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24/03/2013

(Pilote AUS) Please Like Me : un Girls au masculin ?

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Pour conclure le week-end, direction l'Australie aujourd'hui ! Depuis le début d'année 2013, son petit écran a proposé, avec plus ou moins d'inspiration, plusieurs nouveautés très différentes. Il y a par exemple eu The Doctor Blake Mysteries, une série policière historique qui pourra plaire aux amateurs (pour plus d'informations, je vous invite à lire la fiche de présentation de Thierry Attard). Côté dramédie policière, le pilote de Mr & Mrs Murder fut beaucoup plus indigeste, je vous propose donc de l'oublier. Restait sur ma liste à tester une série dans laquelle je me suis plongée cette semaine : Please Like Me.

Une comédie, dans les colonnes de ce blog, cela reste une rareté. Mais la télévision australienne récidive pour la deuxième fois en quelques mois puisque A Moody Christmas avait su retenir mon attention l'automne dernier. Please like me est une série qui a débuté le 28 février 2013, sur ABC2, pour une saison de 6 épisodes d'une demi-heure chacun. Il s'agit d'une création de Josh Thomas, un jeune comique australien qui porte ici à l'écran des passages de son spectacle. A noter que la série sera présentée à la fin du mois prochain à Paris lors de la 4e édition du Festival SériesMania (aux côtés de deux autres fictions australiennes : Puberty Blues, une chronique adolescente que je recommande chaudement, et de Redfern Now). 

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Please Like Me nous plonge dans la vie de Josh, laquelle prend, en quelques jours, des tournants pour le moins inattendus à la veille de ses 21 ans. Il y a d'abord sa petite-amie qui rompt avec lui alors qu'ils s'apprêtent à partager une glace hors de prix. Outre le fait qu'ils se soient de plus en plus éloignés l'un de l'autre, elle lui fait également remarquer qu'il est probablement gay. Pour se changer les idées, Josh rend visite à son meilleur ami, Tom, à son travail. L'occasion de rencontrer le nouveau collègue de ce dernier, Geoffrey, un très charmant jeune homme qui ne perd pas de temps pour se faire inviter à l'appartement que partagent en colocation Josh et Tom... puis dans le lit de Josh.

En plus de ces questionnements et errances amoureuses, Josh doit gérer dès le lendemain une autre type de crise, familiale cette fois-ci. Sa mère a fait une overdose de médicaments qui ressemble fort à une tentative de suicide. Or elle vit seule depuis son divorce avec le père de Josh. Le médecin leur conseillant de ne pas la laisser à sa solitude, voilà Josh à devoir envisager de retourner vivre chez sa mère, avec toutes les complications qu'une telle cohabitation peut laisser entrevoir. Dans le même temps, son père n'est pas d'une grande aide : la conscience coupable, il cache sa nouvelle compagne et ne fait qu'un peu plus peser sur le quotidien de son fils. Please Like Me va donc nous relater le quotidien de Josh, et de tous ceux qui gravitent autour du jeune homme.

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Présentée comme un "Girls au masculin" dans le communiqué de presse du Festival SeriesMania (avec toutes les limites de ces exercices de comparaison), Please Like Me installe rapidement une tonalité bien à elle. Son récit adopte un étrange faux rythme qui peut d'abord dérouter. Multipliant les temps de flottement qui viennent rompre la narration, la série privilégie avant tout la mise en scène de quelques instantanés représentatifs du quotidien compliqué de Josh et des bouleversements qu'il connaît. Afin de provoquer ces passages mémorables, les intrigues peuvent ainsi progresser excessivement vite, à l'image de la vie amoureuse du héros. Ce style d'écriture particulier s'affranchit donc de certaines contraintes narratives pour aller à l'essentiel ; pour autant, il n'en reste pas moins fluide et, surtout, ne perd pas le fil comique de la fiction.

L'humour de Please Like Me repose sur des répliques et des réparties les plus directes qui soient, et sur les situations embarassantes que le personnage principal, avec sa récurrente maladresse, provoque ou désamorce avec plus ou moins de tact. Il faut un léger temps d'acclimatation pour rentrer dans cette série. Tout ne fonctionne d'ailleurs pas toujours. Mais, en dépit de quelques passages un peu lourds, cet élan comique qui semble toujours prendre un malin plaisir à s'inscrire à contre-temps fait mouche. Non seulement le téléspectateur sourit, mais surtout, il se surprend rapidement à s'attacher à cet ensemble. Car Please Like Me est une fiction très humaine, où perce, derrière les échanges mis en scène - lesquels résonnent parfois de manière tellement improbable prononcés à haute voix - , une étonnante et touchante justesse. C'est dans ce dernier aspect que réside le précieux et fragile équilibre de cette série.

