Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

17/07/2010

(K-Drama / Mini-série) Running (Running, Gu) : une sobre et rafraîchissante histoire d'amitié et d'entrée dans l'âge adulte

 

runninggu.jpg

S'il est toujours attrayant de parler diversité culturelle et voyages téléphagiques exotiques, il est aussi assez amusant de constater combien certaines thématiques ont un caractère universel, aptes à servir de fondements à ces mini-séries de transition qu'aiment proposer les chaînes, sorte de parenthèse en adéquation avec cette période estivale où le téléspectateur sera plus prompt à rechercher l'alliance entre la fraîcheur et les retrouvailles avec les classiques, pour un retour aux sources regénérateur.

Prenons l'exemple d'un créneau entrant parfaitement dans cette optique, celui de la série où le sport, par sa pratique ou son renoncement, sera le reflet d'un parcours d'initiation à la vie, illustration de la maturation d'une jeunesse pleine d'ambition qui doit apprendre à faire la part des choses entre rêve et réalité. On a tous déjà vu au moins une demi-douzaine de fictions télévisées exploitant ce thème... Mais les vieilles recettes ont cette aptitude à conserver le charme déroutant d'une simplicité un peu désuette et d'une humilité touchante, qui leur permet d'attirer le téléspectateur en dépit de ses ingrédients trop bien connus.

C'est sans doute pour cela que, au cours de ces dernières semaines, le téléspectateur curieux (parce que je reconnais qu'elles occupent une place, qu'on qualifiera d'anecdotique, dans la sphère téléphagique - mais, en même temps, raison de plus pour prendre le temps d'en parler) a pu suivre, dans ce même créneau de la mini-série sportive/estivale, sur l'apprentissage de la vie, deux mini-séries très dissemblables, mais ayant un rapport au sport. Une anglaise, sur BBC2, intitulée Dive, et une sud-coréenne, sur MBC, intitulée Running (Running, Gu). Chacune à sa manière, traitant dans ce cadre de thématiques très différentes, par le biais d'une approche personnelle propre à son pays d'origine, elles ont apporté leur pierre à l'édifice déjà chargé de ce type de fiction.

runningb.jpg
Diffusée sur MBC du 10 au 17 juin 2010, Running Gu est une mini-série composée de 4 épisodes d'une heure chacun. Servant surtout de transition dans la programmation de la chaîne, qui lui offrit une exposition quelque peu chaotique, elle s'inscrit dans un registre rafraîchissant, assez chaleureux, correspondant bien à la saison estivale. C'est pourquoi je pense qu'elle mérite bien un petit coup de projecteur.

Cette mini-série raconte l'histoire de trois amis d'enfance, dont l'amitié a été ébranlée par les choix de chacun et les épreuves de la vie. Le héros, Goo Dae Gu, s'était très tôt découvert une passion pour la course à pied. C'est dans ce cadre qu'il avait noué une relation teintée d'une saine compétitivité avec Heo Ji Man, le fils d'un gros entrepreneur de la région. Concurrence sportive, mais aussi sentimentale, pour le coeur de la belle Moon Haeng Joo, qui complètait ce trio.

Seulement, à l'époque, Dae Gu devait également s'occuper de son frère, jeune garçon un peu simple d'esprit dont son père lui confiait la garde au cours des courses auxquelles il inscrivait ses garçons. Un jour, l'appel de la victoire se fit trop fort pour un Dae Gu encore enfant, qui ne prit pas sur le moment conscience de la dangerosité de sa décision. Il gagna la course dans laquelle ils étaient engagés, en délaissant la surveillance de son frère. Ce dernier, dont la passion pour les trains surpassait tout, s'écarta du parcours balisé pour s'aventurer sur les rails d'un chemin de fer. Un train arriva. L'accident mortel fut inévitable, laissant sa famille traumatisée.

runninga.jpg

Les années passèrent. Les blessures restèrent, les non-dits s'installèrent, chacun grandissant de son côté. Finalement, ce sont trois jeunes gens, presque adultes, mais toujours sous la coupe de leurs parents, que l'on découvre au début de la série. Dae Gu a abandonné la course à pied, sur l'insistance d'un père profondément marqué par ce drame d'avoir vécu la mort d'un de ses fils, révulsé par ce sport qui a pris un des trésors de sa vie. Dae Gu se ressent toujours d'une culpabilité diffuse, qu'il n'assume pas pleinement. Ayant grandi derrière cette ombre, en porte-à-faux d'un père excessivement émotionnel, facilement étouffant, il ne s'est jamais vraiment affirmé, s'efforçant de s'occuper de cette figure restée ancrée dans le passé, tout en laissant la vie s'écouler. Sans ambition, n'ayant jamais comblé ce vide intérieur qui s'est formé, il végète en travaillant au port de la ville.

Parallèlement, Ji Man a poursuivi une carrière sportive, sous l'impulsion d'un père qui a reporté sur lui toutes ses ambitions de gloire et qui rêve de le voir représenter la Corée du Sud, lors de l'épreuve de marathon des prochains Jeux Olympiques. Régissant la vie de son fils d'une main de fer, n'hésitant pas à embaucher tout un staff autoritaire, il étouffe peu à peu Ji Man. En grandissant sur des chemins très différents, ce dernier s'est éloigné de Dae Gu. La concurrence a pris le pas sur leur amitié ; d'autant que, désormais à l'âge des épanouissements amoureux, la douce Haeng Joo exacerbe les pointes de jalousie et les sentiments conflictuels de ses deux amis. Elle-aussi, pourtant, cherche toujours sa voie. Aspirante musicienne ayant subi échec sur échec à Séoul, elle s'est rabattue sur un poste de professeur intérimaire, qu'elle essaye de concilier avec les rêves de sa mère.

runningf.jpg

Le retour au pays de Ji Man et Haeng Joo, ainsi que les problèmes financiers causés par les éclats d'humeur du père de Dae Gu, vont rapprocher à nouveau, presque naturellement, ces trois jeunes gens qui s'étaient perdus de vue. C'est dans cette dimension très humaine, dans ce registre où l'émotionnel, à fleur de peau, donne une épaisseur supplémentaire à une histoire somme toute excessivement classique, que réside l'un des charmes principaux de Running, Gu. La mini-série parvient à dépeindre, avec une écriture spontanée et naïve, exprimant une authenticité assez touchante, les creux et les vagues d'une amitié fragile, parfois paradoxale, mais dont les fondations sont finalement plus profondes que les tensions apparentes pourraient le laisser croire.

