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11/11/2012

(Pilote AUS) A Moody Christmas : la réunion familiale rituelle de Noël, une épreuve entre imprévus, chaos et célébrations


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En ce dimanche trop automnal, morose et pluvieux, si on se tournait déjà vers ce qui nous attend dans quelques semaines ? Vous m'objecterez que nous avons encore un peu de temps avant d'envisager les fêtes de fin d'année, mais ABC1 a décidé de prendre les devants. La chaîne propose en effet aux Australiens de s'y préparer psychologiquement grâce à une nouvelle série qu'elle a lancée le 31 octobre dernier : A Moody Christmas.

Créée par Trent O'Donnell et Phil Lloyd, cette comédie teintée d'amertume, programmée pour six épisodes d'une demi-heure, a l'art et la manière de capturer le chaos ambiant qui accompagne nombre des réunions familiales occasionnées par cette période de l'année. Ayant su passer au travers mon allergie aux comédies grâce à sa tonalité nuancée (jurisprudence Rev), elle est ma découverte - surprise - positive de la semaine (un grand merci à Toeman et LadyTeruki pour m'avoir convaincue de tenter l'expérience).

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A Moody Christmas se propose de nous faire vivre six Noëls consécutifs au sein de la famille Moody, chaque épisode relatant une nouvelle réunion familiale annuelle, permise par les fêtes, sur six années. Le personnage principal que nous suivons est Dan Moody, trentenaire vivant à Londres, qui traverse le globe une fois par an pour retrouver une famille, certes attachante à ses heures, mais aussi excentrique et dysfonctionnelle, dont les réunions font souvent des étincelles. Il retrouve ainsi un frère irresponsable inconséquent évoluant dans son monde, une soeur centrée sur elle-même, un oncle original ou encore un cousin bien sur lui dont la compagne ne laisse pas Dan indifférent. Chaque Noël se révèle donc éprouvant pour ce dernier, mettant ses nerfs à rude épreuve. Le ton est d'ailleurs donné dès le départ, avant même que les célébrations ne commencent : Dan n'est pas fait pour être heureux à Noël, sa petite-amie rompant avec lui à l'aéroport même alors qu'ils allaient embarquer pour l'Australie...

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A Moody Christmas est une de ces séries qui sait habilement jouer sur les nuances et le mélange des tonalités. Loin du simple divertissement léger cherchant l'hilarité pour l'hilarité, la série propose au contraire une comédie douce-amère et humaine qui s'attache avant tout à dresser un portrait de famille, avec sa dose de dysfonctionnements. C'est un tableau entier, incluant la part d'abrasivité et de flottements - de malaise même - inhérente à de telles retrouvailles. Le rire est bien là, au détour de plusieurs scènes, mais il s'insère naturellement dans le récit, découlant de la manière dont l'écriture crée des décalages et des contrastes entre l'observateur extérieur dépité par les situations (Dan, et à travers lui, le téléspectateur) et les engrenages hors de contrôle d'évènements ou de réactions dans son entourage. Ne reniant jamais l'absurde de certaines chutes, s'amusant des véritables running gags que constituent certains comportements, la série installe un ton bien à elle, décalé et rythmé, très plaisant à suivre.

Le format suivi est en soi une expérience narrative avec du potentiel. La discontinuité, provoquée par le fait qu'on se retrouve, à chaque fois, parachuté dans une famille qui a continué à vivre pendant une année, n'est pas préjudiciable. Ce parti pris est d'ailleurs exploité pour renforcer l'impression d'assister à une suite d'instantanés qui ne requièrent aucune réelle introduction. Le temps d'exposition est volontairement réduit au minimum durant le pilote ; et la série se permet même de laisser l'imagination/déduction du téléspectateur remplir certains blancs non explicités. Pourtant, le portrait brouillon ainsi dressé nous parle immédiatement. A Moody Christmas a le mérite de savoir forcer les traits et embrasser la caricature, tout en demeurant proche, confusant familière malgré tous ces excès propres à la fiction. Les étiquettes sont spontanément apposées sans besoin de s'étendre : il y a le cousin trop bien sur lui qui rend vaguement jaloux, l'oncle excentrique, le père jamais satisfait, la soeur centre du monde, etc... autant de caractérisations sur lesquelles les dynamiques de la série vont ensuite facilement se construire.