En tant que figure centrale, autour de qui toute l'histoire tourne, et dont on partage tous les états d'âme, Josh aurait vite pu devenir agaçant. Please Like Me évite pour le moment cet écueil. Les maladresses et les doutes humanisent un personnage qui se situe encore dans cette phase transitoire entre l'irresponsabilité de la jeunesse, parfois infantile, et la prise de conscience de l'entrée dans l'âge adulte. De plus, la série ne vire pas au simple one man show, mais repose sur ses intéractions avec une galerie de protagonistes dont les traits de caractère, bien personnels, ressortent vite, qu'ils soient ordinaires à l'excès ou hauts en couleurs. Ce sont les confrontations, les échanges à rebours et toutes les dynamiques, ou leur flagrante absence, qui sont le ressort du récit. L'équilibre empreint d'humanité de Please Like Me tient d'ailleurs à son diffus mélange des tonalités : la série aborde aussi un versant plus sombre, dramatique, notamment avec la dépression de la mère de Josh, prouvant qu'elle est bien le récit d'une vie, sous tous ses aspects, et non une simple comédie relationnelle.

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Sur la forme, peu de choses à signaler sur Please Like Me qui reste une fiction calibrée et assez sobre. La photographie est maîtrisée et cohérente : à l'éclat excessif de certains passages - comme la scène d'ouverture de rupture au soleil - succèdera par exemple le grisâtre terne de l'hôpital où Josh rendra visite à sa mère. La série use une sorte de mini-générique changeant chaque épisode qui met en scène son personnage principal dans une activité du quotidien.

Enfin, côté casting, Please Like Me est centrée sur Josh, interprété par Josh Thomas. Ce n'est pas un acteur de formation et il n'a pas non plus de véritable expérience en la matière, mais, logiquement, il est tout simplement ce personnage, qu'il joue avec le naturel qui convient. A ses côtés, on retrouve un casting qui ne dépareille pas et se met au diapason : on croise notamment Thomas Ward, Caitlin Stasey, Debra Lawrance, David Roberts, Judi Farr, Wade Briggs, Andrew S. Gilbert, Nikita Leigh-Pritchard et Renee Lim.

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Bilan : Construite à dessein sur un faux rythme, Please Like Me va à l'essentiel au cours de ces premiers épisodes. Elle trouve son ton, détonnant mélange d'authenticité et de décalages. Son humour repose sur quelques confus instants de flottement et des élans spontanés plus ou moins maladroits de ses personnages. Si son écriture n'évite pas quelques excès, il émane d'elle une humanité, ainsi qu'une forme de sincérité, qui touchent le téléspectateur et qui rendent l'ensemble attachant. Le téléspectateur français ne connaissant a priori pas Josh Thomas, cela permet de découvrir la série sans préconception. Une intéressante comédie, donc, qui a aussi pour elle d'être brève. A surveiller si elle préserve son équilbre jusqu'au bout.


NOTE : 7/10


Une bande-annonce de la série :

11/11/2012

(Pilote AUS) A Moody Christmas : la réunion familiale rituelle de Noël, une épreuve entre imprévus, chaos et célébrations


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En ce dimanche trop automnal, morose et pluvieux, si on se tournait déjà vers ce qui nous attend dans quelques semaines ? Vous m'objecterez que nous avons encore un peu de temps avant d'envisager les fêtes de fin d'année, mais ABC1 a décidé de prendre les devants. La chaîne propose en effet aux Australiens de s'y préparer psychologiquement grâce à une nouvelle série qu'elle a lancée le 31 octobre dernier : A Moody Christmas.

Créée par Trent O'Donnell et Phil Lloyd, cette comédie teintée d'amertume, programmée pour six épisodes d'une demi-heure, a l'art et la manière de capturer le chaos ambiant qui accompagne nombre des réunions familiales occasionnées par cette période de l'année. Ayant su passer au travers mon allergie aux comédies grâce à sa tonalité nuancée (jurisprudence Rev), elle est ma découverte - surprise - positive de la semaine (un grand merci à Toeman et LadyTeruki pour m'avoir convaincue de tenter l'expérience).

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A Moody Christmas se propose de nous faire vivre six Noëls consécutifs au sein de la famille Moody, chaque épisode relatant une nouvelle réunion familiale annuelle, permise par les fêtes, sur six années. Le personnage principal que nous suivons est Dan Moody, trentenaire vivant à Londres, qui traverse le globe une fois par an pour retrouver une famille, certes attachante à ses heures, mais aussi excentrique et dysfonctionnelle, dont les réunions font souvent des étincelles. Il retrouve ainsi un frère irresponsable inconséquent évoluant dans son monde, une soeur centrée sur elle-même, un oncle original ou encore un cousin bien sur lui dont la compagne ne laisse pas Dan indifférent. Chaque Noël se révèle donc éprouvant pour ce dernier, mettant ses nerfs à rude épreuve. Le ton est d'ailleurs donné dès le départ, avant même que les célébrations ne commencent : Dan n'est pas fait pour être heureux à Noël, sa petite-amie rompant avec lui à l'aéroport même alors qu'ils allaient embarquer pour l'Australie...

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A Moody Christmas est une de ces séries qui sait habilement jouer sur les nuances et le mélange des tonalités. Loin du simple divertissement léger cherchant l'hilarité pour l'hilarité, la série propose au contraire une comédie douce-amère et humaine qui s'attache avant tout à dresser un portrait de famille, avec sa dose de dysfonctionnements. C'est un tableau entier, incluant la part d'abrasivité et de flottements - de malaise même - inhérente à de telles retrouvailles. Le rire est bien là, au détour de plusieurs scènes, mais il s'insère naturellement dans le récit, découlant de la manière dont l'écriture crée des décalages et des contrastes entre l'observateur extérieur dépité par les situations (Dan, et à travers lui, le téléspectateur) et les engrenages hors de contrôle d'évènements ou de réactions dans son entourage. Ne reniant jamais l'absurde de certaines chutes, s'amusant des véritables running gags que constituent certains comportements, la série installe un ton bien à elle, décalé et rythmé, très plaisant à suivre.