Le sport en toile de fond fait figure de métaphore traditionnelle, réflexion inévitable sur le dépassement de soi. Son intégration dans le récit se fait sans heurt, ni rupture de la narration. Pas besoin pour le téléspectateur d'avoir la moindre affinité à l'égard de cette activité pour ressentir, avec intensité, les émotions tourbillonnantes de jeunes gens qui se cherchent, entrant progressivement dans l'âge adulte. Le contexte sportif se justifie d'autant plus que Running, Gu fait preuve d'une approche plus subtile qu'il n'y paraît. Car si la course à pied est une passion savourée sans arrière-pensée par Dae Gu, pour qui elle s'analyse comme un vecteur d'émancipation, face à un père dont la vie s'est figée avec la mort de son autre garçon, elle est, au contraire, une activité aliénante, presque oppressante lorsqu'elle est poussée à son extrême, pour Ji Man, qui doit subir l'emprise d'un père omniprésent.

runningd.jpg

A travers ces adversités personnelles qu'ils doivent affronter seuls, Running, Gu est une ode pleine de sobriété, dédiée à l'amitié. Au-delà du sport, c'est plutôt la thématique de jeunes adultes confrontés aux attentes de leurs parents qui se révèle centrale. Le lien qui les unit sera ce qu'il leur permettra de trouver leur voie et de s'épanouir. La mini-série met donc en avant tout un aspect humain. Cette morale portée à l'écran avec une certaine naïveté, mais pas déplaisante à suivre, est un refus obstiné de réduire l'épanouissement personnel à la seule question de la réussite quantifiable dans un domaine, qu'il s'agisse, ici, du sport ou de la musique.

Enfin, sur la forme, Running, Gu dispose d'une réalisation solide, accompagnée d'images relativement soignées, où abondent les couleurs chatoyantes. Son casting, composé de jeunes acteurs, ne déparaille pas dans cette atmosphère finalement pleine de fraîcheur qui est mise en avant. Le trio principal, homogène, remplit efficacement son office ; on y retrouve Baek Sung Hyun (That fool), Park Min Young (elle sera à l'affiche, à la rentrée de septembre, du drama qui s'annonce comme un mélange atypique des genres, Sungkyunkwan Scandal) et Yoo Yun Suk (croisé dans Soul).

runninge.jpg

Bilan : Running, Gu est le genre de mini-série estivale qui se visionne sans conséquence. D'une simplicité rafraîchissante, portée par une dose d'émotionnel dépourvue d'artifice et des ressorts scénaristiques classiques, c'est une histoire sur la vie, ses réussites comme ses échecs... Au final, elle nous propose une fable sur l'amitié, mais aussi sur la maturité, avec la gestion difficile de cette arrivée à l'âge adulte où il faut apprendre à s'émanciper, à vivre par soi-même. Le tout garde en toile de fond la thématique du dépassement de soi propre à ces fictions "sportives"...

Ne vous attendez pas à y trouver quelque chose d'original, mais, paradoxalement, c'est justement cette sobriété, ce naturel sans artificialité, qui font que la mini-série sonne souvent juste. Parfois, ce registre suffit pour offrir un moment agréable au téléspectateur. C'est ce que réussit Running, Gu. Rien de plus, rien de moins.


NOTE : 6,25/10


La bande-annonce de la mini-série :

14/07/2010

(K-Drama / Pilote) Road Number One : mélodrame excessif entre Séoul et Pyongyang


roadnumberone3.jpg

Ainsi que je l'avais mentionné dans le "mercredi asiatique" de la semaine passée, en vous présentant le nouveau drama de KBS, Comrades (Jeonwoo), l'anniversaire des 60 ans du début de la Guerre de Corée est commémoré par l'industrie de l'entertainment sud-coréen, tant sur le grand que sur le petit écran. Si bien qu'outre Comrades, un autre drama s'est également intéressé au sujet. Diffusé sur la chaîne MBC, depuis le 23 juin 2010, il s'agit de Road Number One.

Accompagné d'un important buzz médiatique, c'est peu dire que ce drama avait affiché des ambitions. La seule mention de son budget indiquait l'investissement réalisé. Mais, d'emblée, Road Number One a déçu sa chaîne par ses audiences ; la suite de la diffusion ayant confirmé cette tendance, la série tournant entre 7 et 8% de parts d'audience. Certes, diffusé le mercredi et le jeudi soir, Road Number One a eu la "malchance" de se trouver en concurrence directe avec un drama bien établi, lancé au début du mois de juin, Baker King Kim Tak-Gu, qui est le succès du moment en Corée du Sud et qui a franchi la barre symbolique des 30% de part d'audience, concomitamment aux débuts de Road Number One.

Mais cette forte concurrence n'explique pas tout. En effet, dans la "guerre" que se livrent KBS et MBC, il semble que les téléspectateurs aient choisi Comrades pour revivre ce pan de leur histoire. Doté de moyens financiers moindres, il est sans doute un drama moins abouti esthétiquement parlant, mais son scénario, plus dense et authentique, aura su éveiller un intérêt, que ne sera pas parvenu à générer le naufrage mélodramesque que s'offrit Road Number One dans ses premiers épisodes.

roadnumberone4.jpg

A la différence de Comrades, qui faisait le choix de nous plonger directement dans un conflit déjà officiellement entamé, Road Number One prendra le temps du premier épisode pour poser les fondations des relations entre les personnages, rappelant au passage que les affrontements sporadiques entre le Nord et le Sud avaient lieu le long du 38° parallèle bien avant le déclenchement de l'offensive nord-coréenne du 25 juin 1950.

Si le contexte historique demeure dépeint en arrière-plan, il est immédiatement clair que Road Number One va faire le choix de nous raconter, avant tout, la destinée de protagonistes emportés par le tourbillon des évènements, et non de mettre en lumière les évènements eux-mêmes. Après une introduction assez pompeuse, pressée de souligner la tragédie d'une génération déchirée, la série opte pour un angle mélodramatique excessivement classique, reprenant les traditionnels codes scénaristiques des romances perturbées, si chères à la télévision sud-coréenne.

Fils du serviteur d'une famille aisée, Lee Jang Woo côtoie depuis son enfance la fille du maître des lieux, la jolie Kim Soo Yeon. Se tissent peu à peu entre eux des liens qui vont constituer la base d'un amour profond, qui se forge et se consolide à mesure que les deux jeunes gens grandissent. Promis l'un à l'autre, le chaos économique qui suit la défaite et la fin de l'occupation japonaise va venir bouleverser leurs plans. La famille de Soo Yeon n'est plus en mesure d'assurer le rêve de la jeune fille, en lui finançant des études de médecine. Jang Woo fait alors le choix de s'engager dans l'armée, espérant utiliser sa solde pour l'aider. Seulement, au cours d'un violent affrontement contre un commando nord-coréen infiltré sur le territoire, alors que toute son unité est décimée, Jang Woo est grièvement blessé. Admis dans un hôpital militaire pour une longue convalescence, la nouvelle de sa mort parvient jusqu'à son village d'enfance, laissant Soo Yeon dévastée.

roadn1a.jpg

La dynamique de départ se révèle donc d'une prévisibilité poussive, que l'excès de dramatisation vient encore plus exacerber. Comme vous le devinez, Jang Woo retrouve finalement le chemin de son village, la tête pleine de projets d'avenir et envisageant son futur mariage avec enthousiasme... deux ans après que sa mort ait été annoncée. Soo Yeon ne l'a pas oublié, mais dans son désespoir - et devant l'escalade des tensions entre le Nord et le Sud -, elle a cherché du réconfort auprès d'un officier qui l'empêcha de commettre l'irréparable, un soir de détresse. Elle est donc désormais fiancée à Shin Tae Ho. Lorsque Jang Woo revient, le 24 juin 1950 (les coïncidences du calendrier !), leur mariage est prévu pour le lendemain... L'amour entre les deux jeunes gens n'a pas flêtri ; et Tae Ho comprend immédiatement qu'il a devant lui un rival, probablement intouchable. Mais les tensions sentimentales de nos trois tourtereaux vont être interrompues, à l'aube du 25 juin 1950, par l'offensive nord-coréenne, dont les chars d'assaut balaient sur leur passage, soldats sud-coréens et civils désarmés.