Si A Moody Christmas nous raconte les journées de Noël du point de vue quelque peu en retrait et désabusé de Dan, happé malgré lui dans le chaos ambiant, elle n'en reste pas moins une vraie fiction chorale qui fonctionne avant tout par et grâce à son collectif. En effet, ce sont les scènes de groupe, comme les repas, lorsque chacun essaie de maintenir l'illusion d'un ordonnancement policé qui s'effrite soudain, qui sont les plus savoureuses. A contrario, dès que la série essaie de creuser un peu plus l'histoire personnelle de Dan, tel son flirt avec l'amie de son cousin, elle sonne plus convenue et calibrée. Ce qui fait l'attrait de A Moody Christmas est la photographie familiale d'ensemble dépeinte, dotée de cet équilibre étrange, riche en paradoxes et tout simplement humain. On pardonne même aux scénaristes de donner l'impression de se laisser parfois dépasser par la vitalité de leur oeuvre : ce relatif manque de maîtrise a presque un parfum d'authenticité. 

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Sur la forme, on retiendra surtout une photographie aux couleurs claires, représentant bien l'ambiance ensoleillée, quasi-caniculaire, qui accompagne Noël dans l'hémisphère sud. A Moody Christmas a donc une atmosphère toute Australienne ; et c'est d'ailleurs sans doute la première chose que retient un téléspectateur européen qui visualise plutôt des fêtes de fin d'année que l'on passe en regardant tomber un épais manteau blanc de neige, plutôt qu'en discutant de la nécessité de construire une piscine pour rafraîchir dans la perspective de l'an prochain. Pour le reste, peu de particularité si ce n'est une volonté de proposer une réalisation proche de ses protagonistes.

Côté casting, A Moody Christmas présente un ensemble correct. La série parvient bien à opposer et à marquer le contraste attendu entre la rationalité distante et posée de Ian Meadows, point d'ancrage du téléspectateur et interprète de Dan, et les caractéristiques vaguement excentriques ou vite exaspérantes pour le mieux de son entourage familial. Compose notamment ce dernier, Patrick Brammall, Danny Adcock, Tina Bursill, Darren Gilshenan ou encore Rachel Gordon. La petite amie de son cousin à laquelle Dan n'est pas insensible est, elle, jouée par Jane Harber.

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Bilan : Sorte de dramédie douce-amère, excentrique dans son versant comédie, plus désabusée lorsqu'elle touche à des thèmes de la vie du quotidien, A Moody Christmas s'annonce comme une suite de six instantanés aussi chaotiques que colorés pour nous faire vivre Noël dans la famille Moody. Avec un personnage central, repère stable et rationnel auprès duquel on s'investit facilement, la série croque toute une suite de portraits et de situations qui sonnent à la fois familières et improbables/inadéquates. Sans rechercher le rire à tout prix, elle trouve le juste équilibre et la nuance qu'il convient dans sa tonalité pour s'assurer de la fidélité du téléspectateur. Reste aux scénaristes à maîtriser un peu mieux le chaos ambiant qu'ils génèrent. A surveiller.


NOTE : 7/10


La bande-annonce de la série :

09/11/2012

(Mini-série UK) A very British coup : thriller de politique-fiction pessimiste à la fois glaçant et prenant

 
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Ce mercredi soir (7 novembre 2012) commençait sur Channel 4, en Angleterre, Secret State, une mini-série s'inscrivant dans le registre prisé du thriller politique - les chaînes anglaises surfant depuis une décennie dans la voie ouverte par State of Play. Même si la lecture du synopsis semble de prime abord assez différent, il faut préciser qu'elle s'inspire d'un roman écrit au début des années 80 par un politique anglais, Chris Mullin, A very British coup. Cet ouvrage, relatant les destinées troublées d'un gouvernement travailliste et publié dans l'Angleterre Thatcherienne d'alors, a déjà donné lieu à une première adaptation qui figure parmi les quelques oeuvres clés de politique-fiction typiquement britanniques incontournables (que j'avais déjà évoquée dans mon dossier sur les séries & la politique en avril dernier).

Diffusée en 1988, également sur Channel 4, A very British coup comporte trois épisodes et est scénarisée par Alan Plater. Oeuvre pessimiste sur la réalité de la démocratie, elle a marqué son époque, mais se visionne encore très bien aujourd'hui. L'aura dont elle jouit toujours (les BAFTA et Emmy qu'elle a remportés y contribuant également) n'est pas usurpée. Avant de jeter un oeil au nouvel essai qu'est Secret State, permettez-moi donc de profiter de l'occasion pour revenir sur cet essai glaçant de politique-fiction qu'est A very British coup.

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Les élections législatives du printemps 1989 sont remportées par le Parti Travailliste. Son leader, Harry Perkins, un homme issu d'un milieu populaire, représente les vues de l'aile gauche du parti. Parmi les mesures phares du programme qu'il entend mettre en oeuvre, figurent notamment la fin des monopoles dans les médias - et notamment la presse - de grands groupes capitalistes, l'organisation d'un désarmement nucléaire unilatéral ou encore la fermeture des bases militaires américaines existant sur le sol britannique. Il entend conduire sa politique avec une communication très ouverte, où le principe est de dire la vérité.

