ayant besoin de faire profil bas, Ho Tae décide de travailler au restaurant en espérant éclaircir les zones d'ombre de son passé qui l'y rattachent.

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Disposant d'histoires relativement classiques et simples, Fermentation Family est avant tout une série d'ambiance : elle retient l'attention par la chaleur humaine diffuse qui en émane. Les premières scènes peuvent un instant entretenir le doute sur la tonalité réelle du drama, mais très vite, ce dernier abandonne toute explositivité artificielle pour s'épanouir dans un registre plus intimiste. Il cherche non pas tant à captiver qu'à toucher émotionnellement le téléspectateur. Le rythme de narration y est volontairement lent ; le drama verse même occasionnellement dans un contemplatif assumé par le biais de plans en extérieur ou de scènes consacrées à la préparation de la nourriture. De manière générale, le récit se réapproprie des valeurs traditionnelles en plaçant en son centre une thématique familiale, entendu au sens le plus large du terme. En effet, ce restaurant supposément célèbre apparaît très vite comme un lieu où le lien social se noue entre une poignée d'habitués et les propriétaires, mais aussi comme un asile offert à ces égarés vulnérables qui échouent devant sa porte, enfants comme adultes.

Il y a donc quelque chose de foncièrement attachant dans l'authenticité, fragile et volatile, de Fermentation Family. C'est à la fois ce qui fait la force et l'identité de ce drama, mais aussi sa limite. En effet si on s'imprègne peu à peu de son atmosphère, on ne bascule jamais dans un visionnage addictif où les épisodes s'enchaîneraient tout seul. En limitant les enjeux à un seul fil rouge (la recherche des origines du héros), auxquels se greffent le quotidien du restaurant et quelques tranches de vie, la série prend le risque d'une histoire minimaliste. Fermentation Family semble  tout miser sur l'empathie et le lien qu'elle s'estime capable de nouer avec le téléspectateur, au détriment peut-être d'une intrigue plus ambitieuse. Elle y réussit très bien à l'occasion : certaines scènes sont un régal de justesse, avec des échanges qui sonnent à la fois très justes et très touchants. Cependant l'écriture reste inégale, et les maladresses ne manquent pas. Assez paradoxalement d'ailleurs, ces dernières peuvent parfois devenir des atouts : ce côté un peu artisanal, accentué par le cadre du restaurant loin de la ville, met à nu une humanité précieuse. L'équilibre est donc précaire, mais en son coeur, il y a bel et bien une étincelle qui oscille : l'âme de la série.

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Sur la forme, Fermentation Family est un drama à l'esthétique soignée qui bénéficie d'une photographie à dominante très claire. Au-delà de quelques plans d'inspiration quasi-cinématographique, la caméra parvient à très bien mettre en valeur le décor du restaurant installé dans une vaste demeure coréenne traditionnelle. Elle réussit d'ailleurs toutes les scènes en extérieur. Elle n'a pas son pareil non plus pour vous faire saliver en filmant la nourriture. En revanche, lorsque la série s'essaye à un registre plus orienté action, comme durant la scène d'ouverture, elle perd immédiatement en crédibilité et se révèle assez peu convaincante. En résumé, Fermentation Family ne maîtrise pas tous les genres auxquels elle s'essaie, mais elle s'épanouit efficacement dans le principal, ce qui est sans doute l'essentiel. Du côté de la bande-son, c'est l'utilisation d'instrumentaux assez légers qui m'a le plus charmé. Ils contribuent à l'ambiance intimiste de la série.

Côté casting, Fermentation Family rassemble des acteurs qui me sont a priori sympathiques ; je suis donc prête à leur pardonner une tendance généralisée à un certain sur-jeu parfois pas toujours approprié dans un drama qui distille avec parcimonie des éléments comiques tout en restant globalement dans un registre dramatique. On retrouve tout d'abord, parmi les acteurs principaux, Song Il Gook (Jumong, Lobbyist, Crime Squad) qui navigue à vue entre les genres, gangster/apprenti-cuisinier/orphelin. Si ses scènes les plus réussies sont les passages les plus posés, où il sait rester sobre, il y a aussi une vraie alchimie qui s'installe avec Park Jin Hee (The Woman who still wants to marry, Giant). Leur duo fonctionne d'autant mieux que l'actrice s'approprie bien son rôle de femme forte et offre ainsi un parfait pendant. A leurs côtés, on croise également Kim Young Hoon, Kang Shin Il ou encore Choi Jae Sung.

