23/05/2012
(J-Drama) Chase : entre thriller financier et drames humains
Restons au Japon en ce mercredi asiatique. Je continue de finir les dramas que j'avais en cours depuis le début de l'année, histoire - pour une fois - de prendre le temps de rédiger un bilan pour chacun. Et puis, je me suis aussi replongée dans un drama coup de coeur que j'avais déjà vu, histoire de cette fois-ci écrire cette review que j'ai trop longtemps remise au lendemain (et en lien direct avec l'actualité sud-coréenne de cette fin du mois - je vous laisse deviner de quelle série il s'agit). En attendant, le drama du jour est tout autre ; un mélange des genres intriguant qui m'avait été conseillé par Lynda.
Chase a été diffusé sur NHK du 17 avril au 22 mai 2010, dans la case horaire du samedi soir. Scénarisé par Sakamoto Yuji (à qui l'on doit notamment le marquant Mother), il compte 6 épisodes de 55 minutes environ. Si j'ai eu du mal à écrire ce billet, c'est que j'ai rarement croisé une série dont la lecture de son synopsis laissait si peu entrevoir l'orientation à venir de la fiction. Ayant a priori imaginé une sorte de procedural classique, je me suis retrouvée face à un cocktail feuilletonnant, oscillant entre vengeance, drame personnel et thriller financier.
Haruma Sosuke est inspecteur des impôts à Tokyo. Zélé et appliqué, il traque les fraudes fiscales, se consacrant corps et âme à son travail. Il est donc souvent absent d'un domicile familial où il néglige son épouse et sa fille adolescente, rentrant tard le soir et prenant rarement du temps pour passer un moment avec elles. Si sa femme ne se plaint pas, sa fille est en revanche plus entreprenante. Elle le convainc de planifier un voyage en couple, espérant permettre à ses parents de se retrouver. Mais du travail surgit au dernier moment, Sosuke ne peut partir ; sa femme décide malgré tout de prendre l'avion prévu. Malheureusement ce dernier s'écrase sans survivant.
Sosuke est anéanti par ce décès ; sa fille le considère en plus responsable. Mais en se replongeant dans ses enquêtes en cours, Sosuke découvre que l'avion avait peut-être été utilisé dans un stratagème permettant une évasion fiscale. Il discerne derrière la main de quelqu'un de suffisamment expert en finances pour orchestrer des fraudes à grande échelle. Par déduction, il vient en effet de déduire le rôle joué par un mystérieux homme d'affaires, Murakumo Shuji. Une confrontation à distance se construit peu à peu au fil du récit, tandis que Shuji entreprend la mise en place d'un plan bien particulier, aux motivations très troubles : quelles blessures se cachent derrière cette froideur apparente ?
L'intérêt de Chase repose sur le mélange des genres très riche qu'il propose. On assiste à une constante mutation du drama tout au long de ses six épisodes ; et cette durée brève permet à l'histoire d'être concentrée et de se dérouler sans temps mort. La série débute par un premier épisode d'exposition, où le procédural - la particularité étant ici qu'il s'agit d'un inspecteur des impôts, non de la police - se mêle au thriller financier, nous introduisant dans le jargon et les montages complexes qui vont asseoir son propos. Cependant l'écriture feuilletonnante nous entraîne rapidement dans une dimension plus humaine et dramatique, reléguant les chiffres en arrière-plan. L'histoire relatée est en réalité celle de destins qui s'entre-choquent, avec des personnages liés par les circonstances. L'enjeu dépasse la simple volonté d'arrêter l'organisateur des fraudes : le drama se mue en une sorte de quête de rédemption, pour chacun de ces protagonistes qui se perdent et se cherchent sous nos yeux. Cet aspect, plus personnel et assez tragique, est certainement ce qui est le mieux réussi.