L'arrivée d'un tel gouvernement socialiste n'est évidemment pas du goût de l'establishment britannique, d'autant que Harry Perkins semble être un homme de conviction, droit dans ses bottes, qui n'est pas influençable. Rapprochés par des intérêts convergents, différents acteurs de l'ombre entrent alors en action dans les coulisses du pouvoir réel pour faire chuter ce Premier Ministre encombrant. Parmi ces opposants au sein desquels on retrouve aussi bien des magnats de la presse que des agents américains dont le pays s'inquiète pour ses intérêts en Europe, le directeur du MI5 s'impose comme une figure dominante du fait des ressources dont il dispose. Aristocrate représentant tout ce que Perkins souhaiterait changer dans la société, Sir Percy Browne se révèle être un adversaire dangereux. Tandis que dans le même temps le Premier Ministre ne peut guère compter que sur une poignée de fidèles pour tenter de mener à bien ses projets...

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Regarder A very British coup aujourd'hui, c'est tout d'abord constater que si le propos de la mini-série n'a rien perdu de sa force, l'ensemble demeure représentatif d'une époque particulière, celle des années 80. Elle décrit l'arrivée au pouvoir de l'aile la plus à gauche du parti travailliste, avec un programme de campagne suscitant la peur du capital et provoquant une panique boursière. De même, les enjeux géopolitiques envisagés sont ceux d'une période où la guerre froide n'est pas encore achevée et où l'URSS existe encore. Les thèmes ici envisagés, telles la dénucléarisation ou la fin de la "special relationship" avec les Etats-Unis, ont des enjeux particuliers. De plus, l'histoire a été écrite et publiée - et la série diffusée - dans l'Angleterre conservatrice de Margaret Thatcher. Sa réception par le public de la fin des années 80 ne peut donc pleinement s'apprécier et se comprendre sans se replacer dans ce contexte global.

Pourtant, cette nécessaire recontextualisation n'amoindrit en rien le propos de A very British coup. Si une oeuvre comme House of Cards, quelques années plus tard, transposera magnifiquement à l'écran tout le cynisme et le machiavélisme de la lutte pour le pouvoir, il souffle sur cette mini-série un pessimisme ambiant plus marquant car il touche à l'essence même du régime démocratique. En montrant la réaction des élites et leur organisation contre celui qui a remporté les élections, le récit oppose à la volonté du peuple celle d'un pouvoir de l'ombre. La capacité d'action du politique se trouve ici activement réduite par ceux que l'attaché de presse de Perkins appelle lui-même les "real masters" du pays. En dressant le portrait d'une véritable oligarchie, avec un establishment prêt à tout pour protéger ses intérêts et tirant les ficelles en marge des élections, loin du regard des gouvernés, A very British coup trouve un écho qui parle toujours au téléspectateur de 2012, alors que les questions du poids du monde financier, de certaines instances ou de l'abandon de souveraineté n'ont pas quitté l'actualité.

Par ailleurs, A very British coup reste une fiction à la construction très efficace. Véritable thriller politique mettant en scène une partie d'échecs létale au sommet de l'Etat, la mini-série propose trois épisodes exécutés sans le moindre temps mort, où la lutte entre chaque camp ne cesse de s'intensifier. Perkins a beau se présenter devant les caméras comme un homme simple issu du peuple, il est d'une lucité à toute épreuve. Son expérience lui permet de parfaitement comprendre la réalité des rapports de force à l'oeuvre, identifiant les rouages en train de s'activer pour précipiter son échec. Ses adversaires sont coriaces, et leurs ressources, multiples, rendent le combat - on le devine d'emblée - trop inégal. Mais ce Premier Ministre, stratège qui lutte pour ses idées et qui reste un homme intègre n'entendant pas se compromettre pour le pouvoir, implique vraiment le téléspectateur à ses côtés. Ses confrontations avec le chef du MI5 sont d'une intensité bluffante, et sa faculté à retourner des situations semblant sans issue force le respect. Si on peut peut-être reprocher à certains passages de prendre quelques raccourcis, l'ensemble s'agence vraiment de manière glaçante. 

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Sur la forme, A very British coup a logiquement vieilli visuellement, sans que la mise en scène datée n'affecte en rien la portée d'une histoire qui repose sur la finesse et le côté percutant des dialogues. Surtout, il faut relever que la mini-série bénéficie d'une bande-son extrêmement riche, rythmée et envahissante à la manière d'une musique de campagne électorale. Elle s'avère toujours très efficace pour accompagner le récit.

