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28/10/2010

(UK) Whitechapel, series 2 : un polar noir étrangement intemporel

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Ce lundi soir s'achevait, sur ITV1, la saison 2 de Whitechapel. Comme la première saison, un succès public considérable qui fut diffusé durant l'hiver 2009 (je signale au passage qu'un an et demi d'écart entre deux saisons, c'est beaucoup trop long pour ma mémoire), elle fut en tout composée 3 épisodes, formant un seul arc narratif, et ramenant à la vie la légende d'une figure de l'histoire criminelle britannique. A la différence de la première saison, l'audience fut moins au rendez-vous, tout en restant très honorable. La série a cependant été dominée par sa concurrente directe programmée sur BBC1, Spooks (MI-5).

Pour le reste, Whitechapel reprenait les mêmes ingrédients qui avaient fait la spécificité et la réussite (certes, avec ses défauts et maladresses) de son précédent cycle, qui avait été consacré à Jack l'Eventreur (The Ripper). On y retrouve donc tant cette atmosphère assez fascinante, vaguement intemporelle, que la dimension humaine qui en avaient fait le piquant. Ne bénéficiant plus de l'effet de surprise de la première, cette saison 2 s'affranchit sans sourciller de certaines contraintes narratives qui peuvent laisser une impression mitigée. Pourtant, dans l'ensemble, il est difficile de ne pas se laisser happer par ce récit.

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Si la diffusion de la saison 1 remontait à plus d'un an et demi, c'est dans la continuité immédiate de celle-ci que s'ouvre cette seconde saison. Les conséquences et séquelles de l'affaire du copycat de Jack l'Eventreur sont encore visibles et les références à ces évènements parsèment tout l'arc. Cet héritage à assumer explique en partie la difficulté initiale à laquelle sont confrontés les scénaristes : réussir à introduire de façon crédible, et sans paraître sur-exploiter artificiellement le concept de base de Whitechapel, l'idée que, dans ce même quartier, des meurtres semblent, une nouvelle fois, être le fait de personnes se référant à d'anciennes gloires criminelles, et cherchant à se faire un nom. La série n'y parvient que de façon mitigée, s'empressant de repartir sur des bases similaires à l'excès, en faisant intervenir très tôt (peut-être un peu trop tôt) l'historien/documentariste qui les avait secondés dans leur précédente affaire. La légende des jumeaux Kray n'ayant pas forcément aussi bien traversé la Manche que Jack l'Eventreur, l'attrait mythique joue moins et il faut une partie du premier épisode pour véritablement se glisser dans les enjeux de la saison.

Les scénaristes se révèlent cependant plutôt astucieux. En effet, si c'est le cadavre, rejeté par la Tamise, d'un détenu échappé qui met les enquêteurs sur cette première piste qu'ils vont s'entêter à suivre jusqu'au bout, les transformations du paysage criminel londonien et le début d'évènements troublants remontent à plusieurs mois déjà. Et c'est en fait tout un quartier qui paraît vivre dans la peur au quotidien, confronté à une explosion de violences dont l'origine demeure protégée par une prudente loi du silence appliquée consciencieusement. Mais, à mesure que le DI Chandler et le DCI Miles, duo désormais parfaitement complémentaire, progressent dans leur investigations, ce sont des ramifications sans précédent, allant au-delà de  la rue et des gangs, qui se dévoilent peu à peu. Ils vont soudain se sentir bien seuls dans cette guerre qu'ils initient contre un véritable système de compromission criminelle qui s'est mis en place. Peuvent-ils vraiment lutter contre ces fantômes des "jumeaux Kray" ? Le prix à payer ne sera-t-il pas trop élevé ?