Malheureusement, Chase est aussi un drama qui ne va jamais réussir à dépasser une dualité inégale inhérente à son scénario. La série a en effet des ambitions, mais pas toujours les moyens pour les porter à l'écran de manière homogène. Sa faiblesse tient ici principalement à son volet thriller : les machinations financières, exposées de manière trop didactiques, peinent à générer une véritable tension (on est loin par exemple des jeux de bourse de Story of a man). Le récit manque de souffle, et l'ensemble est trop figé pour réussir à susciter un vrai suspense. Cela explique l'impression que le drama tend parfois à trop se disperser entre les genres, avec une écriture manquant de liant. Pour autant, l'évolution des enjeux au fil des épisodes apporte une profondeur et une intensité émotionnelles qui vont faire sa force. C'est par ces tragédies que Chase saura toucher le téléspectateur. La série gagne alors en complexité à mesure que les personnages se dévoilent, devenant alors beaucoup plus intéressante même si certaines maladresses demeurent.
Sur la forme, Chase propose une réalisation classique, sans prise de risque, ni initiative notable. La seule spécificité de ce drama tient à sa bande-son, qui adopte une tonalité jazzy, déchirante à l'occasion, qui constitue ce que je qualifierais de "touche expérimentale" de la série. Si l'essai est à noter, j'avoue que j'ai été peu convaincue : même si parfois, on pourrait presque croire que la série souhaiterait exhumer une atmosphère de vieux polar, l'OST échoue à construire une ambiance, restant en décalage par rapport aux attentes et au ton du récit.
Enfin, Chase bénéfice d'un casting correct. Si Eguchi Yosuke campe efficacement cet inspecteur des impôts qui se bat du bon côté de la loi et tente de faire son deuil de son épouse, celui qui s'impose véritablement à l'écran est ARATA, sans doute parce que le rôle de ce dernier permet un jeu tout en ambivalence où il peut vraiment s'exprimer. C'est un acteur que je ne connaissais pas, mais il va bien prendre la mesure de la dimension torturée qui anime ce mystérieux financier de l'ombre qui se dévoile peu à peu sous nos yeux : ma révélation personnelle côté acteurs dans ce drama. A leurs côtés, on retrouve notamment Aso Kumiko, Mikura Tae, Saito Takumi, Nakamura Kazuo, Masuoka Toru, Okuda Eiji, Hirata Mitsuru ou encore Sato Jiro.
Bilan : Intéressant par la richesse de ses thèmes,Chase est un drama qui ne va jamais réussir à dépasser une dualité structurelle handicapante. Peu convaincant dans le registre du thriller à suspense, il s'affirme immédiatement dès qu'il bascule dans l'intime de ses personnages et met en scène des storylines plus personnelles. Dans le registre dramatique, lorsqu'il s'agit de capturer des états d'âme, on perçoit le savoir-faire du scénariste. Mais au final, même si le drama expérimente des idées intéressantes, on reste sur sa faim devant cet ensemble certes ambitieux, mais trop dispersé et inégal, alors même que son sujet laissait entrevoir un potentiel certain qui ne demandait qu'à être exploité.
NOTE : 6,5/10
17:41 Publié dans (Séries asiatiques) | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : j-drama, chase, nhk, eguchi yosuke, arata, aso kumiko, mikura tae, saito takumi, mizuno erina, nakamura kazuo, masuoka toru, okuda eiji, sato jiro, hirata mitsuru | Facebook |
30/11/2011
(J-Drama) Kurumi no Heya : questionnements existentiels sur l'ambivalence des relations humaines
L'alternance Corée du Sud/Japon se poursuit en ce mercredi asiatique, avec un retour au pays du Soleil Levant pour dresser le bilan d'une série estivale de cette année. Si actuellement, un drama comme Kaseifu no Mita replace au centre du petit écran japonais une thématique familiale en évolution, exposant questionnements et doutes, Kurumi no Heya aborde ce même sujet avec une approche plus classique - la série se déroule dans les années 80 -, mais en réussissant cependant à trouver sa propre identité dans ce genre.
