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10/07/2010

(K-Drama) City Hall : une attachante série dans les coulisses de la politique, de la mairie à la Maison Bleue...



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Comme je vous l'annonçais dans l'édito de ce mois de juillet (cf. à gauche), le "mercredi asiatique" est une case bien étroite pour contenir toutes les séries asiatiques dont j'ai envie de vous parler actuellement. La semaine blanche causée par la triste nouvelle de la fin du mois de juin n'a pas arrangé les choses. Par conséquent, je vous propose de profiter du, certes tout relatif, calme estival et du fait que je ne critique aucune série épisode par épisode en ce moment, pour déborder un petit peu et glisser quelques reviews de dramas en provenance du pays du Matin Calme (voire au-delà), en dehors du planning traditionnellement suivi par ce blog.

Aujourd'hui, je vais ainsi vous parler d'un drama que j'ai fini il y a déjà quelques semaines. Avec lui, nous remontons  un peu le temps, car il ne date pas de cette année, mais du printemps 2009. Diffusé sur SBS et composé de 20 épisodes, il figure, à mes yeux, parmi les jolies réussites de la saison dernière en Corée du Sud et mérite pleinement qu'un article, sous forme de bilan global, lui soit consacré. Il s'agit de City Hall.

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City Hall est une série aussi rafraîchissante qu'enthousiasmante qui nous plonge dans les coulisses de la vie politique locale, et même nationale, à travers les destins croisés de plusieurs personnages aux parcours et aux motivations très différents. Nous y suivons le tourbillon rythmé des ambitions des uns et des autres, de la modeste mairie de la petite ville d'Inju aux rêves présidentiels les plus démeusurés, conduisant à la Maison Bleue (Parenthèse culturelle : La "Maison Bleue" est le nom utilisé pour désigner la résidence présidentielle, située à Séoul - de la même manière qu'on parle de Maison Blanche aux Etats-Unis. Elle doit son appelation aux tuiles bleues de son toit : cf. photo).

Tout débute avec la nomination d'un nouveau maire adjoint dans cette ville au parfum de ruralité qu'est Inju. C'est un jeune carriériste aux dents longues, Jo Gook, qui est désigné. Brillant et rompu aux manoeuvres politiques en tout genre, il est plein d'ambitions et parrainé par quelques puissantes figures politiques, dont l'emblématique "BB" (Big Brother). Le jeune homme débarque donc l'esprit déjà tourné vers des échéances nationales, prêt à actionner un agenda politique serré, sensé le conduire, à moyenne échéance, dans les plus hautes sphères du pouvoir, à destination du poste suprême de la vie politique sud-coréenne, la présidence.

Parallèlement, bien loin de ces rêves de grandeur abstraits, Shin Mi Rae mène la vie anonyme d'une secrétaire servant les cafés, dans les échelons les plus bas des employés de l'hôtel de ville d'Inju. D'une spontanéité parfois désarmante, elle se disperse entre services rendus à des amis et son quotidien familial, aux côtés de sa mère, stagnant sans véritable perspective de carrière dans sa branche professionnelle. Mais une initiative politique assez étonnante de la mairie, un concours de beauté ouvert aux habitantes de la ville, va l'entraîner dans un engrenage, où les évènements qui s'enchaînent vont prendre un tour des plus inattendus... A terme, s'ouvre devant elle une hypothétique carrière politique pour laquelle, en jeune novice encore mal aguerrie à ces usages, elle a tout à apprendre pour espérer remporter la mairie qu'elle va être encouragée à briguer. 

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Initié sur un ton dynamique de comédie romantique légère, le drama mûrit, au fil des épisodes, avec ses personnages, gagnant en sobriété, tout en conservant une authenticité émotionnelle touchante qui m'a véritablement conquise.

C'est en effet dans sa dimension humaine que se trouve l'attrait majeur de City Hall. La série bénéficie de  l'alchimie qui se crée entre ses personnages, en particulier - assez logiquement - au sein de son duo principal. Si elle débute de la plus classique des façons, en se réappropriant les ficelles scénaristiques des romances teintées d'humour qui ne manquent pas à la télévision sud-coréenne, agrémentant ses premiers épisodes de passages burlesques et de clash inévitables entre les deux personnages centraux, la série va toutefois éviter les excès. En parvenant rapidement à établir un équilibre dans les rapports entre ses deux personnages, elle va donner une épaisseur, mais aussi une certaine subtilité, à cette relation hésitante qui s'esquisse progressivement sous nos yeux.

Si Jo Gook, par son assurance jamais prise en défaut et sa maîtrise du jeu politique, semble toujours garder le contrôle de la situation, Mi Rae impose, face à lui, sa personnalité, mais aussi ses valeurs. Elle devient rapidement bien plus qu'une énième déclinaison de l'héroïne ingénue dont les dramas de ce genre raffolent. Obstinée et consciencieuse, elle apprend de ses erreurs et ajuste son attitude. Finalement, sans jamais renier ses principes, le téléspectateur la voit grandir au fil de la série. Son ascension professionnelle, initiée au départ presque par hasard, va se trouver justifiée grâce à la dimension que prend le personnage à mesure qu'elle devient, tout simplement, adulte.

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La force, mais aussi l'intérêt, de la relation qui s'établit peu à peu, presqu'à leur insu, entre Mi Rae et Jo Gook, est justement qu'elle n'est pas à sens unique. Cette réciprocité, de plus en plus affirmée au fil de la série, va leur permettre de s'épanouir et également de s'émanciper de mauvais réflexes du passé. Ils vont s'enrichir mutuellement, se fortifiant au contact de l'autre. Si cette maturation sonne si juste, c'est en partie en raison de la richesse de chacun des protagonistes. Loin d'être unidimensionnels, le drama n'hésite pas à mettre en valeur la complexité de leurs personnalité, soulignant les paradoxes qui peuvent les traverser et ces failles dont ils ont eux-mêmes conscience.

Derrière la simplicité de façade de Mi Rae se cache une jeune femme très sensible à l'intérêt général, qui comprend ce que signifie se mettre au service du collectif. Elle va trouver en elle la force de caractère nécessaire pour relever les défis qui jalonnent le lancement d'une carrière politique. L'aide Jo Gook sera nécessaire au départ, mais elle va progressivement s'émanciper, s'endurcissant à travers les épreuves et acquérant une saine indépendance des plus satisfaisantes. Elle s'impose pleinement comme une femme de poigne qui n'hésitera pas à aller à la confrontation pour faire triompher ses idées.