En présentant ces débuts, il est facile de percevoir quels écueils Road Number One n'a pas su éviter. Tirant à outrance sur la corde sensible et lacrymale du mélodrama, les deux premiers épisodes cumulent les excès. Trop rapides dans l'enchaînement des péripéties, comme s'ils étaient lancés dans une course au point de non-retour tragique. Trop superficiels pour approfondir des personnages tellement caricaturaux que les téléspectateurs n'ont ni l'envie, ni l'occasion de s'attacher à eux. Trop sur-chargés d'un émotionnel poussif et surjoué, qui place les protagonistes en porte-à-faux vis-à-vis du volet historique sensé être relaté dans ce drama, et nous laisse en observateur extérieur ne parvenant pas à s'impliquer, ni même à s'intéresser, aux enjeux artificiels mis en avant.

roadn1c.jpg

Ces impressions négatives sont symptomatiques d'un problème plus structurel dans la construction narrative de la série. En effet, d'emblée, Road Number One souffre d'une scission dans son récit, qui la prive d'une nécessaire et vitale homogénéité. Car si le tourbillon de la guerre civile menace en arrière-plan, les préoccupations des personnages semblent toutes autres, microcosme apparent qui n'échappera pourtant pas à ce raz-de-marée. Comme aveuglés par un égoïsme émotionnel qui finit par être agaçant, les protagonistes de la série laissent de marbre le téléspectateur.

En fait, la série donne l'impression de vouloir jouer sur deux tableaux distincts, celui de la fiction de guerre et celui du mélodrame amoureux. Mais ce double objectif est trop lourd à porter, et cette tentative se solde par un double échec. Si les quelques scènes de combat sont probablement les plus réussies des deux premiers épisodes, tant du point de vue visuel, que pour la tension générée, elles souffrent du manque d'implication d'un téléspectateur qui ne rentrera jamais véritablement dans l'histoire. Parallèlement, la dimension de mélodrame, disproportionnée, prend des allures de caricature maladroite. Parce qu'il ne suffit pas de faire pleurer ses personnages, elle nous laisse, au mieux insensible, au pire exaspéré.

Au final, sans jamais générer la moindre empathie, ce sont toutes les fondations de Road Number One qui se révèlent trop instables, incapables de prendre la mesure des ambitions initialement affichées. Noyé dans le mélodrame indigeste, le téléspectateur sombre dans l'ennui, avec la série.

roadn1d.jpg

C'est dans sa forme que l'on va retrouver le dernier vestige des ambitions défuntes de Road Number One (et de ses atouts budgétaires). Sa réalisation est bien loin de l'aspect cheap conservé par Comrades. D'un esthétique abouti, elle ne manque pas d'images bien cadrées et bénéficie d'une photo soignée, qui crédibilise notamment les scènes de combat (même si le réalisateur ne résiste pas toujours à la tentation dommageable de trop en faire, suivant par là l'élan d'ensemble de la série).

Malheureusement, enfin, il faut reconnaître que le casting n'arrange pas les choses, ou du moins deux des trois acteurs principaux qui souffrent des mêmes travers que leur drama, celui des excès. J'avais gardé un souvenir plutôt bon de So Ji Sub (Cain and Abel) dans What happened in Bali ; mais, dans Road Number One, ni lui, ni Kim Ha Neul (qui avait déjà cette tendance à trop en faire dans On Air) ne réussissent pas à porter la pseudo corde sensible dans laquelle le drama les enferme. Ils proposent une interprétation poussive, tout en sur-jeu, qui sonne faux. Ce manque d'authenticité ressenti est peut-être en partie dû à l'écriture même de la série, reste que cela n'aide pas Road Number One à échapper à ses dérives. Seul Yoon Kye Sang (Triple) tire un peu son épingle du jeu, avec une performance toute en sobriété, dont la retenue tranche agréablement avec l'ambiance globale.

roadn1f.jpg

Bilan : La virulence de la critique est sans doute à la hauteur de la déception, suite à l'attente qu'avait pu générer Road Number One. Sur-exploitant une dramaturgie qui manque d'authenticité et qui ne parvient jamais à susciter la moindre empathie, la série échoue sur l'écueil du mélodrame excessif et poussif, surfant sans gloire, ni réussite, sur des poncifs surannés. Handicapée par la déconnexion entre ses enjeux sentimentaux exacerbés et son contexte de guerre civile, elle ne trouve pas le bon équilibre entre ces différents éléments.

Même si les dramas coréens ont l'habitude de s'inscrire dans la durée, j'ai du mal à imaginer que Road Number One puisse redresser la barre. Le tournage de la série s'étant déjà achevé - ce qui est rare à la télévision sud-coréenne, qui a plutôt tendance à fonctionner à flux tendu -, il est peu probable que les scénaristes puissent rectifier le tir par la suite.

En résumé, pour un drama sur la Guerre de Corée, il faudra sans doute vous contenter d'un Comrades, qui est loin d'être parfait, mais demeure intéressant.


NOTE : 3,75/10


La bande-annonce du drama :


Le générique de la série :

19/05/2010

(K-Drama) Dong Yi : l'irrésistible ascension sociale d'une esclave


dongyi3.jpg

En ce mercredi asiatique, revenons à mes premiers amours téléphagiques de ce continent, les productions en provenance de Corée du Sud. Alors que de nouvelles séries sont ou s'apprêtent à être lancées (Giant, My Country Calls (ou Call of the country), Coffee House ou encore Bad Guy pour ce seul mois de mai - j'aurais l'occasion d'y revenir, suivant la disponibilité de sous-titres et mes affinités), arrêtons-nous aujourd'hui sur une série qui a débuté en mars dernier : Dong Yi. Ce drama appartient au genre des sageuk, c'est-à-dire des kdramas historiques. Qui dit sageuk, dit aussi souvent marathon téléphagique, car vaste fresque épique. Cinquante épisodes sont a priori prévus pour cette série, conduisant la fin de la diffusion de la série à septembre prochain. Il n'est donc pas trop tard pour s'y mettre ! Les "pauses" estivales sont faites pour ça (certes, le terme "pause" est tout relatif par rapport à la situation d'il y a quelques années, mais ce sont des séries qui se suivent toutes seules une fois que l'on est rentré dans l'histoire).