Diffusée sur NHK du 26 juillet au 30 août 2011, dans la case horaire du mardi soir à 22 heures, Kurumi no Heya comporte 6 épisodes d'une cinquantaine de minutes chacun. L'histoire est basée sur un roman de Mukuda Kuniko. Présentant un récit solide, la série va s'attacher à explorer méthodiquement toutes les approches d'une thématique familiale souvent douloureuse, mais qui demeure cependant une fondation au coeur des relations humaines.
Kurumi no Heya se déroule à Tokyo dans les années 80. Tout bascule dans la famille Mitamura lorsque le père de famille, Tadashi, disparaît du jour au lendemain sans laisser ni trace, ni adresse. Cadre jusqu'alors sans histoire, il venait d'être renvoyé de son travail et avait préféré taire sa situation professionnelle à ses proches. Les semaines passent, l'inquiétude se change en pessimisme et en fatalisme chez la mère et les quatre enfants, tous jeunes adultes. Cependant, à force de persuasion, la cadette des filles, Momoko, parvient à obtenir d'un ancien collègue de son père la vérité : ayant comme tourné la page de sa vie de famille, son père vit désormais avec une autre femme.
Plus que la disparition, c'est le choc de la révélation sur la nouvelle vie de leur père qui va faire vaciller la famille. Tandis que leur mère peine à faire face, se questionnant sur ses erreurs, Momoko s'impose de nouvelles responsabilités, prenant la place de son père pour subvenir financièrement aux besoins de la maisonnée, mais aussi pour assumer les tâches domestiques avec une mère en retrait. Seulement quelque chose paraît désormais irrémédiablement cassé, comme si toutes les certitudes que chacun pouvait avoir sur la vie avaient soudain volé en éclat. L'aînée, Sakura, doute sur la viabilité de son mariage, Yoko s'invente une famille idéale auprès de son prétendant, tandis que le plus jeune fils, en réaction contre son père, abandonne ses projets d'études, souhaitant marquer sa différence.
Kurumi no Heya va ainsi nous faire vivre ces quelques mois de crise existentielle qui vont forcer la famille Mitamura à remettre en ordre ses priorités. Entre voies du coeur et responsabilités, chacun se retrouve alors à un tournant décisif pour son avenir...
Derrière ses allures de drame familial, c'est plus généralement sur les relations humaines et leurs ambivalences que Kurumi no Heya nous interroge. S'appliquant à éclairer toutes les facettes de ce thème central qu'est la famille, la série s'intéresse à ce qui la fonde mais aussi à ses contradictions. Elle peut en effet aussi bien apparaître comme un soutien inconditionnel indispensable, que comme un poids étouffant qu'il faut fuir. A travers une galerie de portraits qui gagnent en consistance et en nuances au fil des épisodes, le drama souligne les tensions permanentes, parfois opposées, qui parcourent ces rapports humains. Si les problèmes des couples resteront au coeur de l'histoire, leur traitement diverge selon les personnes concernées. Dévoilant les dynamiques à l'oeuvre au-delà des apparences faussement policées, la série montre des protagonistes confrontés à des arbitrages constants : entre affection et habitude, dépendance et responsabilité... C'est un entremêlement ambigu, souvent touchant, des voies du coeur et de la raison qui est mis en scène.
Pour enrichir sa réflexion, Kurumi no Heya a également un autre atout : elle se déroule dans les années 80. En mettant habilement à profit son cadre, elle propose un éclairage sur la société japonaise d'alors et ses mutations en cours. Nous nous situons avant la bulle spéculative et la crise économique qui marquera la fin du XXe siècle. La série apparaît placée sous le signe de la stabilité, ou du moins de son illusion. C'est le cas non seulement sur le plan familial, où le modèle traditionnel est encore profondément ancré, mais aussi sur le plan économique, avec le rôle du père se définissant par son travail. Cependant les fissures sont déjà là. Ce n'est pas un hasard si le renvoi du mari est l'évènement déclencheur. Brusquement, la figure patriarchale faisant défaut, c'est tout l'équilibre familial qui est remis en cause. S'ensuit l'expression des doutes de chacun, soulevant des problématiques existentielles.
