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15/06/2011

(K-Drama) White Christmas : un magistral thriller psychologique hautement déstabilisant

Evil rolled itself in the snow and came after us.

Are monsters born? Or are they made?

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Il y a des reviews qui s'écrivent toutes seules parce que nous sommes en territoire si bien connu que notre grille de lecture est déjà rôdée ; il y en a d'autres qui se construisent spontanément dans la frustration d'une déception... Mais il existe enfin des séries qui laissent le critique presque démuni devant son écran. Celles qui marquent, interpellent, laissent sans voix. Celles pour lesquelles, encore sous le choc, on voudrait simplement pouvoir s'emparer du premier dictionnaire des synonymes venu afin de coucher sur le papier tous les superlatifs qu'on pourrait y croiser. Comment, aujourd'hui, réussir à rédiger ma critique de White Christmas ? Comment rationaliser et tenter maladroitement de mettre des mots sur ce ressenti si intense, à la fois si perturbant et si personnel, que m'a laissé cette série ? Je n'ai sans doute pas le recul nécessaire, mais je vais quand même relever le défi. 

White Christmas est un drama spécial, comportant 8 épisodes, qui a été diffusé sur KBS2 du 30 janvier au 20 mars 2011. Scénarisé par une valeur sûre du petit écran sud-coréen, Park Yun Sun (à qui l'on doit notamment Alone in Love), il n'est pas arrivé par hasard dans ma télévision ; et je remercie très fort Waxius et Xiaoshuo pour avoir su aiguiser ma curiosité. Perturbant, fascinant, glaçant, déroutant, c'est un thriller psychologique qui pousse les recettes du genre à leur paroxysme, et qui nous entraîne à ses côtés dans une expérimentation des bas instincts de la nature humaine dont on ne ressort pas complètement indemne. Bref, un drama qui tranche dans le paysage téléphagique du pays du Matin Calme. Un must-seen incontournable.

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White Christmas se déroule dans le cadre déshumanisé d'un établissement perdu dans un désert blanc enneigé. Le lycée privé de Susin High est une institution extrêmement élitiste, qui n'accueille que les plus brillants élèves de Corée du Sud. Elle est entièrement consacrée à un seul objectif : les faire rentrer dans une des plus prestigieuses universités du pays, portés par un rythme scolaire vertigineux et une compétition constante entre eux. Isolé dans les montagnes, construit suivant les plans d'un architecte dont la démesure reflète bien le projet éducatif que représente ce pensionnat, Susin High est aussi un bâtiment ultra-moderne où la surveillance se rapproche plus de celle d'une prison que d'un lieu d'apprentissage. C'est dans ce cadre très froid, dans tous les sens du terme, que vont prendre corps les événements de cette série.

L'histoire débute la veille de Noël. Les seules vacances de l'année : huit jours autorisés loin d'un lieu qui se vide de quasiment tous ses occupants à cette période. Seuls restent généralement une poignée d'élèves ne pouvant rentrer en famille ou préférant étudier (même si cela porterait malheur). Ils sont sept en ce réveillon de 2010 à avoir choisi de ne pas quitter le lycée, un de leurs professeurs restant en tant qu'adulte responsable. Mais s'ils sont si nombreux par rapport à l'année précédente où ils n'étaient que deux, c'est qu'ils ont reçu une bien glaçante lettre, accusatrice, annonçant qu'un décès interviendra prochainement... La tension monte peu à peu dans ce huis clos où d'autres acteurs inattendus vont entrer en jeu. Car dans l'ombre où se dissimulent d'autres monstres, notamment un serial killer s'étant échappé non loin de là.

Un fil rouge, question lancinante presque réthorique, va accompagner cette descente aux enfers à la découverte de soi, pleine de faux semblants, alors que soupçons et trahisons plongent chacun dans une sourde paranoïa : "naît-on monstre ou nous fait-on devenir ainsi ?"