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Si cette saison 2 de Whitechapel laisse une impression ambivalente au téléspectateur, elle le doit au relatif manque de crédibilité de l'histoire mise en scène. Car il y a quand même une différence majeure dans la structure narrative par rapport à la saison 1. En effet, transposer l'oeuvre d'un serial killer d'un siècle à l'autre, hormis la prise en compte des progrès de la police scientifique, cela ne pose pas a priori de problème d'adaptation insurmontable. En revanche, tenter de faire revivre, en ce début de XXIe siècle, l'ambiance de la rue et du crime organisé des années 50 afin de consacrer des chefs de gangs d'un autre temps, c'est plus problématique. En un demi-siècle, c'est toute le réalité criminelle qui s'est profondément transformée. Pourtant, la série ne va pas hésiter à dépeindre un Londres de l'ombre quasi unifié sous la férule des Kray... Au-delà de cette homogénéité criminelle, le portrait de la police qui est dressé, aussi peu flatteur qu'il soit, renvoie également à des moeurs de compromission et de corruption dont les dynamiques émanent clairement d'une autre époque. Certaines scènes n'auraient ainsi pas dépareillé dans un épisode de Life on Mars.

Cependant, presque paradoxalement, si on peut lui reprocher ce côté irréel, vaguement déconnecté, c'est aussi cela qui fait de cette série une fiction policière à part. Car Whitechapel reste avant tout, plus que jamais dans cette seconde saison, un polar noir classieux, où règne une étrange intemporalité. Il y a comme un parfum diffus d'anachronisme latent, probablement recherché, qui exerce une véritable fascination. Peu importe finalement le manque de crédibilité de l'histoire. Les scénaristes ne demandent pas au téléspectateur de croire en la réalité de ce récit, mais simplement de se laisser happer par cette indéfinissable atmosphère décalée et en dehors du temps. En somme, par ses thématiques et sa narration, Whitechapel s'impose en prudente héritière des polars noirs se déroulant dans les troubles du milieu du XXe siècle. Le cadre est certes transposé de manière anachronique, mais l'attractivité du sujet demeure intacte. 

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Au-delà de cette question majeure relative à l'ambiance, l'autre réel point fort de Whitechapel, peut-être le plus solide, réside incontestablement dans ses personnages, ou plutôt dans la dynamique de son duo principal d'enquêteurs. Passés la rencontre et les ajustements des débuts, les voilà toujours aussi antinomiques, mais désormais beaucoup plus proches, recherchant tant bien que mal un équilibre précaire dans leur relation de travail. Ce qui a changé par rapport à la défiance de la saison 1, c'est qu'ils partagent à présent une certaine compréhension réciproque, des forces comme des faiblesses de l'autre. Si leurs clashs sont inévitables, leurs rapports n'en sont pas moins basés sur une confiance inébranlable.

Ce respect, plus ou moins perceptible suivant leurs échanges, les autorise à plus se dévoiler, conférant à leurs personnages une dimension humaine supplémentaire, plus touchante et personnelle, aux yeux du téléspectateur. Cet aspect est d'autant plus intéressant à explorer que l'affaire va les pousser dans leurs derniers retranchements, voire même au-delà. Les jumeaux Kray appartiennent à l'histoire encore récente de la ville ; et c'est à des blessures personnelles du passé que Miles va être confronté. Tandis que le DI Chandler voit son enquête peu à peu lui échapper. Ses insécurités ressortent, accompagnées des rituels qui tentent maladroitement de les contenir pour ramener une vaine illusion de contrôle. Voir ces personnages à ce point secoués et remis en cause permet de jouer efficacement sur l'empathie du téléspectateur.

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Sur la forme, cette saison 2 de Whitechapel s'avère toujours aussi appliquée, consciencieusement investie dans une recherche d'esthétique propre. Si, encore une fois, on reste parfois dans le domaine de l'expérimental plus ou moins réussie, dans l'ensemble, c'est un travail de bonne facture qui est proposé. Capitalisant beaucoup sur l'atmosphère que les images peuvent générer, la série soigne sa réalisation et n'hésite pas à jouer avec les teintes de la photographie. Le rendu visuel est ainsi très agréable à l'oeil et donne une réelle classe à la série.

Enfin, le très solide casting permet de conférer une légitimité supplémentaire à Whitechapel. Rupert Penry-Jones (Cambridge Spies, Spooks) est parfait pour retranscrire toute la complexité de son personnage, entre force et faiblesse, doté une volonté de fer vaguement idéaliste emprisonnée dans des compulsions échappant à son contrôle. A ses côtés, Philip Davis (Bleak House, Collision) propose l'abrasivité adéquate pour incarner le pendant complémentaire afin d'équilibrer le duo. On retrouver également à l'affiche des valeurs sûres comme Steve Pemberton (The League of Gentlemen, Blackpool), Alex Jennings (The State Within, Cranford), ou encore Sam Stockman, George Rossi, Ben Bishop, Christopher Fulford et Peter Serafinowicz.