Le format suivi est en soi une expérience narrative avec du potentiel. La discontinuité, provoquée par le fait qu'on se retrouve, à chaque fois, parachuté dans une famille qui a continué à vivre pendant une année, n'est pas préjudiciable. Ce parti pris est d'ailleurs exploité pour renforcer l'impression d'assister à une suite d'instantanés qui ne requièrent aucune réelle introduction. Le temps d'exposition est volontairement réduit au minimum durant le pilote ; et la série se permet même de laisser l'imagination/déduction du téléspectateur remplir certains blancs non explicités. Pourtant, le portrait brouillon ainsi dressé nous parle immédiatement. A Moody Christmas a le mérite de savoir forcer les traits et embrasser la caricature, tout en demeurant proche, confusant familière malgré tous ces excès propres à la fiction. Les étiquettes sont spontanément apposées sans besoin de s'étendre : il y a le cousin trop bien sur lui qui rend vaguement jaloux, l'oncle excentrique, le père jamais satisfait, la soeur centre du monde, etc... autant de caractérisations sur lesquelles les dynamiques de la série vont ensuite facilement se construire.

Si A Moody Christmas nous raconte les journées de Noël du point de vue quelque peu en retrait et désabusé de Dan, happé malgré lui dans le chaos ambiant, elle n'en reste pas moins une vraie fiction chorale qui fonctionne avant tout par et grâce à son collectif. En effet, ce sont les scènes de groupe, comme les repas, lorsque chacun essaie de maintenir l'illusion d'un ordonnancement policé qui s'effrite soudain, qui sont les plus savoureuses. A contrario, dès que la série essaie de creuser un peu plus l'histoire personnelle de Dan, tel son flirt avec l'amie de son cousin, elle sonne plus convenue et calibrée. Ce qui fait l'attrait de A Moody Christmas est la photographie familiale d'ensemble dépeinte, dotée de cet équilibre étrange, riche en paradoxes et tout simplement humain. On pardonne même aux scénaristes de donner l'impression de se laisser parfois dépasser par la vitalité de leur oeuvre : ce relatif manque de maîtrise a presque un parfum d'authenticité. 

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Sur la forme, on retiendra surtout une photographie aux couleurs claires, représentant bien l'ambiance ensoleillée, quasi-caniculaire, qui accompagne Noël dans l'hémisphère sud. A Moody Christmas a donc une atmosphère toute Australienne ; et c'est d'ailleurs sans doute la première chose que retient un téléspectateur européen qui visualise plutôt des fêtes de fin d'année que l'on passe en regardant tomber un épais manteau blanc de neige, plutôt qu'en discutant de la nécessité de construire une piscine pour rafraîchir dans la perspective de l'an prochain. Pour le reste, peu de particularité si ce n'est une volonté de proposer une réalisation proche de ses protagonistes.

Côté casting, A Moody Christmas présente un ensemble correct. La série parvient bien à opposer et à marquer le contraste attendu entre la rationalité distante et posée de Ian Meadows, point d'ancrage du téléspectateur et interprète de Dan, et les caractéristiques vaguement excentriques ou vite exaspérantes pour le mieux de son entourage familial. Compose notamment ce dernier, Patrick Brammall, Danny Adcock, Tina Bursill, Darren Gilshenan ou encore Rachel Gordon. La petite amie de son cousin à laquelle Dan n'est pas insensible est, elle, jouée par Jane Harber.

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Bilan : Sorte de dramédie douce-amère, excentrique dans son versant comédie, plus désabusée lorsqu'elle touche à des thèmes de la vie du quotidien, A Moody Christmas s'annonce comme une suite de six instantanés aussi chaotiques que colorés pour nous faire vivre Noël dans la famille Moody. Avec un personnage central, repère stable et rationnel auprès duquel on s'investit facilement, la série croque toute une suite de portraits et de situations qui sonnent à la fois familières et improbables/inadéquates. Sans rechercher le rire à tout prix, elle trouve le juste équilibre et la nuance qu'il convient dans sa tonalité pour s'assurer de la fidélité du téléspectateur. Reste aux scénaristes à maîtriser un peu mieux le chaos ambiant qu'ils génèrent. A surveiller.


NOTE : 7/10


La bande-annonce de la série :

04/11/2012

(Pilote AUS) Redfern Now : tranches de vie contemporaines d'aborigènes à Sidney

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Ce dimanche est l'occasion de repartir en Australie, où My Télé is Rich! ne s'était plus arrêté depuis quelque temps déjà. Je continue pourtant de suivre ce petit écran avec intérêt : le bilan de Puberty Blues attend que je finisse de le rédiger ; la saison 2 de ce legal drama bien à part qu'est Rake est arrivée avec l'automne... Et c'est une nouveauté plus récente qui va être l'objet du billet du jour : Redfern Now a débuté ce jeudi soir 1er novembre 2012 sur ABC1, y rassemblant une audience honorable.