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Thriller psychologique d'une intensité aussi constante qu'éprouvante, White Christmas façonne progressivement ses enjeux dans une atmosphère pesante, vite oppressante, dans laquelle la tension ne va cesser de croître tout au long des huit épisodes. Ce drama s'impose tout d'abord au téléspectateur par la consistance de son scénario habilement huilé, lequel nous plonge sans retenue dans les abîmes les plus sombres de l'âme humaine, dans les recoins les plus troublés et inexplorés d'une nature que l'on finit par craindre. Se construisant par le biais de rebondissements fréquents et un recours à de multiples twists, la série exploite pleinement son format relativement court pour ne jamais subir de baisse de rythme, parvenant à constamment se renouveler, redéfinissant ses enjeux et dévoilant sous une autre perspective les événements en cours.

Drama d'ambiance stylé et soigné, sa faculté à éprouver les nerfs du téléspectateur ne repose pas tant sur un suspense qu'il distille avec parcimonie, que sur sa manière d'installer une tension psychologique particulièrement éprouvante. S'il y aura des morts, l'enjeu premier n'est pas simplement la survie. Alors que l'on aurait pu un instant imaginer le récit suivre les pas d'un simple slasher movie ou autre film d'horreur, White Christmas s'approprie certains des codes narratifs propres à ce genre, tout en les dépassant rapidement. Quelque part au milieu de ces dîners tout droit sortis d'un roman d'Agatha Christie, la série fait sienne un thème bien plus ambitieux, autrement plus déstabilisant : celui d'une expérimentation sur la nature humaine, menée de manière quasi-scientifique, qui va repousser les limites jusqu'à la rupture recherchée des certitudes et fondations psychologiques des personnages.

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White Christmas n'usurpe pas en effet son qualificatif de "thriller psychologique". Car c'est autant leur intégrité mentale que physique que les élèves vont avoir à défendre. Le projet de celui qui, d'abord tapi dans l'ombre, ensuite en pleine lumière, orchestre ce cauchemar est simple, trouver la réponse à une question obsessionnelle : naît-on monstre ou peut-on nous faire devenir ainsi ? Psychologue fasciné par le fonctionnement du cerveau humain, il est aussi un serial killer qui, ayant déjà nombre de victimes à son actif, sait composer avec la mort. En plaçant ces lycéens dans un environnement particulier, propice à des jeux de laboratoire, le drama traite habilement de thématiques qui nous conduisent aux confins des sciences de l'esprit et de la criminologie, anéantissant la frontière ténue entre déterminisme et libre arbitre. C'est à la naissance d'un monstre que Kim Yo Han, le serial killer, veut assister face à des adolescents censés représentés la future élite du pays. Et c'est en sapant tant de repères qu'il va conduire chacun à se redéfinir et à s'interroger sur lui-même.

Derrière son apparence si froide de prime abord, White Christmas n'est pas un drama détaché de ses personnages. Au contraire, c'est une série profondément humaine, dont la seconde force réside justement dans l'empathie qu'elle va être en mesure de faire naître à l'égard de ses protagonistes. Car dans leur prison éducative aussi glacée qu'élitiste, ces jeunes gens sont avant tout le reflet d'une société ultra-concurrentielle, où le lien social semble rompu et où l'individualisme forcené prime sur toute autre considération. Le drame que cache la lettre morbide que chacun a reçue en est la parfaite illustration : derrière une telle base de départ, se trouve une critique aussi amère que désillusionnée de cette indifférence à l'égard d'autrui qui apparaît érigée en règle de vie. A partir de là, l'expérimentation conduite va amener à une réflexion sur leurs priorités, mais aussi sur leur identité, pour le meilleur comme pour le pire... au nom de la survie.

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Il faut dire que White Christmas va vraiment soigner la psychologie de ses personnages, explorant la genèse de ces adolescents devenus sujets d'étude à leur corps défendant. Car derrière des apparences faussement lisses ou unidimensionnelles, ils se révèlent peu à peu dans leurs ambiguïtés et leurs failles, dévoilant souvent des malaises ou blessures autrement plus profonds qui les déterminent et définissent dans leurs comportements presque malgré eux. Le téléspectateur s'attache à toutes ces personnalités si différentes, mais aussi si semblables dans leurs insécurités. Chacun a en lui un ressort qui, quelque part, semble brisé. On s'investit d'autant plus à leurs côtés que la situation de crise, exceptionnelle, à laquelle ils sont confrontés va les voir évoluer et faire prendre conscience de bien des choses, tant sur un plan individuel que collectif. L'artificielle union dans l'adversité de ces jeunes gens, qui se côtoient habituellement comme des étrangers, pose aussi bien les bases d'une incertaine confiance que les germes de la trahison. La notion de sacrifice pour la survie du groupe restera également un des thèmes récurrents les plus troublants et fascinants.