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Bilan : A défaut de crédibilité du scénario mis en scène, cette saison 2 de Whitechapel offre une ambiance assez fascinante, quelque peu irréelle et intemporelle, qui capte le téléspectateur peut-être presque aussi efficacement qu'une histoire qui aurait été vraisemblable. La série investit avec une certaine jubilation tous les codes du polar noir, adoptant des ressorts narratifs issus d'un autre âge. Cela lui donne une étrange ambivalence, quelque peu anachronique, mais elle va assumer finalement jusqu'au bout cette spécificité tranchant avec toutes les autres fictions policières du moment. Certes on pourra aussi regretter que la série ait sans doute trop souvent tendance à céder à une relative facilité, dans ses rebondissements comme dans l'avancée de l'enquête. Pourtant, au-delà de ces maladresses ou faiblesses dont le téléspectateur est parfaitement conscient, il est difficile de ne pas être happé par Whitechapel.


NOTE : 7/10


La bande-annonce de la saison :

Commentaires

Je crois qu'entre les deux saisons, celle-ci est ma préférée - sans doute parce qu'elle est beaucoup plus centrée sur les personnages. Comme tu l'as dit, voir les personnages aussi secoués, ça secoue aussi le spectateur (j'ai d'ailleurs eu très mal pour Kent...).
Pour que je puisse aimer une série, il faut déjà que j'aime les personnages, autrement c'est fichu. (Dexter par exemple, j'ai pas réussi à dépasser l'épisode 2...) Là, les personnages l'emportent sur le reste, donc c'est tout bon ! ^^

Écrit par : Filipa | 28/10/2010

En fait j'ai un peu l'impression que la saison 1 de Whitechapel devait sa force à son concept (copycat de Jack l'éventreur) et que cette seconde saison tient grâce à ses personnages. Ce qui fait que suivant que l'on soit plus sensible au premier ou au second aspect, on préfèrera l'une ou l'autre.

En ce qui me concerne, j'avoue que la saison 1 est vraiment floue (comme je l'ai dit, plus d'un an et demi entre les deux, c'est beaucoup trop long). J'ai des impressions, quelques souvenirs, mais j'ai beaucoup de mal à comparer précisément. Je pense quand même que le mythe de Jack L'Eventreur et la reconstitution avaient trouvé un écho peut-être plus fort en moi. La maîtrise du scénario (qui n'était pas non plus parfaite) me plaisait plus (chez moi, la dimension humaine n'est pas à ce point déterminante, tant que les personnages sont solides, ce n'est pas trop grave si je ne les aime pas).

Mais Whitechapel restera quand même un polar divertissant et abouti, beaucoup plus ambitieux que bon nombre des cop-shows que l'on nous sert habituellement ! Il faut le saluer ! ^_^

Écrit par : Livia | 30/10/2010

Bien sûr toutes ces analyses sont correctes, mais j'ai été comme vous le dites tellement "happée" par la série que je ne me suis pas du tout préoccupée de ses éventuelles faiblesses.
J'ai adoré, je l'ai regardée comme le meilleur polar de série que j'ai jamais vu, un réel suspense qui accroche, et en particulier les personnages, ainsi que les acteurs qui les incarnent.
Il y a aussi une grande intensité due au format particulier, trois épisodes pour une seule histoire.
Pour moi c'est du haut de gamme.
Je découvre tardivement grâce à Arte. J'espère que d'autres saisons suivront.

Écrit par : Christine | 25/03/2012

@ Christine : Whitechapel a une façon de soigner son ambiance qui happe et fascine facilement en effet. Elle a un certain talent pour faire oublier les faiblesses du scénario.
La saison 3 a été diffusée cette hiver sur ITV en Angleterre. Je ne l'ai pas encore vue, mais j'ai lu quelques bons échos. Je pense m'y mettre en avril !

Écrit par : Livia | 27/03/2012

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