Pour ma part, j'ai pour le moment vu les dix premiers épisodes (un peu trop avancée pour parler de simple critique de "pilote" donc), sur les dix-huit à ce jour diffusés par MBC.

dongyi2.jpg

A priori, Dong Yi est le type-même de drama à l'égard duquel l'addiction du  téléspectateur se construit de façon exponentielle au fil des épisodes visionnés ; une histoire qui s'inscrit résolument dans la durée et dont la pleine dimension s'acquiert dans les détours et la complexité de la réalisation d'une destinée, celle de l'héroïne. Il faut savoir que même si leur nombre d'épisodes effraye plus d'un courageux amateur occidental de kdrama, les sageuk ont plutôt la côte auprès des ménages coréens. L'an dernier, par exemple, Queen Seon Duk avait plusieurs fois dépassé les 40% de part d'audience. En début d'année, dans un style très différent mais toujours historique, Chuno (Slave Hunters) a également cartonné, dépassant allègrement la barre des 30%. Dong Yi, après avoir débuté modestement, tourne actuellement autour de 25% de part d'audience.

Vous savez aussi que, de manière générale, peu importe la nationalité, je garde toujours une affection particulière pour toute fiction touchant à l'Histoire. Il est donc logique que j'apprécie ce genre. Je crois d'ailleurs que c'est le moment où je dois confesser que j'ai acheté, cet hiver, plusieurs livres d'histoire sur la Corée, justement pour mieux cerner la culture et apprécier un peu mieux ce type de dramas. Cependant, précisons quand même que la recette ne prend pas à chaque fois ; à l'automne dernier, je n'avais pas dépassé les 4-5 premiers épisodes de Queen Seon Duk, n'ayant jamais réussi à accrocher aux enjeux du récit et aux personnages. En revanche, avec Dong Yi, l'introduction s'est faite plus aisément, naturellement. Rapidement, je me suis laissée entraîner par cette histoire qui met en scène, à nouveau, une figure centrale féminine forte que nous allons voir mûrir sous nos yeux.

dongyi.jpg

Se déroulant au XVIIe siècle, ce drama se situe à l'époque de la dynastie du Joseon, plus précisément sous le règne du roi Suk-Jong. Il est basé sur une histoire vraie, celle de Dong Yi, qui, de basse extraction, gravira les échelons sociaux pour devenir concubine royale. Le fils qui naîtra de cette liaison, Yeong-Jo, deviendra le 21e roi de Joseon. C'est donc le récit d'une irrésistible ascension sociale que se propose de nous conter la série, à travers le destin de cette jeune femme finalement lié à celui du royaume. Dong Yi se présente ainsi presque sous les traits d'un faux conte de fée, une ascension sociale fulgurante quand on pense à la rigidité de la hiérarchie sociale dans la société coréenne de cette époque-là.

Logiquement, la série s'ouvre sur certains évènements fondateurs qui vont conditionner la destinée de l'héroïne. Ce sont ainsi des faits tragiques de son enfance qui nous sont d'abord relatés. Il est à noter que cette entrée en matière se rélève particulièrement efficace : rythmée, contenant beaucoup d'action, tout en introduisant une première fois tous les protagonistes, elle s'attache à poser les fondations de l'histoire. Les quatre premiers épisodes sont ainsi consacrés à ce tournant de l'enfance de Dong Yi ; ce qui, sur une série de 50 épisodes, est relativement court et bien dosé. Les ingrédients du récit prennent rapidement : il n'y a pas d'inutile exposition, on rentre immédiatement dans le vif du sujet.

Je précise également que les questions géopolitiques se révèlent plutôt aisées à suivre dans la série, avec des clans assez facilement identifiables et clairement divisés. Le téléspectateur s'y retrouve sans souci ; et nul besoin de garder un schéma à côté de soi, pour se souvenir de tout, comme dans certains dramas historiques (tel Bicheonmu, par exemple).

dongyib.jpg

Ce drama démarre en utilisant des ficelles classiques. Petite et grande histoires se rejoignent et la vie personnelle de Dong Yi va se retrouver emportée dans le tourbillon des jeux de pouvoir des puissants du Royaume qui se livrent à une lutte d'influence sans merci. La série débute alors que le pays est  ébranlé par les meurtres de plusieurs hauts dirigeants, appartenant à la faction du Sud. Dong Yi découvre l'une des victimes, agonisant sur les berges d'une rivière. Avant de mourir, l'homme a le temps de mimer un étrange signal avec ses mains, dont elle ne comprend pas le sens, et de lui confier une plaque d'identification qu'il a peut-être arraché à son meurtrier. Cette rencontre ne va être que le premier déclencheur de ses malheurs ; car c'est toute la famille de Dong Yi qui est entraînée dans les filets d'un complot, dont ils vont devenir les victimes collatérales autant que les bouc-émissaires. Le père de la petite fille, ancien instructeur de l'actuel chef de la police, se voit en effet confier les corps des dignitaires tués afin de les autopsier, pour aider à la progression de l'enquête.

Or, tous les indices pointent vers une organisation secrète de plus en plus agitée dernièrement, la Fraternité de l'Epée. Composée d'individus appartenant au bas de la hiérarchie sociale, ses membres ont appris à manier les armes et aident les esclaves en fuite à échapper à ceux qui les pourchassent. Ils sont surveillés depuis quelques temps par le chef de la police. Même si l'assassinat de nobles n'a encore jamais fait partie de leurs activités, une attaque de la Fraternité de l'Epée a eu lieu à proximité de l'un des assassinats. Pour appuyer ces soupçons, en coulisses, les vrais responsables tirent habilement les ficelles, orientant l'enquête en semant des indices qui accusent l'organisation.

Si le père de Dong Yi comprend la machination, se reposant sur la confiance du chef de la police, il se trouve malheureusement au centre d'un conflit d'intérêts qui lui sera fatal. En effet, il enquête, certes, pour le compte des autorités ; mais il est également le leader de la Fraternité de l'Epée, cette organisation émancipatrice tant redoutée et à laquelle on finit par attribuer les pires actions. Chaque camp avançant ses pions dans l'ombre, de complots en quiproquos, tout finit dans le sang. Injustement accusés, ces combattants qui rêvaient d'une certaine égalité sociale, parmi lesquels le père et le frère de Dong Yi, seront ainsi exécutés pour des crimes qu'ils n'ont pas commis.

dongyig.jpg

Dong Yi parviendra à échapper au destin funèbre de ses proches, avec l'aide des derniers fidèles de sa famille. Déjà très obstinée, elle choisira cependant de ne pas s'enfuir, se jurant de mettre à jour cette conspiration qui provoqua une telle tragédie et de découvrir la vérité. Pour cela, son seul indice est le fameux signal que le dignitaire mourant lui indiqua sur la berge de la rivère. Or, quelques jours plus tard, en ville, elle vit une dame du palais reproduire le même geste. Décidée à retrouver cette femme afin de comprendre ce que signifie ce signe, Dong Yi entre au service du palais, comme esclave rattachée au Département Royal de Musique (où travaillait d'ailleurs son frère).