De façon similaire, les certitudes de Jo Gook vont être ébranlées par les nouvelles perspectives qui s'ouvrent dans sa vie. Rompu aux rouages de la politique, il découvre que l'ambition ne suffit pas pour donner l'étincelle qui fera la différence afin d'entamer son irrésistible ascension. Son arrogance ne peut éternellement masquer son absence de vision. Ce relativisme pragmatique dont il se fait le représentant le plus zélé - écho à bien des hommes politiques de nos sociétés modernes - n'est-il pas vain s'il ne peut distinguer le tableau plus vaste, que constitue un pays à gouverner ? S'il n'a d'autre guide que ses intérêts personnels, comment pourrait-il mener à bien un projet à l'échelle nationale ?

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Ainsi, au-delà de son apparence de comédie romantique, City Hall est aussi une série initiatique, qui voit ses personnages grandir avec elle. Cette évolution est d'autant plus appréciable pour le téléspectateur qu'elle permet au drama d'aborder, avec une certaine maturité, l'immersion proposée dans un univers assez particulier, le monde politique. Bien entendu, City Hall ne renie pas l'idéalisme, parfois touchant, qui reste l'apanage de ce genre de séries sud-coréennes, mais elle ouvre malgré tout les portes des coulisses de la vie politique, tant locale que nationale, de ce pays.

Or, je vous ai déjà confié, notamment lorsque j'ai fait le tour de toutes les séries britanniques traitant du sujet, mon penchant pour cette thématique. Ce drama ne faillit pas à la règle : ce cadre contribue, de belle manière, à la densité et à l'intérêt de cette série. Jusqu'à présent, IRIS avait été ma seule occasion de pénétrer dans les couloirs de la Maison Bleue. Si l'occupation de ce bureau constite l'objectif avoué, dans City Hall, il est encore inaccessible. Nous nous situons ici dans les échelons plus bas de la vie politique. Le drama s'attache à nous faire découvrir,  avec sa tonalité toujours légère et rafraîchissante, tous les aspects de ce monde. Et c'est ainsi qu'il est efficacement rythmé par toutes ces péripéties politiques. Nous y suivons les protagonistes au cours de leurs campagnes électorales, municipales mais aussi législatives, jusqu'à leur gestion du quotidien d'un élu, ayant à sa charge une ville ou bien une circonscription qu'il doit représenter au plan national.

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Sur un plan technique, City Hall bénéficie d'une réalisation chatoyante, agréable à suivre. Un peu à l'image du contenu du drama, on y retrouve cette petite impression sucrée, mais sans excès. Si, pour ma part, j'ai beaucoup apprécié la bande-son, qui est agrémentée de plusieurs chansons récurrentes vite entêtantes et cadrant bien avec l'ambiance globale, il faut quand même préciser qu'il y a sans doute une sur-exploitation de cet aspect formel. Les quasi "pauses" musicales, au sein des épisodes, sont en effet récurrentes. J'ai adhéré à cette façon de faire ressortir l'émotionnel, en partie en raison de mon attachement aux personnages, mais certains téléspectateurs pourraient sans doute juger que le réalisateur en fait parfois un peu trop.

Enfin, je n'ai que des compliments à adresser au casting de ce drama. Cha Seung Won (Bodyguard ; il sera aussi à l'affiche d'Athena en novembre prochain) est admirable d'ambivalence. Charmant les téléspectateurs avec le même aplomb que ses vis-à-vis dans la série, l'arrogance de son personnage n'en fait jamais quelqu'un d'antipathique ; au contraire. A ses côtés, Kim Sun Ah (My Name is Kim Sam Soon) s'affirme progressivement avec beaucoup de classe, partageant l'évolution suivie par son personnages. Lee Hyung Chul (On Air, Pasta), d'une sobriété toujours efficace, s'impose en conseiller avisé, tandis que Choo Sang Mi (Snow in August) s'amuse de son personnage invivable.

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Bilan : City Hall est une série aussi rafraîchissante qu'attachante, qui doit beaucoup à l'alchimie existant entre ses personnages et à l'ambiance qu'elle réussit à créer. Comédie légère à ses débuts, romance ambivalente qui évite de trop en faire par la suite, elle mûrit au fil de l'évolution de ses protagonistes. Tandis que le cadre politique permet d'enchaîner les nouveaux défis et de maintenir un rythme dynamique, sans temps mort, le téléspectateur ne peut qu'être touché par l'authenticité émotionnelle qui se dégage de l'histoire racontée.

City Hall est ainsi un beau drama que j'ai pris beaucoup de plaisir à suivre.


NOTE : 8,5/10


Une bande-annonce du drama :

Une des chansons de l'OST de la série (MV - contient des images "spoilers") :

07/07/2010

(K-Drama / Pilote) Comrades (Jeonwoo / Legend of the Patriots) : le déchirement d'une nation


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Le 25 juin 1950, les forces nord-coréennes franchissaient le 38e parallèle, dans le cadre d'une vaste offensive qui allait marquer le début d'un conflit particulièrement meurtrier, la Guerre de Corée. C'était une guerre visant à la réunification, mais elle allait sceller la partition du pays du Matin Calme. En 1953, l'armistice signée consacrerait un retour au statu quo ante bellum maintenu depuis lors.

Ce mois de juin 2010 correspondait donc à la comémoration des soixante ans du déclenchement du conflit. La thématique demeurant évidemment centrale, l'industrie de l'entertainment n'est logiquement pas en reste, sur grand écran, comme sur petit écran. Ainsi, pas moins de deux chaînes sud-coréennes se sont attelées à des projets pour faire revivre cette tragédie. Si le buzz médiatique indiquait qu'il fallait plutôt surveiller avec attention Road No. One, sur MBC, c'est finalement Comrades (Jeonwoo), sur KBS1, qui a tiré son épingle du souvenir de cet évènement historique, s'installant au-dessus de la barre des 15% de part d'audience avec ses premiers épisodes.

Diffusée depuis le 19 juin 2010 (le samedi et le dimanche) et d'une durée prévue de 20 épisodes, Comrades est en fait le remake d'une série datant de 1975. Loin du mélodrama classique, tout en s'en réappropriant certains codes, elle s'inscrit dans un registre assez atypique à la télévision sud-coréenne, celui des fictions de guerre (je vous avoue que je n'en avais encore jamais vues avant cet été et cette double ration). Même si une pointe de relationnel et de sentiments amoureux percent inévitablement entre certains protagonistes, il s'agit donc d'un drama résolument  concentré sur les combattants et la tragédie en cours.

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Le premier atout majeur de Comrades résidait évidemment dans le sujet particulièrement fort que le drama se proposait de nous raconter. Pour ma part, non seulement j'étais très curieuse de découvrir la façon dont il allait être traité par les chaînes sud-coréennes, mais en plus, j'y trouvais également derrière un intérêt purement historique : rien de tel qu'une série sur tel ou tel évènement pour aller me faire ouvrir les livres d'Histoire et découvrir des rayonnages jusqu'à présent inconnus de la bibliothèque. D'autant que, soyons franc, si j'ai quelques souvenirs vagues d'un paragraphe consacré à ce conflit dans le cadre d'un cours sur la guerre froide, tout cela forme des connaissances bien parcellaires, qui se limitent à quelques repères chronologiques qui ne combleraient même pas une fiche wikipedia. En résumé, en avant pour une double découverte des plus intrigantes !

