Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

21/02/2014

(UK) Inside No. 9 : rebondissements et humour noir pour une anthologie enthousiasmante

insideno90_zps1855b74b.jpg

Depuis le 5 février 2014, BBC2 diffuse une nouvelle comédie, Inside No. 9, signée Reece Shearsmith et Steve Pemberton (deux des co-créateurs de The League of Gentlemen). Avec cette fiction, ces derniers poursuivent une expérience qu'ils avaient initiée dans leur précédente série, Psychoville : il s'agit en fait ici d'explorer plus avant le concept qui avait sous-tendu l'épisode 4 de cette dernière, à l'inspiration Hitchcock-ienne revendiquée (en référence au film La Corde, de 1948). La saison 1 de Inside No. 9 comptera six épisodes, d'une demi-heure chacun ; une saison 2 a d'ores et déjà été annoncée -avant même le début de la diffusion.

Inside No. 9 étant une anthologie, cela rend l'exercice du critique plus difficile : les épisodes sont en effet extrêmement différents les uns des autres, et mériteraient presque de se voir consacrer une suite de critiques indépendantes, tant le concept de départ y est décliné sous des facettes diverses. Écrire un billet sur le "pilote"/premier épisode aurait donc été trop limité. J'ai patienté. Après trois épisodes, nous voilà déjà à mi-chemin de la première saison. Et Inside No. 9 confirme, semaine après semaine, qu'elle sait entraîner le téléspectateur vers des chemins aussi déroutants que savoureux.

insideno9g_zps53bd8f46.jpg

Le point commun de tous les épisodes de Inside No. 9 est qu'ils se déroulent à huis clos dans un lieu situé au numéro 9 : il peut s'agir d'un appartement, d'une maison ou d'une villa, le cadre pouvant ainsi considérablement changer. Chaque histoire est indépendante, dotée d'une construction également très variable : certaines se déroulent sur une très courte période, presque en temps réel -une soirée par exemple-, d'autres couvrent au contraire une durée beaucoup plus longue, permettant de suivre l'évolution de personnages. Partant d'un tel cadre quasi théâtral, Inside No. 9 offre un véritable condensé de twists et de rebondissements, servis par une écriture noire, humoristique à l'occasion, régulièrement déroutante, qui nous conduit invariablement jusqu'à une chute finale, toujours sombre, parfois proprement jubilatoire.

Parmi les trois premiers épisodes, le plus marquant est incontestablement le deuxième (A Quiet Night In). Il relate une soirée animée dans une riche villa, au sein de laquelle tentent de s'introduire deux cambrioleurs guère doués convoitant un précieux tableau. Cet épisode est un véritable exercice de style comique, maîtrisé de bout en bout. En dehors de la dernière scène, il s'agit d'une demi-heure entièrement muette (une forme d'hommage au cinéma muet), parfaitement cadencée par une bande-son qui exploite les divers bruits de la maisonnée (musique, télévision, outils de cuisine...). L'humour y est résolument burlesque, rythmé par de multiples rebondissements, où l'inattendu surgit fréquemment comme un ressort comique efficace. A Quiet Night In est en résumé une expérience télévisuelle, assez fascinante, qui se vit devant son petit écran. C'est l'épisode incontournable de cette première moitié de saison : celui qui mérite à lui-seul le détour.

insideno9f_zps5deeeaf6.jpg

Les deux autres épisodes de Inside No. 9 ont cependant aussi leurs atouts. Ce sont des essais dans des registres très différents, qui partagent tous une même maîtrise d'écriture et un sens du twist qui savent provoquer plus d'un moment jubilatoire. Le premier épisode est clairement le plus déroutant et surprenant : toute son histoire tourne autour d'un étrange jeu de cache-cache dans une maison familiale, aboutissant à faire s'entasser dans une grande armoire tous les protagonistes. A l'opposé complète du deuxième, c'est entièrement sur les dialogues que la demi-heure repose. Ces derniers sont joyeusement ciselés, oscillant entre piques et flottements, entre malaises et silences, le tout avec cette gêne inhérente à des retrouvailles quelque peu forcées. La chute, très noire, offre une conclusion pesante à ce qui a longtemps semblé la déclinaison d'une idée volontairement loufoque, voire absurde.

