17/06/2010
(Mini-série UK / IRL) Father & Son : le chemin d'un père vers la rédemption sur fond de guerre des gangs

La semaine passée, ITV diffusait sur plusieurs soirées (à la manière de Collision, il y a quelques mois) une mini-série coproduite avec la chaîne publique irlandaise RTÉ : Father & Son. Tournée fin 2008 et diffusée en Irlande au cours du mois de juillet 2009, cette fiction avait longtemps traîné inexplicablement égarée dans les cartons de ITV, avant que cette dernière ne se décide finalement à la programmer à l'antenne. Avouons-le, ces tergiversations pouvaient générer quelques inquiétudes sur le résultat, ITV n'étant pas la chaîne la plus fiable qui soit en ce qui concerne sa politique de fictions. Pour autant, les échos des critiques irlandaises n'étaient pas inintéressants, ce qui a suffi à éveiller ma curiosité. Un générique d'ouverture sur fond de chanson de Johnny Cash plus tard, c'est au bout du compte l'intégralité de cette mini-série que j'aurais suivie sans déplaisir.
Derrière son décor nous plongeant dans le crime organisé du nord de l'Angleterre et de l'Irlande, Father & Son est une série sur la rédemption. L'histoire qu'elle va nous conter est celle de deux personnes, unies par les liens du sang, mais devenues étrangères l'une à l'autre en raison d'une tragédie. C'est un père et son fils qui vont d'une certaine façon se retrouver... pour mieux se perdre à nouveau ?
La mini-série débute à Manchester. Dans une banlieue déchirée par les guerres de gangs, Sean O'Connor est un adolescent apparemment sans histoire, vivant avec sa tante Connie, officier de police. Un jour, une fusillade éclate devant la maison ; une connaissance de sa petite amie est abattue. Ils sont pourchassés par les deux jeunes tueurs jusque dans l'hôpital où ils ont trouvé refuge. En état de légitime défense, Stacey abat l'un d'eux alors qu'il s'apprêtait à viser Sean. Refusant de laisser la jeune fille endosser la responsabilité des évènements, Sean se saisit de son revolver. La police, alertée par les détonations, l'arrêtera ainsi, l'arme du crime en main, se tenant aux côtés du corps ensanglanté de l'adolescent qui les avait poursuivis. Ne réalisant pas vraiment la gravité de la situation, jouant les chevaliers blancs envers Stacey sans apprécier toutes les conséquences, Sean se laisse embarquer par les forces de l'ordre.
Mais, au-delà du flagrant délit apparent, l'adolescent a un autre lourd passif qui ne plaide pas en sa faveur aux yeux des policiers : son père. Michael O'Connor a en effet longtemps été une figure du grand banditisme local, ayant contribué au climat de violence qui prévaut désormais dans les quartiers comme celui où vit son fils. Arrêté en Irlande alors que Sean était encore enfant, il y a purgé une peine de prison de six années. Mais trois jours après son arrestation, sa femme, Lynne, était abattue à leur domicile. L'enquête conclut à des représailles contre Michael. La soeur de Lynne, Connie, recueillit Sean chez elle... et aucun ne revit Michael qui ne rentra pas en Angleterre une fois sa peine finie. C'est dans un petit bourg irlandais, auprès d'une nouvelle femme, enceinte, que Michael entend refaire sa vie. Mais le coup de téléphone de Connie l'informant des évènements de Manchester le précipite dans un passé qu'il aurait préféré derrière lui, alors qu'il décide de rentrer au pays pour essayer d'aider son fils.

Father & Son dresse tout d'abord un portrait appliqué d'une banlieue de Manchester gangrénée par les guerres de gangs. S'essayant à une approche sociale, elle s'efforce de capter et retranscrire l'ambiance régnant dans ces quartiers. Elle parvient d'ailleurs à mettre en scène de façon assez convaincante ce climat d'insécurité instable, soulignant les engrenages létaux qui conduisent aux tragédies rythmant la mini-série. Si Sean fait ici figure de victime collatérale du milieu dans leque il vit, n'ayant pu se maintenir en marge de tout cela en dépit des efforts de Connie, Father & Son prend toute sa dimension en pointant la responsabilité de Michael O'Connor, et de ses anciens acolytes, dans la détérioration du lien social. Ce sont eux qui ont introduit les moeurs du crime organisé, mais aussi les moyens de les mettre en oeuvre avec la circulation des armes à feu.
Désormais, le mal s'est propagé, hors de contrôle. La violence suit un cercle vicieux qui se perpétue et se nourrit lui-même, sacrifiant les jeunes générations plongées dans ces préoccupations dès leur plus jeune âge. L'illustration de ce mal donnera d'ailleurs lieu à l'une des scènes les plus marquantes de la mini-série : celle où le petit frère d'une des victimes amène un revolver à son école et, en pleine salle de classe, le sort pour le pointer sur Imani, la fille de Connie. Combien d'adolescents ainsi perdus dans les méandres impitoyables de ces appels à la vengeance ?