Dès son premier épisode, Comrades choisit de nous plonger directement au coeur d'un conflit déjà entamé, à une période charnière où les rapports de force s'inversent. En effet, après les grandes manoeuvres initiées par le Nord au cours de l'été 1950, la contre-offensive du Sud paraît inarrêtable. En octobre 1950, Pyongyang tombe. Comrades s'ouvre justement sur cette bataille, donnant d'emblée la tonalité de la série, alors que nous vivons l'assaut aux côtés d'une unité de combat sud-coréenne. L'armée nord-coréenne est alors en déroute. La fin semble proche, certains parlent ouvertement de l'hiver. Mais l'intervention chinoise, avec ses centaines de milliers de "volontaires", va redistribuer les cartes et signer le début d'une nouvelle reconquête venue du Nord, obligeant les forces sud-coréennes à se replier en catastrophe.

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Au milieu des ruines du champ de bataille qui constitue son cadre, Comrades justifie son titre alternatif, "Legend of the Patriots", et l'aspect comémoratif sous-jacent, en s'attachant surtout à la dimension humaine de la guerre. Derrière le rappel des idéaux sacrifiés dans la boue des tranchées, la série se place, certes, dans une perspective majoritairement sud-coréenne, mais elle fait cependant clairement le choix de mettre en scène des protagonistes combattant dans les deux camps, n'occultant ni leur diversité, ni leurs conceptions, parfois très personnelles, de ce conflit fratricide.

Ce soin dans la reconstitution se ressent d'ailleurs jusque dans l'effort fait pour bien poser le contexte global, que rend possible la galerie disparate des personnages mis en scène. Aucune des deux armées ne forme un bloc monolithique. Chaque soldat a son histoire et ses propres motivations. Certains obéissent à des logiques géographiques, le Sud contre le Nord. D'autres à des convictions politiques, qui peuvent aller de la volonté de gagner son indépendance face à "l'impérialisme" américain à la lutte idéologique contre le communisme, en passant par ceux qui, simplement, souhaiteraient survivre ; nul n'obéit aux mêmes raisons.

Au-delà de ce tableau très hétérogène d'un pays déchiré, en arrière-plan, Comrades capte aussi une amertume que tous, sud comme nord-coréen, partagent à des degrés divers et qui les rapprochent d'autant : la désillusion commune d'une nation aspirant à se retrouver après plusieurs décennies d'occupation japonaise, et qui voit ses espoirs sombrer alors qu'elle se transforme en champ de bataille d'une lutte qui dépasse son seul cadre. Du soutien apporté au Nord par les "volontaires" chinois aux bombardements constants des avions de l'armée américaine assistant le Sud, c'est une guerre civile aux couleurs très internationales qui se déroule sur leur sol et dans laquelle se noie la souveraineté coréenne.

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Si les thèmes forts du drama sont rapidement et efficacement posés, en revanche, la série va mettre plus de temps à bien installer ses protagonistes. Le premier épisode, condensé de scènes de batailles tout juste entrecoupées de fugitifs passages de détente, se déroule presque sans temps mort, mais sans, non plus, réellement prendre le temps d'individualiser les personnages et d'humaniser ces soldats qui nous semblent tous interchangeables derrière leurs équipements militaires et la saleté qui recouvre leur visage. Certes, c'est un souci commun dans toutes les séries de guerre (les débuts de The Pacific au printemps avaient bien confirmé cette règle), cependant, j'avoue être restée plutôt réservée à la fin du pilote, un peu dans l'expectative concernant les fils rouges qu'allait suivre Comrades pour nous relater cette guerre. Heureusement, j'ai été vite rassurée par la tournure prise par les deux épisodes suivants, au cours desquels la série s'affirme et l'intérêt du téléspectateur grandit.

S'intéressant aux petites histoires au sein de la grande Histoire, Comrades s'attache aux destins d'une poignée de combattants de tous bords. Si la reconstitution des grandes batailles laisse un peu sur sa faim (pour des raisons techniques surtout), en revanche, la description du chaos suivant la contre-offensive nord-coréenne s'avère beaucoup plus piquante et permet du même coup à chacun des personnages de trouver une place. L'armée sud-coréenne en déroute laisse en effet, en territoire ennemi, des unités dispersées, tandis que des déserteurs, des deux camps, tentent, souvent vainement, de s'éloigner des hostilités. Un chaos ambiant très bien reconstitué.

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L'ensemble est certes considérablement romancé, en adaptant les codes scénaristiques classiques de la télévision sud-coréenne à la situation. Ainsi Lee Soo Kyung, femme officier engagée volontaire dans l'armée nord-coréenne, connaît intimement le sergent de l'unité sud-coréenne que nous suivons depuis le début, Lee Hyun Joong. Leurs routes vont se croiser quand le sort d'un général du Sud va être en jeu. Mais qu'importe les coïncidences, puisque, au contraire, cela permet non seulement de déchirer ce voile d'anonymat recouvrant les soldats des deux camps, mais c'est aussi l'occasion de mettre en exergue, de la plus symbolique des manières, le déchirement interne provoqué par cette guerre civile. Un fossé s'est creusé au nom de convictions politiques, mais la différence entre les combattants des deux camps n'est pas si profonde.

Un dialogue, chargé de regrets, entre Soo Kyung et le général du Sud, témoigne à la fois de la distance existant entre eux, mais aussi de cet amour commun pour un pays qu'ils ne conçoivent simplement pas de la même façon. Assujetti aux russes et aux chinois, ou bien aux américains, où se trouve la réelle indépendance ? Chacun aspire pourtant à une unification du territoire sous sa bannière, ne cherchant pas la scission, mais bel et bien une assimilation. Autre signe de cette paradoxale promiscuité, en dressant ce tableau d'une nation scindée en deux, Comrades n'occulte pas la perméabilité de la frontière délimitant chaque camp. Tous les soldats mis en scène ne sont pas bercés d'idéaux, et les failles de la nature humaine et son instinct de survie reprennent parfois le dessus sur la géopolitique.

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En lui laissant le temps de s'installer et de nous intéresser aux destinées de ses personnages principaux, Comrades gagne progressivement en intensité comme en densité. Les trois premiers épisodes que j'ai eu l'occasion de visionner jusqu'à présent m'ont paru aller crescendo ; au fur et à mesure que le drama avance, l'intérêt qu'il suscite croît. J'ai aussi eu le sentiment qu'à partir du moment où la série choisit de rester, plus modestement peut-être, à une échelle humaine, en s'arrêtant principalement sur le sort de sa poignée de protagonistes, elle réussit à acquérir une épaisseur autrement plus convaincante que lors de ses reconstitutions trop ambitieuses.

