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12/10/2014

(Mini-série UK) The Driver : Another midlife crisis

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En 1983, David Morrissey signait ses débuts à la télévision britannique dans une mini-série estivale intitulée One Summer. À ses côtés, on retrouvait notamment un autre jeune acteur en devenir, Ian Hart [pour les curieux : jetez un œil à cette vidéo entrecoupée d'interviews rétrospectives]. Trois décennies plus tard, toujours dans le petit écran anglais, l'année 2014 aura été, pour David Morrissey, synonyme de 'midlife crisis'. En janvier, c'était une romance inattendue, sur un train de banlieue, qui ébranlait son personnage. Cet automne, c'est plus qu'une simple crise conjugale qu'il traverse dans The Driver, également sur BBC1. Il y incarne un père de famille impuissant, assistant à l'implosion progressive de sa famille. Frustré face à cette situation qui lui échappe, il se laisse embarquer dans un engrenage dangereux par une vieille connaissance tout juste sortie de prison, interprétée par... Ian Hart. The Driver, c'est une miflife crisis, mais aussi une vraie boucle télévisuelle en clin d’œil.

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The Driver s'ouvre sur une course-poursuite qui donne le ton et vise à distiller une tension sourde dans le récit. Jusqu'alors conducteur de taxi traité avec peu de considération par ses clients, Vince McKee décide de mettre ses talents au service d'un employeur d'un autre genre, un criminel avec qui il est mis en relation. Cette opportunité est non seulement pour lui une façon d'arrondir des fins de mois parfois difficiles, ayant notamment à la maison une adolescente exigeante, elle est surtout un moyen de rompre avec un quotidien à la morosité étouffante, donnant à Vince l'illusion de retrouver un semblant contrôle, de reprendre sa vie en main en décidant brusquement d'une nouvelle direction. Évidemment, il déchante vite. Être un simple conducteur ne fait pas moins de lui le complice des crimes perpétrés par la bande qu'il est censée accompagner. Rapidement, le voilà confronté à lui-même, à tous les principes qui l'ont défini jusqu'alors, lorsque la vie d'un homme se retrouve en jeu. Il lui faut faire des choix difficiles. Et les enjeux se compliquent un peu plus lorsque la police s'en mêle... Loin d'avoir renoué avec cette famille qu'il sentait lui échapper un peu plus chaque jour, il l'a en fait peut-être définitivement perdue.

La mini-série suit ainsi une construction relativement prévisible, de l'engrenage au brusque retour à une réalité qui se révèle encore plus douloureuse que la situation que Vince voulait laisser derrière lui. À la crise existentielle personnelle, se mêle également une crise familiale, plus latente, dont le scénario ne dévoile l'ampleur que progressivement. Tout cela donne un récit plutôt riche en thèmes à explorer, mais qui pèche en étant souvent trop brouillon. La direction narrative, hésitante, peine à trouver l'équilibre et le bon dosage entre les différents éléments de l'histoire relatée. La dynamique familiale, par exemple, aurait sans doute gagné à être plus explorée. Centrée sur son protagoniste principal, The Driver repose en grande partie sur la performance d'un David Morrissey impeccable. L'acteur se situe ici dans un de ses registres de prédilection, n'ayant pas son pareil pour incarner ces rôles un peu écorchés et impliquer le téléspectateur dans le sillage des errances et des dilemmes de son personnage. Il parvient d'ailleurs tout au long des trois épisodes à maintenir ce lien. Mais, en dépit du casting qui reste indéniablement le point fort de la mini-série, l'ensemble laisse l'impression d'un potentiel qui n'est pleinement exploité, à l'image d'une fin expédiée s'inscrivant en porte-à-faux de la tonalité ambiante...

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Au final, The Driver peut mériter un détour pour ses jeux d'acteurs. Mais, malgré quelques bonnes idées et une ambiance sombre qui ressort bien par moment, la mini-série n'aura pas réussi à mener à bien, d'une manière complètement convaincante, la 'crise de la quarantaine' qu'elle ambitionnait de mettre en scène. Ce qu'avait su réaliser The 7.39, dans un tout autre style. 