Au-delà de cette approche plus sociale du pan policier, reflet d'essais télévisés modernes, Father & Son marche aussi sur les pas du genre thriller. Des manipulations aux mensonges par omission, la mini-série révèle peu à peu que le hasard et la fatalité n'ont pas grand chose à voir avec l'enfer dans lequel Sean a été projeté. Derrière la tragédie qui se joue sous nos yeux, diverses personnes tirent les ficelles, dans l'ombre, qu'il s'agisse de vieux règlements de compte ou d'intérêts personnels à promouvoir. Qui manipule qui, la question se glisse rapidement dans l'esprit du téléspectateur, à mesure qu'il découvre la complexité réelle de l'affaire.
Father & Son n'est donc pas une simple fiction policière. La fusillade qui déclencha l'enchaînement des évènements s'inscrit dans un tableau plus vaste, où les enjeux se révèlent petit à petit. Aspect attrayant d'un scénario donc plus ambitieux que l'on aurait pu le penser aux premiers abords, la mini-série ne parvient cependant pas à totalement s'imposer dans ce créneau. Globalement un peu trop prévisible pourrait-on dire, ou un peu trop calibrée, elle n'échappe pas à des raccourcis dommageables ou à quelques facilités scénaristiques. Reste que même si ce traitement laisse quelques regrets au téléspectateur, l'ensemble demeure efficace dans l'ensemble.

L'élément le plus perfectible de Father & Son réside sans doute dans sa dimension humaine. Cette mini-série utilise son cadre policier pour nous relater une histoire personnelle, celle de deux personnes que leurs choix et les drames de la vie ont séparées. Michael O'Connor n'a pas revu son fils depuis son arrestation, il y a plusieurs années. Trois jours après, sa femme était abattue à bout portant, un meurtre dont tout le monde s'accorde à penser qu'il est du aux activités criminelles de son époux. Sean a grandi élevé par sa tante, la soeur de sa mère. Un fossé s'est créé entre lui et Michael, chargé de ressentiments, de non-dits. L'intensité de ces sentiments s'est peu à peu muée en une forme de haine de la part de l'adolescent qui, désormais, ne veut plus, ne peut plus, entendre parler de cette figure paternelle absente.
Mais s'il a choisi la fuite en avant, à sa sortie de prison, Michael se retrouve désormais face à ses diverses responsabilités. Celle de père, pour n'avoir pas osé revoir Sean après le drame. Celle d'un ancien gangster qui n'y est pas pour rien dans le climat de violence et de guerre des gangs régnant dans la banlieue de Manchester. En retrouvant le chemin du nord de l'Angleterre, le voilà de nouveau confronté à un passé qu'il aurait souhaité oublier. Toutes ses actions sont orientées dans un seul but : aider son fils. Finalement, par ses confrontations avec ses anciens acolytes, avec son père, c'est le difficile chemin de la rédemption qu'il suit. Il a payé sa dette à la société en purgeant sa peine de prison. Il a une dette à payer envers cet enfant qui a grandi sans lui, profondément traumatisé par un évènement dont il n'a jamais parlé, la mort de sa mère.
Father & Son disposait donc de bases intéressantes pour construire un drama intense sur un plan émotionnel. Certains passages fonctionnent bien. Les paradoxes de Michael, la lassitude de Connie, sont des aspects bien décrits. Cependant, la mini-série ne va pas au bout de cette mise en valeur de sa dimension humaine, parfois un peu excessive ou maladroite. L'ensemble est certes prenant, mais elle avait les cartes pour faire mieux.