Enfin A very British coup n'aurait sans doute pas eu un tel impact sans son casting extrêmement solide et convaincant. Il faut commencer par rendre hommage à Ray McAnally (A Perfect Spy) dont la performance en Harry Perkins est magistrale : il sait allier avec beaucoup de justesse et de subtilité la bonhomie apparente de l'homme politique et la finesse et la précision du stratège qui s'efforce de mener à bien ses projets, le tout en ayant une présence marquante à l'écran. Face à lui, Alan MacNaughton dirige les hostilités avec un flegme inébranlable et une main de maître (ce qui ne surprendra pas la téléspectatrice que je suis qui a tant savouré la manière dont il incarnait Sir Wellingham dans The Sandbaggers). Autour d'eux, on retrouve notamment Keith Allen, Geoffrey Beevers, Marjorie Yates, Jim Carter, Philip Madoc, Jeremy Young, Tim McInnerny ou encore Shane Rimmer.

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Bilan : Exercice de politique-fiction très pessimiste sur la réalité et la nature du régime démocratique et des rapports de force qui s'y jouent en coulisse, A very British coup est une oeuvre de son époque, mais aussi une histoire qui trouve toujours un écho particulier de nos jours. Thriller bien construit mettant en scène un véritable coup d'Etat fomenté dans les coulisses feutrées des élites, loin du regard des gouvernés, cette mini-série n'a rien perdu de son efficacité, et les questionnements soulevés restent glaçants. Parmi les libertés prises avec le livre d'origine, il faut noter sa conclusion qui suggère de manière très amère l'échec de tous les protagonistes : la défaite de Perkins, comme celle du maintien de l'illusion démocratique.

En résumé, A very British coup est une oeuvre politique dont je recommande (encore aujourd'hui) le visionnage. Pour les curieux, elle existe en DVD en Angleterre (malheureusement sans piste de sous-titres, à réserver donc aux anglophones).


NOTE : 8/10

07/11/2012

(K-Drama / SP) Re-Memory : en quête d'une reconstruction

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Après trois semaines consécutives passées au Japon, remettons le cap en Corée du Sud. En attendant quelques dramas nouveaux lancés au cours du mois, j'ai poursuivi mon exploration de la saison actuelle des dramas special de KBS. On y trouve décidément des genres très différents, même si je constate souvent que le format court (un peu plus d'une heure) sied sans doute plus à des human dramas - comme l'avait démontré The Temple (The Gate of Truth) en septembre - qu'à des fictions faisant des incursions dans le registre du thriller. Cependant, cette semaine, je me suis arrêtée cette semaine sur une fiction finalement assez intriguante : Re-Memory, scénarisée par Hwang Min Ah.

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Lee Yeong In travaille dans une galerie d'art. Si elle a longtemps dessiné, elle a depuis abandonné ses rêves de peinture. En effet, suite à un traumatisme, elle souffre d'un trouble rare, la prosopagnosie, qui l'empêche d'être capable de reconnaître les visages de ceux qu'elle croise. Evoluant sans repère au sein de la société, elle ne peut identifier visuellement les gens qu'elle rencontre, ses connaissances mêmes restant à jamais des étrangers pour ses yeux. Un soir, à la galerie, elle est prise à partie par un homme, dont elle assiste au meurtre. Choquée, elle essaie tant bien que mal d'aider la police dans ses investigations. Le détective Kang Ji Hoon se préoccupe tout particulièrement de son sort, pour ses propres raisons...

Plus que dans l'enquête qu'elle met en scène, c'est en réalité dans un autre registre, celui de la fiction d'ambiance introspective que Re-Memory retient l'attention. L'histoire est en effet l'occasion d'apporter un éclairage sur l'héroïne, sur les frustrations engendrées par sa condition particulière, mais aussi, à terme, sur la reconstruction nécessaire qu'elle doit entreprendre pour réapprendre à vivre et se dépasser. Son incapacité à mémoriser les traits de ceux avec qui elle parle font de ce qui l'entoure un troublant monde inconnu, encore plus inquiétant qu'il ne l'est réellement car elle ne peut y établir aucun repère. En plus de la placer à part, rendant toute socialisation impossible, ce trouble l'empêche véritablement de vivre. La barrière qu'elle a établie avec l'extérieur la rend en fait comme prisonnière de sa propre condition. Et l'évènement relaté dans ce drama special met en lumière toutes les limites qui l'enserrent.