Se concluant sur ses évènements fondateurs tragiques, le drama reprend ensuite le fil de l'histoire six ans après ces faits. Dong Yi entre dans l'âge adulte, devenue une jeune femme encore très immature, mais qui a su se rendre progressivement indispensable auprès des musiciens. Grâce aux connaissances enseignées par son père, qui lui avait notamment appris à lire, elle est beaucoup plus éduquée que ce que son rang d'esclave ne le laisserait penser. Elle dispose ainsi de ressources insoupçonnées, qu'elle va devoir mettre à profit pour se sortir de situations complexes dans un palais où plusieurs camps se livrent une âpre lutte sans merci.

dongyid.jpg

Si les premiers épisodes avaient laissé une large place à l'action, à partir du moment où l'histoire se recentre sur le palais, le drama renoue avec la tradition des intrigues de Cour les plus classiques.

Au détour des corridors et des différents bâtiments composant la vaste résidence royale, sorte de ville dans la ville, les complots reprennent en effet de plus belle lorsque le roi décide de reconvoquer à ses côtés Lady Jang, une de ses favorites, pour qu'elle devienne une de ses concubines. Nous retrouvons, plusieurs annéess après, les mêmes jeux de pouvoirs entre factions rivales que ceux qui avaient coûté la vie au père de Dong Yi. Au-delà des clans du Sud et de l'Ouest, c'est entre les deux femmes les plus proches du Roi qu'a lieu l'affrontement direct, la Reine mère faisant tout ce qui est en son pouvoir pour piéger Lady Jang et obtenir son renvoi de la Cour. Au milieu de cette lutte que Dong Yi va devoir essayer de ne pas être, une nouvelle fois, sacrifiée, victime collatérale anecdotique du combat des puissants. Faisant preuve d'un esprit vif, d'un sens de l'initiative rarement pris au dépourvu et d'une loyauté obstinée, Dong Yi se fait remarquer à plusieurs reprises, attirant l'attention de Lady Jang, mais aussi du roi...

Si les enjeux sont toujours très élevés dans les intrigues en cours, le téléspectateur amateur d'action risque cependant de trouver certains développements un peu longuet. Nous sommes ici dans un sageuk au sens traditionnel du terme, où tout suit un théâtralisme codifié, avec une réalisation posée, et où les dialogues prennent plus de place que les combats. L'affrontement n'en est pas moins létal ; mais entre gens de Cour, les moyens de parvenir à ce résultat sont plus détournés et compliqués.

Personnellement, mise à part deux ou trois petites baisses de rythme vite rattrapées, je ne trouve rien à redire à ce début : la série trouve le bon dosage entre les complots et le façonnement des relations qui unissent les différents protagonistes.

dongyif.jpg

Cette dimension plus humaine constitue d'ailleurs sans doute un des atouts majeurs de Dong Yi. Le formalisme relativement figé de ce drama ne l'empêche pas de jouer dans l'émotionnel et de réussir ainsi à faire vibrer le téléspectateur devant les dilemmes et les épreuves que doivent traverser les différents protagonistes. Pour le moment, ce sont surtout - et logiquement - Dong Yi et Lady Jang qui s'imposent, deux figures féminines aux destinées finalement plus proches que leurs différences de statuts actuels ne le laisseraient penser. Lady Jang était elle-aussi de basse extraction sociale, mais éduquée et pleine de ressources, elle est parvenue à gagner sa place auprès du roi. Dong Yi n'est encore qu'une adolescente, souvent naïve et trop spontanée ; mais le drama donne justement envie au téléspectateur de suivre sa progressive mâturation, sa transformation qui va lui permettre d'accomplir une destinée insoupçonnée.

Le personnage du roi a pour le moment laissé entrevoir un potentiel intéressant, qu'il faudra exploiter. S'il est entouré de courtisans comploteurs, sa figure demeure sacrée pour chaque faction. Tous les clans s'affrontent entre eux, mais le roi se situe au-dessus de la mêlée. Se plaçant souvent en arbitre des évènements, essayant d'influer sur les rapports de force au sein de son gouvernement, afin d'atteindre un équilibre précaire, mais nécessaire, dans l'intérêt du royaume, Suk-Jong gouverne en alternant autoritaire reprise en main de ses ministres et action indirecte via quelques fidèles. Il se pose donc en maître de l'échiquier du pouvoir, que le drama symbolise par le biais du Jeu de Go.

J'ai beaucoup apprécié le fait que les rapports entre les différents personnages se révèlent généralement bien caractérisés. Ce que j'ai préféré le plus jusqu'à présent, c'est l'habile contraste proposé par les intéractions très différentes du roi avec les deux autres personnages féminins de la série. Ses relations avec Lady Jang se situent dans un registre très digne, remplies de confiance et de sentiments. Tandis qu'avec Dong Yi, simple esclave qui, surtout, ignore qui il est, pensant côtoyer un simple officier de la garde royale, il y a une spontanéité et une certaine forme d'innocence, le roi se laissant emporter par l'enthousiasme pas toujours mesuré de la jeune femme. Ces différentes facettes contribuent à donner au drama une atmosphère très rafraîchissante, appréciée par le téléspectateur et qui lui permet de s'attacher à ces protagonistes.

dongyii.jpg

Sur la forme, Dong Yi est une belle série, dotée d'une réalisation classique, mais enrichie par des décors et une reconstitution d'époque très aboutis. Le fait de s'intéresser au Département Royal de Musique permet d'offrir plusieurs belles représentations ; ces spectacles prennent la couleur du folklore par moment. C'est chatoyant et c'est un vrai plaisir pour les yeux. Cela offre un magnifique dépaysement pour le téléspectateur.

La bande-son de Dong Yi est également très bien fournie, en musiques adaptées aux différentes ambiances rencontrées. Quelques balades tristes pour illustrer le deuil, des morceaux épiques pour donner un souffle supplémentaire à certaines scènes d'action... Tout y est, tout en restant suffisamment en retrait pour ne pas empiéter sur l'histoire, évitant d'être trop envahissant.