Il faut souligner que si Father & Son fonctionne assez bien, c'est en grande partie dû à son casting. Autant Dougray Scott avait semblé aux abonnés absents, en début d'année, dans The Day of the Triffids, autant, ici, il est pleinement impliqué dans la complexité de son personnage, qu'il va incarner d'une façon très intense parfaitement maîtrisée. A ses côtés, on retrouve des valeurs sûres du petit écran britannique, comme Sophie Okonedo (Criminal Justice), Ian Hart (Dirt, Five Daughters) ou encore Stephen Rea. Enfin, Reece Noi incarne avec beaucoup de défiance et de versatilité Sean.
Sur un plan technique, Father & Son reste plutôt en retrait. Elle dispose d'une réalisation classique, correcte mais sans réelle identité, en dépit de quelques plans intéressants. Elle ne se démarque pas non plus par sa bande-son. En revanche, il faut souligner son splendide générique, superbe esthétiquement et opportunément construit sur une chanson de Johnny Cash, God's Gonna Cut You Down. Il donne immédiatement le ton et nous plonge dans une ambiance sombre, chargée de regrets, qui correspond parfaitement à la tonalité de la mini-série.

NOTE : 7/10
11:21 Publié dans (Mini-séries UK) | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : father and son, rte, itv, dougray scott, sophie okonedo, ian hart, stephen rea, reece noi | Facebook |
16/06/2010
(J-Drama) Gaiji Keisatsu : jeux de dupes, jeux d'espions, au sein de l'antiterrorisme japonais

Aujourd'hui, pas de test de pilote, mais le bilan d'une série entière. Mon coup de coeur asiatique de la semaine est une découverte inattendue en provenance du Japon, une immersion dans les services de lutte antiterroriste de la police de ce pays : Gaiji Keisatsu. En bien des points, je serais tentée de dire qu'il s'agit d'un drama juste parfait pour mettre l'été à profit afin d'élargir son horizon téléphagique et découvrir (enfin) une série asiatique. Pourquoi ? Pour vous situer son genre, essayons-nous à l'exercice des parallèles : sobre et magistralement menée, Gaiji Keisatsu traite de menaces sur la sécurité intérieure avec la paranoïa et la maîtrise d'un Spooks (MI-5) des grands jours. De plus, autre atout pour achever de convaincre les derniers récalcitrants : c'est une série courte. Son format lui permet de ne pas s'étaler inutilement et de maintenir constante la tension qui y règne, car elle ne compte en effet que six épisodes d'une cinquantaine de minutes chacun.
Adaptation d'un roman éponyme d'Aso Iku, diffusée par NHK du 24 novembre au 19 décembre 2009, Gaiji Keisatsu (6 x 50') s'est donc révélée être l'excellente surprise de ce mois de juin dans mes programmations sériephiles. En résumé, c'est un peu ce qu'un drama comme IRIS aurait pu être, si ses scénaristes avaient mieux maîtrisé leur sujet.

Gaiji Keisatsu nous plonge au coeur d'une branche à part des forces de police japonaise, celle qui s'occupe des Affaires étrangères, surveillant notamment les allées-venues sur le territoire national. En charge de la sécurité publique du pays, elle est celle qui lutte contre toutes les menaces internationales, tel que l'espionnage ou le terrorisme. Elle agit généralement de concert avec le bureau de la CIA basé à l'ambassade américaine, qui a historiquement été longtemps le donneur d'ordres de ce service. L'agence de renseignements américaine leur fournit d'ailleurs toujours des renseignements. Elle informe ainsi le directeur, Ariga Shotaro, d'une menace terroriste potentielle qui pèserait sur eux. Un mystérieux mercenaire très dangereux, connu sous le pseudonyme de "Fish", aurait infiltré le pays. L'enjeu est d'autant plus important que le Japon doit accueillir une cible de choix : une importante conférence internationale liée à l'antiterrorisme va prochainement s'y tenir.
Mais l'air n'est pas au tout sécuritaire, notamment au sein du gouvernement qui voit d'un mauvais oeil tous les crédits engloutis chaque année dans la division des Affaires étrangères. Le Japon n'a pas de tradition dans les services de renseignements. Mais, de toute façon, existe-t-il encore des menaces extérieures concrètes pour lui ? L'ambitieuse ministre aspire surtout à réduire le budget, quitte à privatiser une partie des forces de sécurité. Elle ne croit pas une seule seconde que le Japon puisse être une cible terroriste potentielle. Ne disposant pas d'éléments suffisants, le directeur Agira Shotaro n'insiste pas, mais il décide de poursuivre les investigations en cours afin d'identifier ce mystérieux "Fish" et savoir ce qu'il prépare. Pour cela, il a confié cette mission à l'unité dirigée par Sumimoto Kenji, un vétéran qui s'est longtemps occupé de démasquer les espions russes, avec des méthodes pas toujours très orthodoxes, mais généralement efficaces.
Parallèlement, Matsuzawa Hina est une jeune officier de police. Après un premier contact mouvementé avec l'unité de Sumimoto, alors qu'elle souhaitait interroger un étranger dans une affaire de viol, elle est transférée dans cette unité. Elle va rapidement découvrir que cette division agit à un niveau très différent des autres départements de police. Quand l'intérêt public est en jeu, l'intérêt des particuliers est facilement sacrifié ; d'autant plus que son supérieur hiérarchique, maître manipulateur, ne semble reculer devant rien pour mener à bien leur mission.