Mais on touche ici à un registre sans doute purement formel. Recréer de grandes batailles où s'affrontent des centaines de soldats implique d'importants moyens techniques. Certes, Comrades s'en sort très honorablement. Mais sa réalisation demeure aussi prudente qu'extrêmement classique. Elle parvient à générer une atmosphère guerrières des plus tendues. Cependant, au milieu des explosions et des échanges de coups de feu, il est également très difficile de ne pas dresser des parallèles, somme toute naturels, avec d'autres productions de guerre récemment visionnées. Je reconnais que c'est sans doute un réflexe injuste et surtout très subjectif. S'il est évident que ce drama n'a pas vocation à essayer de rivaliser avec une série aussi esthétiquement aboutie que The Pacific (pour parler d'exemples encore frais), j'ai quand même fortement ressenti la différence de moyens budgétaires. Cet aspect plus "cheap" ne remet pas du tout en cause la série sur le fond, mais il laisse au téléspectateur une impression un peu nuancée au cours de certains grands chantiers de reconstitution. 

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Toujours sur un plan formel, en digne fiction comémorative, Comrades aime logiquement la symbolique et les jolis effets de style. Quoi de plus survoltant que la pleine exploitation d'une bande-son assez ambitieuse ? L'utilisation de musiques aux accents volontairement épiques s'inscrit dans la tonalité globale de reconstitution recherchée par la série. D'ailleurs certains morceaux sont très beaux. Finalement, même si leurs recours sonnent parfois un brin excessif, on se laisse facilement emporter par le souffle qui traverse alors le drama.

Enfin, du côté du casting, à la manière de la série elle-même, les acteurs s'imposent progressivement derrière les figures des soldats. La tête d'affiche est composé d'un solide trio, comprenant les acteurs Choi Soo Jong (Emperor of the Sea), Lee Tae Ran (The Woman Who Wants to Marry) et l'impeccable Lee Duk Hwa (Empress Chun Choo), en général de l'armée sud-coréenne dont l'expérience au combat impose le respect dans chaque camp. Ils sont épaulés par une galerie de personnages plus secondaires tout aussi importants pour donner le ton de la série et contribuer à sa richesse et à sa diversité. Parmi eux, on retrouve notamment Kim Roe Ha, Hong Kyung In, Im Won Hee, Nam Sung Jin, Ryy San Wook, Lee Seung Hyo, Park Sang Woo, Ahn Yong Joon, Jung Tae Woo ou encore Lee Joo Suk.

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Bilan : Série de guerre nous plongeant au coeur du conflit, aux côtés des combattants, Comrades ne se départit pas pour autant des codes scénaristiques classiques de la télévision sud-coréenne, afin d'exploiter pleinement une dimension humaine lui permettant de relater les petites histoires au sein de la grande Histoire. Si les moyens techniques limitent la portée de certaines des reconstitutions les plus ambitieuses, le drama gagne progressivement en intensité et en épaisseur, à mesure que ses protagonistes s'affirment et que des fils rouges plus personnels apparaissent derrière le vaste tableau de la guerre. Comémorative, Comrades s'attache également à son contexte. Elle dresse le portrait teinté d'amertume d'une nation qui assiste à son implosion, sous la pression conjuguée des convictions politiques internes et des interventions internationales.

Ainsi, en dépit d'une certaine inégalité, suivant les storylines, et d'une homogénéité d'ensemble encore à travailler, les débuts de Comrades entretiennent la curiosité du téléspectateur. Si la série poursuit sur la voie suivie par les trois premiers épisodes qui vont crescendo, le résultat final peut se révéler très intéressant. Sinon, voici quand même un drama atypique qui mérite le détour, sur un sujet historique et contemporain qui mérite à lui-seul une attention toute particulière.


NOTE : 6,75/10


La bande-annonce :


Une chanson de l'OST de la série, avec des photos promos défilant à l'écran :

23/06/2010

(K-Drama) Hometown Legends (2008) : Return of the gumiho (The Tale of the nine-tailed fox)


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Cette semaine, j'ai recherché un peu d'originalité dans mes programmations asiatiques, tant dans le thème que dans le format. Ne souhaitant pas m'engager dans de nouvelles séries "sur le long terme", je me suis ainsi décidée à découvrir plusieurs épisodes de Hometown Legends, diffusée au cours de l'été 2008 sur KBS2 et qui s'est poursuivie, pour une deuxième "saison", l'année dernière.

Ayant un intérêt culturel très intéressant, ce drama se présente sous la forme d'une anthologie mettant en scène de frissonnantes légendes du folklore coréen. Inspirée de contes traditionnels du pays du Matin Calme, on y retrouve pêle-mêle tous les ingrédients classiques et incontournables de l'horreur fantastique : malédictions, fantômes, surnaturel, morts violentes...

Hometown Legends est, pourrait-on dire, une série récurrente à la télévision coréenne, puisqu'elle s'inscrit dans la continuité directe d'une tradition d'anthologies fantastiques que KBS proposa pour la première fois en 1977. La dernière remontait à 1999, avant que KBS ne remette au goût du jour le genre en 2008, en proposant 8 nouveaux récits. Le résultat fut convaincant, ce qui permit à Hometown Legends de revenir ensuite en 2009 pour 10 épisodes.

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Aujourd'hui, plus précisément, je vais vous parler du premier épisode de cette saison 2008. Une histoire que j'ai choisie principalement en raison de son sujet, puisqu'il met en scène le mythe du Gumiho ("nine-tailed fox"), c'est-à-dire, traduit littéralement, le "renard à neuf queues".

La période est d'autant plus propice à parler de cette légende que deux projets de séries reprenant  cette thématique sont actuellement en cours de développement et devraient arriver sur les petits écrans sud-coréens au cours des prochains mois, sur un registre sans doute plus léger que l'incursion historique proposée par Hometown Legends. Tout d'abord KBS devrait lancer Gumiho's revenge (avec en tête d'affiche Han Eun Jung), une série qualifiée de "mélo-drama". Tandis que SBS proposera plus tard dans l'été une série normalement un peu plus légère, écrite par les soeurs Hong, My girlfriend is a gumiho (avec Lee Seung Gi et Shin Mina).

C'était donc le moment où jamais de se pencher un peu plus sur ce mythe. J'étais d'autant plus curieuse de découvrir une autre approche de cette légende que la seule autre fiction que j'avais eu l'occasion de visionner concernant ce thème était le très oubliable Gumiho (Nine-tailed Fox), dont le beau générique ne put occulter la médiocrité d'ensemble (laquelle n'étant pas - uniquement - dû à la triste présence de Kim Tae Hee).

