14/07/2010
(K-Drama / Pilote) Road Number One : mélodrame excessif entre Séoul et Pyongyang
Ainsi que je l'avais mentionné dans le "mercredi asiatique" de la semaine passée, en vous présentant le nouveau drama de KBS, Comrades (Jeonwoo), l'anniversaire des 60 ans du début de la Guerre de Corée est commémoré par l'industrie de l'entertainment sud-coréen, tant sur le grand que sur le petit écran. Si bien qu'outre Comrades, un autre drama s'est également intéressé au sujet. Diffusé sur la chaîne MBC, depuis le 23 juin 2010, il s'agit de Road Number One.
Accompagné d'un important buzz médiatique, c'est peu dire que ce drama avait affiché des ambitions. La seule mention de son budget indiquait l'investissement réalisé. Mais, d'emblée, Road Number One a déçu sa chaîne par ses audiences ; la suite de la diffusion ayant confirmé cette tendance, la série tournant entre 7 et 8% de parts d'audience. Certes, diffusé le mercredi et le jeudi soir, Road Number One a eu la "malchance" de se trouver en concurrence directe avec un drama bien établi, lancé au début du mois de juin, Baker King Kim Tak-Gu, qui est le succès du moment en Corée du Sud et qui a franchi la barre symbolique des 30% de part d'audience, concomitamment aux débuts de Road Number One.
Mais cette forte concurrence n'explique pas tout. En effet, dans la "guerre" que se livrent KBS et MBC, il semble que les téléspectateurs aient choisi Comrades pour revivre ce pan de leur histoire. Doté de moyens financiers moindres, il est sans doute un drama moins abouti esthétiquement parlant, mais son scénario, plus dense et authentique, aura su éveiller un intérêt, que ne sera pas parvenu à générer le naufrage mélodramesque que s'offrit Road Number One dans ses premiers épisodes.
A la différence de Comrades, qui faisait le choix de nous plonger directement dans un conflit déjà officiellement entamé, Road Number One prendra le temps du premier épisode pour poser les fondations des relations entre les personnages, rappelant au passage que les affrontements sporadiques entre le Nord et le Sud avaient lieu le long du 38° parallèle bien avant le déclenchement de l'offensive nord-coréenne du 25 juin 1950.
Si le contexte historique demeure dépeint en arrière-plan, il est immédiatement clair que Road Number One va faire le choix de nous raconter, avant tout, la destinée de protagonistes emportés par le tourbillon des évènements, et non de mettre en lumière les évènements eux-mêmes. Après une introduction assez pompeuse, pressée de souligner la tragédie d'une génération déchirée, la série opte pour un angle mélodramatique excessivement classique, reprenant les traditionnels codes scénaristiques des romances perturbées, si chères à la télévision sud-coréenne.
Fils du serviteur d'une famille aisée, Lee Jang Woo côtoie depuis son enfance la fille du maître des lieux, la jolie Kim Soo Yeon. Se tissent peu à peu entre eux des liens qui vont constituer la base d'un amour profond, qui se forge et se consolide à mesure que les deux jeunes gens grandissent. Promis l'un à l'autre, le chaos économique qui suit la défaite et la fin de l'occupation japonaise va venir bouleverser leurs plans. La famille de Soo Yeon n'est plus en mesure d'assurer le rêve de la jeune fille, en lui finançant des études de médecine. Jang Woo fait alors le choix de s'engager dans l'armée, espérant utiliser sa solde pour l'aider. Seulement, au cours d'un violent affrontement contre un commando nord-coréen infiltré sur le territoire, alors que toute son unité est décimée, Jang Woo est grièvement blessé. Admis dans un hôpital militaire pour une longue convalescence, la nouvelle de sa mort parvient jusqu'à son village d'enfance, laissant Soo Yeon dévastée.