Au-delà de l'expérimentation déstabilisante à laquelle le serial killer se livre, ces quelques jours vont constituer une véritable - et traumatisante - thérapie de choc, dont tous ne sortiront pas indemnes psychologiquement. Celui qui s'impose naturellement comme le leader du groupe, Park Moo Yul, illustre bien cette progressive complexification au fil du drama. Etiqueté élève modèle, toujours prompt consciemment ou non à assumer les responsabilités, au point de voir jusqu'à l'enseignant lui accorder sa confiance pour gérer les situations de conflit pouvant éventuellement naître, il voit peu à peu son contrôle sur lui-même se fissurer à mesure que les événements dégénèrent. Le passage au révélateur des failles les plus intimes de chacun conduit à une forme de déconstruction psychologique, appuyant sur des peurs anciennes ou des blessures mal cicatrisées qui demeurent encore très vivaces. En suivant des codes de narration qui empruntent à la psychanalyse, White Christmas parvient à donner une dimension presque tragique à des personnages qui auraient pu dans n'importe quelle autres circonstances paraître banals ou anodins et qui, par leur fragilité, finissent par nous toucher au coeur. C'est ce qui permet au drama d'obtenir du téléspectateur un investissement émotionnel très important qui, couplé à la tension ambiante, rend le visionnage très éprouvant.

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En plus d'être extrêmement solide sur le fond, White Christmas est également un drama particulièrement soigné sur la forme. Le réalisateur, Kim Yong Soo, est un habitué des fictions d'horreur comme Hometown Legends, et il n'hésite pas à emprunter certaines mises en scène à ce genre, contribuant ainsi à appuyer l'atmosphère inquiétante et oppressante qui se dégage dès les premières scènes pourtant anodines. Dotée d'une photographie épurée mettant en exergue le cadre déshumanisé de ce désert blanc dans lequel est perdu ce trop vaste établissement, la série bénéficie d'une réalisation aboutie, avec des plans vraiment travaillés, jouant sur une esthétique et une symbolique derrière lesquelles on devine l'intention d'accentuer la dimension froide investie par la fiction.

De plus la bande-son ne laisse, elle non plus, rien au hasard. Offrant un mélange des styles réfléchi et parfaitement au diapason du récit, sa diversité lui permet de participer pleinement à l'installation de l'ambiance atypique de la série. Elle propose non seulement des ballades pop sud-coréenne et des chansons anglo-saxonnes, mais également des morceaux de musique classique dont le thème hantera longtemps les nuits d'un téléspectateur envoûté (pour vérifier par vous-même, allez écouter la troisième vidéo en fin d'article, qui présente des images du premier épisode en utilisant une des musiques - du Vivaldi - qui va s'imposer comme une des plus emblématiques du drama, donnant des frissons à chaque fois qu'elle retentit).

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Enfin, pour porter cette histoire si intense à l'écran, le casting, s'il est globalement inexpérimenté, se révèle à la hauteur des attentes. Au sein du groupe d'étudiants, je ne connaissais vraiment que Baek Sung Hyun (That Fool), que j'avais trouvé très attachant l'an dernier dans Running Gu. C'est un jeune acteur avec lequel j'arrive à ressentir spontanément une forme d'empathie et mon impression d'alors ne s'est pas démentie ici, dans ce rôle pourtant plus difficile qu'il tient, leader responsable dont le vernis d'"élève modèle" va peu à peu se craqueler. A ses côtés, Kim Young Kwan (More charming by the day) est très convaincant en personnage prompt à exploser, dont l'agressivité masque mal ses faiblesses et incertitudes. Lee Soo Hyuk est un "Angel" perturbé que j'attendrais avec curiosité de découvrir dans d'autres rôles (si What's up est un jour diffusé peut-être). Sung Joon (Lie to me) fait un étudiant détaché de toute émotion des plus parfaits, tandis que Hong Jong Hyun (Jungle Fish 2) incarne un adolescent effacé perdu au milieu de ces fortes personnalités. Kwak Jong Wook (Queen Seon Duk) joue un personnage resté marqué par un handicap, sa surdité. Kim Hyun Joong et ses cheveux rouges seront aussi à surveiller à l'avenir. Quant à la seule fille de la bande, Esom, elle personnifie le côté aussi défiant que mélancolique de l'adolescente.