Quant au troisième épisode, diffusé ce mercredi soir en Angleterre, il s'échappe presque du genre comique pour offrir un récit pourtant fidèle, dans l'esprit, aux précédents. En une demi-heure, le téléspectateur assiste à la descente aux enfers d'un enseignant qui se coupe peu à peu de la société, sous l'influence d'un individu qui s'est invité chez lui. C'est la construction narrative qui est ici déterminante, l'histoire prenant cette fois le temps de s'étaler sur plusieurs semaines. Celle-ci paraît, par rapport aux deux premières, presque prévisible. Mais le scénario nous conduit admirablement à une suite de twists dans le dernier tiers de l'épisode, durant lequel s'enchaînent des rebondissements surprenants, pour aboutir à une chute, toujours sombre, qui, sorte d'ultime pied de nez, correspond parfaitement à la tonalité de l'ensemble.

insideno9j_zps9799172c.jpg

Enfin, s'il vous faut une dernière raison pour vous convaincre de vous installer devant l'intrigante Inside No. 9, ce sera son casting. Reece Shearsmith et Steve Pemberton (The League of Gentlemen, Psychoville) apparaissent dans beaucoup d'épisodes, mais les deux ne sont pas présents dans tous. A leurs côtés, l'épisode 1 est celui qui rassemble le plus de protagonistes : c'est ainsi l'occasion de croiser Anne Reid (Five Days, Last Tango in Halifax), Katherine Parkinson (The IT Crowd, Whites), Anna Chancellor (Spooks, The Hour), Julian Rhind-Tutt (Green Wing, The Hour), Timothy West (Bleak House), Ophelia Lovibond (Titanic : Blood and Steel), Ben Willbond (Rev, The Thick of It), Tim Key ou encore Mark Wootton (La La Land, Delocated). Dans le deuxième épisode, on retrouve Oona Chaplin (The Hour, Game of Thrones, Dates) -un casting doublement parfait pour cet essai d'épisode muet- et Denis Lawson (Jekyll, Marchlands). Quant au troisième, c'est Gemma Arterton (Tess of the D'Urbervilles) qui intervient aux côtés du duo principal. 

insideno9m_zps316b59c8.jpg

Bilan : Avec son concept de huis clos qui lui confère une dimension presque théâtrale, Inside No. 9 fait preuve d'une solide maîtrise de sa narration pour manier des rebondissements multiples et une bonne dose d'humour noir, tout en cultivant un sens aiguisé de la chute finale. Comme toute anthologie, la diversité des épisodes proposée fait que tous ne marquent pas pareillement, mais ce format permet à la série de constamment se renouveler. Ces trois premiers épisodes peuvent dérouter, mais ils ne déçoivent pas. En particulier le deuxième, qui offre un sacré moment de télévision comique (il mérite au moins de prendre une demi-heure pour le regarder comme un unitaire).

Quant au public visé, ceux qui apprécient les œuvres de Reece Shearsmith et Steve Pemberton devraient se laisser embarquer facilement. Plus généralement, Inside No. 9 ne devrait pas laisser indifférent les téléspectateurs curieux qui souhaiteraient glisser dans leurs programmes une dose de comédie britannique inventive. 


NOTE : 7,75/10


Un extrait de l'épisode 1 :

Un extrait de l'épisode 2 :

29/04/2012

(UK) Whitechapel, saison 3 : l'Histoire (criminelle) est un éternel recommencement ?

 whitechapel30.jpg

Cet hiver, j'ai dû laisser un certain nombre de séries de côté par manque de temps. Parmi elles, la saison 3 de Whitechapel, une série que j'ai toujours appréciée pour son ambiance particulière, mais dont je me disais qu'elle arrivait à bout de son concept en ayant exploté deux fois d'affilée l'hypothèse d'un copycat (Jack l'Eventreur, les jumeaux Kray) reproduisant des crimes passés. La saison 2 était agréable à suivre, mais avait nécessité une importante part de "suspension of disbelief" que je craignais de voir devenir vraiment problématique.