Deux raisons expliquaient que cette série figurait parmi mes grandes attentes du mois. D'une part, son sujet - s'intéresser à la communauté aborigène - avait automatiquement aiguisé ma curiosité. D'autre part, il y avait aussi le fait que ABC1 ait associé aux scénaristes locaux du projet le britannique Jimmy McGovern, figure familière des amateurs du petit écran britannique dont le nom reste associé à Cracker, sans oublier The Lakes et plus récemment The Street - et dont la dernière série anglaise en date est Accused). L'approche et le style de Redfern Now apparaissent d'ailleurs dès ce premier épisode assez caractéristiques, se rapprochant de The Street.

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Se déroulant à Sidney, Redfern Now adopte le format d'une anthologie, au sens où chacun de ses six épisodes va proposer de suivre un individu différent et une histoire indépendante. C'est à la communauté aborigène, vivant actuellement dans le quartier de Redfern, qu'elle s'intéresse. Chaque récit est une tranche de vie qui débute par une décision ou un changement dans la situation du protagoniste principal, pour narrer ensuite les effets et les conséquences de ce choix sur lui, son entourage et plus généralement son quotidien. Les thèmes abordés s'annoncent variés, avec des personnages, tous aborigènes, très différents : un policier idéaliste dont une arrestation conduit à la mort du détenu, un repris de justice qui revient après avoir purgé sa peine ou encore un adolescent qui refuse de chanter l'hymne national à l'école.

Dans ce premier épisode, intitulé "Family" et écrit par Danielle Maclean, nous suivons Grace, une mère de famille dynamique épuisée par une famille proche dont les membres semblent tenir pour acquis tout ce qu'elle fait pour eux. Ses deux enfants, capricieux et trop gâtés, ont pris modèle sur un père passif. Alors qu'ils s'apprêtent à partir en vacances, le téléphone de la maison sonne : Grace répond et a au bout du fil un de ses neveux, terrifié par sa mère qui n'a pas pris ses médicaments et est en pleine crise irrationnelle. Grace prend alors les choses en main, appelant les secours pour sa soeur et récupérant avec elle son neveu et sa nièce. Il ne lui reste ensuite plus que quelques heures afin de trouver un foyer provisoire pour ces deux enfants et sauver ses projets de vacances. Mais les membres de sa famille, proche comme élargie, ont tous leur vie, et elle se heurte à plus d'une porte close...

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L'ambition de Redfern Now est de proposer des instantanés issus d'un quotidien ordinaire, profitant d'un évènement qui bouscule cette routine, pour ensuite se servir de cet angle particulier afin d'explorer l'ensemble des dynamiques humaines et relationnelles au sein desquelles évolue et intéragit son protagoniste principal. Le style se veut volontairement direct, parfois abrasif dans les portraits et réactions dépeints, mais toujours très humain. L'écriture adopte une retenue et une sobriété qui soulignent sa recherche d'authenticité. Véritable human drama chroniquant ce moment où l'ordinaire échappe à ses personnages, la série choisit de mettre en lumière la communauté aborigène. Cependant les thèmes abordés n'en demeurent pas moins universels : c'est une fiction qui entend traiter de thématiques qui parlent à tout un chacun, et s'adresse à l'ensemble du public australien tout en plaçant, pour une fois, sur le devant de la scène des Aborigènes.

Dans cette optique, le premier épisode - qui n'était pas forcément sur le papier le synopsis dont j'attendais le plus parmi les six - est prometteur. Son histoire est simple, avec une construction narrative fluide et linéaire. Il s'en dégage pourtant une intensité émotionnelle et une solidité d'ensemble appréciables. La scénariste sait mettre à profit ce bref récit pour esquisser la complexité et l'ambivalence d'une dynamique familiale particulière, celle qui entoure Grace. D'une part, elle permet de mesurer l'ambiguïté des rapports entre frères et soeurs (et la place des belles-familles, en l'occurence ici surtout des maris), soulignant les limites d'une solidarité pourtant légitime. D'autre part, la mise en parallèle de la frustration de Grace face à son propre foyer par rapport à la solidité des liens unissant sa soeur à ses deux enfants (en dépit de ce que son état leur fait subir comme épreuve) offre un contraste qui interpelle. La brièveté de l'épisode (une cinquantaine de minutes) explique que le dénouement qui suit la remise en cause initiée par Grace puisse paraître assez facile. Cependant l'ensemble a le mérite de sonner juste et simple ; la capacité du récit à impliquer le téléspectateur achève de convaincre de revenir la semaine suivante.

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Sur la forme, Redfern Now est une oeuvre visuellement maîtrisée et soignée. La réalisation préserve bien l'authenticité recherchée dans l'écriture, tout en proposant des plans travaillés. En réalité, le téléspectateur tombe sous le charme de l'esthétique de la série dès sa première minute avec son générique d'ouverture : qu'il s'agisse de la chanson qui le rythme, ou des images, scènes de vie capturées au ralenti, il donne superbement le ton et nous immerge instantanément dans le récit. Une belle réussite à laquelle vous pouvez jeter un oeil ci-dessous (1ère vidéo).