La dynamique de départ se révèle donc d'une prévisibilité poussive, que l'excès de dramatisation vient encore plus exacerber. Comme vous le devinez, Jang Woo retrouve finalement le chemin de son village, la tête pleine de projets d'avenir et envisageant son futur mariage avec enthousiasme... deux ans après que sa mort ait été annoncée. Soo Yeon ne l'a pas oublié, mais dans son désespoir - et devant l'escalade des tensions entre le Nord et le Sud -, elle a cherché du réconfort auprès d'un officier qui l'empêcha de commettre l'irréparable, un soir de détresse. Elle est donc désormais fiancée à Shin Tae Ho. Lorsque Jang Woo revient, le 24 juin 1950 (les coïncidences du calendrier !), leur mariage est prévu pour le lendemain... L'amour entre les deux jeunes gens n'a pas flêtri ; et Tae Ho comprend immédiatement qu'il a devant lui un rival, probablement intouchable. Mais les tensions sentimentales de nos trois tourtereaux vont être interrompues, à l'aube du 25 juin 1950, par l'offensive nord-coréenne, dont les chars d'assaut balaient sur leur passage, soldats sud-coréens et civils désarmés.
En présentant ces débuts, il est facile de percevoir quels écueils Road Number One n'a pas su éviter. Tirant à outrance sur la corde sensible et lacrymale du mélodrama, les deux premiers épisodes cumulent les excès. Trop rapides dans l'enchaînement des péripéties, comme s'ils étaient lancés dans une course au point de non-retour tragique. Trop superficiels pour approfondir des personnages tellement caricaturaux que les téléspectateurs n'ont ni l'envie, ni l'occasion de s'attacher à eux. Trop sur-chargés d'un émotionnel poussif et surjoué, qui place les protagonistes en porte-à-faux vis-à-vis du volet historique sensé être relaté dans ce drama, et nous laisse en observateur extérieur ne parvenant pas à s'impliquer, ni même à s'intéresser, aux enjeux artificiels mis en avant.
Ces impressions négatives sont symptomatiques d'un problème plus structurel dans la construction narrative de la série. En effet, d'emblée, Road Number One souffre d'une scission dans son récit, qui la prive d'une nécessaire et vitale homogénéité. Car si le tourbillon de la guerre civile menace en arrière-plan, les préoccupations des personnages semblent toutes autres, microcosme apparent qui n'échappera pourtant pas à ce raz-de-marée. Comme aveuglés par un égoïsme émotionnel qui finit par être agaçant, les protagonistes de la série laissent de marbre le téléspectateur.
En fait, la série donne l'impression de vouloir jouer sur deux tableaux distincts, celui de la fiction de guerre et celui du mélodrame amoureux. Mais ce double objectif est trop lourd à porter, et cette tentative se solde par un double échec. Si les quelques scènes de combat sont probablement les plus réussies des deux premiers épisodes, tant du point de vue visuel, que pour la tension générée, elles souffrent du manque d'implication d'un téléspectateur qui ne rentrera jamais véritablement dans l'histoire. Parallèlement, la dimension de mélodrame, disproportionnée, prend des allures de caricature maladroite. Parce qu'il ne suffit pas de faire pleurer ses personnages, elle nous laisse, au mieux insensible, au pire exaspéré.
Au final, sans jamais générer la moindre empathie, ce sont toutes les fondations de Road Number One qui se révèlent trop instables, incapables de prendre la mesure des ambitions initialement affichées. Noyé dans le mélodrame indigeste, le téléspectateur sombre dans l'ennui, avec la série.
C'est dans sa forme que l'on va retrouver le dernier vestige des ambitions défuntes de Road Number One (et de ses atouts budgétaires). Sa réalisation est bien loin de l'aspect cheap conservé par Comrades. D'un esthétique abouti, elle ne manque pas d'images bien cadrées et bénéficie d'une photo soignée, qui crédibilise notamment les scènes de combat (même si le réalisateur ne résiste pas toujours à la tentation dommageable de trop en faire, suivant par là l'élan d'ensemble de la série).