Cependant, la lecture de la critique de Carole sur Critictoo m'avait convaincu de lui laisser sa chance, malgré mes hésitations, pour une nouvelle fournée de six épisodes, diffusés au cours de l'hiver sur ITV1 du 30 janvier au 5 mars 2012. Je dois donc la remercier, car j'ai pris beaucoup de plaisir devant une série qui, manifestement, a identifié ses atouts et sait les mettre en avant.

whitechapel3h.jpg

La bonne initiative des scénaristes pour cette saison, c'est d'avoir su garder la particularité de départ de Whitechapel - son utilisation de l'Histoire - tout en renouvelant le concept de base. Désormais les anciennes affaires exhumées des archives criminelles de la police anglaise - et même au-delà des frontières ! - servent d'inspiration pour offrir d'autres perspectives sur les meurtres à résoudre, sorte de modélisation de faits divers pouvant se reproduire à une autre époque.

Si la saison comporte 6 épisodes, elle est divisée en trois enquêtes distinctes qui s'étalent chacune sur deux épisodes. De brefs arcs narratifs qui permettent à la série de naviguer entre différentes affaires sanglantes. Du côté de l'équipe, Joseph Changler dirige toujours l'équipe, assisté de Ray Miles. La principale nouveauté de cette saison est le recrutement d'Edward Buchan, qui quitte son statut de consultant/passionné officieux pour un vrai poste au sein des forces de l'ordre, ou plus précisément de leurs archives.

whitechapel3e.jpg

La réussite de cette troisième saison de Whitechapel tient aux deux grands atouts qu'elle parvient à mobiliser pour délivrer six épisodes très plaisants à suivre. Elle compense habilement le manque de crédibilité de son concept de base, cette utilisation particulière de l'Histoire, par l'ambiance que cette approche lui permet d'explorer. Car avec ses meurtres sanguinolants, ses ruelles sombres et ses figures inquiétantes et marginales croisées lors de ses enquêtes, Whitechapel flirte allègrement avec le genre semi-horrifique. Lui empruntant certains codes narratifs, mais aussi ses mythes, elle reste une série policière qui semble nous entraîner toujours plus loin dans les confins de la noirceur de l'âme humaine. Elle se construit ainsi une atmosphère à la fois fascinante et inquiétante des plus intéressantes. Une des constances des affaires est la violence des crimes, lesquels sont généralement commis en séries. Le nombre de victimes, et donc les cadavres, s'accumule. La durée de deux épisodes est relativement bien gérée, même si elle oblige parfois à certaines brusques accélérations dans la résolution des intrigues.

Parallèlement, le second attrait de Whitechapel demeure la dynamique qui unit ses différents personnages. Il y a bien sûr le duo principal, composé du DI Chandler et du DS Miles, si dissemblables mais désormais solidement unis dans les turbulences des affaires qu'ils mènent. Au fil de la saison, on perçoit à quel point cette amitié est aussi chargée d'une certaine affection paternelle de la part de Miles, qui est conscient qu'il doit parfois protéger son supérieur de lui-même. Un des fils rouges personnel de la saison sera de tenter bon gré, mal gré de trouver une petite amie à Joe ; des essais qui se finiront en sorties théâtrales ou en larmes. Ed Buchan découvre lui les responsabilités liées à la place désormais officielle qu'il occupe dans les enquêtes, avec la difficulté des choix à faire. Le personnage connaîtra un intéressant développement plus introspectif. Enfin, Whitechapel ne néglige pas toute l'équipe qui entoure Joe Chandler, avec des rôles secondaires, bien dépeints, qui s'insèrent très bien dans la dynamique d'ensemble de l'unité. Une bonne partie de la fidélité du téléspectateur repose donc sur l'indéniable attachement qui naît envers toute cette galerie de protagonistes.

whitechapel3c.jpg

Sur la forme, Whitechapel conserve son identité visuelle soignée, avec une photographie sombre qui semble tout droit tirée des plus noirs polars. La réalisation est très bien maîtrisée, la caméra n'hésitant pas à jouer parfois avec les nerfs du téléspectateur lorsque ses inspirations horrifiques se réveillent le temps de ces quelques scènes qui laissent entrevoir un des crimes de l'épisode. Accompagnant cette tonalité, la musique se révèle toute aussi efficace pour poser l'ambiance.