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Bilan : Dotée d'un rythme lent et d'histoires relativement classiques, Fermentation Family aurait pu n'être qu'une énième exploration de thématiques liées à la famille, épicée par son cadre culinaire. Cependant il se dégage un charme diffus, presque désuet, que les maladresses narratives ne sauraient occulter. Il y a quelque chose de profondément touchant et humain dans ce récit qui ne laisse pas insensible. Sans être incontournable ou marquante, il s'agit d'une de ces fictions attachantes, pas clinquantes pour un sou, qui finit par faire de sa simplicité un peu artisanale un de ses atouts. Il faudra sans doute que le scénario se densifie et gagne en ambition pour que Fermentation Family puisse vraiment prétendre s'inscrire dans la durée, mais voilà une expérience dégustative et contemplative assez plaisante.


NOTE : 6/10


La bande-annonce de la série :


La chanson de l'OST (J-Cera - 이깟 사랑) :

21/01/2012

(Mini-série UK) The Mystery of Edwin Drood : un period drama sombre et troublant

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Il y a deux siècles naissait Charles Dickens. Pour cet anniversaire, il est donc logique de voir fleurir sur le petit écran des adaptations d'oeuvres du célèbre écrivain anglais. Après une revisitation de Great Expectations (Les Grandes Espérances) sur BBC1 durant la dernièrie semaine de décembre, en ce début de mois de janvier, c'était au tour de BBC2 de proposer sa contribution, avec une transposition à l'écran du dernier livre, laissé inachevé par l'auteur, The Mystery of Edwin Drood.

Comportant deux parties d'une heure environ, cette mini-série a été diffusée sur BBC2 les 10 et 11 janvier dernier. Scénarisée jusqu'à sa fin par Gwyneth Hughes, et avec une réalisation de Diarmuid Lawrence, elle rassemblait également un casting qui méritait le détour (Matthew Rhys, Rory Kinnear, Alun Armstrong...). Au croisement du period drama et du thriller, elle s'est révélée au final intéressante à suivre.

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John Jasper dirige les choeurs de la cathédrale de Cloisterham. Derrière une apparence lisse et respectable, se cache un homme bien plus tourmenté qui apaise son mal être dans l'opium. Il est le gardien légal de son jeune neveu, qui arrive à l'âge adulte, Edwin Drood. Si ce dernier voit en lui une figure paternelle en qui il peut avoir toute confiance, Jasper nourrit dans le même temps de très forts sentiments pour Rosa Bud, qui est promise à Edwin.

Cependant les deux fiancés se querellent régulièrement lors des visites d'Edwin, Rosa doutant de la nature de ses sentiments. Mais elle craint encore plus les attentions de Jasper qui lui donne des leçons de chants. L'arrivée en ville, en provenance des colonies, de Neville et Helena Landless, deux jumeaux orphelins au caractère trempé et qui n'hésitent pas à exprimer leurs vues et à bousculer certains conventions sociales, va exacerber les tensions et les passions autour de la belle Rosa.

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The Mystery of Edwin Drood va pleinement tirer parti de la dimension très sombre de son histoire pour se construire une atmosphère intrigante qui retient l'attention. Dans le registre du period drama, elle propose une reconstitution historique qui repose entièrement sur ses personnages. Ces derniers représentent, chacun à leur manière, des valeurs ou des préjugés de cette Angleterre du XIXe siècle, permettant de traiter des thématiques diverses, sociales mais aussi raciales, en proposant toute une palette de points de vue. Si la mini-série se contente de survoler, parfois de manière un peu frustrante car trop superficielle, cet intéressant potentiel, cela lui permet cependant d'humaniser son récit, et d'impliquer le téléspectateur dans la destinée de chacun de ces protagonistes.