Malheureusement, enfin, il faut reconnaître que le casting n'arrange pas les choses, ou du moins deux des trois acteurs principaux qui souffrent des mêmes travers que leur drama, celui des excès. J'avais gardé un souvenir plutôt bon de So Ji Sub (Cain and Abel) dans What happened in Bali ; mais, dans Road Number One, ni lui, ni Kim Ha Neul (qui avait déjà cette tendance à trop en faire dans On Air) ne réussissent pas à porter la pseudo corde sensible dans laquelle le drama les enferme. Ils proposent une interprétation poussive, tout en sur-jeu, qui sonne faux. Ce manque d'authenticité ressenti est peut-être en partie dû à l'écriture même de la série, reste que cela n'aide pas Road Number One à échapper à ses dérives. Seul Yoon Kye Sang (Triple) tire un peu son épingle du jeu, avec une performance toute en sobriété, dont la retenue tranche agréablement avec l'ambiance globale.
Bilan : La virulence de la critique est sans doute à la hauteur de la déception, suite à l'attente qu'avait pu générer Road Number One. Sur-exploitant une dramaturgie qui manque d'authenticité et qui ne parvient jamais à susciter la moindre empathie, la série échoue sur l'écueil du mélodrame excessif et poussif, surfant sans gloire, ni réussite, sur des poncifs surannés. Handicapée par la déconnexion entre ses enjeux sentimentaux exacerbés et son contexte de guerre civile, elle ne trouve pas le bon équilibre entre ces différents éléments.
Même si les dramas coréens ont l'habitude de s'inscrire dans la durée, j'ai du mal à imaginer que Road Number One puisse redresser la barre. Le tournage de la série s'étant déjà achevé - ce qui est rare à la télévision sud-coréenne, qui a plutôt tendance à fonctionner à flux tendu -, il est peu probable que les scénaristes puissent rectifier le tir par la suite.
En résumé, pour un drama sur la Guerre de Corée, il faudra sans doute vous contenter d'un Comrades, qui est loin d'être parfait, mais demeure intéressant.
NOTE : 3,75/10
La bande-annonce du drama :
Le générique de la série :
12:56 Publié dans (Séries asiatiques) | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : k-drama, mbc, road number one, so ji sub, kim ha neul, yoon kye sang | Facebook |
Commentaires
Mince alors, il en fallait peu pour qu'il réussisse à décrocher un 4/10. C'est cruel ce 3,75 ^^.
Et dire que je voulais le suivre. J'étais déjà déçue de "Cain and Abel", décidément So Ji Sub a du mal à trouver un projet qui tient la route. Du coup, je ne vais sans doute pas parcourir "Road n°1". Le mélo à outrance me laisse aussi de marbre. J'ai assez donné dans ce registre. Ce qui est fâcheux, c'est qu'apparemment, beaucoup d'évènements importants sont passés en accéléré dans les tous premiers épisodes. J'aime bien quand l'histoire prend le temps de se poser...Que vont-ils bien raconter dans la suite ? Ça risque d'être ennuyeux.
Je me tâte encore pour suivre "Comrade" parce que l'acteur principal ne m'a pas du tout convaincu dans un de ses précédents rôles (il a joué dans le laborieux "Dae Jo Yeong", un historique assez lourd de 134 épisodes).
Ma foi, on verra bien, en tout cas, merci pour cet article qui tombe à pic.
Écrit par : Lynda | 16/07/2010
celui qui a ecrit ce commentaire est un vrai aveugle...J ai vecu en Coree et dans les bases militaires. plus de 50 pourcents des effectifs militaires ont regardes jusqu au bout ce drama, de source amicale. La guerre de Coree est profondement encre dans leurs memoires et aussi dans leur education. De plus, la population, notamment les plus jeunes, commencent a s interesser a cette partie oubliee de l histoire...Alors les statistiques ecrites sont toutes fausses. C est un des premiers drama sur fond de guerre de Coree qui existe et aussi bien a l etranger qu en coree, cela montre bien ce qui s est passe. Alors d un point de vue historique et social, moi je trouve cela genial. D un point de vue cinematographique, le jeu des acteurs et actrices sont vraiment parfait, sans trop faire...Kim haneul est parfaite dans son role et seo jisub egalement. Pensons aussi a Kim Minsoo, que l on a plus vu sur le grand ecran depuis 2005...