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Cette exploration offerte autour du personnage central reste le principal attrait d'un drama special qui emprunte à différents autres registres familiers, ayant tendance à quelque peu se disperser au fil du récit, avec des enjeux assez mouvants : du simple policier d'enquête, on glisse ensuite vers l'idée de vengeance, en prenant même le temps d'une esquisse de relation qui s'établit entre l'héroïne et le policier. La brièveté du format oblige à rester succinct, parfois trop. Et sans doute le scénario ne fait pas preuve d'une maîtrise suffisante pour bien doser tous ces thèmes, laissant l'impression d'une superficialité d'ensemble sans vraiment être en mesure de s'approprier et d'exploiter toutes les idées. De plus, si l'ensemble reste intriguant et si la plupart des twists fonctionnent, il manque aussi une réelle tension à l'ensemble qui aurait permis à Re-Memory de s'épanouir dans un suspense que son histoire méritait. Une meilleure direction de l'histoire et hiérarchisation aurait sans doute donné un résultat plus abouti, et donc satisfaisant.

Sur la forme, si la réalisation donne une image qui apparaît un peu datée, un peu trop en retrait et posée peut-être. Cependant l'introduction est assez réussie grâce au choix de placer la caméra du point de vue de l'héroïne tandis qu'elle doit affonter le monde avec sa condition si frustrante : certaines scènes, surtout au début, ont quelque chose d'oppressant teinté de paranoïa - quand les visages apparaissent non reconnaissables y compris au téléspectateur qui assiste aux scènes du point de vue de Yeong In. Si le drama special n'aura pas vraiment exploré plus avant cette voie, il y avait là quelques idées intéressantes. Quant au casting, l'interprétation froide et toute en retenue de Cha Soo Yeon convient très bien à son rôle, jeune femme presque inaccessible à l'extérieur, qui s'efforce de malgré tout poursuivre sa vie. Face à elle, Kim Tae Hoon interprète le policier qui prend son affaire très à coeur et se rapproche d'elle pour des raisons qui lui sont propres. On retrouve également Kim Gyoo Cheol, Choi Moo In, Lee Mi So ou encore Nam Dong Jin.

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Bilan : Si Re-Memory aurait gagné à mieux identifier et hiérarchiser ses enjeux dès le départ, ce drama special reste une fiction expérimentale intéressante par sa volonté de dépasser la simple enquête policière, pour proposer une approche plus intime et psychologique d'une figure principale qui doit se reconstruire. Restant un peu trop superficiel dans sa façon de traiter ses thèmes pour pleinement satisfaire et manquant d'une tension qui aurait été bienvenue, l'ensemble laisse quelques regrets, mais reste cependant intriguant.


NOTE : 6,25/10


La bande-annonce du drama :


04/11/2012

(Pilote AUS) Redfern Now : tranches de vie contemporaines d'aborigènes à Sidney

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Ce dimanche est l'occasion de repartir en Australie, où My Télé is Rich! ne s'était plus arrêté depuis quelque temps déjà. Je continue pourtant de suivre ce petit écran avec intérêt : le bilan de Puberty Blues attend que je finisse de le rédiger ; la saison 2 de ce legal drama bien à part qu'est Rake est arrivée avec l'automne... Et c'est une nouveauté plus récente qui va être l'objet du billet du jour : Redfern Now a débuté ce jeudi soir 1er novembre 2012 sur ABC1, y rassemblant une audience honorable.

Deux raisons expliquaient que cette série figurait parmi mes grandes attentes du mois. D'une part, son sujet - s'intéresser à la communauté aborigène - avait automatiquement aiguisé ma curiosité. D'autre part, il y avait aussi le fait que ABC1 ait associé aux scénaristes locaux du projet le britannique Jimmy McGovern, figure familière des amateurs du petit écran britannique dont le nom reste associé à Cracker, sans oublier The Lakes et plus récemment The Street - et dont la dernière série anglaise en date est Accused). L'approche et le style de Redfern Now apparaissent d'ailleurs dès ce premier épisode assez caractéristiques, se rapprochant de The Street.

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Se déroulant à Sidney, Redfern Now adopte le format d'une anthologie, au sens où chacun de ses six épisodes va proposer de suivre un individu différent et une histoire indépendante. C'est à la communauté aborigène, vivant actuellement dans le quartier de Redfern, qu'elle s'intéresse. Chaque récit est une tranche de vie qui débute par une décision ou un changement dans la situation du protagoniste principal, pour narrer ensuite les effets et les conséquences de ce choix sur lui, son entourage et plus généralement son quotidien. Les thèmes abordés s'annoncent variés, avec des personnages, tous aborigènes, très différents : un policier idéaliste dont une arrestation conduit à la mort du détenu, un repris de justice qui revient après avoir purgé sa peine ou encore un adolescent qui refuse de chanter l'hymne national à l'école.