Kurumi no Heya restera cependant jusqu'au bout fidèle au parfum nostalgique qui en émane. Si elle pointe les limites du modèle familial exposé et de ses exigences, elle ne le brisera pourtant pas. Le propos n'est pas neutre : en 2011, utiliser ce cadre des 80s' est aussi une façon de rappeler les fondements des liens sociaux et familiaux, sans pour autant verser dans une quelconque idéalisation, ou moralisation.
Si Kurumi no Heya traite habilement de ces problématiques humaines, l'attrait que la série exerce sur le téléspectateur tient également beaucoup au souffle qui la parcourt. Non seulement elle bénéficie d'une construction narrative très bien maîtrisée, jusqu'à ses fins d'épisodes en forme de cliffhanger qui aiguisent la curiosité, mais en plus, elle trouve une justesse de ton à saluer. La lecture du synopsis ne laissait guère de doute sur le genre dramatique qui allait être investi : l'implosion d'une famille n'est pas un sujet gai. Pourtant une des grandes réussites du drama va être de savoir éviter l'écueil d'un pathos trop pesant où la part de mélodrama aurait déstabilisé ou éclipsé la consistance de l'histoire. Au contraire, il surprend par la dynamique irrésistible qui le traverse, incarnée par un personnage principal fort, Momoko, auquel le téléspectateur s'attache instinctivement. Au-delà des sacrifices que la jeune femme est prête à faire pour sa famille, ce qui marquera surtout, c'est sa capacité à toujours aller de l'avant, envers et contre tout. Il émane d'elle une vitalité constante qui restera le trait d'union le plus certain entre tous les membres de sa famille.
Cette force sous-jacente se perçoit aussi dans la dimension plus émotionnelle que développe la série. Certes le téléspectateur ne peut rester insensible à ce récit souvent poignant. Si le drama fait toujours preuve de beaucoup de sobriété et d'une retenue assumée, le visionnage reste éprouvant devant la force de certaines scènes de confrontation. Pour autant, comme un écho à l'ambiguïté des relations dépeintes, la tonalité conserve une part de légèreté. Car les difficultés ont un apport majeur : elles révèlent la valeur et l'importance de choses que l'on considérait jusqu'alors comme des acquis. Les personnages vont alors chérir plus précieusement encore les quelques moments de répit, savourant ces instants où l'avenir semble soudain s'éclaircir et où les sentiments renaissent. C'est pourquoi l'histoire n'est pas triste ; c'est un récit de vie qui, au gré des épreuves, fortifie ses protagonistes, leur permettant de s'interroger sur leurs priorités. C'est sans doute pour cela que le téléspectateur sort du visionnage de Kurumi no Heya tout aussi rasséréné.
Solide sur le fond, Kurumi no Heya va en plus se construire une ambiance très soignée sur la forme. Si la reconstitution des années 80 reste minimaliste, surtout identifiable grâce à la technologie d'époque, en revanche, c'est par sa bande-son que ce drama se démarque. Non pas qu'il reprenne des morceaux d'époque, mais il va bâtir un parfum relativement intemporel en recourant à des musiques plutôt traditionnelles. De manière ainsi originale, renforçant sans doute la fibre nostalgique qu'elle peut réveiller chez le téléspectateur, toute la série est rythmée par des instrumentaux, qui accompagnent la narration et soulignent les passages les plus intenses. C'est un parti pris recherchant volontairement la simplicité, accentué par le choix de la chanson douce et mélancolique qui referme les épisodes. Tout cela contribue à construire l'atmosphère de ce drama et à lui donner une identité propre.