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L'avantage des anthologies est qu'elles offrent la possibilité de sélectionner les histoires qui nous intéressent. Tous les épisodes ne sont pas de qualité équivalente, mais The nine-tailed fox me semble assez représentatif de l'ensemble (même si je n'ai pas tout vu), s'inscrivant dans la lignée de la moyenne globale de cette saison 2008, sans se démarquer.

Commençons par le début, révisons notre culture : que sont donc que les Gumiho ? Ces créatures peuplent les légendes et les contes de Corée. Traditionnellement, elles sont perçues comme maléfiques et dangereuses. Ce qui s'explique sans doute en partie parce que, pour survivre, elles doivent consommer des organes humaines ; certains récits parlent de coeur, d'autres de foie (c'était ce cas dans Nine-tailed fox par exemple). La mythologie se complète, suivant les versions, d'une possibilité de devenir, à terme, humain, ou de changer son apparence. Et se mêle parfois à tout cela une pointe de séduction, quand lesdites Gumiho sont des "renardes".

En résumé, il s'agit donc d'une créature profondément ancrée dans le folklore populaire coréen.

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Hometown Legends se réapproprie de façon assez personnelle cette légende, redistribuant et brouillant les cartes par rapport au traitement traditionnellement manichéen qui est réservé à cette créature, tout en re-écrivant le mythe.

L'histoire se déroule au XIXe siècle, une époque où la Corée s'ouvre et découvre les Occidentaux, une nouvelle ère étant, progressivement, en train de se dessiner. Cependant la rigidité de la société confucéenne demeure encore une constante respectée, notamment par la famille Lee. Il s'agit d'un clan renfermé sur lui-même qui dissimule un secret, une malédiction qui leur a pourtant permis de traverser les siècles et de conserver leur fortune, en dépit des turbulences historiques. Ce secret se transmet à travers les générations à tous les héritiers mâles qui se voient confier la mission de protéger ce qui a fondé le clan. Si jamais tout cela échappait à leur contrôle, cela causerait leur destruction à tous. Lee Hyo Moon, l'aîné des petits-fils du patriarche, se voit ainsi révéler l'ampleur de sa mission, s'interrogeant sur sa moralité.

Mais si le clan survit, en revanche, le sort des filles est moins enviable. En effet, à la puberté, chaque adolescente en laquelle coule le sang des Lee subit un étrange rituel. Ce dernier permet normalement d'identifier sa véritable nature : est-elle bien humaine ? Car il est dit que cette vieille malédiction jetée sur la famille et dont il faut protéger le secret touchera uniquement les filles. Si cette dernière est soupçonnée d'être un Gumiho, elle sera alors rapidement mariée et, envoyée dans sa belle-famille, ne sera plus jamais revue. Lee Myung Ok et sa soeur ont grandi dans la maison familiale. Elles vont bientôt atteindre l'âge fatidique... La curiosité jamais au repos de Myung Ok pourra-t-elle les sauver d'un danger qu'elles ne perçoivent pas ?

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Si le téléspectateur de dramas coréens a souvent coutume de dire qu'il faut savoir patienter et laisser le temps à la série de s'installer, dans Hometown Legends, les scénaristes n'ont pas ce loisir. Finalement, ce format d'anthologie s'avère plutôt bien géré. Similaire à un conte jusque dans sa construction narrative, l'histoire est conduite de manière rythmée, sans se perdre en scènes dilatoires inutiles. Le récit va former un tout convaincant : si la durée entraîne le sacrifice de certains détails qui nous échappent, le téléspectateur ne s'ennuie pas.

Cette dernière se révèle, il faut l'avouer, assez prévisible. Pour autant, les ingrédients fantastiques prennent plutôt bien à l'écran, mêlés qu'ils sont à une touche d'horreur qui n'effraiera pas, mais donnera la tonalité de l'ensemble en générant une atmosphère un peu lourde et inquiétante. L'écriture est simple, sans prétention particulière, mais, en dépit de cette naîveté scénaristique, on se surprend à suivre les développements avec attention et sans arrière-pensée.

Comme souvent devant les anthologies (j'en veux pour preuve mon expérience du visionnage d'Au-delà du Réel dans ma jeunesse), je me suis assez peu impliquée émotionnellement dans cette histoire peuplée de drames et de tueries. Cependant, cet insensibilité ne m'a pas particulièrement gênée (et il s'agit peut-être d'un ressenti très subjectif). J'ai plus perçu l'épisode comme une porte ouverte, une incursion dans le fantastique qui, à la manière d'autres anthologies célèbres du petit écran, met en lumière certains aspects peu reluisants de la nature humaine et dont la conclusion, au goût amer, ne peut pas offrir de satisfaction morale, ni même de réelle happy end.  

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Sur un plan technique, il est évident que Hometown Legends ne dispose pas d'un budget très important, encore moins pour le consacrer à des effets spéciaux. Le fantastique, s'il est donc bien retranscrit, reste très sobre et se contente d'effets un peu cheap. Cela empêche sans doute de pleinement exploiter cette dimension plus inquiétante qu'aurait pu apporter le sujet de l'épisode, cependant le téléspectateur s'adapte sans mal à ses contraintes budgétaires. D'autant que la musique sera, elle, utilisée pour accentuer le caractère angoissant d'un récit qui reste avant tout une fiction de fantastique, assez éloignée de la vraie horreur, et qui se rapprocherait plutôt de nos histoires occidentales de vampires.

Enfin, le casting de l'épisode convient à l'histoire. J'ai beaucoup aimé Park Min Young, qui incarne avec beaucoup de fraîcheur, Myung Ok. A ses côtés, nous retrouvons notamment Kim Ha Eun (croisée dans Chuno / Slave Hunters) et Kim Tae Ho (qui avait un petit rôle récurrent dans Pasta).

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Bilan : Return of the gumiho est une incursion sympathique dans un fantastique teinté de dangers, mais qui ne bascule jamais dans de la véritable horreur. L'écriture est parfois un peu naïve, reste que cela se suit sans déplaisir, finalement à l'image de Hometown Legends dans sa globalité.

Ce que j'apprécie principalement dans cette anthologie, c'est l'opportunité qu'elle nous offre de découvrir et revisiter avec elle les mythes d'une culture qui reste encore trop méconnue du public occidental. Le format a l'avantage de n'exiger aucun engagement particulier, il suffit de sélectionner les histoires qui nous intéressent. Je préviens que certaines seront plus angoissante que la chronique présentée dans ce billet.

Cependant, pour se détendre et se divertir, tout en profitant de l'occasion pour découvrir un peu plus la Corée, cela peut permettre de passer quelques soirées agréables devant son petit écran.