Face à eux, on retrouve un Kim Sang Kyung pondéré, qui se cale avec beaucoup de sobriété dans ce rôle de serial killer au sang froid, presque curieux, conduisant de manière imperturbable l'expérimentation qu'il entend mener sur les étudiants. C'est un acteur que l'on a pu croiser dans des dramas tels que Lawyers ou Call of the country, mais que personnellement je connais surtout via le cinéma : il était dans le dernier film sud-coréen que je suis allée voir dans les salles obscures en mars, Hahaha, et Memories of Murder est resté gravé dans ma mémoire d'apprentie cinéphile.

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I arrived at a private high school in Gangwon-do.
There, I discovered a letter left by an angry deceased boy.
And 7 kids who didn't know what sins they had committed.
Jealousy and hatred over something that could never be theirs.
Hatred and yearning in many different colored layers.
The continuing snowstorm.
I was excited by all these things that seemed destined to suit me.
I want to know through these children.
The answer to an old question.
Is a monster born as one,
or made into one ?

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Bilan : Thriller psychologique aussi prenant que déstabilisant, White Christmas est un drama à part dans le petit écran sud-coréen. Original dans le bon sens du terme, il impose son identité bien loin des canons classiques. Au cours des huit épisodes qui le composent, il construit une réflexion à la fois sombre et éprouvante nous plongeant dans les abysses les plus noirs de la nature humaine. Sa consistance sur le fond s'allie à une étonnante empathie à l'égard de cette galerie bigarrée de personnages, ce qui rend le visionnage encore plus intense, dans ce huis clos étouffant mettant les nerfs à rude épreuve. On ressort de White Christmas un peu étourdi, presque choqué, indubitablement perturbé, voire bouleversé. C'est un de ces dramas inattendus qui marquent durablement. Un incontournable.

Peut-être aurais-je dû attendre un peu plus avant d'écrire cette review sans avoir forcément pris le temps du recul, l'ayant terminé il y a seulement trois jours. Ce visionnage m'a laissé sur un sentiment d'une intensité difficile à décrire, et j'espère malgré tout avoir su à peu près le retranscrire.


NOTE : 9/10


Le générique de la série :

 

La bande-annonce de la série :

 

Un MV avec un des morceaux de musique classique de l'OST :

 

17/07/2010

(K-Drama / Mini-série) Running (Running, Gu) : une sobre et rafraîchissante histoire d'amitié et d'entrée dans l'âge adulte

 

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S'il est toujours attrayant de parler diversité culturelle et voyages téléphagiques exotiques, il est aussi assez amusant de constater combien certaines thématiques ont un caractère universel, aptes à servir de fondements à ces mini-séries de transition qu'aiment proposer les chaînes, sorte de parenthèse en adéquation avec cette période estivale où le téléspectateur sera plus prompt à rechercher l'alliance entre la fraîcheur et les retrouvailles avec les classiques, pour un retour aux sources regénérateur.

Prenons l'exemple d'un créneau entrant parfaitement dans cette optique, celui de la série où le sport, par sa pratique ou son renoncement, sera le reflet d'un parcours d'initiation à la vie, illustration de la maturation d'une jeunesse pleine d'ambition qui doit apprendre à faire la part des choses entre rêve et réalité. On a tous déjà vu au moins une demi-douzaine de fictions télévisées exploitant ce thème... Mais les vieilles recettes ont cette aptitude à conserver le charme déroutant d'une simplicité un peu désuette et d'une humilité touchante, qui leur permet d'attirer le téléspectateur en dépit de ses ingrédients trop bien connus.