Enfin, Kurumi no Heya bénéficie d'un casting appréciable. C'est sur les épaules de Matsushita Nao que repose une partie de la dynamique de la série, la jeune femme étant celle qui prend les rênes de la famille lorsque son père fait défaut. J'aime bien cette actrice qui fait toujours preuve de beaucoup d'énergie et que j'avais appréciée en début d'année dans Control ~Hanzai Shinri Sousa. A ses côtés, on retrouve une distribution homogène, au sein de laquelle on croise notamment Takeshita Keiko (Saka no Ue no Kumo), Kanie Keizo (Ryomaden), Igawa Haruka (Freeter), Seto Koji (Otomen), Harada Taizo (Atsu-Hime), Usuda Asami (Tokyo DOGS), Nishida Naomi ou encore Equchi Noriko.
Bilan : Histoire familiale aux thématiques classiques mais consistantes, Kurumi no Heya est un drama intéressant qui marque par sa capacité à éclairer toute l'ambivalence des relations humaines, en essayant de réfléchir à ce qui fonde une famille. Poignante et touchante à l'occasion, mais jamais larmoyante, la série trouve le juste équilibre grâce à la dynamique inébranlable qui la traverse, admirablement portée par le personnage de Momoko. L'immersion dans les années 80 apporte en plus une distance par rapport au portrait proposé, permettant l'introduction d'une touche de nostalgie qui est renforcée par la bande-son originale et très travaillée qui accompagne la série. A découvrir.
NOTE : 7,5/10
05:41 Publié dans (Séries asiatiques) | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : j-drama, kurumi no heya, nhk, matsushita nao, takeshita keiko, kanie keizo, igawa haruka, seto koji, harada taizo, usuda asami, nishida naomi, eguchi noriko, matsuo satoru | Facebook |
19/10/2011
(J-Drama / Pilote) Last Money ~Ai no Nedan~ (Price of love) : une intéressante immersion dans le milieu des assurances
Retour au Japon en ce mercredi asiatique pour évoquer une des nouveautés de cet automne. Vous avez sans doute dû remarquer que la place occupée par le pays du Soleil Levant tend à s'accroître ces derniers temps sur My Télé is Rich!, équilibrant la répartition de ce rendez-vous hebdomadaire asiatique. Si la brièveté des dramas japonais par rapport aux sud-coréens joue sans doute en leur faveur, en raison du peu de temps libre dont je dispose actuellement, cela reflète aussi une vraie stabilisation de fond : c'est officiel, plus de cinq ans après le visionnage de mon premier j-drama, j'ai enfin trouvé mes marques devant ce petit écran japonais !
C'est pour cela que, cet automne, Last Money, diffusé depuis le 13 septembre 2011 sur NHK, ne pouvait que retenir mon attention, certitude confirmée par la première critique de LadyTeruki. Les dramas de NHK n'ont sans doute pas les synopsis les plus glamours à première vue, mais c'est dans l'éclairage qu'ils apportent de la société japonaise que réside tout leur attrait (souvenez-vous, Hagetaka). On se situe ici dans le même registre qu'un certain nombre de fictions de WOWOW, à l'image par exemple de Soratobu Taiya. Comprenant sept épisodes au total, Last Money s'achèvera mardi prochain au Japon ; cette critique portera sur les deux premiers épisodes de la série, visionné vendredi soir avec beaucoup d'enthousiasme.
Last Money se concentre sur le personnage de Mukojima Sakutaro. Ce dernier travaille pour une compagnie d'assurance, pour laquelle il enquête sur les demandes en paiement des clients, vérifiant si les conditions du contrat d'assurance souscrit sont bien remplies dans chaque cas et donc autorisant ou non le versement. Des hypothèses de fraude à l'assurance pour de faux soins médicaux jusqu'au versement d'assurance-vie suite à des décès dont il faut déterminer les circonstances exactes (suicide, ordre des décès dans un accident), il traite des affaires les plus diverses avec le même pointilleux sens de l'éthique qui le pousse toujours au bout de ses investigations, peu importe le résultat et les conséquences qui en découleront...