NOTE : 6/10

09/06/2010

(K-Drama / Pilote) Bad Guy : un élégant thriller très sombre


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En ce mercredi asiatique, je vais vous présenter un drama qui tranche avec les différentes déclinaisons de comédies romantiques de ces dernières semaines. Diffusée par SBS les mercredi et jeudi, depuis le 26 mai 2010, Bad Guy devrait compter 20 épisodes. Il s'inscrit dans un autre créneau également très apprécié de la télévision sud-coréenne, celui de la vengeance. Si l'aspect sentimental ne disparaît jamais complètement d'un tel drama, la série se réapproprie également les codes scénaristiques du thriller, distillant un suspense des plus prenants en posant ses intrigues. Comme vous connaissez mon inclinaison naturelle pour ce type de fiction, vous devinez que j'étais très impatiente de découvrir le résultat ; d'autant que la campagne de promotion autour de la série laissait entrevoir d'intéressantes choses, ainsi que des images à l'esthétique soigné.

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Thriller à l'ambiance intrigante, Bad Guy n'en part pas moins sur les bases les plus classiques qui soient à la télévision sud-coréenne, en déclinant la thématique de la vengeance à partir de ressorts très connus. Tous les ingrédients du genre sont là : une famille puissante détenant un Chaebol, des tragédies ayant façonné les personnages dans l'enfance et des comptes à solder de la plus implacable des manières, l'ensemble posant les bases d'une revanche destructrice impitoyable.

La genèse de ces futures tragédies s'est logiquement déroulée très tôt, dans le sang d'un autre drame. Le patriarche de la famille Hong, qui détient le puissant groupe Haeshin, avait eu un enfant hors-mariage. Un fils, qu'il fit recherché par ses hommes. Ces derniers revinrent avec un jeune garçon, Gun Wook, arraché sans ménagement à sa famille et intégré de fait au sein des Hong. Mais après un bref temps d'ajustement, des tests ADN révélèrent que Gun Wook n'était pas ce fils caché. Le vrai Tae Sung Hong fut finalement retrouvé. Il prit alors la place de Gun Wook, tandis que ce dernier était rejeté sans ménagement hors de la maisonnée (au sens propre du terme). Ses vrais parents furent alors appelés pour venir le récupérer. Malheureusement, en arrivant sous un temps apocalyptique, ils eurent un terrible accident de voiture. De ce gâchis orchestré par les puissants dont lui et sa famille ne furent que des victimes collatérales, Gun Wook en aura gardé un ressentiment qui se sera peu à peu changé en une haine profonde envers les Hong, se fortifiant au fil des ans. Devenu adulte, jouant les doublures/cascadeurs devant les caméras cinématographiques, il est désormais décidé à employer tous les moyens pour détruire ce clan.

En parallèle, tournant également autour de cette riche famille, Moon Jae In est conseillère dans le domaine de l'art. Son activité professionnelle l'amène à fréquenter les Hong, et à se lier notamment d'amitié avec la plus jeune fille, Mo Ne, dont la main est déjà promise à un financier bien plus âgé qu'elle. Ambitieuse, Jae In est une pragmatique qui rêve d'accéder à un certain statut social en jetant son dévolu sur de riches héritiers. C'est comme cela qu'elle va croiser la route de Gun Wook.

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Bad Guy nous dévoile progressivement cette situation de départ, en adoptant un choix narratif au final plutôt avisé. En effet, les scénaristes refusent de donner toute l'histoire "clef en main" aux téléspectateurs, comme le choix de la facilité aurait pu le justifier, casant un premier quart d'heure, larmoyant à souhait, qui aurait permis de situer chaque personnage. Au contraire, le drama opte pour une voie plus subtile, et moins directement accessible, en débutant l'histoire dans un présent où les projets de chacun sont déjà à l'oeuvre. Bad Guy nous plonge donc immédiatement, sans explication particulière, dans le quotidien des divers protagonistes, misant sur une ambiance faisant la part belle au mystère et au suspense. Peu à peu, tout va s'assembler sous nos yeux et révéler un toutélié des plus intrigants, nourrissant opportunément la paranoïa du téléspectateur qui se laisse facilement prendre au jeu.

Le procédé de narration est classique, mais s'avère assez opportun en l'espèce : les scénaristes décident d'utiliser le recours aux flash-backs. Ils dévoilent ainsi peu à peu les motivations qui se cachent derrière le tableau des rapports de force prenant progressivement forme sous nos yeux. Certes, cette méthode peut initialement quelque peu déstabiliser, car on a l'impression de prendre en cours de route une intrigue déjà commencée, naviguant tout d'abord à vue et peinant à identifier les vrais enjeux. Une forme de responsabilisation du téléspectateur s'opère : ce dernier doit interpréter et parfois extrapoler sur le sens de certains regards ou de paroles échangés. En ce sens, Bad Guy accroche et nécessite tout de suite toute notre attention, nous encourageant à nous poser des questions. De plus, a posteriori, une fois le visionnage des deux premiers épisodes effectué, la façon dont les pièces du puzzle s'emboîtent progressivement se montre assez efficace, confirmant la curiosité du téléspectateur et permettant d'asseoir l'ambiance assez sombre de la série.

Ainsi, si cette construction narrative nous laisse dans un premier temps plutôt dans l'expectative, elle prouve par la suite tout son bienfondé et laisse entrevoir une certaine maîtrise de leur sujet par les scénaristes, ce qui peut inciter à l'optimisme pour la suite.

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En choisissant de poser d'abord l'ambiance globale du drama, chargée de mystères et de tensions, avant de proposer des explications, Bad Guy réussit à tout d'abord capitaliser sur le ton très sombre, donné dès la première scène, où une jeune femme, manifestement effrayée par quelqu'un dont on ne distingue pas le visage, se retrouve acculée sur le toit d'un immeuble d'où elle glisse. Elle est tuée par sa terrible chute, la police, après enquête, concluant au suicide. Illustration de cette volonté des scénaristes d'interpeler le téléspectateur, lui laissant le soin de faire ses propres déductions par lui-même, ce n'est qu'au cours du deuxième épisode que nous sera révélé qui était cette jeune femme et qu'elle était son lien avec ce qui joue dans le drama.

Ainsi, Bad Guy s'impose tout d'abord par son atmosphère intrigante. Les scénaristes préfèrent dans un premier temps suggérer, avant de consacrer ou expliciter une situation. Le traitement des personnages rejoint un style similaire : ces derniers révèlent peu d'eux-mêmes, laissant aux évènements le soin des les installer. L'exemple le plus flagrant est sans doute la façon dont Gun Wook est présenté. Les scénaristes usent et abusent à son égard du stéréotype du personnage froid/mystérieux/stoïque. Si dans certaines fictions, cela pourrait finir par être très lourd, heureusement, ici, l'acteur principal, Kim Nam Gil, a naturellement une présence forte à l'écran sans avoir à en faire plus.