Sur la forme, Gaiji Keisatsu est au diapason de la tonalité de son contenu. La réalisation est volontairement nerveuse. Elle change souvent de styles, allant jusqu'à utiliser des plans pris caméra à l'épaule qui contribuent à dynamiser l'ensemble. Cependant, on reste à l'écran dans une sobriété toute japonaise. L'image est assez sombre (parfois même, peut-être un peu trop), allant du pastel au noir et évitant toute couleur chatoyante. La musique est utilisée avec beaucoup de retenue, uniquement lors de certains passages la justifiant. Il n'y a aucune chanson. Seulement des morceaux musicaux qui viennent souligner les moments de tension.

Bilan : Gaiji Keisatsu est un petit bijou d'espionnage. Un thriller au scénario admirablement bien maîtrisé. La série nous plonge dans un univers de faux-semblants, sans aucun manichéisme, où les vrais enjeux demeurent longtemps cachés danss l'ombre. Tout est ambivalent dans cet univers trop sombre et impitoyable, où chacun manipule l'autre, suivant son propre agenda. La réussite de ce drama est aussi de ne pas se contenter seulement du suspense qu'il génère, mais d'investir une dimension humaine qui ajoute à la richesse, mais aussi aux ambivalences, de l'histoire. Gaiji Keisatsu est une série dense qui joue ainsi sur plusieurs tableaux.
En somme, voici un drama à découvrir de toute urgence !
NOTE : 8,75/10
Un extrait vidéo des cinq premières minutes du premier épisode :
07:04 Publié dans (Séries asiatiques) | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : j-drama, gaiji keisatsu, nhk, watabe atsuro, ishida yuriko, ono machiko, endo kenichi, yo kimiko, ishibashi ryo, espionnage | Facebook |
13/06/2010
(UK) Doctor Who, series 5, episode 11 : The Lodger

The Lodger correspond à une petite pause proposée aux téléspectateurs, une opportunité pour reprendre son souffle et de se remettre des derniers épisodes riches en émotions, avant d'attaquer l'arc final qui verra la prophétie annoncée en début de saison se réaliser, la Pandorica s'ouvrira. En attendant ces grandes manoeuvres, ce onzième épisode, avec en toile de fond une aventure quelque peu anecdotique, offre au Docteur un terrain d'expression à sa convenance, pour verser dans une sorte de "one-man-show" enthousiasmant. On ne le répètera jamais assez, mais une chose est bel et bien certaine : Matt Smith maîtrise désormais plus que parfaitement son sujet. Et il n'est jamais plus époustouflant que lorsqu'il s'agit d'exposer en pleine lumière la personnalité du Docteur, génie versatile et hyperactif, prompt à se laisser emporter dans ses élans de Time Lord. Bref, sans marquer, The Lodger se révèle être une belle célébration d'Eleven. Peut-être ce qu'il fallait avant d'abord la dernière ligne droite.