Enfin, la série dispose d'un casting qui m'est devenu, au fil des saisons, très sympathique et qui continue de délivrer de solides performances. Rupert Penry-Jones, dans ce rôle toujours un peu ambigü d'un DI consciencieux, mais avec ses insécurités (et notamment cette tendance à voir resurgir ses troubles obsessionnels compulsifs et autres rituels), forme une équipe convaincante, associé à un Phil Davis qui a la réplique du vétéran toujours aussi prompte. Steve Pemberton investit un arc plus intime, assez touchant, qui lui donne pleinement la mesure de s'exprimer. A leurs côtés, on retrouve Sam Stockman, Ben Bishop, Hannah Walters, Claire Rushbrook ou encore Alice Newman.

whitechapel3d.jpg

Bilan : Avec cette troisième saison, Whitechapel réussit le défi de se renouveler tout en gardant les fondations qui ont fait le charme et l'attrait de la série depuis ses débuts. Peu importe la fragilité de cette idée de départ, d'exploiter l'Histoire pour éclairer le présent, c'est le plaisir de retrouver des personnages attachants, fidèles à eux-mêmes et dont les relations sont bien traitées, qui l'emporte. Le téléspectateur se laisse entraîner dans cette atmosphère sombre, parfois glauque, souvent inquiétante, à la frontière de l'horreur mais sans jamais y basculer totalement. Une fiction policière avec sa propre identité.

En résumé, ceux qui ont apprécié les deux premières saisons devraient pareillement aimer cette troisième !


NOTE : 7/10


La bande-annonce de la saison 3 :


28/10/2010

(UK) Whitechapel, series 2 : un polar noir étrangement intemporel

whitechapel2h.jpg

Ce lundi soir s'achevait, sur ITV1, la saison 2 de Whitechapel. Comme la première saison, un succès public considérable qui fut diffusé durant l'hiver 2009 (je signale au passage qu'un an et demi d'écart entre deux saisons, c'est beaucoup trop long pour ma mémoire), elle fut en tout composée 3 épisodes, formant un seul arc narratif, et ramenant à la vie la légende d'une figure de l'histoire criminelle britannique. A la différence de la première saison, l'audience fut moins au rendez-vous, tout en restant très honorable. La série a cependant été dominée par sa concurrente directe programmée sur BBC1, Spooks (MI-5).

Pour le reste, Whitechapel reprenait les mêmes ingrédients qui avaient fait la spécificité et la réussite (certes, avec ses défauts et maladresses) de son précédent cycle, qui avait été consacré à Jack l'Eventreur (The Ripper). On y retrouve donc tant cette atmosphère assez fascinante, vaguement intemporelle, que la dimension humaine qui en avaient fait le piquant. Ne bénéficiant plus de l'effet de surprise de la première, cette saison 2 s'affranchit sans sourciller de certaines contraintes narratives qui peuvent laisser une impression mitigée. Pourtant, dans l'ensemble, il est difficile de ne pas se laisser happer par ce récit.