De plus, The Mystery of Edwin Drood captive aussi par le parfum inquiétant qui en émane. Efficacement construite en deux parties, la première étant celle de l'exposition, la seconde celle du mystère à résoudre, l'oeuvre emprunte au thriller ses ingrédients les plus traditionnels. Si c'est la disparition d'Edwin qui précipite les évènements, la figure centrale demeurera toujours celle de Jasper. C'est à travers lui que le récit se trouble, empruntant des chemins maladifs et malsains. Entre la mise en scène d'hallucinations suscitées par la drogue et les non-dits d'une obsession amoureuse frustrée, le téléspectateur peine à dissocier le fantasme de la réalité. C'est à l'évidence le but recherché de ce récit qui ne se concentre pas tant sur le suspense d'un éventuel coupable à trouver, que sur la résolution de cette énigme tourmentée incarnée par Jasper. Si la résolution ne tiendra pas toutes les promesses esquissées, elle reste cependant une fin logique et justifiée.

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La tonalité quelque peu oppressante que sait très bien entretenir The Mystery of Edwin Drood se retrouve également dans l'esthétique de la mini-série. Si sa réalisation fait d'elle un period drama soigné mais classique, c'est dans sa photographie, à dominante sombre, et dans l'ambiance globale qui se dégage de ses plans que se situe sa valeur ajoutée. Elle aime ainsi jouer avec l'esprit du téléspectateur lorsqu'elle nous fait glisser - parfois de manière un peu confuse - dans les troubles de Jasper, ou lorsqu'elle nous entraîne dans les coins obscurs des cimetières... Dans l'ensemble, c'est une immersion efficace qui est proposée dans l'Angleterre du XIXe siècle.

Enfin, le dernier atout de choix de The Mystery of Edwin Drood réside incontestablement dans l'excellent casting qu'elle rassemble. Matthew Rhys (je vous avoue qu'avec Brothers & Sisters, j'en avais oublié que l'acteur était gallois) délivre une prestation torturée et ambivalente qui capture bien les tourments intérieurs de Jasper, et son obsession pour Rosa. Tamzin Merchant (The Tudors) et Freddie Fox (The Shadow Line) versent dans une luminosité qui offre un parfait contraste par rapport à l'obscurité de Jasper. A leurs côtés, des valeurs sûres du petit écran britannique, comme Alun Armstrong (Garrow's Law) ou encore Rory Kinnear (Five Days, Black Mirror) assurent de solides seconds rôles ; et Sacha Dhawan (Five Days, The Deep, Outsourced) et Amber Rose Revah (Borgia) complètent cette galerie de personnages au coeur du mystère de la disparition d'Edwin.

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Bilan : Period drama qui marque le téléspectateur par sa dimension très sombre, aussi bien dans les thématiques abordées (drogue, obsession) que dans l'histoire mise en scène, The Mystery of Edwin Drood est une fiction historique typiquement Dickensienne qui emprunte également au thriller. Sa galerie de personnages humanise et contrebalance la noirceur d'un récit qui s'égare parfois un peu dans les tourments de sa figure principale. L'ensemble demeure intéressant et mérite ces deux petites heures d'investissement.


NOTE : 7/10

18/01/2012

(J-Drama) Second Virgin : un drama troublant sur la confrontation des sentiments aux conventions sociales


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Avant de repartir, mercredi prochain, vers le petit écran sud-coréen de ces dernières semaines, je vous propose aujourd'hui un bilan de ma première série japonaise visionnée en 2012. Second Virgin s'était récemment invitée sur ma liste des dramas à voir suite à mon exploration de la filmographie de Hasegawa Hiroki (l'acteur n'ayant pas joué dans tant de séries que ça, l'objectif était pour une fois réalisable). Je ne pensais pas a priori la regarder de si tôt, mais un commentaire de Katzina, ainsi que la critique de Lynda l'an dernier, ont quelque peu précipité mon planning. Ce que je ne regrette absolument pas.