Si le Docteur est sur-exposé dans cet épisode, c'est en partie la conséquence du twist de départ : Amy et lui sont une nouvelle fois séparés. En effet, le Tardis rencontre des difficultés pour se fixer au lieu et à l'époque voulus. Le Docteur ayant mis un nez dehors, le vaisseau, instable, repart sans lui, le laissant la tête dans l'herbe du parc où ils avaient attéri tandis qu'Amy est coincée à l'intérieur. Pris dans une sorte de boucle spatio-temporelle, le Tardis est bloqué dans un entre-deux de turbulences. Pour espérer le stabiliser et ramener Amy sur Terre, il faut identifier et stopper la source de ces troubles. L'épisode ne s'appesantit pas sur cette recherche, qui ne pose pas vraiment de difficulté au Docteur, bien aidé par des tours de passe-passe temporels.
Le problème provient du premier étage d'une maison de banlieue pavillonnaire quelconque. Ne sachant à quoi s'attendre, privé de l'assistance du Tardis et ne devant surtout pas se regénérer dans l'aventure au risque de voir le Tardis se perdre avec Amy, le Docteur est contraint d'adopter une tactique d'infiltration plus subtile qu'à l'accoutumée : il répond à une offre de collocation pour louer une chambre dans l'appartement du dessous. En raison de cette approche moins directe et de l'isolement relatif du Docteur, The Lodger va donc se rapprocher des épisodes qui ont pu par le passé mettre en scène une forme d'infiltration. Le Docteur doit découvrir ce qui se cache à l'étage, sans éveiller les soupçons, ni l'attention du résidant du dessus. Le téléspectateur est bien conscient qu'il s'agit d'un prétexte scénaristique sans doute un peu facie, mais l'enjeu de l'épisode en dépend : ce qui intéresse le scénariste, ce sont les efforts d'adaptation du Docteur. Ses essais pour suivre un quotidien et un mode de vie humain le plus normal possible vont constituer l'attraction principale de ces quarante minutes, d'où ma qualification, par moment, de "one-man-show".

On retrouve, dans ces efforts de socialisation avec de nouveaux compagnons le temps d'une aventure, la petite touche de folie qui avait marqué l'introduction d'Eleven au cours du premier épisode de la saison. Ce ressenti ne provient pas seulement du fait que c'est la première fois depuis 10 épisodes que le Docteur met les pieds dans une cuisine pour nous concocter une de ces préparations culinaires dont il a le secret - et qui, en dépit de la manière de la concevoir, se révèlera bonne. Globalement, la dynamique avec son colocataire prend parfaitement, si bien qu'on retrouve un faux air de première rencontre avec Amy Pond. A croire que la solitude sied d'une certaine façon au Docteur, permettant à sa personnalité excentrique de se manifester et de s'épanouir pleinement, sans être contrebalancé par une présence pouvant le catalyser comme celle d'Amy.


Episode de transition, The Lodger est une occasion de se concentrer sur le Docteur, et de savourer le fait que la série détient un des personnages principaux les plus enthousiasmants, complexes et fascinants du paysage téléphagique actuel. Et j'avoue que mettre en valeur cet aspect est une chose que j'apprécie au plus haut point. La séparation d'Amy, très en retrait, n'est pas préjudiciable à l'équilibre de l'histoire, car c'est cette absence relative qui permet au Docteur de faire étalage, de façon si marquée et sans contrôle, de ses réflexes de socialisation véritablement jubilatoires. Au fond, explorer plus avant et se concentrer sur les petits détails de la personnalité délicieusement excentrique du Docteur est une façon de masquer les faiblesses de l'intrigue principale, aventure un peu anecdotique que le téléspectateur relègue inconsciemment rapidement au second plan durant l'épisode. The Lodger demande simplement à ce que l'on profite de l'ambiance qui se dégage de l'ensemble.
Avant la dernière ligne droite de la saison, cet épisode est une piqûre de rappel savoureuse, rappelant au téléspectateur tout le plaisir qu'il y a à suivre notre Time Lord favori, dans ses vives réparties comme dans ses nombreuses contradictions qui l'animent. Et c'est aussi une façon d'offrir à Matt Smith un magnifique terrain d'expression à sa convenance, en saluant sa performance tout au long de la saison. Car, si son jeu vaut tous les superlatifs, il faut aussi souligner à quel point l'acteur n'est jamais aussi bon que quand il met pleinement en scène le comportement versatile et dynamique de son personnage. Dans cet épisode, il frôle la perfection.

Bilan : The Lodger est un épisode de transition qui, avec son aventure un peu anecdotique en arrière-plan, se révèle finalement être un bel hymne au Docteur, lui donnant l'occasion de laisser sa personnalité s'exprimer sans retenu. Ces quarante minutes sont un condensé de scènes jubilatoires, de prétextes à des réparties et échanges décalés savoureux. Ce n'est pas un épisode dont l'apport marquera la saison 5, mais c'est une paranthèse très plaisante et un choix qui peut se justifier alors que la série amorce le virage pour rentrer dans sa dernière ligne droite.
NOTE : 8/10
L'arc final débute la semaine prochaine, The Pandorica Opens :
21:35 Publié dans Doctor Who | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : bbc, doctor who, matt smith, karen gillan | Facebook |
12/06/2010
(Pilote UK) Dappers : Bristol single mums