whitechapel2b.jpg

Si la diffusion de la saison 1 remontait à plus d'un an et demi, c'est dans la continuité immédiate de celle-ci que s'ouvre cette seconde saison. Les conséquences et séquelles de l'affaire du copycat de Jack l'Eventreur sont encore visibles et les références à ces évènements parsèment tout l'arc. Cet héritage à assumer explique en partie la difficulté initiale à laquelle sont confrontés les scénaristes : réussir à introduire de façon crédible, et sans paraître sur-exploiter artificiellement le concept de base de Whitechapel, l'idée que, dans ce même quartier, des meurtres semblent, une nouvelle fois, être le fait de personnes se référant à d'anciennes gloires criminelles, et cherchant à se faire un nom. La série n'y parvient que de façon mitigée, s'empressant de repartir sur des bases similaires à l'excès, en faisant intervenir très tôt (peut-être un peu trop tôt) l'historien/documentariste qui les avait secondés dans leur précédente affaire. La légende des jumeaux Kray n'ayant pas forcément aussi bien traversé la Manche que Jack l'Eventreur, l'attrait mythique joue moins et il faut une partie du premier épisode pour véritablement se glisser dans les enjeux de la saison.

Les scénaristes se révèlent cependant plutôt astucieux. En effet, si c'est le cadavre, rejeté par la Tamise, d'un détenu échappé qui met les enquêteurs sur cette première piste qu'ils vont s'entêter à suivre jusqu'au bout, les transformations du paysage criminel londonien et le début d'évènements troublants remontent à plusieurs mois déjà. Et c'est en fait tout un quartier qui paraît vivre dans la peur au quotidien, confronté à une explosion de violences dont l'origine demeure protégée par une prudente loi du silence appliquée consciencieusement. Mais, à mesure que le DI Chandler et le DCI Miles, duo désormais parfaitement complémentaire, progressent dans leur investigations, ce sont des ramifications sans précédent, allant au-delà de  la rue et des gangs, qui se dévoilent peu à peu. Ils vont soudain se sentir bien seuls dans cette guerre qu'ils initient contre un véritable système de compromission criminelle qui s'est mis en place. Peuvent-ils vraiment lutter contre ces fantômes des "jumeaux Kray" ? Le prix à payer ne sera-t-il pas trop élevé ?

whitechapel2e.jpg

Si cette saison 2 de Whitechapel laisse une impression ambivalente au téléspectateur, elle le doit au relatif manque de crédibilité de l'histoire mise en scène. Car il y a quand même une différence majeure dans la structure narrative par rapport à la saison 1. En effet, transposer l'oeuvre d'un serial killer d'un siècle à l'autre, hormis la prise en compte des progrès de la police scientifique, cela ne pose pas a priori de problème d'adaptation insurmontable. En revanche, tenter de faire revivre, en ce début de XXIe siècle, l'ambiance de la rue et du crime organisé des années 50 afin de consacrer des chefs de gangs d'un autre temps, c'est plus problématique. En un demi-siècle, c'est toute le réalité criminelle qui s'est profondément transformée. Pourtant, la série ne va pas hésiter à dépeindre un Londres de l'ombre quasi unifié sous la férule des Kray... Au-delà de cette homogénéité criminelle, le portrait de la police qui est dressé, aussi peu flatteur qu'il soit, renvoie également à des moeurs de compromission et de corruption dont les dynamiques émanent clairement d'une autre époque. Certaines scènes n'auraient ainsi pas dépareillé dans un épisode de Life on Mars.

Cependant, presque paradoxalement, si on peut lui reprocher ce côté irréel, vaguement déconnecté, c'est aussi cela qui fait de cette série une fiction policière à part. Car Whitechapel reste avant tout, plus que jamais dans cette seconde saison, un polar noir classieux, où règne une étrange intemporalité. Il y a comme un parfum diffus d'anachronisme latent, probablement recherché, qui exerce une véritable fascination. Peu importe finalement le manque de crédibilité de l'histoire. Les scénaristes ne demandent pas au téléspectateur de croire en la réalité de ce récit, mais simplement de se laisser happer par cette indéfinissable atmosphère décalée et en dehors du temps. En somme, par ses thématiques et sa narration, Whitechapel s'impose en prudente héritière des polars noirs se déroulant dans les troubles du milieu du XXe siècle. Le cadre est certes transposé de manière anachronique, mais l'attractivité du sujet demeure intacte. 