Quant au casting, le format d'anthologie de Redfern Now explique que les acteurs changent à chaque épisode. On croise cependant quelques valeurs sûres. Dans le premier épisode, Grace est superbement interprétée par Leah Purcell, qui trouve dans cette figure de femme forte mais aussi poignante un rôle où elle peut pleinement s'exprimer : l'intensité de sa performance n'est pas étrangère à la force de l'histoire relatée. On croise également à ses côtés Alec Doomadgee, Alec Doomadgee, Shareena Clanton et Val Weldon. La suite de la série sera l'occasion de suivre Dean Daley-Jones, Deborah Mailman, Jimi Bani, Kelton Pell, Miranda Tapsell, Rhimi Johnson Page, Shari Sebbens, Tessa Rose, Wayne Blair ou encore Johnny Lever.

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Bilan : Suivant le format d'une anthologie pour mettre sur le devant de la scène la communauté aborigène, chaque épisode de Redfern Now apparaît comme un instantané issu du quotidien soudainement troublé et remis en cause de gens ordinaires. Bénéficiant d'une écriture assurée, la série mise sur une sobriété et une authenticité d'écriture lui permettant d'entreprendre l'exploration de multiples thématiques actuelles, en s'intéressant tout particulièrement aux rapports humains et à la charge émotionnelle qui les accompagne. Avec son casting convaincant apportant une force supplémentaire au récit, ce premier épisode est une première pierre dans un tableau plus vaste de société que l'ensemble pourra dépeindre si la suite poursuit sur cette voie. A surveiller !


NOTE : 7,5/10


Le générique de la série :


La bande-annonce de la série :

20/05/2012

(Pilote AUS) Bikie Wars - Brothers in Arms : l'histoire d'une rivalité conclue dans le sang

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L'Australie et les histoires de gangsters, c'est devenu toute une tradition dans l'univers des séries télévisées. En début d'année, ABC1 tentait avec The Straits une approche originale (peu récompensée côté audiences), mais ce printemps, c'est Channel 10 qui revient, elle, aux fondamentaux en puisant dans l'histoire criminelle australienne pour exhumer un fait divers sur lequel construire une série. Cela ne surprendra pas si on précise que la boîte de production de Bikie Wars est Screentime, à qui l'on doit, justement, la célèbre franchise Underbelly, représentante la plus aboutie de ce genre dans le petit écran australien.

Bikie Wars : Brothers in Arms a débuté mardi dernier sur Channel 10. Elle sera composée de 6 épisodes et a très bien démarré côté audiences, dominant sa case horaire en rassemblant 1,261 millions de téléspectateurs devant leur petit écran. L'inspiration d'un fait réel est indéniablement un atout, mais si ce pilote a pu séduire les Australiens, je vous avoue qu'il m'a laissé assez mitigée. Le trailer m'avait intrigué, l'épisode m'a plutôt rappelé certains des problèmes que j'ai avec la franchise Underbelly...

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Si ,à la lecture du projet, certains avaient pu faire des parallèles avec l'américaine Sons of Anarchy, c'est parce que Bikie Wars nous plonge dans le milieu des bikers. Cependant, l'approche est ici différente car la série va nous raconter le sort de deux bandes rivales, les Comancheros et les Bandidos (un groupe qui a fait scission avec les premiers), et la montée des tensions jusqu'à leur fatal apogée. L'engrenage va en effet conduire, le 2 septembre 1984, au massacre de Milperra, au cours duquel, dans un bref affrontement, sept personnes trouveront la mort et 28 autres seront blessées.

Dans ce pilote, Bikie Wars nous introduit dans le club des Commancheros encore uni, à travers Snoddy, un ancien militaire qui est recruté par leur leader, Jock Ross. Ce dernier a certaines ambitions pour leur groupe. Pour les mener à bien, il recherche de nouveaux bikers, si possibles solides et n'ayant pas peur de se battre. Si nous assistons aux premières explosions de violence, ce sont les tensions à l'intérieur du club dont il va falloir prendre garde.

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Le premier aspect sur lequel Bikie Wars retenait l'attention, c'était par sa volonté de mettre en scène le milieu des bikers dans la fin des années 70 et le début des années 80, avec ses codes et sa culture. A l'image de Snoddy, on y trouve notamment des anciens militaires peinant à retrouver la vie civile. En jouant un rôle d'exposition, l'épisode nous permet de suivre la découverte du club par ce nouveau membre. L'approche est cependant très superficielle, sonnant souvent convenue et cédant à tous les clichés du genre dont elle finit par abuser : motos, alcool et sexe tournent ainsi en boucle à l'écran. Sauf rares passages, le pilote ne prend jamais le temps de vraiment s'intéresser aux dynamiques particulières de ce groupe. Cette présentation, bénéficiant d'un rythme de narration efficace, se laisse suivre, mais, si l'on ne s'ennuie pas, on regrette le manque de souffle, mais aussi de profondeur du récit.

En effet le pilote de Bikie Wars ne fait pas vraiment d'effort pour introduire les enjeux de l'histoire, se présentant plutôt comme une promesse d'explosion à venir. Pourtant, la série est légitiment attendue sur sa dimension tragique : non seulement elle relate une confrontation entre bikers issus d'un même club qui se terminera en drame national, mais il s'agit d'évènements réels qui ont marqué la mémoire australienne. Or ce pilote, tout à sa certitude que le fait divers trouvera un écho particulier auprès du public, semble tenir pour acquis que la force de son concept seule maintiendra la fidélité du téléspectateur. En ce sens, il n'a sans doute pas complètement tort : pour peu que l'on ait visionné la bande-annonce (ou qu'on soit australien, j'imagine), on a en effet envie d'assister au glissement vers la rivalité. Mais ce manque d'ambition initial, se reposant trop sur ce qui est à venir sans donner de garanties qualitatives, est une entrée en matière décevante. 