Après Pulse la semaine dernière, ce jeudi soir, BBC3 poursuivait ses propositions de nouvelles séries avec la diffusion de deux pilotes, projet potentiel si les retours plaisent à la chaîne. Construits sur un format de 30 minutes par épisode, Dappers et Stanley Park illustrent bien les efforts de diversité et la bonne volonté (même si le résultat n'est pas toujours à la hauteur) de BBC3. Visant tous des publics assez ciblés, mais différents, ces deux derniers pilotes exploitent cependant des concepts plus modestes et moins originaux dans le paysage téléphagique, que l'horreur fantastique de Pulse. Prêtant parfois à sourire, ils se situent sur un registre léger, plutôt orienté comédie.
Ecrite par Catherine Johnson (scénariste du film Mamma Mia!), Dappers n'est pas déplaisante, mais reste cependant très (trop?) mesurée dans toutes les idées qu'elle transpose à l'écran.

Habitant dans un logement social de Bristol, Ashley et Faye sont deux jeunes mères célibataires, sans emploi stable, qui tentent difficilement de joindre les deux bouts en cumulant aides familiales et petits boulots divers. Leur vie tourne autour de leurs enfants, étant prêtes à tout pour ces derniers. Amies très proches, complices unies dans et contre les soucis que chaque journée engendre, elles revendiquent avec une certaine fierté leur qualité de mère. Vivant dans le même immeuble, elles passent leur journée ensemble, partageant activités et états d'âme.
Dappers raconte donc leur quotidien pas toujours simple. Elles doivent tout d'abord gérer leurs rapports avec les pères respectifs de leurs enfants, des jeunes hommes souvent absents et loin d'être très fiables. Pourtant, naviguant de façon tout aussi versatile entre frustration et espoir, elles caressent toujours le doux rêve de parvenir à cet idéal de famille "complète", souhaitant, pour l'une, que son petit ami se responsabilise un jour, pour l'autre, qu'il revienne simplement à ses côtés et cesse de batifoler partout.
Outre une vie personnelle chaotique où leurs enfants demeurent le seul élément solide et stable de leurs journées, Ashley et Faye connaissent un quotidien rythmé par les péripéties qu'elles se créent. Elles s'inventent des combines pour améliorer leur vie matérielle, entre petits boulots souvent sans lendemain et anecdotiques vols à l'étalage sans conséquence. L'idée de l'épisode consiste ainsi à organiser une garderie des chiens des habitants du voisinage pour la journée. Cela se passe plutôt bien jusqu'à ce que la perte de l'un d'entre eux ne fasse éclater au grand jour à quel point elles ne maîtrisent absolument pas ce sujet animalier. En parallèle, leurs relations avec leurs voisins, caricature de "gens bien sous tous rapports", s'enveniment chaque jour davantage.

Dappers s'inscrit dans une tonalité légère, entièrement construite sur la dynamique existant entre les deux mères au centre de l'histoire. Leur complicité se suivant avec plaisir, tout comme leurs réparties toujours très spontanées, cela confère à l'ensemble une ambiance plutôt agréable. La série s'investit donc beaucoup dans l'atmosphère, ambitionnant à nous immerger dans les préoccupations du milieu populaire qu'elle décrit. Les parallèles avec d'autres fictions viennent naturellement à l'esprit, malheureusement peut-être au détriment de Dappers. Nous sommes sur BBC3, donc en quête d'une certaine fraîcheur et bien loin des provocations et du trash maîtrisé d'une série comme Shameless, qui demeure une référence pour le portrait de ces classes populaires. C'est bien entendu logique, car Dappers n'a pas les mêmes ambitions et ne vise sans doute pas exactement le même public. Reste une frustration face à toutes les possibilités que ce concept permettait : ce pilote ne parvient pas à se départir de ce côté un peu "gentillet", qui se suit sans déplaisir, mais sans conséquence. Ne marquant pas le téléspectateur, la série peine à lui faire prendre rendez-vous pour l'avenir.
Côté casting, on retrouve des actrices familières du petit écran : Lenora Crichlow (Being Human, Material Girl), en habituée de ce type de projet, et Ty Glaser (qu'on a pu voir récemment dans Above Suspicion). Elles parviennent à bien mettre en valeur la complicité qui unit leurs deux personnages, recréant devant la caméra une amitié sobre et solide qui crédibilise très bien les relations humaines décrites.
Bilan : Le pilote de Dappers n'est pas désagréable à suivre. Le quotidien mouvementé, agrémenté de péripéties burlesques, de ces deux jeunes mères pragmatiques, vaut en grande partie pour la complicité dont elles font preuve à l'écran. L'ensemble est plutôt vivant et cela prête quelque fois à sourire, sans plus. Au final, le pilote parvient à se créer une ambiance assez intéressante. Comme nous sommes sur BBC3, Dappers reste logiquement sur un registre assez soft et léger. Trop peut-être. Car sans réel piquant, sans impertinence véritable, tout cela se regarde un peu sans conséquence. Si bien que la pérennité du concept ne semble pas complètement assurée : ce cadre pourra-t-il vraiment fournir matière et intéresser les téléspectateurs durant une saison complète ? Même si, six épisodes, ce n'est non plus excessivement difficile à combler.
NOTE : 4,5/10
La scène d'ouverture de l'épisode :
10:42 Publié dans (Pilotes UK) | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : bbc, dappers, lenora crichlow, ty glaser, catherine johnson | Facebook |
10/06/2010
(UK) Doctor Who, series 5, episode 10 : Vincent and the Doctor