Ce professionnalisme n'est d'ailleurs pas toujours du goût de son entreprise, dont la politique commerciale se concentre plus sur son équilibre financier et la rapidité avec laquelle elle opère ses versements par rapport à la concurrence. Cela ne va donc pas sans provoquer parfois certaines tensions au sein d'une société où son obstination peut se heurter aux impératifs de chiffres fixés. Ses collègues se sont habitués à ce tempérament, et le dernier employé placé en formation à ses côtés comprend ainsi peu à peu les impératifs et les dilemmes moraux de ce métier. Mukojima Sakutaro a cependant peu de véritables amis, si ce n'est Yokomura Kazuki, avec qui il est inséparable depuis l'université. Or ce dernier a entamé une liaison extra-conjugale dans laquelle il s'investit plus que de raison ; mais sa maîtresse, mère célibataire apparemment sans histoire, semble nourrir des arrière-pensées financières qui devraient peut-être susciter la méfiance.
Gagnant en épaisseur et en envergure au fil de son pilote, Last Money se révèle être un drama habile qui a parfaitement compris tout le potentiel de son sujet de départ. En effet, la série va décliner ce thème du milieu des assurances en s'attachant à en exploiter toutes les facettes. Se présentant sous une forme semi-procédurale, avec des enquêtes conduites à chaque épisode, elle introduit également divers fils rouges qui complètent et densifient le récit. Non seulement un enjeu dramatique est posé dès le flashforward d'ouverture, mais le drama esquisse aussi une promesse d'exploration du personnage principal à travers une affaire passée qui semble le hanter.
Doté d'une construction narrative maîtrisée, Last Money a de plus le mérite de savoir trouver le ton juste pour aborder ce sujet finalement très sensible. Il émane de cette série une impression d'authenticité et de réalisme qui renforce l'impact des histoires racontées. S'intéresser au milieu des assurances apparaît comme l'angle parfait pour tendre un miroir, parfois peu flatteur, souvent désabusé, vers la société japonaise et les rapports que ses membres entretiennent avec les sommes rondelettes que Sakutaro peut débloquer. De son entreprise jusqu'aux particuliers qu'il croise, le drama multiplie opportunément les points de vues pour offrir une vision d'ensemble guère optimiste. C'est un portrait nuancé qui est dressé, où les intérêts de chacun s'entremêlent souvent de façon conflictuelle.
Outre cet éclairage social, c'est aussi dans un registre plus intime que Last Money retient l'attention. Faire jouer le mécanisme de l'assurance signifie généralement accident ou drame de la vie. Or la série démontre une faculté rare pour relater avec sobriété et une forme de pudeur parfaitement contenue ces tranches d'existence évoquées au cours de chaque enquête. Le choix de la première affaire traitée dans le pilote est judicieux : c'est celle d'une famille, tuée dans un accident de voiture, dont il faut retracer l'ordre des décès pour déterminer à quel héritier revient l'important montant de l'assurance-vie contractée. Tout en éclairant le rapport très différent des parents survivants face à cette somme, le drama verse logiquement dans un drame plus poignant qui ne saurait laisser le téléspectateur indifférent.
En filigrane, transparaît du propos tout en retenue de Last Money un certain pessimisme. Si quantifier la vie d'un être cher est chose impossible, le mécanisme de l'assurance semble réveiller les instincts les plus bas de notre nature humaine et vicier les relations. Non seulement la douleur s'efface parfois au profit de la préoccupation monétaire, mais c'est aussi la seule existence de ce système qui aiguise les appétits : au-delà des cas de fraude, que penser de la demande d'une maîtresse qui présente le fait d'être bénéficiaire du contrat d'assurance-vie de son amant comme une preuve d'amour véritable ? Derrière ces questions d'argent, c'est bien l'être humain qui est le coeur du sujet de cette série.