C'est sans doute pour cela que, au cours de ces dernières semaines, le téléspectateur curieux (parce que je reconnais qu'elles occupent une place, qu'on qualifiera d'anecdotique, dans la sphère téléphagique - mais, en même temps, raison de plus pour prendre le temps d'en parler) a pu suivre, dans ce même créneau de la mini-série sportive/estivale, sur l'apprentissage de la vie, deux mini-séries très dissemblables, mais ayant un rapport au sport. Une anglaise, sur BBC2, intitulée Dive, et une sud-coréenne, sur MBC, intitulée Running (Running, Gu). Chacune à sa manière, traitant dans ce cadre de thématiques très différentes, par le biais d'une approche personnelle propre à son pays d'origine, elles ont apporté leur pierre à l'édifice déjà chargé de ce type de fiction.

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Diffusée sur MBC du 10 au 17 juin 2010, Running Gu est une mini-série composée de 4 épisodes d'une heure chacun. Servant surtout de transition dans la programmation de la chaîne, qui lui offrit une exposition quelque peu chaotique, elle s'inscrit dans un registre rafraîchissant, assez chaleureux, correspondant bien à la saison estivale. C'est pourquoi je pense qu'elle mérite bien un petit coup de projecteur.

Cette mini-série raconte l'histoire de trois amis d'enfance, dont l'amitié a été ébranlée par les choix de chacun et les épreuves de la vie. Le héros, Goo Dae Gu, s'était très tôt découvert une passion pour la course à pied. C'est dans ce cadre qu'il avait noué une relation teintée d'une saine compétitivité avec Heo Ji Man, le fils d'un gros entrepreneur de la région. Concurrence sportive, mais aussi sentimentale, pour le coeur de la belle Moon Haeng Joo, qui complètait ce trio.

Seulement, à l'époque, Dae Gu devait également s'occuper de son frère, jeune garçon un peu simple d'esprit dont son père lui confiait la garde au cours des courses auxquelles il inscrivait ses garçons. Un jour, l'appel de la victoire se fit trop fort pour un Dae Gu encore enfant, qui ne prit pas sur le moment conscience de la dangerosité de sa décision. Il gagna la course dans laquelle ils étaient engagés, en délaissant la surveillance de son frère. Ce dernier, dont la passion pour les trains surpassait tout, s'écarta du parcours balisé pour s'aventurer sur les rails d'un chemin de fer. Un train arriva. L'accident mortel fut inévitable, laissant sa famille traumatisée.

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Les années passèrent. Les blessures restèrent, les non-dits s'installèrent, chacun grandissant de son côté. Finalement, ce sont trois jeunes gens, presque adultes, mais toujours sous la coupe de leurs parents, que l'on découvre au début de la série. Dae Gu a abandonné la course à pied, sur l'insistance d'un père profondément marqué par ce drame d'avoir vécu la mort d'un de ses fils, révulsé par ce sport qui a pris un des trésors de sa vie. Dae Gu se ressent toujours d'une culpabilité diffuse, qu'il n'assume pas pleinement. Ayant grandi derrière cette ombre, en porte-à-faux d'un père excessivement émotionnel, facilement étouffant, il ne s'est jamais vraiment affirmé, s'efforçant de s'occuper de cette figure restée ancrée dans le passé, tout en laissant la vie s'écouler. Sans ambition, n'ayant jamais comblé ce vide intérieur qui s'est formé, il végète en travaillant au port de la ville.

Parallèlement, Ji Man a poursuivi une carrière sportive, sous l'impulsion d'un père qui a reporté sur lui toutes ses ambitions de gloire et qui rêve de le voir représenter la Corée du Sud, lors de l'épreuve de marathon des prochains Jeux Olympiques. Régissant la vie de son fils d'une main de fer, n'hésitant pas à embaucher tout un staff autoritaire, il étouffe peu à peu Ji Man. En grandissant sur des chemins très différents, ce dernier s'est éloigné de Dae Gu. La concurrence a pris le pas sur leur amitié ; d'autant que, désormais à l'âge des épanouissements amoureux, la douce Haeng Joo exacerbe les pointes de jalousie et les sentiments conflictuels de ses deux amis. Elle-aussi, pourtant, cherche toujours sa voie. Aspirante musicienne ayant subi échec sur échec à Séoul, elle s'est rabattue sur un poste de professeur intérimaire, qu'elle essaye de concilier avec les rêves de sa mère.