Avec Vincent and the Doctor, la saison 5 de Doctor Who propose ici un de ses épisodes les plus maîtrisés et aboutis de l'année. A la découverte d'une figure historique et culturelle, on y retrouve cette ambiance troublante d'ambivalence, entre happy end et fatalité, constante très intéressante de la saison. Épisode tour à tour prenant, touchant, émouvant et drôle, le téléspectateur passe un excellent moment devant son petit écran.
Et puis, mine de rien, on peut commencer à esquisser quelques réflexions sur cette saison. Nous en sommes déjà (!) au dixième épisode, la fin approche à grands pas. Pourtant ai-je l'impression de ne pas voir la saison passer ? Je dois avouer que je savoure de façon hebdomadaire sans le moins du monde me projeter vers le season finale. Ça, c'est généralement plutôt bon signe dans une série !

L'épisode s'ouvre sur une balade anecdotique de notre duo au Musée du Quai d'Orsay à Paris. Amy ignore qu'elle vient de perdre un être cher, et le Docteur, ne pouvant détacher ses pensées de cette tragédie, réalise tous ses rêves, comme pour essayer à sa manière de compenser, d'offrir ce réconfort dont Amy doit avoir, au moins inconsciemment, besoin. C'est ainsi que nos voyageurs visitent l'exposition consacrée à Van Gogh, présentée par un guide touristique fabuleux, Bill Nighy qui s'invite avec classe et superbe pour quelques scènes. Le Docteur s'arrête cependant devant le tableau d'une église. A une des fenêtres est dessinée une étrange silhouette qui interpelle instinctivement le Time Lord, tous ses sens en alerte. Ce n'est pas une ombre anonyme sortie du cerveau tourmenté du peintre, mais bien un danger. Il prend donc la décision d'enquêter sur cette créature...

Quelques minutes seulement passées dans cette bourgade confirment au Docteur tous les soupçons qu'il pouvait avoir sur l'existence d'une créature dangereuse qui y sévirait. Plusieurs villageois sont morts. Or, nos deux voyageurs, raccompagnant finalement le peintre chez lui après avoir été chassés à ses côtés du lieu où le cadavre de la dernière victime a été retrouvé, découvrent pourquoi le tableau représentait la menace. Tout aussi haut en couleur et instable mentalement, ce n'est pourtant pas la folie qui lui fait voir charger cette créature invisible qui existe bel et bien, laissant sur son chemin un sillage de mort. Sa vision unique du décor qui l'entoure - ce que retranscrit en partie ces tableaux - lui permet de percevoir ce qu'un oeil normal, d'humain comme de Time Lord, ne peut capter.
Cette créature est évidemment extraterrestre. La façon dont elle est traitée suit un schéma classique pour la série. Il y a tout d'abord l'identification du danger, au moyen d'un improbable outil de reconnaissance qui traînait dans le vide-grenier du Tardis depuis des années. La première confrontation est évidemment compliquée, et le sauvetage in extremis. Tout cela se déroule dans une relative insouciance, l'humour se mêlant naturellement à l'ensemble, témoignant du fait que l'importance de l'épisode réside bien plus dans la rencontre avec Van Gogh et toute la symbolique à laquelle elle renvoie, plutôt que dans cet énième affrontement avec un dangereux alien. Enfin, vient l' affrontement final dans cette église où le monstre apparaissait sur le tableau exposé au XXIe siècle. C'est Van Gogh qui sauve nos deux voyageurs d'une situation compliquée, réussissant finalement à tuer la créature en se servant du fait qu'il est le seul à la voir.
Pourtant, cette conclusion est une fausse happy end, à l'image de bien des épisodes dans cette saison 5. Le Docteur révèle ensuite que cette créature avait été abandonnée par les siens, car elle était aveugle. Elle tuait au hasard, en chargeant, probablement parce que cette situation lui était insupportable. Van Gogh semble à ce moment-là ressentir presque une forme d'empathie, ou du moins de compréhension du comportement si dangereux qu'elle a eu. Cette fin garde donc un goût doux-amer qui reflète la tonalité d'ensemble de l'épisode.