Dans ce premier épisode, intitulé "Family" et écrit par Danielle Maclean, nous suivons Grace, une mère de famille dynamique épuisée par une famille proche dont les membres semblent tenir pour acquis tout ce qu'elle fait pour eux. Ses deux enfants, capricieux et trop gâtés, ont pris modèle sur un père passif. Alors qu'ils s'apprêtent à partir en vacances, le téléphone de la maison sonne : Grace répond et a au bout du fil un de ses neveux, terrifié par sa mère qui n'a pas pris ses médicaments et est en pleine crise irrationnelle. Grace prend alors les choses en main, appelant les secours pour sa soeur et récupérant avec elle son neveu et sa nièce. Il ne lui reste ensuite plus que quelques heures afin de trouver un foyer provisoire pour ces deux enfants et sauver ses projets de vacances. Mais les membres de sa famille, proche comme élargie, ont tous leur vie, et elle se heurte à plus d'une porte close...

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L'ambition de Redfern Now est de proposer des instantanés issus d'un quotidien ordinaire, profitant d'un évènement qui bouscule cette routine, pour ensuite se servir de cet angle particulier afin d'explorer l'ensemble des dynamiques humaines et relationnelles au sein desquelles évolue et intéragit son protagoniste principal. Le style se veut volontairement direct, parfois abrasif dans les portraits et réactions dépeints, mais toujours très humain. L'écriture adopte une retenue et une sobriété qui soulignent sa recherche d'authenticité. Véritable human drama chroniquant ce moment où l'ordinaire échappe à ses personnages, la série choisit de mettre en lumière la communauté aborigène. Cependant les thèmes abordés n'en demeurent pas moins universels : c'est une fiction qui entend traiter de thématiques qui parlent à tout un chacun, et s'adresse à l'ensemble du public australien tout en plaçant, pour une fois, sur le devant de la scène des Aborigènes.

Dans cette optique, le premier épisode - qui n'était pas forcément sur le papier le synopsis dont j'attendais le plus parmi les six - est prometteur. Son histoire est simple, avec une construction narrative fluide et linéaire. Il s'en dégage pourtant une intensité émotionnelle et une solidité d'ensemble appréciables. La scénariste sait mettre à profit ce bref récit pour esquisser la complexité et l'ambivalence d'une dynamique familiale particulière, celle qui entoure Grace. D'une part, elle permet de mesurer l'ambiguïté des rapports entre frères et soeurs (et la place des belles-familles, en l'occurence ici surtout des maris), soulignant les limites d'une solidarité pourtant légitime. D'autre part, la mise en parallèle de la frustration de Grace face à son propre foyer par rapport à la solidité des liens unissant sa soeur à ses deux enfants (en dépit de ce que son état leur fait subir comme épreuve) offre un contraste qui interpelle. La brièveté de l'épisode (une cinquantaine de minutes) explique que le dénouement qui suit la remise en cause initiée par Grace puisse paraître assez facile. Cependant l'ensemble a le mérite de sonner juste et simple ; la capacité du récit à impliquer le téléspectateur achève de convaincre de revenir la semaine suivante.

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Sur la forme, Redfern Now est une oeuvre visuellement maîtrisée et soignée. La réalisation préserve bien l'authenticité recherchée dans l'écriture, tout en proposant des plans travaillés. En réalité, le téléspectateur tombe sous le charme de l'esthétique de la série dès sa première minute avec son générique d'ouverture : qu'il s'agisse de la chanson qui le rythme, ou des images, scènes de vie capturées au ralenti, il donne superbement le ton et nous immerge instantanément dans le récit. Une belle réussite à laquelle vous pouvez jeter un oeil ci-dessous (1ère vidéo).

Quant au casting, le format d'anthologie de Redfern Now explique que les acteurs changent à chaque épisode. On croise cependant quelques valeurs sûres. Dans le premier épisode, Grace est superbement interprétée par Leah Purcell, qui trouve dans cette figure de femme forte mais aussi poignante un rôle où elle peut pleinement s'exprimer : l'intensité de sa performance n'est pas étrangère à la force de l'histoire relatée. On croise également à ses côtés Alec Doomadgee, Alec Doomadgee, Shareena Clanton et Val Weldon. La suite de la série sera l'occasion de suivre Dean Daley-Jones, Deborah Mailman, Jimi Bani, Kelton Pell, Miranda Tapsell, Rhimi Johnson Page, Shari Sebbens, Tessa Rose, Wayne Blair ou encore Johnny Lever.