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L'impression de manque de relief du fond est accentué par certains choix formels. Si la réalisation est correcte, avec quelques plans extérieurs qui jouent bien sur les attraits du monde des bikers - notamment une scène "sur la route" entre Snoddy et Lee, le principal problème vient d'une bande-son omniprésente et envahissante. Le choix d'enchaîner les chansons rock pouvait sur le papier paraître pertinent pour poser l'ambiance des clubs d'alors, mais la musique est sur-utilisée et perd vite tout attrait : elle transforme l'épisode en grand clip, où les images typiques du milieu s'enchaînent en arrière-plan. Cela renforce l'impression que Bikie Wars a dans ce pilote assez peu de choses à dire.

Enfin, Bikie Wars bénéficie d'un casting volontaire qui doit faire avec des dialogues qui manquent de naturel. Parmi les deux acteurs principaux, Callan Mulvey (éternel Drazic de mon adolescence dans Hartley Coeur à vif, Rush) qui interprète Snoddy, nouveau recruté, s'en sort pour l'instant un peu mieux que Matthew Nable (East West 101), qui le prend sous son aile, devenant en quelque sorte son mentor. En love interest, le premier n'est pas insensible aux charmes de Maeve Dermody, tandis que le second est marié avec le personnage joué par Susie Porter (East West 101). A leurs côtés, on retrouve quelques têtes familière du petit écran comme Anthony Hayes (The Slap), Richard Cawthorne, Luke Ford, Todd Lasance (Crownies) ou encore, à venir plus tard dans la série, Aaron Fa'aoso (East West 101, The Straits).

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Bilan : A partir d'un sujet intéressant, avec le récit d'une rivalité aux accents tragiques, Bikie Wars s'ouvre sur un pilote manquant de consistance. En essayant de poser l'atmosphère de ce milieu des bikers, l'épisode cède à la facilité et à tous les clichés du genre, avec des scènes qui se transforment trop souvent en clip musical. Cette écriture trop superficielle pèse aussi sur des personnages qui peinent à prendre de l'ampleur. En somme, une introduction décevante, même si le concept et les évènements à venir demeurent une promesse intriguante qui peut permettre de dépasser ce début poussif.


NOTE : 5,75/10


Le générique de la série :


La bande-annonce :

16/04/2012

(AUS) East West 101, saison 1 : plus qu'une série policière, une exploration multiculturelle

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En créant une case dédiée aux séries le jeudi soir, Arte a fait depuis le début de l'année de très intéressants choix, l'occasion de rendre accessible gratuitement à un public francophone une production internationale diversifiée, ouvrant de nouveaux horizons aux sériephiles. Cette semaine, nous sommes même doublement gâtés puisque vendredi soir (et le suivant), la chaîne franco-allemande diffuse celle qui a été une des plus marquantes (et ma préférée) mini-séries britanniques de 2011 : The Promise (Le Serment). Elle a déjà été diffusée sur Canal+, mais pour ceux qui ne l'auraient pas encore vue : n'hésitez pas ! En attendant, ce jeudi commencera la diffusion de la première saison d'une autre série sur laquelle je veux m'arrêter aujourd'hui : East West 101.

Créée par Steven Knapman et Kris Wyld (deux habitués des séries policières se déroulant à Sidney, également à l'origine de Wildside et de White Collar Blue), cette série a débuté sur SBS One en décembre 2007. Elle compte trois saisons, dont la dernière date du printemps 2011. Si cette première saison fut diffusée de manière confidentielle, elle n'en a pas moins obtenu une vraie reconnaissance de la part des critiques, remportant de nombreuses récompenses. En effet, plus qu'une simple série policière, East West 101 est une série à la résonnance particulièrement actuelle grâce à son thème central, le multiculturalisme. Pour bien comprendre le parti pris narratif, il est sans doute aussi nécessaire d'insister sur sa chaîne de diffusion, SBS : cette chaîne publique a justement pour mission de refléter le mélange des cultures et le multilinguisme au sein de la société australienne. Une tâche dont East West 101 s'acquitte avec brio.

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East West 101 met en scène le quotidien d'une unité spécialisée dans les major crimes au sein de la police métropolitaine de Sidney. Dans cette équipe, la série s'intéresse plus particulièrement à Zane Malik, jeune détective consciencieux et ambitieux. C'est un drame personnel qui a conduit ce fils de réfugiés irakiens, père de famille et pieux musulman, dans les forces de l'ordre. En effet, alors qu'il n'était qu'un jeune adolescent, le commerce de son père fut victime d'un braquage. Tenant alors la caisse, Zane avait refusé d'obtempérer avec le criminel qui le menaçait pourtant de son arme ; son père intervint et fut grièvement blessé à la tête. L'auteur des faits n'a jamais été retrouvé, mais si le père de Zane survécut, il ne s'en remit pas, restant handicapé. En brisant l'équilibre familial d'alors, cet évènement a été déterminant dans la vie de Zane : le désormais policier n'a jamais tourné la page, se promettant de retrouver un jour le coupable.