Comportant 10 épisodes de 45 minutes environ chacun, Second Virgin a été diffusé sur NHK, du 12 octobre au 14 décembre 2010. S'il a commencé avec de faibles audiences, le drama a peu à peu conquis un certain public, en dépit ou grâce (suivant les points de vue) aux controverses qu'ont pu susciter certaines scènes plutôt osées pour une série japonaise diffusée en prime-time. Un film a même été commandé et est sorti en septembre 2011 au Japon : il se déroule cinq ans après les faits relatés dans la série.

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Après s'être ouvert sur un flashforward assez dramatique qui laisse le sort d'un des personnages principaux en suspens, Second Virgin repart quelques années en arrière pour nous expliquer l'engrenage des évènements qui ont conduit à cette scène. Nakamura Rui est alors une femme d'affaires à succès qui fait partie de la direction d'une maison d'édition. Si sa vie professionnelle est une réussite, faisant preuve d'un sixième sens pour découvrir de nouveaux talents et publier les futurs best-stellers, sa vie personnelle est en revanche en ruine. Depuis son divorce, il y a des années, elle n'a plus connu de relation amoureuse, se consacrant entièrement à son métier, au point de faire élever son fils, désormais adulte, loin d'elle.

Par ses relations, elle rencontre un jour un jeune homme spécialisé dans la finance, Suzuki Kou. Ce dernier est animé d'une passion et d'une ambition qui retiennent son attention : il rêve de réformer les règles qui encadrent - et entravent à ses yeux - le marché japonais, pour en faire un concurrent direct aux pays voisins comme la Chine. Rui entreprend de lui faire écrire un livre que sa compagnie publiera. Au fil de leurs rencontres, quelque chose naît entre eux. Kou est pourtant marié, et a 17 ans de mois que Rui. Mais les conventions sociales s'effacent derrière la force des sentiments...

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S'intéressant à la nature et aux limites des relations humaines, le thème central de Second Virgin est celui de la confrontation des sentiments aux convenances imposées par la société. De manière récurrente, il éclaire et célèbre l'impuissance de chacun face à l'attachement et à l'amour qui peuvent naître sans crier gare d'une rencontre inattendue. Si la question de l'adultère restera la storyline principale, le drama dispose en plus de toute une galerie de personnages secondaires qui vont illustrer chacun à leur manière cette thématique relationnelle : les rapports du fils de Riu avec sa petite amie qui a quasiment l'âge de sa mère, ou encore le patron de Riu, gay, qui décide finalement de vivre avec celui qu'il aime, participent ainsi à l'exploration de ce sujet.

Pour autant, c'est bien la tonalité particulière conférée par le rapprochement de Riu et de Kou qui va faire l'originalité de ce drama. Une part de l'attrait de Second Virgin tient au frisson de l'interdit et au parfum sulfureux qui l'entourent, auxquels se mêle une constante ambivalence. Il surprend en effet par sa capacité à capturer l'intensité des émotions de chacun avec une retenue caractéristique des séries japonaises. Tout en mettant en scène la rigidité avec laquelle s'articulent des rapports sociaux très codifiés, a fortiori dans la sphère professionnelle, le drama joue habilement sur les contrastes, introduisant par intermittence des failles dans ce tableau trop policé : ce sont les scènes plutôt osées comme la première nuit ensemble de Rui et Kou, ou encore les soudaines confrontations durant lesquelles les masques tombent. Toutes ces brusques explosions de passion troublent justement du fait de leur caractère exceptionnel qui leur donne une amplitude et une portée supplémentaires.

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Si, derrière une apparence presque glacée, les étincelles de Second Virgin sont capables de toucher le téléspectateur, c'est aussi parce que l'autre thème sous-jacent de ce drama est celui de la recherche de soi, avec des personnages qui se découvrent eux-mêmes face à ces situations qu'ils n'avaient jamais envisagées. Ils doutent, tâtonnent, revoient leurs priorités. Cela permet de susciter une réelle empathie, qui n'est, une nouvelle fois, pas dénuée d'ambiguïté. Chaque personnage a ses failles, et il est impossible d'avoir une lecture manichéenne de la situation. Certes il est assez facile d'accompagner Nakamura Rui à la découverte des voies insoupçonnées par lesquelles son coeur s'exprime, mais cela reste un mariage qu'elle va briser. Quant à celui qui conquiert son amour, son égocentrisme et son ambition teintée d'arrogance sont à peine contrebalancées par cette énergie passionnée qui l'anime. C'est par les vulnérabilités que l'histoire fait naître en eux qu'ils s'humanisent. A leurs côtés, le personnage de Suzuki Marie restera le moins abouti et intéressant, longtemps trop binaire et sans nuance pour susciter la moindre compassion.