NOTE : 6,25/10


La bande-annonce de la mini-série :

21/09/2013

(Mini-série UK) What remains : isolement et secrets derrière des portes closes

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Cette semaine, un des responsables de Sky déclarait dans une interview qu'il trouvait les dramas diffusés sur la BBC ou Channel 4 trop déprimants, voire moroses, et qu'a contrario, sa chaîne comptait justement développer des séries avec une tonalité plus nuancée. Une chose est sûre, ce n'est pas en s'installant devant la dernière mini-série de BBC1, What remains, que le téléspectateur anglais lui donnera tort sur ce constat de noirceur.

Écrite par Tony Basgallop (Inside Men), cette fiction compte en tout 4 épisodes, proposée du 25 août au 15 septembre 2013. Cette année, la télévision anglaise ayant véritablement regorgé de crime dramas ambitieux, il apparaissait difficile pour elle de se faire une place. Pourtant, à l'instar de ses prédécesseurs, What remains a su décliner un certain nombre de codes traditionnels au genre dans un registre qui lui est propre, glissant le téléspectateur dans le quotidien des habitants d'un immeuble.

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Un corps est découvert dans le grenier d'une maison, par un couple venant d'aménager dans un des appartements du haut. Les analyses montrent qu'il s'agit des restes de Melissa Young, une jeune femme à qui appartenait l'habitation du dernier étage. Cela faisait plus de deux ans que ses voisins ne l'avait plus croisée, mais personne n'avait donné l'alerte sur sa disparition, ni cherché à savoir ce qui était advenu d'elle. Compte-tenu de l'état avancé de décomposition du cadavre, la police reste prudente, incapable de conclure de manière certaine à l'homicide ou au suicide.

Cependant, le détective Len Harper, à contre-courant de sa hiérarchie, s'implique tout particulièrement dans cette affaire, persuadé qu'il s'agit d'un meurtre. Partant à la retraite, il décide malgré tout de poursuivre l'enquête de son côté, alors même que ses collègues s'en désintéressent. Peu à peu, à mesure qu'il apprend à connaître chacun des habitants des lieux, les apparences lisses et les phrases toutes faites qui lui ont été servies pour évoquer Melissa s'effritent. Chaque appartement a ses secrets consciencieusement dissimulés. C'est dans un de ces secrets que se trouve peut-être les raisons de la mort de la jeune femme...

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Derrière ses atours de fiction d'enquête classique, What remains se démarque tout d'abord par l'angle avec lequel la mort de Melissa Young est abordée. La jeune femme étant décédée depuis plus de deux ans, les services de police se retrouvent quelque peu démunis. De plus, personne n'ayant rien réclamé pendant tout ce temps, qui se préoccupera que toutes les diligences soient bien réalisées ? Melissa Young est tombée dans l'oubli. C'est cet isolement si profond que révèle cette situation qui touche profondément le policier Len Harper. L'idée qu'une disparition puisse être si longtemps ignorée le déroute, et surtout, elle le renvoie à sa propre solitude et à ses craintes.

La fragilité actuelle du lien social interpelle d'autant plus Harper qu'il part à la retraite. Melissa Young est sa dernière affaire. Il laisse derrière lui des collègues, un quotidien, tout un réseau sur lequel s'est construite sa vie. Même ses liens familiaux se diluent, puisqu'il est veuf et qu'il assiste, dans le même temps, impuissant, à la lente agonie de son frère à l'hôpital. Contre cette société qui semble si facilement avoir effacé l'existence de la jeune femme, il ressent une responsabilité : il lui doit de découvrir la vérité. C'est pourquoi il poursuit inlassablement son investigation, malgré la retraite, malgré les avertissements de son ancienne partenaire. Cette motivation particulière traverse toute la série, conférant une tonalité à part à l'ensemble.