C'est aux côtés de cet officier qu'East West 101 entreprend de nous immerger dans une Australie, terre d'asile et d'immigration. Dans un contexte post-11 septembre, difficile pour les communautés arabes du pays, où être musulman déclenche bien des préjugés et hostilités qui sont tenaces, Zane Malik s'efforce de concilier sa vie familiale, son appartenance à une communauté culturelle et religieuse, et sa carrière au sein d'une police dans laquelle il se heurte parfois aux mêmes difficultés et tensions. Outre les récits d'enquêtes qui conduisent les policiers à découvrir différentes communautés, c'est vers un affrontement plus personnel que s'oriente cette saison 1 de East West 101. Elle va en effet nous faire assister à la dégradation des rapports entre Zane et son supérieur direct, Ray Crowley. Ce dernier, représentant d'un tout autre milieu social, doit, au-delà de ses préconceptions contre la minorité à laquelle appartient Zane, faire face à un difficile drame familial.

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Chronique du quotidien de violences et de crimes auquel est confrontée une unité de police spécialisée de Sidney, East West 101 est tout d'abord une solide série policière qui entend nous placer au plus près de la réalité des quartiers multi-ethniques de la ville. Privilégiant une approche locale, elle va ainsi s'efforcer de prendre véritablement le pouls d'une société australienne représentée ici dans toute sa diversité. Ce parti pris narratif se perçoit jusque dans le titre de la série, lequel contient une double référence à plusieurs antagonismes que les scénaristes souhaitent explorer : d'une part, on peut y voir une mise en lumière du choc culturel entre l'Ouest (l'Occident) et l'Est (le Moyen-Orient), d'autre part, c'est une référence plus australienne, celle de la répartition des classes sociales dans les grandes villes du pays (et notamment Sidney), les banlieues Est accueillant majoritairement des habitants plus aisés d'origine anglo-saxonne, tandis que dans les quartiers Ouest, se retrouve une population plus précaire, issue de l'immigration récente (le E101 étant le formulaire pour venir travailler en Australie). Autre signe révélateur de cette recherche de réalisme, le personnage central de Zane Malik est directement inspiré d'un policier australien d'origine égyptienne, Hany Elbatoory, vers lequel les scénaristes furent orientés au début de leur projet.

Cette préoccupation d'avoir une résonnance authentique va être une des grandes forces de East West 101. Non seulement cela lui permet de proposer un portrait diversifié et complexe de la société australienne, reflétant sans l'édulcorer la multiplicité d'origines et de cultures que l'on y croise, mais elle va en plus se démarquer de la simple (aussi efficace soit-elle) fiction policière. En effet, la thématique centrale autour de laquelle le récit s'organise est celle du multiculturalisme. C'est tout l'enjeu et les difficultés représentés par la conciliation, voire la confrontation, de cette diversité qui est au coeur de la série, transcendant toutes les histoires mises en scène, suivant un double niveau de lecture qui densifie considérablement chaque épisode. Ce multiculturalisme se décline tout d'abord dans les affaires à élucider, ces dernières amenant les policiers à s'intéresser à différentes minorités/communautés (aborigène, arabe, serbo-bosniaque, vietnamienne...). Mais en plus, cette problématique se retrouve au sein même de la police, où l'on croise cette même diversité (ne se cantonnant donc pas au seul personnage de Zane Malik).

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S'il arrive à East West 101 de céder à certains raccourcis ou stéréotypes, la richesse des thèmes traités et l'évidente ambition de départ, portée par une écriture rythmée et tendue, font d'elle une des plus intéressantes séries policières de ces dernières années. Non seulement elle sait faire preuve de justesse dans le traitement de ces sujets très sensibles, mais surtout, en filigrane, s'esquisse une tentative de poser des bases de compréhension réciproque. Récit de cohabitation, de nécessaire ouverture sur l'autre, elle met en lumière les différences, mais aussi les valeurs partagées, par tous ces individus aux origines diverses mais qui, notamment au sein de la police, tendent vers un même objectif. En nous plongeant dans un melting-pot culturel, religieux et linguistique d'une densité fascinante, la série distille avec retenue et subtilité un message de tolérance. Et si parfois les oppositions peuvent paraître manichéennes, elle réussit régulièrement à s'en émanciper pour être capable de rester fidèle à cette idée d'un portrait de société nuancé par la multiplicité des points de vue proposés.

Dans cette optique, le pilote, très didactique, est parfaitement représentatif des enjeux immédiats soulevés par la série, faisant preuve d'une efficacité aussi poignante que remarquable. Toute la saison ne va pas se réduire à des incursions policières au sein de la communauté arabo-musulmane, mais pour un premier épisode, East West 101 choisit habilement d'entremêler ses deux fils narratifs principaux, c'est-à-dire ce qui se joue au sein de la police et l'affaire du jour, particulièrement sensible dans ce cas : la mort d'un policier, abattu alors qu'il poursuivait deux braqueurs, dont la seule description est leur "apparence moyen-orientale". Zane se retrouve logiquement dans une position difficile, à la jonction des tensions dans un quartier se retrouvant soudain sous la pression d'une police décidée à réagir vite et à ne pas laisser impuni un tel crime. L'officier tentera d'exploiter jusqu'au bout son statut particulier, passerelle fragile entre ces deux sphères, pour démêler la vérité au milieu des conclusions hâtives qui ont pu être dressées. La méfiance réciproque et les préconceptions de part et d'autre auront cependant lancé un engrenage létal bien difficile à enrayer. 