L'atout de Bad Guy est aussi de réussir à captiver le téléspectateur très rapidement pour le sort de personnages pour la plupart antipathiques aux premiers abords, ou du moins dont les comportements ou les motivations ne sont pas toujours des plus reluisantes, même si tous conservent une part de non-dits et d'ambivalences des plus troublantes. La douce innocence, teintée de naïveté de Mo Ne, ne permet pas d'occulter cette impression que nous nous retrouvons projetés dans une fosse aux lions, où les ambitions et les rancoeurs de chacun dictent leurs attitudes et les conduisent à suivre une philosophie de vie dans laquelle ils sont prêts à (presque?) tout pour parvenir à leurs fins. Pour autant, au-delà de ce premier contact assez sombre qui contribue à donner le ton de la série, il est bien difficile de cataloguer les différents protagonistes. Si chacun a son côté sombre, derrière ce masque, on décèle des personnalités plus complexes que cette image de façade. Les carapaces se brisent d'ailleurs à plusieurs reprises, apportant une dimension plus humaine qui nuance les positions.

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Evoquer l'effort de subtilité des scénaristes ne doit pas cependant masquer les quelques excès dans lequel ils n'hésitent pas à verser à plusieurs reprises. Bad Guy est une série assez noire, forgée sur des tragédies, il est donc logique d'y retrouver une part de mélodrama au travers de quelques scènes déchirantes. S'ils observent tout d'abord une certaine sobriété, aidés par cette volonté de ne pas trop en révéler immédiatement, au cours du second épisode, les scénaristes ne résistent pas toujours à la tentation de trop en faire. La série bascule en effet parfois dans du mélodramatique lacrymale un brin excessif, symbolisé par un passage de flash-back : la mise en scène de la mort des parents de Gun Wook. L'accident est provoqué par le chien adoré du gamin qui laisse échapper la laisse parce qu'il attendait depuis des heures sous la pluie, avec une entaille de 30 cm dans le dos causée par une chute à travers une vitre... Certes, cela explique bien des choses sur son état mental 20 ans après les faits, mais disons que le désir de vengeance aurait parfaitement pu se justifier sans animal domestique, ni accident se déroulant sous les yeux de Gun Wook...

L'autre reproche pouvant peut-être être adressé à ces deux premiers épisodes, mais que le temps va logiquement résoudre, c'est un problème de cohésion, issu de l'impression de suivre deux histoires parallèles à la tonalité assez différente. En effet, d'une part on assiste aux premiers pas vengeurs de Gun Wook et on s'immisce dans la vie de la famille Hong, d'autre part, on suit l'aspirante à un beau mariage, Moon Jae In, dans son propre quotidien. Il y a un certain déséquilibre entre les enjeux et l'importance respective de ces deux storylines qui entraîne des ruptures de rythme au sein des épisodes. Elles se croisent seulement à l'insu des deux protagonistes principaux; et il faut attendre le final de l'épisode 2 pour voir enfin la série devenir un tout, où toutes les intrigues sont réunies. Cette construction-là ne fonctionne donc pas toujours, mais ce problème ne devrait plus se poser à l'avenir.

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Intrigant et prenant sur le fond, Bad Guy se révèle en plus particulièrement classe sur la forme. En effet, ce drama propose dans l'ensemble de belles images, efficacement mises en valeur par une réalisation soignée et agrémentées de quelques jolis plans du plus bel effet. Cela donne au final un bel esthétique d'ensemble qui sert le contenu de la série. La bande-son s'inscrit dans une perspective similaire : Bad Guy propose une belle OST, avec quelques chansons d'ambiance assez mélancolique, parfaites pour capter l'essence du drama, et une musique au piano entraînante qui dynamise considérablement les scènes de clash et dont le téléspectateur est vite fan.

Le casting confirme tout le bien que l'on pouvait en penser sur le papier. Charismatique à souhait, Kim Nam Gil (Queen Seon Duk) réussit parfaitement à imposer à l'écran un personnage principal relativement stoïque. Han Ga In (Witch Amusement) incarne avec une certaine fraîcheur Moon Jae Ni et ses plans de mariage avec héritiers. Du côté de la famille Hong, la fratrie est également bien représentée. La toujours solide Oh Yun Soo (The Queen Returns, Bittersweet Life, Jumong) est la soeur aînée, la méfiante et très intense Tae Ra. Jung So Min joue la douce Mo Ne. Enfin, Kim Jae Wook (Coffee Prince) est l'explosif et versatile Tae Sung.

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Bilan : S'ils ne sont pas dépourvus de quelques maladresses, ces deux premiers épisodes remplissent efficacement leur mission première : aiguiser la curiosité et l'intérêt du téléspectateur, et poser l'ambiance globale de la série. Bad Guy est un thriller sombre et intrigant, où les motivations des personnages gardent une part de mystère et où le protagoniste principal est entouré d'une aura inquiétante qui s'accentue au fil des épisodes. Cette atmosphère froide mais intense captive rapidement l'attention. Prenant sur le fond, Bad Guy séduit également sur la forme, où son esthétique, comme sa bande-son assez inspirée, révèlent un certain standing appréciable.


NOTE : 7/10


La bande-annonce de la série :

02/06/2010

(K-Drama / Pilote) Call of the Country / Secret Agent Miss Oh : clash des extrêmes au sein des forces de l'ordre



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Après le sucré rafraîchissant du mercredi asiatique de la semaine passée, changement de registre aujourd'hui avec de l'énergique, des cascades et des courses-poursuites. En effet, une touche policière se mêle aux ficelles de l'inévitable relationnel pointant entre les différents protagonistes de la nouveauté que je me propose de vous présenter : Call of my country (ou bien Call of the country, voire Secret Agent Miss Oh - que les "décideurs" se mettent d'accord une fois pour toute !). Diffusée sur KBS2 depuis le 10 mai 2010, il s'agit d'une série qui se situe un peu à la croisée des genres et des tonalités, difficile à cataloguer au terme de ces premiers épisodes.

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Présenté initialement comme une comédie romantique, Call of the country est un drama s'intéressant à l'univers des forces de l'ordre. Son héroïne, Oh Ha Na, est une jeune policière en uniforme qui se situe en bas de la hiérarchie. D'un naturel explosif et spontané, elle est une as de la débrouille et n'a pas son pareil pour tenter d'exploiter à son profit les situations scabreuses qui se présentent, quitte à frôler la ligne jaune en ce qui concerne les règles éthiques de sa profession. Elle est d'autant plus encline à faire preuve d'une flexibilité opportune que sa situation n'est guère reluisante. Déjà endettée, elle doit également entretenir sa mère. Or cette dernière n'a pas son pareil pour faire disparaître en jeux d'argent ou produits miracles la moindre somme que sa fille ramène à la maison. Pour couronner le tout, Ha Na fréquente depuis quelques temps un jeune homme ; une relation qu'elle estime suffisamment sérieuse pour prendre elle-même l'initiative d'une demande en mariage, qui échoue de la plus humiliante des manières au cours du pilote. Les soucis s'accumulent donc sur le plan privé pour la jeune femme. Malheureusement, cette spirale contamine également sa vie professionnelle : un concours de circonstances va en effet la propulser dans de nouveaux ennuis inextricables.