Sur la forme, Last Money bénéficie de la sobriété caractéristique de ce type de drama, parfaitement adéquate à la tonalité d'ensemble. La réalisation opte pour une simplicité, sans le moindre effet de style, qui renforce l'impression d'authenticité du récit. Les couleurs sont globalement plutôt froides, avec quelques filtres teintés pour marquer certains changements de décor, notamment en extérieur. Pareillement, la bande-son reste minimaliste, se confondant complètement à l'histoire proposée.
Enfin, Last Money bénéficie d'un casting globalement homogène qui assure des prestations crédibles. Il est conduit par Ito Hideaki (Bengoshi no Kuzu, First Kiss), qui incarne cet agent-enquêteur d'assurances recherchant obstinément la vérité dans tous les cas qui lui sont soumis. A ses côtés, on retrouve Takashima Reiko (Bengoshi no Kuzu), Nakamaru Yuichi (membre du groupe KAT-TUN, Sushi Oji!), le toujours excellent Matsushige Yutaka (Fumo Chimai), Tabata Tomoko, Ibu Masatoas, Natsuyagi Isao ou encore Tanaka Tetsushi.
Bilan : Le pilote de Last Money pose efficacement les bases d'un human drama consistant, dont la force réside autant dans une sobriété d'ensemble que dans les passages plus poignants inhérents aux drames de la vie croisés dans les affaires. Bénéficiant d'une solide construction narrative dans laquelle s'esquisse plusieurs fils rouges, son scénario, à tiroirs multiples, utilise habilement le prisme du monde des assurances pour éclairer toutes les problématiques de société, mais aussi plus personnelles, que ces questions d'argent peuvent soulever. En somme, Last Money apparaît comme le portrait authentique d'une société japonaise moderne. A suivre !
NOTE : 8/10
Quelques images de la série :
17:41 Publié dans (Séries asiatiques) | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : j-drama, nhk, last money, price of love, ai no nedan, ito hideaki, takashima reiko, nakamaru yuichi, matsushige yutaka, tabata tomoko, ibu masato, natsuyagi isao, tanaka tetsushi | Facebook |
16/06/2010
(J-Drama) Gaiji Keisatsu : jeux de dupes, jeux d'espions, au sein de l'antiterrorisme japonais
Aujourd'hui, pas de test de pilote, mais le bilan d'une série entière. Mon coup de coeur asiatique de la semaine est une découverte inattendue en provenance du Japon, une immersion dans les services de lutte antiterroriste de la police de ce pays : Gaiji Keisatsu. En bien des points, je serais tentée de dire qu'il s'agit d'un drama juste parfait pour mettre l'été à profit afin d'élargir son horizon téléphagique et découvrir (enfin) une série asiatique. Pourquoi ? Pour vous situer son genre, essayons-nous à l'exercice des parallèles : sobre et magistralement menée, Gaiji Keisatsu traite de menaces sur la sécurité intérieure avec la paranoïa et la maîtrise d'un Spooks (MI-5) des grands jours. De plus, autre atout pour achever de convaincre les derniers récalcitrants : c'est une série courte. Son format lui permet de ne pas s'étaler inutilement et de maintenir constante la tension qui y règne, car elle ne compte en effet que six épisodes d'une cinquantaine de minutes chacun.
Adaptation d'un roman éponyme d'Aso Iku, diffusée par NHK du 24 novembre au 19 décembre 2009, Gaiji Keisatsu (6 x 50') s'est donc révélée être l'excellente surprise de ce mois de juin dans mes programmations sériephiles. En résumé, c'est un peu ce qu'un drama comme IRIS aurait pu être, si ses scénaristes avaient mieux maîtrisé leur sujet.