Enfin, du côté du casting, rien à redire. Dong Yi est interprétée, à l'âge adulte, par Han Hyo Joo, l'héroïne de Brilliant Legacy l'an dernier. Ji Jin Hee (He Who Can't Marry) incarne le roi Suk-Jong. Lee So Yeon (Temptation of an Angel) est Lady Jang Hee Bin. Bae Soo Bin (Temptation of an Angel, Brilliant Legacy, Jumong) joue un ancien membre de la Fraternité de l'Epée à qui Dong Yi doit la vie. Le rôle du chef de la police revient à Jeong Jin Yeong (Kingdom of the Wind). Et, enfin, Park Ha Seon incarne la reine, et épouse officielle de Suk-Jong.

dongyic.jpg

Bilan : Dong Yi est un beau drama historique, dont les intrigues de cour sont soutenues par une intéressante dimension humaine. La série parvient à jouer sur l'affectif du téléspectateur, en dépeignant avec une certaine finesse les relations entre ses différents personnages. Si les amateurs d'action risquent de rester un peu sur leur fin au vu de ces dix premiers épisodes, les amoureux de belles reconstitutions devraient y trouver leur compte. Il émane de ce drama un souffle rafraîchissant des plus dépaysants.


NOTE : 7/10


La bande-annonce de la série :

Le générique :

21/04/2010

(K-Drama / Pilote) Personal Preference (Personal Taste) : désastres sentimentaux et colocation ambigüe



personaltaste.jpg
En Corée du Sud, ce printemps 2010 nous promettait, à la télévision, un choc frontal, entre trois dramas attendus, ciblant chacun un public assez similaire, dans la case stratégique de 22 heures du mercredi et jeudi soir. Au bout du compte, c'est finalement Cinderella's Sister qui a viré en tête et a su tirer son épingle du jeu ; et, pour une fois, j'avoue être assez d'accord avec la hiérarchie établie, entre ces trois séries, par le biais des audiences. Aux côtés de la re-écriture de Cendrillon dont je vous ai parlé la semaine dernière, un autre drama suscitait également beaucoup d'attentes, porté par un duo d'acteurs de choc et une promo bien orchestrée, il s'agissait de Personal Taste (ou Personal Preference, au choix). Si le visionnage du pilote m'aura moins enthousiasmé que celui de Cinderella's Sister, le concept de départ conserve un attrait certain. Il ne tient qu'aux scénaristes de réussir à l'exploiter par la suite.
personaltaste2.jpg

Avec Personal Taste, nous nous retrouvons ici dans un créneau résolument plus léger que Cinderella's Sister, basé sur un concept de départ clairement orienté comédie, saupoudré évidemment d'une touche de romantisme inaltérable. Derrière des ingrédients scénaristiques et une mise en scène des plus classiques, Personal Taste ajoute a priori un petit twist aguicheur, en cherchant à brouiller les cartes de la relation à laquelle ses deux personnages principaux sont promis. Car s'ils finiront plus promptement qu'à l'accoutumée par partager le même logement, initialement, c'est en simple qualité de colocataires. Une situation rendue possible uniquement grâce à cet art du quiproquo que les scénaristes coréens savent décliner à la perfection et sur lequel Jin Ho, en jeune architecte carriériste au pragmatisme des plus intéressés, choisira de capitaliser, plutôt que de démentir, afin d'accéder à la maison dans laquelle vit Gae In.

Après des débuts typiquement volcaniques, nos deux protagonistes s'insupportant instantanément, poussés par les circonstances à commencer par se quereller autour d'un taxi, leurs chemins ne vont ensuite cesser de se croiser, un peu pour le meilleur, mais surtout pour le pire, dans le cadre de  situations de plus en plus personnelles et intimes. Ainsi, si Jin Ho est aux premières loges pour assister à la cruelle descente aux enfers sentimentaux et à l'humiliation subies par Gae In, cette dernière a également l'occasion de découvrir le jeune homme sous un jour nouveau. A la suite d'une série d'échanges au double sens jubilatoire (pour le téléspectateur), facilitant les extrapolations sur son orientation sexuelle, elle est bientôt persuadée qu'il est gay. Soudain moins inquiète pour sa vertu, la voilà instinctivement plus conciliante avec une personne qui a de toute façon été un des témoins privilégiés de son récent calvaire.

C'est donc sous l'aspect d'une variante du genre "comédie romantique" que se présente a priori Personal Taste. L'objectif est de jouer sur les double-sens, les conclusions erronées hâtives, afin de présenter une relation un peu atypique, basée sur une omission ou une sorte de mensonge, involontaire à l'origine... Il est aisé d'imaginer combien cette thématique peut se révéler être une source intarissable de scènes improbables, où règne un quiproquo grisant pour l'observateur extérieur, a fortiori si tout cela évolue ensuite dans le huis clos d'une colocation.

personalpreference1.jpg

De façon rassurante, il y a un constat qui s'impose au sortir de ce premier épisode : les passages qui sortent du lot et retiennent l'attention du téléspectateur sont précisément les scènes au cours desquelles le drama se rappelle soudain de son idée de départ et se réconcilie avec l'image que l'on s'en faisait a priori. Il y a donc bel et bien une petite étincelle, un potentiel réel et intrigant qui légitimise Personal Taste ; et cette flamme mérite d'être nourrie et de grandir pour se voir transposer pleinement à l'écran. Pour ses premières manifestations, on n'échappe pas aux classiques disputes, au détour des couloirs d'hôtel d'un soir, dans lesquelles les phrases échangées revêtent un sens particulier, le contexte colorant singulièrement leur contenu. Mais l'épisode nous concocte également des instants où le comique de situation joue à plein, pour notre plus grand plaisir : l'ascenseur se révèle être le cadre parfait d'une scène qui est un véritable modèle du genre. Elle correspond tout à fait à la tonalité que j'attendais a priori de la série. Ce passage contient ce petit éclair malicieux tant recherché, se nourrissant des faux-semblants ; prêtant à sourire, cela vous conforte en plus dans l'idée que vous n'avez pas entrepris ce visionnage pour rien.

En somme, ces moments constituent la preuve que les scénaristes sont capables, a priori, de conduire Personal Taste à travers ce croisement des genres où, sans renier l'aspect romantique, la série serait également à même d'exploiter la spécificité offerte par son concept de départ, et le potentiel comique indéniable qui y est lié.  Malheureusement, ces instants se comptent sur les doigts d'une main au cours de ce pilote.

En effet, si l'emballage nous annonçait une comédie, Personal Taste s'ouvre sur un air de mélodrama. Son pilote, un peu trop timoré et rigide, opte en effet pour une longue présentation des derniers soubresauts de la tragédie amoureuse, proche du pathétique, que vit l'héroïne. Attention à ce que le twist de départ, qui fait a priori toute la saveur potentielle de cette énième déclinaison de comédie romantique, ne se révèle pas n'être que poudre lancée aux yeux du téléspectateur, simple prétexte, cachant mal un excès de conformisme et de banalité.

personalpreference5.jpg

Si les débuts de Personal Taste font esquisser quelques sourires au téléspectateur, ces scènes improbables, promises par le concept même de la série, se noient au milieu d'un sentimentalisme d'arrière-garde. A la place d'une comédie légère, nous est proposé l'imbroglio dramatico-romantique d'un couple qui n'existe déjà plus en fait, et que seul l'aveuglement naïf de l'héroïne permet de faire durer jusqu'à la fin de ce premier épisode.