Au-delà de son exploration des relations humaines et sociales, la construction de Second Virgin n'est pas sans emprunter certains ingrédients plus proches d'un thriller. Si l'univers financier dans lequel évolue Kou restera toujours très abstrait, le flashforward ouvrant le premier épisode fait que l'on a conscience d'assister à un compte à rebours. Peu importe que les différents protagonistes semblent côtoyer un temps les sommets de leur domaine respectif et allier vie professionnelle et personnelle, le téléspectateur garde toujours à l'esprit que ce bonheur est éphémère. L'histoire n'est pas un aller-simple vers un happy end. Pour relater cet engrenage, le drama n'hésitera pas à jouer sur certains effets narratifs parfois assez grossiers, entre raccourcis et coïncidences directement inspirés du soap. Mais on pardonne au scénario ces défauts car l'enjeu est ailleurs. Éclairant les incertitude et volatilité amoureuses, Second Virgin nous plonge une mélancolie lancinante : son histoire n'est pas triste, c'est juste la vie et les limites qui lui sont inhérentes.

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Sur la forme, Second Virgin est un drama classique, avec une photographie typique du petit écran japonais - une alternance de teintes aux couleurs claires (bleuté, beige...). Si on retrouve une certaine tendance à la mise en scène un peu figée et théâtrale, il faut cependant noter que la série offrira aussi quelques passages intimistes qui, par contraste, marqueront encore plus le téléspectateur. Par ailleurs, le drama est accompagné d'une bande-son travaillée et plutôt originale, comme en témoigne l'utilisation de ce "bip-bip" qui en devient presque glaçant lorsque les personnages sont à la croisée des chemins et doivent faire des choix déterminants. Retentissent également des morceaux instrumentaux plus dynamiques qui suivent finalement parfaitement les hauts et les bas de chacun des protagonistes. Il s'agit par conséquent d'une série soignée qui, tout en restant classique, sait se construire une identité esthétique propre.

Enfin, Second Virgin bénéficie d'un intéressant casting, même si les performances du trio principal sont inégales. Suzuki Kyoka (Karei naru Ichizoku) est parfaite en femme d'affaires qui découvre soudainement la vulnérabilité que peuvent provoquer les sentiments. Hasegawa Hiroki (Suzuki Sensei, Kaseifu no Mita) est excellent dans ce registre ambigü de l'ambitieux qui réussit, mais qui se retrouve emporté par ses passions presque autodestructrices et finit par voir tout lui échapper. Je serais en revanche plus mitigée sur Fukada Kyoko (Karei naru Spy) : censé dépeindre un personnage rigide à l'évolution narrativement assez chaotique, elle peine à susciter la moindre empathie pour Marie, à la fois trop inexpressive et trop dans le sur-jeu quand il s'agit de manifester des émotions. A leurs côtés, on retrouve une galerie de seconds rôles très convaincants, parmi lesquels on croise Danta Yasunori ou encore Kusabue Mitsuko.

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Bilan : Drama intrigant et original sur le relationnel, Second Virgin fascine par son ambivalence. Si son scénario cède parfois à des facilités discutables, il réussit admirablement à capturer l'intensité et le trouble des sentiments qui l'animent. Sa dimension sulfureuse n'a rien de racôleur, mais permet au contraire de mieux souligner le contraste entre des individus guidés par leurs émotions et la rigidité d'une société codifiée qui préfèrerait les étouffer. S'il y a parfois comme un arrière-goût un peu désespéré dans ce drama, on y trouve aussi une force surprenante : il faut saisir la vie et les opportunités qu'elle procure. Second Virgin est en ce sens une vraie tranche de vie, avec ses contradictions et ses souffrances, mais aussi ses instants de bonheur à chérir.


NOTE : 7,75/10


Un teaser (du film) :