Il faut dire que Call of the country n'a pas son pareil, au cours de ses deux premiers épisodes, pour mettre en scène des qui pro quo improbables et se délecter dans des coïncidences dont le doux parfum d'invraisemblance prête gentiment à sourire. Dans la plus pure tradition du genre, la série arrange une rencontre mouvementée entre son héroïne et un autre agent des forces de l'ordre, un responsable d'élite dans une agence de renseignements gouvernementale. Au-delà de l'inévitable clash de départ, qui les place immédiatement en porte-à-faux, il apparaît rapidement que tout les oppose. Perfectionniste et méthodique, Go Jin Hyuk accorde un respect scrupuleux aux règles et fait preuve d'une rigidité à des lieues de la souplesse morale de Ha Na. Leur conception de leur métier ne saurait être plus divergente. Mais le hasard, les plaçant à plusieurs reprises sur la route l'un de l'autre, va les conduire à faire un bout de chemin ensemble. Pour le meilleur... ou bien pour le pire ? 

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En résumé, ces premiers épisodes ne manquent pas de piment, alimentés par les différences de caractère entre les deux protagonistes, même si ces derniers ne font que s'y croiser à quelques reprises, chacun menant sa vie de son côté. Call of the country remplit ainsi une partie du contrat qui lui était assigné : exposer la situation de départ avec un punch et une énergie jamais démentis. En suivant les pas de l'héroïne, la trame narrative s'avère finalement être un mélange de quotidien familial fort compliqué et de vastes enquêtes policières en cours aux ramifications importantes, l'ensemble se rejoignant fatalement, au plus mauvais moment pour Ha Na. La jeune femme n'est évidemment pas au bout de ses peines, jonglant maladroitement entre ses différentes préoccupations, forcée de vivre dans un instantané qui ne lui réussit pas toujours.

Cependant, si le rythme est là, suffisamment accrocheur, le contenu ne suit pas toujours. Certes, l'aspect familial se décline au gré d'une comédie burlesque pas déplaisante à suivre, mais le volet policier s'avère plus difficile à cerner. L'exposé assez brouillon de la grande enquête peine à retenir l'attention du téléspectateur ; et les enjeux demeurent longtemps assez flous, semblant souvent parachutés au gré de l'évolution de l'intrigue.

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Ces flottements narratifs ne sont peut-être que le symptôme d'un mal un plus profond : la difficulté de Call of the country à s'affirmer et à trouver son identité. En effet, au cours de ses deux premiers épisodes, la série opte pour une indécision prudente quant à sa tonalité globale. Elle picore entre les genres, alterne les tons, tente quelques expériences plus ou moins inspirées et, au final, se maintient dans une zone d'incertitude qui met à mal toute tentative de classement du téléspectateur. Si ce caractère un peu flou profite parfois à certaines fictions qui s'en tirent avec des résultats intéressants (cette année, Harvest Villa, par exemple), dans Call of the country, j'ai surtout eu l'impression que cela manquait de finition, un problème que le temps viendra peut-être corriger ultérieurement.

S'il est possible de laisser à la série le temps de gommer ce premier défaut, j'adresserai un second reproche, peut-être plus dommageable, à ce drama : sa difficulté à jouer sur l'affectif du téléspectateur. En effet, on peine à s'impliquer dans le devenir de personnages pour le moment très impersonnels. Si Ha Na parvient, logiquement, à tirer un peu son épingle du jeu, son sens de la débrouillardise ne manquant pas d'interpeller, les autres personnages demeurent trop en retrait. C'est flagrant pour celui qui est sensé incarner son vis-à-vis, Jin Hyuk, dont le côté stoïque et le sens poussé du devoir le rapproche trop d'un froid stéréotype pour que le téléspectateur ait envie de s'investir dans le personnage. Oui, il s'agit seulement un premier contact, mais trop de protagonistes paraissent unidimensionnels et monolithiques. Le petit éclair de folie impulsé par Ha Na ne suffit pas pour transmettre l'étincelle à ceux qui l'entourent.

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En somme, on suit les débuts de Call of the country sans déplaisir, mais sans s'attacher. La réalisation n'offre pas de prise de risque particulière, de facture classique, tout en osant quelques mises en scène de certaines actions fantasmées par l'héroïne qui prêteront à sourire. La principale remarque formelle que je pourrais faire serait adressée aux responsables de la bande-son : ouvrir une série, même sur un autre continent, par une scène au cours de laquelle retentit le thème du générique de X-Files, c'est potentiellement glissant, même en Corée, surtout lorsque la thématique traitée en l'espèce n'a pas grand chose à voir avec la tonalité que cette musique donne à l'échange... (Sauf si l'on admet que l'opacité de l'agence de renseignements menant l'enquête pourrait s'assimiler au FBI.) Bref, si le drama se situe là dans la droite ligne de ses flottements sur le fond, je ne peux que fortement conseiller d'éviter ce type expériences sonores.

Enfin, un peu à l'image du reste de la série, le casting laisse une impression mitigée, surtout pour les deux acteurs principaux. Si Lee Soo Kyung (The Lawyers of the Great Republic Korea, Loving You a Thousand Times) s'en tire avec les honneurs pour incarner cette femme policier qui ne manque pas de cran et de caractère ; en revanche, Kim Sang Kyung (Lawyers, Dae Wang Sejong) se montre pour le moment aussi éteint et peu impliqué que son personnage. Peut-être n'est-ce qu'un reflet de l'écriture du drama, mais il faudra redynamiser ce jeu par la suite. A leur côté, Horan (plus connue pour sa carrière de chanteuse) se chargera d'apporter une touche de triangle amoureux inévitable ; et Ryu Jin (Capital Scandal), une touche de soucis supplémentaires.

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Bilan : Après ses deux premiers épisodes, il est manifeste que Call of the Country cherche encore sa voie, ne parvenant pas à se fixer sur une juste tonalité. Elle alterne entre l'humour de certaines scènes décalées et le sérieux de moments plus tendus, sans homogénéité Elle essaie beaucoup, sans toujours réussir, même si le téléspectateur ressent derrière une réelle volonté de s'affirmer. Pour le moment, je reste un peu dans l'expectative, pas pleinement convaincue par ce début, mais n'écartant pas la possibilité que Call of the Country s'affirme, à mi-chemin entre la série policière et la traditionnelle comédie romantique, dans les prochains épisodes. Il y a un potentiel, pour le moment perdu dans des éléments trop brouillons.


NOTE : 5,5/10


Des bande-annonces :