Quand le couperet tombe enfin, après d'interminables tergiversations dilatoires, il y a comme un soulagement pour le téléspectateur. Certes, la vie amoureuse de l'héroîne ne s'apparente plus, à la fin de ces longs passages qui contribuent à renforcer à l'excès son image de victime, qu'à un vaste champ de ruines, dans lequel se mêlent trahison sentimentale masculine et amitié féminine brisée. Comprenez : Que votre petit ami vous plaque, soit, ça arrive. La veille de son mariage (avec une autre), en plus, c'est déjà plus difficile à avaler. Un mariage qui va avoir lieu avec... une de vos deux meilleures amies. Voici le coup de grâce. Il est difficile de dresser plus noir tableau, la confrontation lors de la cérémonie de mariage atteignant le sommet du pathétique. Cependant, après ce cauchemar, on se dit que Gae In ne pourra que remonter la pente ; le téléspectateur n'a d'ailleurs plus qu'une envie : la voir tourner la page.

L'idée était sans doute de bien souligner quelles blessures le personnage de Gae In aura dû supporter avant d'entreprendre une renaissance au fil de la série (pour, on l'espère, un happy end). Seulement, voici une introduction qui pèche singulièrement par un sentimentalisme qui aurait gagné à être moins hissé en porte-étendard d'un drama qui se présentait comme une comédie attachante. Rien d'irréversible donc, juste une mise en bouche en décalage avec les attentes du téléspectateur.

personalpreference2.jpg

Enfin, je ne peux pas parler de ce drama sans terminer sur une des raisons du buzz certain de Personal Taste sur la toile, dans les semaines précédents son arrivée à l'antenne : son casting. Les deux acteurs principaux se glissent de façon assez naturelle dans la peau de leurs personnages respectifs, même si la rigidité du personnage de Jin Ho le place pour l'instant un peu en retrait. La rafraîchissante Son Ye Jin (Spotlight, Summer Scent) incarne une héroïne exubérante et spontanée, qui dynamise une narration un peu lourde. Et Lee Min Ho nous revient pour son premier drama, depuis son hit de l'an dernier, Boys Before Flowers, adaptation coréenne de Hana Yori Dango, que tout amateur de séries coréennes a probablement déjà vu... sauf moi (il faudra un jour que je vous raconte mon blocage face à ce manga et ses différentes versions live).

Parmi les autres têtes connues dans le paysage téléphagique coréen, on retrouve notamment Kim Ji Suk (croisé cet hiver dans Chuno) en futur ex-petit ami si peu gentleman, Wang Ji Hye (Friend, Our Legend) en amie traître. Comme dans Cinderella's Sister, un chanteur de 2PM est venu tester les possibilités d'un nouveau développement de carrière (Im Seu Ong). Mais, s'il faudra suivre cela dans la durée, l'ensemble forme un tout homogène, au sein desquels aucun acteur ne dénote.

personalpreference6.jpg

Bilan : Servie par un concept de départ au piquant indéniable, Personal Taste a le potentiel d'offrir une variante légère, un peu atypique (la colocation et ses raisons), de la comédie romantique classique. Si on perçoit d'intéressantes promesses au cours de ce pilote, il opte cependant pour une entrée en matière versant dans un mélodramatique un peu lourd, qui s'avère un brin déstabilisant pour le téléspectateur. Malgré tout, les quelques scènes de délicieux quiproquo, proprement jubilatoires, que l'on y croise donnent envie de laisser sa chance à Personal Taste.


NOTE : 6/10

 

Deux brèves bande-annonces :


07/03/2010

(K-Drama / Pilote) The Woman Who Still Wants To Marry : une version coréenne de Sex & The City ?


twwswtm1.jpg

Aujourd'hui, un dimanche asiatique plus léger que le précédent.

Hier, j'ai mis à profit ma soirée de libre, retirée loin de toute vie sociale, afin de poursuivre la découverte des séries coréennes de ce début d'année 2010 - un premier trimestre qui aura quand même été plutôt réussi au pays du Matin Calme. Souhaitant me changer les idées, j'ai décidé de me programmer une soirée "girly" devant une de ces comédies romantiques dont la télévision coréenne a le secret, histoire de m'offrir une douce parenthèse après plusieurs semaines consacrées aux séries d'action, voire d'horreur. Suivant la devise, "la diversité est maître mot du téléphage". De plus, Pasta m'a agréablement rappelé qu'il existait d'autres genres, pouvant aussi être attrayants.

C'est ainsi que, après une rapide évaluation de tous les pilotes "en attente de visionnage", je me suis retrouvée devant le premier épisode de The Woman Who Still Wants To Marry (aka Still, Marry Me / City Lovers), une série dont la diffusion a débuté depuis le 20 janvier dernier sur MBC et qui devrait comporter 16 épisodes. Le rouleau-compresseur d'audience qu'est Chuno (Slave Hunters) aura été fatal à son audimat ; ce qui ne signifie pas qu'elle ne mérite pas un petit détour. En fait, ce drama se présente comme la suite d'un drama datant de 2004, intitulée - de manière originale - The Woman Who Wants To Marry. Je ne connaissais absolument pas cette dernière, cependant je n'ai eu aucun problème pour suivre le début de cette nouvelle série. Seul le personnage principal, Lee Shin Young, se trouvait également dans cette prequel. Et si l'on continue à suivre ses (més)aventures amoureuses, l'actrice qui l'incarne n'est en revanche plus la même.

twwswtm2.jpg

L'épisode s'ouvre, d'une façon irréelle et féérique qui sonne faux à dessein, sur un dîner romantique, conjuguant, avec une certaine ironie, tous les clichés du genre et se concluant par une demande en mariage du plus bel effet, devant une héroïne, presque incrédule, mais définitivement conquise par ce gentleman qu'elle connaît encore relativement peu. Pensez donc : un homme de son âge, qui n'a que faire du fait qu'elle ait déjà la trentaine bien entamée et qui l'encourage dans l'épanouissement de sa carrière professionnelle, que Shin Young a toujours fait en priorité jusqu'à présent. Cependant, raconter une histoire parfaite n'est évidemment pas l'objectif d'un drama. Au contraire. Ce scénario, tout droit sorti des rêves de célibataire fleur bleue traînant leur mal d'amour, s'enraye donc rapidement. Dès la nuit suivant cette demande en mariage. Shin Young est, en effet, reporter pour la télévision. Retournée travailler un peu plus tard cette soirée-là, elle est appelée pour couvrir un incendie dans un motel. Elle assiste alors au sauvetage de son pseudo fiancé, saute de la plus pathétique des manières par une des fenêtres, afin d'échapper aux flammes, et ce, en charmante (et très jeune) compagnie.