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La construction de l'intrigue de What remains suit la mode narrative actuelle des timelines qui s'entremêlent, nous faisant vivre les derniers mois de Melissa Young en écho à la progression de l'investigation dans le présent. S'employant à montrer toujours plus l'isolement de la jeune femme, la mini-série entrouvre peu à peu les secrets que cache chacun des habitants de l'immeuble. Le cadre choisi d'une vieille et grande maison est ici très opportun pour susciter inquiétude et mystère. La haute bâtisse apparaît en effet comme une véritable métaphore des vies qui s'y déroulent. En dépit de la promiscuité, chacun semble si loin des autres. L'escalier central n'offre qu'une vision partielle de toutes ces portes closes qui sont autant de barrières empêchant des vérités inavouables de sortir, un moyen de s'isoler mais aussi d'isoler.

L'enquête agit comme un révélateur, c'est un catalyseur qui va faire ressortir tout ce que les habitants ont enfoui. Il ne s'agit pas seulement pour Harper de chercher un tueur, c'est la mémoire même de Melissa qu'il veut réhabiliter et préserver contre ceux qui souhaiteraient l'effacer. Réveiller le souvenir de la jeune femme provoque des réactions en chaîne inattendues. Démontrant combien tous ont contribué à conduire à cette mort anonyme, la mini-série souligne l'hypocrisie sociale, mais aussi la manière dont chacun transige pour fuir la solitude qui menace. D'anciens démons rejaillissent, ranimant chez certains une part d'ombre bien éloignée de l'image lissée initiale. Tandis que les apparences tombent, c'est tout leur quotidien qui menace de s'effondrer. Loin de se réduire à un simple whodunit, What remains propose ainsi un éclairage des plus troublants sur une communauté humaine, amenant à s'interroger sur les liens - et l'absence de liens - existant dans ce cadre citadin moderne.

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Sur la forme, What remains est une mini-série très solide. La réalisation a été confiée à Coky Giedrovc : elle est parfaitement maîtrisée avec un visuel abouti très appréciable. Elle entreprend de construire l'atmosphère particulière dans laquelle évolue le récit, avec une ambiance tour à tour intriguante et inquiétante qui retient l'attention du téléspectateur. La bande-son, bien dosée et sans excès, complète cet effort.

Enfin, What remains rassemble un casting choral des plus convaincants. Dans le rôle du détective Len Harper, le téléspectateur retrouve avec plaisir David Threlfall, évoluant ici dans un registre très différent du Frank Gallagher de Shameless. Parmi les habitants de la maisonnée, on retrouve Steven Mackintosh (Inside Men, The Jury II, Luther), Russell Tovey (Little Dorrit, Being Human, Him & Her), Indira Varma (Rome, Luther, Human Target), David Bamber (Rome, Collision), Amber Rose Revah (The Bible), Denise Gough (Titanic : Blood and Steel) et Victoria Hamilton (The Time of your Life, Lark Rise to Candleford). A noter que, après avoir bien sur jouer l'ambiguïté dans A Mother's Son, le jeune Alex Arnold (Skins) retrouve ici un rôle guère éloigné. Quant à Melissa Young, elle est interprétée par Jessica Gunning (White Heat, Law & Order : UK).

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Bilan : Tout en réunissant les ingrédients classiques d'un solide crime drama, l'enquête de What remains agit en réalité comme un révélateur permettant d'évoquer la communauté humaine qui vit dans la grande bâtisse mise en scène. Derrière son intrigue criminelle, c'est surtout une fiction qui interpelle par la manière dont elle traite ce thème central qu'est la solitude. Elle rappelle combien on peut être isolé en dépit de la promiscuité urbaine, tout en soulignant également la hantise, existant en chacun, que représente cette crainte d'être seul. Cette peur conduit à faire bien des compromis derrière des portes closes qui préservent secrets et non-dits, permettant de s'isoler et isolant l'autre. Laissant ainsi le téléspectateur songeur, la mini-série dépasse la seule fiction policière et retient l'attention du début à la fin. A découvrir.


NOTE : 7,5/10


La bande-annonce de la série :