Gaiji Keisatsu nous plonge au coeur d'une branche à part des forces de police japonaise, celle qui s'occupe des Affaires étrangères, surveillant notamment les allées-venues sur le territoire national. En charge de la sécurité publique du pays, elle est celle qui lutte contre toutes les menaces internationales, tel que l'espionnage ou le terrorisme. Elle agit généralement de concert avec le bureau de la CIA basé à l'ambassade américaine, qui a historiquement été longtemps le donneur d'ordres de ce service. L'agence de renseignements américaine leur fournit d'ailleurs toujours des renseignements. Elle informe ainsi le directeur, Ariga Shotaro, d'une menace terroriste potentielle qui pèserait sur eux. Un mystérieux mercenaire très dangereux, connu sous le pseudonyme de "Fish", aurait infiltré le pays. L'enjeu est d'autant plus important que le Japon doit accueillir une cible de choix : une importante conférence internationale liée à l'antiterrorisme va prochainement s'y tenir.
Mais l'air n'est pas au tout sécuritaire, notamment au sein du gouvernement qui voit d'un mauvais oeil tous les crédits engloutis chaque année dans la division des Affaires étrangères. Le Japon n'a pas de tradition dans les services de renseignements. Mais, de toute façon, existe-t-il encore des menaces extérieures concrètes pour lui ? L'ambitieuse ministre aspire surtout à réduire le budget, quitte à privatiser une partie des forces de sécurité. Elle ne croit pas une seule seconde que le Japon puisse être une cible terroriste potentielle. Ne disposant pas d'éléments suffisants, le directeur Agira Shotaro n'insiste pas, mais il décide de poursuivre les investigations en cours afin d'identifier ce mystérieux "Fish" et savoir ce qu'il prépare. Pour cela, il a confié cette mission à l'unité dirigée par Sumimoto Kenji, un vétéran qui s'est longtemps occupé de démasquer les espions russes, avec des méthodes pas toujours très orthodoxes, mais généralement efficaces.
Parallèlement, Matsuzawa Hina est une jeune officier de police. Après un premier contact mouvementé avec l'unité de Sumimoto, alors qu'elle souhaitait interroger un étranger dans une affaire de viol, elle est transférée dans cette unité. Elle va rapidement découvrir que cette division agit à un niveau très différent des autres départements de police. Quand l'intérêt public est en jeu, l'intérêt des particuliers est facilement sacrifié ; d'autant plus que son supérieur hiérarchique, maître manipulateur, ne semble reculer devant rien pour mener à bien leur mission.
Sur la forme, Gaiji Keisatsu est au diapason de la tonalité de son contenu. La réalisation est volontairement nerveuse. Elle change souvent de styles, allant jusqu'à utiliser des plans pris caméra à l'épaule qui contribuent à dynamiser l'ensemble. Cependant, on reste à l'écran dans une sobriété toute japonaise. L'image est assez sombre (parfois même, peut-être un peu trop), allant du pastel au noir et évitant toute couleur chatoyante. La musique est utilisée avec beaucoup de retenue, uniquement lors de certains passages la justifiant. Il n'y a aucune chanson. Seulement des morceaux musicaux qui viennent souligner les moments de tension.
Bilan : Gaiji Keisatsu est un petit bijou d'espionnage. Un thriller au scénario admirablement bien maîtrisé. La série nous plonge dans un univers de faux-semblants, sans aucun manichéisme, où les vrais enjeux demeurent longtemps cachés danss l'ombre. Tout est ambivalent dans cet univers trop sombre et impitoyable, où chacun manipule l'autre, suivant son propre agenda. La réussite de ce drama est aussi de ne pas se contenter seulement du suspense qu'il génère, mais d'investir une dimension humaine qui ajoute à la richesse, mais aussi aux ambivalences, de l'histoire. Gaiji Keisatsu est une série dense qui joue ainsi sur plusieurs tableaux.
En somme, voici un drama à découvrir de toute urgence !
NOTE : 8,75/10
Un extrait vidéo des cinq premières minutes du premier épisode :
07:04 Publié dans (Séries asiatiques) | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : j-drama, gaiji keisatsu, nhk, watabe atsuro, ishida yuriko, ono machiko, endo kenichi, yo kimiko, ishibashi ryo, espionnage | Facebook |