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Bilan : Suivant le format d'une anthologie pour mettre sur le devant de la scène la communauté aborigène, chaque épisode de Redfern Now apparaît comme un instantané issu du quotidien soudainement troublé et remis en cause de gens ordinaires. Bénéficiant d'une écriture assurée, la série mise sur une sobriété et une authenticité d'écriture lui permettant d'entreprendre l'exploration de multiples thématiques actuelles, en s'intéressant tout particulièrement aux rapports humains et à la charge émotionnelle qui les accompagne. Avec son casting convaincant apportant une force supplémentaire au récit, ce premier épisode est une première pierre dans un tableau plus vaste de société que l'ensemble pourra dépeindre si la suite poursuit sur cette voie. A surveiller !


NOTE : 7,5/10


Le générique de la série :


La bande-annonce de la série :

03/11/2012

(ISL) Hamarinn (The Cliff / La Falaise) : enquête criminelle sur fond de folklore légendaire local

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My Télé is rich! a pour habitude de partir s'évader sous les latitudes nordiques islandaises dès que le thermomètre atteint des hauteurs déraisonnables. C'est ce que j'appelle une contre-programmation tempérée ; elle est en plus le prétexte parfait pour cultiver l'affection toute particulière que je nourris pour l'Islande. Pourtant, le week-end dernier, c'est alors qu'une épaisse couche de neige ensevelissait ma ville que je me suis plongée dans Hamarinn, une mini-série datant de 2009, écrite par Sveinbjörn I. Baldvinsson (connue sous le titre The Cliff en version internationale, La Falaise en version française).

Si j'ai ainsi bravé - ou presque - les éléments, c'est que cette fiction est diffusée en France sur Eurochannel à partir de ce soir (à minuit) et qu'elle est d'ores et déjà disponible sur le service VOD de la chaîne qui propose par cet intermédiaire un certain nombre des séries qu'elle a eu l'occasion de diffuser (une opportunité, pour les amateurs de séries européennes, d'effectuer éventuellement quelques rattrapages). En ce qui concerne Hamarinn, cette mini-série comptant 4 épisodes m'a permis de poursuivre, avec encore une fois une fiction très intéressante, mon incursion dans le polar islandais, mêlant folklore légendaire local et enquête criminelle solide. Ce n'est pas encore aujourd'hui que mon affection pour l'Islande va se démentir.

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Le calme d'un village retiré dans la campagne islandaise est perturbé lorsqu'un accident se produit de nuit sur un chantier, dans d'étranges circonstances. En effet, alors que des terrassements doivent avoir lieu pour moderniser les infrastructures énergétiques, un des ouvriers chute avec son engin du haut de la falaise qui doit être rasée. Il est transporté à l'hôpital dans le coma. Non seulement il s'agit de déterminer si c'est un simple accident, une tentative de suicide ou un véritable meurtre, mais la police s'intéresse d'autant plus à ce drame que des explosifs devant servir aux travaux ont aussi disparu.

L'affaire est particulièrement sensible car la réalisation du projet d'aménagement est très controversée, et la falaise en cause cristallise toutes les tensions locales. Des militants écologistes pointent ainsi la destruction des sites naturels jusqu'alors préservés qu'elle entraînera. Des entrepreneurs locaux s'affrontent pour récupérer le contrat afin de poursuivre les travaux. Et les plus anciens rappellent eux que cette falaise n'est pas de la simple roche, mais que sur son sol sacré se croisent des créatures surnaturelles qu'il ne faut pas déranger... 

L'enquête qui s'annonce bien complexe est confiée à une jeune policière, Inga, qui a encore tout à prouver aux yeux de son supérieur. Méfiant, ce dernier lui adjoint l'assistance d'un policier de Reykjavik, Helgi, qui a grandi sur les lieux du crime et connaît bien la petite communauté au sein de laquelle il va falloir démêler les fils des secrets et des motivations de chacun.

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Hamarinn s'inscrit dans la droite ligne des polars nordiques, exploitant pleinement cette approche grâce à une construction narrative, classique mais solide, qui permet quatre riches épisodes. Elle délivre une intrigue policière efficacement menée, usant de ficelles rôdées et multipliant à dessein les fausses pistes, pour retomber finalement sur une résolution cohérente venant conclure un enquête difficile. Element important du récit, la dimension humaine n'est jamais négligée. La mini-série se repose en partie sur la dynamique efficace qui s'installe au sein de son duo principal d'enquêteurs : aux concurrence et méfiance initiales succèdent un rapprochement progressif, une confiance, puis un vrai soutien. Le schéma est certes familier, mais il fonctionne d'autant mieux que le scénario prend soin de leur donner une consistance, dévoilant un passé, des incertitudes et des blessures qui peinent à se refermer. Ces personnages apparaissent ainsi faillibles, usant même parfois de moyens discutables pour parvenir à leurs fins. Les figures secondaires sont également bien traitées : le poids des histoires de familles, des traditions opposées à la modernité, des secrets à peine avoués et des amours déçus pèsent sur le drame qui se joue sous nos yeux. L'enjeu du récit est autant d'identifier un éventuel coupable que de mesurer l'impact des évènements sur la communauté touchée, mais aussi sur les enquêteurs chez qui elle ravive d'autres questionnements intimes.