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Le retour au pays de Ji Man et Haeng Joo, ainsi que les problèmes financiers causés par les éclats d'humeur du père de Dae Gu, vont rapprocher à nouveau, presque naturellement, ces trois jeunes gens qui s'étaient perdus de vue. C'est dans cette dimension très humaine, dans ce registre où l'émotionnel, à fleur de peau, donne une épaisseur supplémentaire à une histoire somme toute excessivement classique, que réside l'un des charmes principaux de Running, Gu. La mini-série parvient à dépeindre, avec une écriture spontanée et naïve, exprimant une authenticité assez touchante, les creux et les vagues d'une amitié fragile, parfois paradoxale, mais dont les fondations sont finalement plus profondes que les tensions apparentes pourraient le laisser croire.

Le sport en toile de fond fait figure de métaphore traditionnelle, réflexion inévitable sur le dépassement de soi. Son intégration dans le récit se fait sans heurt, ni rupture de la narration. Pas besoin pour le téléspectateur d'avoir la moindre affinité à l'égard de cette activité pour ressentir, avec intensité, les émotions tourbillonnantes de jeunes gens qui se cherchent, entrant progressivement dans l'âge adulte. Le contexte sportif se justifie d'autant plus que Running, Gu fait preuve d'une approche plus subtile qu'il n'y paraît. Car si la course à pied est une passion savourée sans arrière-pensée par Dae Gu, pour qui elle s'analyse comme un vecteur d'émancipation, face à un père dont la vie s'est figée avec la mort de son autre garçon, elle est, au contraire, une activité aliénante, presque oppressante lorsqu'elle est poussée à son extrême, pour Ji Man, qui doit subir l'emprise d'un père omniprésent.

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A travers ces adversités personnelles qu'ils doivent affronter seuls, Running, Gu est une ode pleine de sobriété, dédiée à l'amitié. Au-delà du sport, c'est plutôt la thématique de jeunes adultes confrontés aux attentes de leurs parents qui se révèle centrale. Le lien qui les unit sera ce qu'il leur permettra de trouver leur voie et de s'épanouir. La mini-série met donc en avant tout un aspect humain. Cette morale portée à l'écran avec une certaine naïveté, mais pas déplaisante à suivre, est un refus obstiné de réduire l'épanouissement personnel à la seule question de la réussite quantifiable dans un domaine, qu'il s'agisse, ici, du sport ou de la musique.

Enfin, sur la forme, Running, Gu dispose d'une réalisation solide, accompagnée d'images relativement soignées, où abondent les couleurs chatoyantes. Son casting, composé de jeunes acteurs, ne déparaille pas dans cette atmosphère finalement pleine de fraîcheur qui est mise en avant. Le trio principal, homogène, remplit efficacement son office ; on y retrouve Baek Sung Hyun (That fool), Park Min Young (elle sera à l'affiche, à la rentrée de septembre, du drama qui s'annonce comme un mélange atypique des genres, Sungkyunkwan Scandal) et Yoo Yun Suk (croisé dans Soul).

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Bilan : Running, Gu est le genre de mini-série estivale qui se visionne sans conséquence. D'une simplicité rafraîchissante, portée par une dose d'émotionnel dépourvue d'artifice et des ressorts scénaristiques classiques, c'est une histoire sur la vie, ses réussites comme ses échecs... Au final, elle nous propose une fable sur l'amitié, mais aussi sur la maturité, avec la gestion difficile de cette arrivée à l'âge adulte où il faut apprendre à s'émanciper, à vivre par soi-même. Le tout garde en toile de fond la thématique du dépassement de soi propre à ces fictions "sportives"...

Ne vous attendez pas à y trouver quelque chose d'original, mais, paradoxalement, c'est justement cette sobriété, ce naturel sans artificialité, qui font que la mini-série sonne souvent juste. Parfois, ce registre suffit pour offrir un moment agréable au téléspectateur. C'est ce que réussit Running, Gu. Rien de plus, rien de moins.


NOTE : 6,25/10


La bande-annonce de la mini-série :