twwswtma.jpg

La suite offre donc un condensé, mélange dynamique entre vraies réflexions existentielles et remises en question, et soirées arrosées entre amies, naviguant entre auto-apitoiement et tendre ironie, le tout bénéficiant d'une dimension humaine et d'une épaisseur psychologique travaillées et appréciables. Ce ton, assez versatile, permet à la série de s'imposer rapidement dans le coeur du téléspectateur, qui s'attache instinctivement aux personnages, et surtout à l'héroïne, dont le drama s'emploie à souligner toute la complexité. Shin Young est une journaliste qui s'est toujours investie pleinement dans sa carrière, ne laissant pas ses amours la brider. Elle a invariablement instauré un ordre des priorités où la vie professionnelle passait en premier. Seulement, désormais bien trentenaire, avec une carrière qui n'est pas non plus devenue ce dont elle rêvait, elle contemple aussi les ruines inachevées de sa vie personnelle : elle se retrouve en porte-à-faux d'une société, aux yeux de laquelle elle a déjà rompu avec les codes implicites, en n'étant pas encore mariée à son âge.

twwswtmb.jpg

The Woman Who Still Wants to Marry aurait pu tomber dans la fable moralisatrice sur la gestion d'une vie, avec notamment cette fameuse problématique du choix, supposé impératif, que la femme devrait avoir à faire entre travail et famille. Mais le pilote de ce drama est loin d'être aussi réducteur. Au contraire, il traite de ces questions avec une ambivalence qui sonne finalement très juste, se refusant de présenter le personnage de Shin Young de façon unidimensionnelle. La jeune femme intériorise et symbolise au fond les paradoxes de son époque. Sa versatilité témoigne de l'ambiguïté des attentes de notre société avec une authenticité rafraîchissante. Brillante et professionnelle accomplie, agissant souvent en femme forte à la personnalité affirmée, elle peut soudain se sentir accablée de doutes et se muer en célibataire pathétique. Avec son caractère entier, ses sautes d'humeur spontanées, son personnage a une portée un peu universelle dans lequel il est facile de se retrouver. Bien sûr qu'elle s'interroge sur sa vie, sur les choix qu'elle a pu faire par le passé. Elle est consciente d'aspirer à un équilibre entre deux idéaux à atteindre qui, jusqu'à présent, n'ont pas paru compatibles. Ce qui ne veut pas dire qu'il faille sacrifier l'un pour atteindre l'autre. Elle se l'avoue elle-même, s'ils étaient à refaire, elle referait probablement les mêmes choix. C'est ce qu'elle est. Elle ne remettra pas en cause son sens des valeurs. Pourtant, elle est aussi parfaitement consciente de cette contradiction sous-jacente entre épanouissement professionnelle et personnelle, qu'elle n'hésite pas à souligner.

twwswtmc.jpg

Alliant avec inspiration des tons très différents, la série exploite, avec une certaine habileté, son concept de départ pour offrir une entrée en matière plutôt rafraîchissante. Alternant des scènes au comique burlesque, où nos héroïnes jouent avec une auto-dérision distante sur la figure caricaturale de la célibataire désespérée, l'épisode parvient aussi à nous proposer des scènes où leurs sont assenées des répliques d'une cruauté très amère sur leur vie, auxquelles elles répondent avec une dignité qui force le respect. Ces trois amies ont pris leur vie en main et ne comptent pas perdre ce contrôle, en dépit de leurs moments de doute ou de faiblesse. The Woman Who Still Wants to Marry réussit, sous ses atours de comédie romantique classique, à dresser un portrait très juste de la femme moderne. La série ne se veut pas militante. Elle n'est ni spécialement féministe, ni moralisatrice en référence à des conceptions passéistes. Elle décrit simplement les contradictions existantes dans nos sociétés modernes. Peu importe la vision progressiste que l'on peut avoir, la place des femmes demeure sujette à questionnement, que ce soit par le biais de valeurs culturelles intégrées que l'on reproduit inconsciemment, ou par une pression sociale qui s'exerce de manière insidieuse. Ce drama capte et retranscrit très bien ces éléments sociologiques, tout en utilisant, comme base à ces esquisses de réflexion, le format de la comédie romantique.

twwswtmf.jpg

De plus, il faut souligner que les acteurs contribuent à cette agréable impression d'ensemble. Le premier épisode se concentre sur les états d'âme de l'héroïne et de ses deux amies, le casting masculin n'étant introduit, pour une bonne partie, que dans les dernières minutes du pilote. Je ne connaissais aucune des têtes d'affiche féminines, mais elles m'ont vraiment et quasi-instantanément conquise. C'est évidemment surtout Park Jin Hee qui s'impose, en journaliste volontaire et versatile, entre femme de tête et demoiselle au coeur d'artichaud. Aimer l'actrice principale d'un drama est toujours bon signe pour la réception globale de la série. Et le jeu de Park Jin Hee, tout en grâce et relativement sobre pour son rôle et les effets comiques recherchés, colle parfaitement à son personnage. A ses côtés, Uhm Ji Won incarne sa meilleure amie, très volontaire, avec un caractère férocement indépendant qui permet une balance intéressante avec Shin Young. Et Wang Bit Na joue une ancienne connaissance du lycée dont la route professionnelle croise celle de l'héroïne. Toutes trois fonctionnent bien ensemble, et leurs scènes communes, de déprime ou de planification de stratégies improbables, apparaissent toujours très complices.

Si je n'avais encore jamais rencontré aucune des actrices de ce drama, ce n'était pas le cas des acteurs. Si Kim Bum (Boys Before Flowers) est introduit dans les dernières minutes du premier épisode, son rôle sera plus conséquent dans les prochains : un étudiant à l'attitude assez provocatrice, potentiel love interest en pointillé presque atypique, loin des stéréotypes, pour nos héroïnes, puisqu'il est de douze ans leur cadet. A ses côtés, on retrouve également l'immanquable et toujours Choi Chul Ho (doté d'un don d'ubiquité que je lui envie, puisque vu, juste l'année dernière, dans Queen of Housewives, Partner, Hot Blood) et, enfin, Lee Pil Mo (The Sons of Sol Pharmacy House).

twwswtme.jpg

Bilan : The Woman Who Still Wants to Marry se révèle étonnamment rafraîchissante, portée par un trio de femmes attachantes et modernes, entre contraintes sociales et aspirations personnelles. Elle traite de la thématique classique du choix entre vie privée et vie professionnelle, mais, dans ce pilote, elle reste sur un terrain neutre, ne prenant pas partie pour aucun des choix, mettant seulement en scène trois trentenaires de leur époque, pointant avec une certaine ironie les contradictions inhérentes à la société moderne dans laquelle elles vivent, entre émancipation et poids des traditions. Au final, jouant sur un ton assez léger et n'hésitant pas à faire dans l'auto-dérision, ce premier épisode est plutôt convaincant et la dynamique fonctionne.

Le potentiel est là et donne envie de s'investir pour découvrir la suite de leurs improbables aventures et épreuves de la vie. Pour parler au téléspectateur occidental, voici peut-être une sorte de Sex & The City version coréenne
- sans sexe donc -.


NOTE : 6,75/10


La bande-annonce :