Cependant la réelle valeur ajoutée de Hamarinn du polar tient surtout à l'ambiance très particulière qui s'y développe, entreprenant d'explorer des légendes du folklore islandais. La localisation loin de la ville est déterminante : elle permet d'introduire légitimement, et en leur donnant de l'importance, toutes les croyances héritées des ouïes-dires et traditions se transmettant au sein des petites communautés rurales. L'histoire glisse ainsi peu à peu vers une dimension surnaturelle, toujours utilisée avec parcimonie. Si on assiste à des phénomènes paranormaux, ceux-ci sont complètement intégrés au récit, comme normalisés. Qu'il s'agisse d'apparitions visuelles, tel l'homme au long manteau, ou encore de coïncidences troublantes, tel ce jeune garçon semblant capable de voir bien des choses, la mini-série préfère rester dans le suggestif. Elle ne tente jamais de les expliquer, laissant à chacun le soin de tirer ses propres conclusions. Comme si, dans ce soin reculé d'Islande, tout pouvait être envisageable. Il y plane ainsi l'ombre vénérable, à l'occasion menaçante, de cette falaise. Une inquiétude sourde flotte dans l'atmosphère, les questions informulées se bousculant : cette falaise est-elle vraiment maudite ? Tous les incidents qui l'entourent ont-ils une cause qui dépasse l'entendement des policiers ? Mais si Hamarinn nous plonge dans des superstitutions et des manifestations intriguantes, elle n'oublie jamais qu'elle reste un polar. Cette immersion dans un folklore typique apporte un cachet et une identité à une enquête qui aurait sans doute été sinon un peu trop classique, mais le téléspectateur n'en a pas moins ce pour quoi il est venu : une histoire policière résolue rationnellement à la fin. Le contrat est donc parfaitement rempli.

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Sur la forme, Hamarinn bénéficie d'une réalisation solide qui a été confiée à Reynir Lyngda. Les effets de la caméra contribuent à créer l'ambiance très particulière de la mini-série : tant en nous introduisant dans un polar classique égaré en pleine capagne - mettant donc en avant le paysage islandais -, elle sait aussi jouer sur une hypothèse surnaturelle plus angoissante, sans jamais trop en faire (quelques apparitions de silhouettes suffisent à diffuser une sourde angoisse en écho aux légendes locales). L'autre élément formel qui joue également un rôle fondamental est sa riche bande originale. La récompense remportée par cette dernière aux Edda Awards en 2010 est pleinement justifiée : l'accompagnant dans ses brusques montées d'inquiétude, comme dans la routine de l'enquête, la musique rythme le récit et lui confère une tonalité à part.

Enfin Hamarinn dispose d'un casting homogène dont les intéractions fonctionnent à l'écran. Les développements suivis par les rapports de la paire d'enquêteurs peuvent sembler très convenus, mais la série peut s'appuyer sur deux acteurs sympathiques, ayant une bonne alchimie entre eux, Björn Hlynur Haraldsson et Dóra Jóhannsdóttir. Avec ses pulls nordiques, son caractère affirmé et sa manière de s'inscrire en porte à faux vis-à-vis de ses collègues, il est facile de rapprocher le rôle de cette dernière des héroïnes de polars nordiques qui sont devenues pour nous des figures familières emblématiques, de Sarah Lund à Saga Noren. Le casting plus secondaire n'est pas en reste, chacun étant bien rentré dans le rôle qui lui est dévolu.

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Bilan : Proposant une enquête efficace couvrant ses quatre épisodes, Hamarinn est un polar nordique aux ressorts narratifs très classiques, aussi bien dans sa gestion toujours très humaine de personnages qu'elle prend le temps de développer, que dans la construction de son intrigue. Cependant, en plus d'être une fiction policière correcte, cette mini-série a pour elle une vraie identité islandaise, marquée par une ambiance à part qui nous plonge dans le folklore légendaire local et toutes les croyances qui l'accompagnent. Flirtant avec le surnaturel de manière étrangement normalisée, elle nous entraîne dans un coin perdu d'Islande pour nous proposer un mélange des genres intriguant qui se révèle être bien plus qu'un simple récit policier.

Rendez-vous donc sur Eurochannel pour les curieux ; voire, sinon, comme souvent en Islande, le coffret DVD contient une piste de sous-titres anglais.


NOTE : 7,25/10


La bande-annonce de la mini-série :