Alors je n accepte pas cette critique fonde sur absolument aucune connaissance historique, car c est bien de cela qu on parle dans ce drama, au cas ou personne ne l aurai remarque.
Écrit par : Hyunmin | 25/03/2011
@ Hyunmin : Bonjour, si toute critique (constructive) d'une critique est toujours la bienvenue, je crois qu'il te faut sans doute relire le billet que j'ai écrit. Car ce n'est pas sur la dimension historique, mais bien sur son approche narrative et de la mise en scène pour l'exploiter que j'ai trouvé que le drama manquait (justement) son but. Ses débuts sont excessivement mélodramesques, ce qui plombe l'ensemble et le but légitime et louable, nul ne le conteste, poursuivi.
"car c est bien de cela qu on parle dans ce drama, au cas ou personne ne l aurai remarque." : C'est bien cela le problème, et ce que je lui reproche. Ses maladresses occultent cet aspect.
D'ailleurs, puisque tu es intéressé par cette thématique effectivement passionnante de la guerre qui a déchiré et façonné la Corée, l'an dernier justement, un autre drama avec ce même thème avait été diffusé sur KBS1. Et je pense que pour avoir une approche mettant en valeur l'historique du sujet, c'est vraiment le drama que je conseille et qui m'a autrement plus convaincu. Il s'agit de Comrades, dont tu peux lire une première critique ici : http://myteleisrich.hautetfort.com/archive/2010/07/03/k-drama-pilote-comrades-jeonwoo-legend-of-the-patriots.html
Je t'invite vraiment à découvrir si ce n'est pas déjà fait ; il évoque le déchirement d'un pays de façon beaucoup plus passionnante et convaincante, en mesure de justement retranscrire plus fidèlement l'atmosphère de l'époque !
PS : Il ne faut pas oublier que la force d'un sujet ne peut pas occulter les problèmes de qualité sur le fond. ;)
Après ce n'est qu'un avis personnel : les amateurs de pur mélodrama y trouveront peut-être leur compte.
Écrit par : Livia | 25/03/2011
Par simple curiosité (et sans autre jugement ^^), je me posais juste la question suivante : Combien d'épisodes de ce drama ont été vus avant d'écrire ce commentaire ?
Parce que si je reconnais sans problème que les 2 ou 3 premiers épisodes sont laborieux et laissent un peu perplexe sur la direction que va prendre ce drama, Road Number One s'est considérablement amélioré par la suite et une fois lancé il devient réellement très prenant. Si certains personnages peuvent paraître un peu caricaturaux au départ, ils évoluent au fil des épisodes et on découvre des personnages beaucoup plus complexes et attachants qu'il n'y parait. J'ai beaucoup aimé le fait que les personnages secondaires soient eux aussi bien développés, et on s'attache très facilement à ces soldats de la 2ème compagnie.
Même s'il y a beaucoup de scènes d'action et de combats, Road Number One ne s'en tient pas à décrire les victoires ou défaites subies au cours de cette guerre mais s'attache aussi au côté plus humain à travers les relations entre les personnages, l'histoire d'amour entre les deux héros bien sûr, mais aussi (et surtout) les liens forts qui se créent entre ces soldats. Il dénonce à sa manière l'absurdité de cette guerre dans laquelle des personnes de la même famille ou qui ont grandi ensemble se retrouvent dans des camps opposés. Il montre les blessures physiques ou psychologiques que beaucoup ont dû surmonter qu'ils soient soldats ou civils, du sud comme du nord. Sur un sujet difficile, ce drama a su me toucher et trouver un juste équilibre entre horreur et humanité.
En ce qui concerne les acteurs, à l'exception de quelques scènes un peu surjouées dans les premiers épisodes, je les ai trouvés très bons dans l'ensemble y compris ceux dans les rôles secondaires. Mention particulière à Yoon Kye-Sang, So Ji-Sub et Choi Min-Soo que j'ai adoré dans leurs rôles respectifs.
Même s'il a ses défauts (comme dans tout drama), j'ai pour ma part beaucoup aimé Road Number One :)
Écrit par : Yummy Kimchi | 12/03/2014
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