whitechapel2f.jpg

Au-delà de cette question majeure relative à l'ambiance, l'autre réel point fort de Whitechapel, peut-être le plus solide, réside incontestablement dans ses personnages, ou plutôt dans la dynamique de son duo principal d'enquêteurs. Passés la rencontre et les ajustements des débuts, les voilà toujours aussi antinomiques, mais désormais beaucoup plus proches, recherchant tant bien que mal un équilibre précaire dans leur relation de travail. Ce qui a changé par rapport à la défiance de la saison 1, c'est qu'ils partagent à présent une certaine compréhension réciproque, des forces comme des faiblesses de l'autre. Si leurs clashs sont inévitables, leurs rapports n'en sont pas moins basés sur une confiance inébranlable.

Ce respect, plus ou moins perceptible suivant leurs échanges, les autorise à plus se dévoiler, conférant à leurs personnages une dimension humaine supplémentaire, plus touchante et personnelle, aux yeux du téléspectateur. Cet aspect est d'autant plus intéressant à explorer que l'affaire va les pousser dans leurs derniers retranchements, voire même au-delà. Les jumeaux Kray appartiennent à l'histoire encore récente de la ville ; et c'est à des blessures personnelles du passé que Miles va être confronté. Tandis que le DI Chandler voit son enquête peu à peu lui échapper. Ses insécurités ressortent, accompagnées des rituels qui tentent maladroitement de les contenir pour ramener une vaine illusion de contrôle. Voir ces personnages à ce point secoués et remis en cause permet de jouer efficacement sur l'empathie du téléspectateur.

whitechapel2a.jpg

Sur la forme, cette saison 2 de Whitechapel s'avère toujours aussi appliquée, consciencieusement investie dans une recherche d'esthétique propre. Si, encore une fois, on reste parfois dans le domaine de l'expérimental plus ou moins réussie, dans l'ensemble, c'est un travail de bonne facture qui est proposé. Capitalisant beaucoup sur l'atmosphère que les images peuvent générer, la série soigne sa réalisation et n'hésite pas à jouer avec les teintes de la photographie. Le rendu visuel est ainsi très agréable à l'oeil et donne une réelle classe à la série.

Enfin, le très solide casting permet de conférer une légitimité supplémentaire à Whitechapel. Rupert Penry-Jones (Cambridge Spies, Spooks) est parfait pour retranscrire toute la complexité de son personnage, entre force et faiblesse, doté une volonté de fer vaguement idéaliste emprisonnée dans des compulsions échappant à son contrôle. A ses côtés, Philip Davis (Bleak House, Collision) propose l'abrasivité adéquate pour incarner le pendant complémentaire afin d'équilibrer le duo. On retrouver également à l'affiche des valeurs sûres comme Steve Pemberton (The League of Gentlemen, Blackpool), Alex Jennings (The State Within, Cranford), ou encore Sam Stockman, George Rossi, Ben Bishop, Christopher Fulford et Peter Serafinowicz.

whitechapel2g.jpg

Bilan : A défaut de crédibilité du scénario mis en scène, cette saison 2 de Whitechapel offre une ambiance assez fascinante, quelque peu irréelle et intemporelle, qui capte le téléspectateur peut-être presque aussi efficacement qu'une histoire qui aurait été vraisemblable. La série investit avec une certaine jubilation tous les codes du polar noir, adoptant des ressorts narratifs issus d'un autre âge. Cela lui donne une étrange ambivalence, quelque peu anachronique, mais elle va assumer finalement jusqu'au bout cette spécificité tranchant avec toutes les autres fictions policières du moment. Certes on pourra aussi regretter que la série ait sans doute trop souvent tendance à céder à une relative facilité, dans ses rebondissements comme dans l'avancée de l'enquête. Pourtant, au-delà de ces maladresses ou faiblesses dont le téléspectateur est parfaitement conscient, il est difficile de ne pas être happé par Whitechapel.


NOTE : 7/10


La bande-annonce de la saison :