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Outre cette double dimension policière et multiculturelle qui fait la force de East West 101, cette série n'en néglige pas non plus un registre plus humain. Si les enquêtes rythment les épisodes, ce sont les personnages qui sont véritablement l'âme du récit. Les protagonistes secondaires ne sont pas négligés. Il faut souligner combien les individualités croisées au cours des enquêtes sont souvent bien caractérisées. Appliquant le même savoir-faire que pour son approche du multiculturalisme, l'écriture sonne toujours très authentique. La série sait faire preuve de nuances pour réfléchir sur les statuts parfois mêlés de victime et de criminel. Elle montre aussi de l'empathie à l'égard de ceux qui ont franchi la frontière de la légalité, et commis l'irréparable. A ce titre, le cinquième épisode (évoquant le conflit en ex-Yougoslavie) est sans aucun doute le plus marquant émotionnellement.

De plus, c'est un fil rouge personnel qui fait le lien entre toute la saison. Ces six premiers épisodes de East West 101 sont en effet construits vers une confrontation entre Zane Malik et son supérieur direct, Crowley. Initialement, leur opposition semble se réduire au racisme du second, se traduisant par des remarques désobligeantes. Mais très vite, des préoccupations plus intimes viennent se mêler à leur vie professionnelle. Pour Zane, c'est l'histoire de ce braquage ayant brisé son père qui resurgit : va-t-il enfin avoir l'occasion de clôturer l'enquête, alors qu'il découvre de nouveaux éléments permettant de la faire progresser ? Pour Crowley, c'est un deuil douloureux qui le touche et le précipite sur une pente autodestructrice. L'inimité des deux hommes se double d'une incompréhension flagrante. Pour autant, si la série perd ici parfois un peu de la subtilité qui fait sa force dans ses autres storylines, elle se construit un arc narratif intéressant que sa conclusion légitimise.

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Sur la forme, East West 101 n'hésite pas à se montrer entreprenante, s'efforçant de transmettre par les images la violence et les tensions qui parcourent ses histoires. Pour y parvenir, la tâche a été confiée à l'expérimenté Peter Andrikidis, un réalisateur bien connu et reconnu du petit écran australien qui a notamment participé lui-aussi à Wildside. Il fait le choix d'une mise en scène très nerveuse et énergique, avec un style caméra à l'épaule volontairement abrasif. Si ces mouvements de caméra sont parfois accentués à l'excès, dans l'ensemble, le parti pris visuel apparaît globalement maîtrisé, et justifié par l'ambiance général. Par ailleurs, la série bénéficie d'une bande-son, confiée à Guy Cross, qui reflète à merveille cette thématique centrale multiculturelle, entremêlant les influences musicales à l'image d'un générique minimaliste mais dont la musique sonne très juste (cf. la vidéo ci-dessous).

Enfin, East West 101 dispose d'un casting homogène au sein duquel on retrouve des valeurs sûres du petit écran australien. C'est le toujours solide - et intense - Don Hany (White Collar Blue, Tangle, Offspring) qui interprète de façon très convaincante cet officier de police d'origine irakienne qui doit conjuguer son milieu professionnel avec la communauté à laquelle il appartient. A ses côtés, cela m'a fait plaisir de croiser Aaron Fa'aoso (interprète de l'héritier présomptif dans The Straits cet hiver) qui joue son équipier. Susie Porter (RAN : Remote Area Nurse, East of everything, The Jesters) est la supérieure hiérarchique dirigeant une unité où l'on retrouve également Daniela Farinacci (Carla Cametti PD) et Renee Lim (Crownies). Toujours au sein des forces de police, c'est William McInnes (Oceane, Blue Heelers) qui incarne Crowley, celui avec lequel la tension ne cesse de monter tout au long de la saison 1. Du côté de la famille de Zane, on retrouve Tasneem Roc (Hartley Coeur à Vif), Irini Pappas, Lucy Abroon, George Fayad et Taffi Hany (qui est le père de Don Hany, car ce rôle s'est avéré bien difficile à caster).

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Bilan : Solide série policière en quête de réalisme et se plaçant au plus proche du terrain, East West 101 est cependant bien plus que cela : c'est une fiction ambitieuse et riche. Sa valeur ajoutée principale, elle la doit à la fascinante immersion multiculturelle qu'elle propose au sein d'une société australienne, terre d'asile dont elle s'attache à retranscrire la diversité, religieuse comme linguistique, mais aussi la multiplicité des points de vues qui en découle. Pour explorer ce thème central du multiculturalisme, la série entremêle habilement affaires policières efficaces, portrait de société nuancé et destinées personnelles souvent poignantes, avec une écriture dont il faut saluer la sobriété.

En résumé ? Rendez-vous sur Arte à partir du jeudi 19 avril (à 20h40).


NOTE : 8/10


Le générique :