Car cet épisode, chargé d'une mélancolie sous-jacente, nous propose finalement une forme de deuil. Ce recueillement, dont la faille spatio-temporelle nous aura privé en effaçant Rory de la mémoire d'Amy, va se vivre à travers le destin déjà scellé du génie qu'était Van Gogh. Car Amy, sans y prendre garde, avec une insouciance presque condamnable, s'attache à cet homme. Elle espère en secret pouvoir changer quelque chose, empêcher ou du moins reculer la tragédie déjà programmée. Elle n'a pas de souvenirs de Rory, pourtant, tout au fond d'elle, quelque chose est brisé. Van Gogh le perçoit, lui. Elle se contente, elle, de réagir à un ressenti qu'elle ne peut exprimer, essayant, espérant apporter ce petit quelque chose qui rallongerait la vie du peintre.
C'est au fond l'objectif secret du voyage dans le futur que le Docteur offre à la fin à Van Gogh. Nos deux amis lui permettent de découvrir sa renommée posthume et ce qu'il laissera aux générations futures. En accédant à la postérité après sa mort, il gagnera une forme d'immortalité. Non, il ne sera pas oublié. Oui, son talent sera un jour reconnu, célébré même. Mais cette incursion dans le futur, si elle l'émeut profondément, ne changera pas l'histoire. D'ailleurs le Docteur aurait-il cédé à l'impulsion d'Amy s'il avait pensé un instant que cela pourrait remettre en cause un élément sans doute à jamais fixé dans la ligne temporelle, le suicide de Van Gogh ? Il y a une fatalité, une immutabilité, dans cette fin tragique.
Ses espérances déçues, Amy semble affectée, mais le Docteur lui délivre un discours comme toujours chargé d'une vitalité qui reboosterait quiconque. Ils lui ont offert de belles choses, lui permettant d'entrevoir quelque chose au-delà même de sa mort, n'est-ce pas déjà précieux ?


Car cet épisode est effectivement chargé de regrets, une continuation inavoué du drame qui s'est vécu et sur lequel on ne peut faire le travail de deuil attendu. L'intrigue fil rouge des failles spatio-temporelles est d'ailleurs mise entre parenthèses. Aucune mention n'y est faite, aucun indice n'apparaît. Au fond, cela paraît logique. Il n'y a plus besoin de justifier de son importance, cette craquelure fatale est dans tous les esprits, du téléspectateur comme du Docteur. Tout le monde a saisi ce qui est à l'oeuvre, inutile d'y revenir pour le moment. Elle s'efface donc presque pudiquement afin de permettre à chacun d'apprécier cette aventure, mais aussi, en son for interne, de dire au revoir à Rory.


Billan : Vincent and the Doctor est un épisode subtile, riche en ambivalences et en émotions. L'aventure est classique mais rythmée, elle se suit de façon plaisante. Cependant l'enjeu véritable est ailleurs. Alternant les touches fantaisistes pleines de légèreté et les moments plus touchant, l'épisode nous amène à la découverte d'un peintre à la destinée tragique, artiste mal aimé en son temps auquel nos deux voyageurs tenteront d'apporter une brève paix intérieure. Mais dans le même temps, s'opère un travail de deuil implicite à la fois troublant et touchant. Il s'agit incontestablement d'une réussite, petite mine d'or dans laquelle on retrouve tout ce qui fait la série. Cela se savoure sans modération.
NOTE : 9,5/10
La bande-annonce du prochain épisode :
18:20 Publié dans Doctor Who | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : bbc, doctor who, matt smith, karen gillan, bill nighy | Facebook |