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10/06/2010

(UK) Doctor Who, series 5, episode 10 : Vincent and the Doctor


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Avec Vincent and the Doctor, la saison 5 de Doctor Who propose ici un de ses épisodes les plus maîtrisés et aboutis de l'année. A la découverte d'une figure historique et culturelle, on y retrouve cette ambiance troublante d'ambivalence, entre happy end et fatalité, constante très intéressante de la saison. Épisode tour à tour prenant, touchant, émouvant et drôle, le téléspectateur passe un excellent moment devant son petit écran.

Et puis, mine de rien, on peut commencer à esquisser quelques réflexions sur cette saison. Nous en sommes déjà (!) au dixième épisode, la fin approche à grands pas. Pourtant ai-je l'impression de ne pas voir la saison passer ? Je dois avouer que je savoure de façon hebdomadaire sans le moins du monde me projeter vers le season finale. Ça, c'est généralement plutôt bon signe dans une série !

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L'épisode s'ouvre sur une balade anecdotique de notre duo au Musée du Quai d'Orsay à Paris. Amy ignore qu'elle vient de perdre un être cher, et le Docteur, ne pouvant détacher ses pensées de cette tragédie, réalise tous ses rêves, comme pour essayer à sa manière de compenser, d'offrir ce réconfort dont Amy doit avoir, au moins inconsciemment, besoin. C'est ainsi que nos voyageurs visitent l'exposition consacrée à Van Gogh, présentée par un guide touristique fabuleux, Bill Nighy qui s'invite avec classe et superbe pour quelques scènes. Le Docteur s'arrête cependant devant le tableau d'une église. A une des fenêtres est dessinée une étrange silhouette qui interpelle instinctivement le Time Lord, tous ses sens en alerte. Ce n'est pas une ombre anonyme sortie du cerveau tourmenté du peintre, mais bien un danger. Il prend donc la décision d'enquêter sur cette créature...

Un renseignement chronologique plus tard, Amy et le Docteur débarquent donc en juin 1890, à la rencontre de Van Gogh, moins d'un an avant que le célèbre peintre ne mette fin à ses jours. Menant une vie de marginal, ses peintures invendues traînant chez lui, production pour laquelle son talent n'est pas reconnu, il accumule les dettes au café du bourg, incapable de les payer, personne n'acceptant ses "croûtes" comme monnaie d'échange. Paria naturellement méfiant, instable et versatile, Van Gogh offre une première rencontre à la hauteur des attentes du téléspectateur. C'est une constante de la série, les premiers échanges entre le Docteur et des personnages historiques, toujours dotés d'une forte personnalité, provoquent invariablement des étincelles et donnent lieu à des répliques cinglantes souvent jubilatoires. Celle-ci ne déroge pas à la règle, fausse bataille d'égo entre deux figures qui ne se laissent pas facilement démonter. Il faut le charme et la spontanéité d'Amy, source de bien des apaisements, pour prendre la voie médiane de la transaction.

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Quelques minutes seulement passées dans cette bourgade confirment au Docteur tous les soupçons qu'il pouvait avoir sur l'existence d'une créature dangereuse qui y sévirait. Plusieurs villageois sont morts. Or, nos deux voyageurs, raccompagnant finalement le peintre chez lui après avoir été chassés à ses côtés du lieu où le cadavre de la dernière victime a été retrouvé, découvrent pourquoi le tableau représentait la menace. Tout aussi haut en couleur et instable mentalement, ce n'est pourtant pas la folie qui lui fait voir charger cette créature invisible qui existe bel et bien, laissant sur son chemin un sillage de mort. Sa vision unique du décor qui l'entoure - ce que retranscrit en partie ces tableaux - lui permet de percevoir ce qu'un oeil normal, d'humain comme de Time Lord, ne peut capter.

Cette créature est évidemment extraterrestre. La façon dont elle est traitée suit un schéma classique pour la série. Il y a tout d'abord l'identification du danger, au moyen d'un improbable outil de reconnaissance qui traînait dans le vide-grenier du Tardis depuis des années. La première confrontation est évidemment compliquée, et le sauvetage in extremis. Tout cela se déroule dans une relative insouciance, l'humour se mêlant naturellement à l'ensemble, témoignant du fait que l'importance de l'épisode réside bien plus dans la rencontre avec Van Gogh et toute la symbolique à laquelle elle renvoie, plutôt que dans cet énième affrontement avec un dangereux alien. Enfin, vient l' affrontement final dans cette église où le monstre apparaissait sur le tableau exposé au XXIe siècle. C'est Van Gogh qui sauve nos deux voyageurs d'une situation compliquée, réussissant finalement à tuer la créature en se servant du fait qu'il est le seul à la voir.

Pourtant, cette conclusion est une fausse happy end, à l'image de bien des épisodes dans cette saison 5. Le Docteur révèle ensuite que cette créature avait été abandonnée par les siens, car elle était aveugle. Elle tuait au hasard, en chargeant, probablement parce que cette situation lui était insupportable. Van Gogh semble à ce moment-là ressentir presque une forme d'empathie, ou du moins de compréhension du comportement si dangereux qu'elle a eu. Cette fin garde donc un goût doux-amer qui reflète la tonalité d'ensemble de l'épisode.

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Car cet épisode, chargé d'une mélancolie sous-jacente, nous propose finalement une forme de deuil. Ce recueillement, dont la faille spatio-temporelle nous aura privé en effaçant Rory de la mémoire d'Amy, va se vivre à travers le destin déjà scellé du génie qu'était Van Gogh. Car Amy, sans y prendre garde, avec une insouciance presque condamnable, s'attache à cet homme. Elle espère en secret pouvoir changer quelque chose, empêcher ou du moins reculer la tragédie déjà programmée. Elle n'a pas de souvenirs de Rory, pourtant, tout au fond d'elle, quelque chose est brisé. Van Gogh le perçoit, lui. Elle se contente, elle, de réagir à un ressenti qu'elle ne peut exprimer, essayant, espérant apporter ce petit quelque chose qui rallongerait la vie du peintre.

C'est au fond l'objectif secret du voyage dans le futur que le Docteur offre à la fin à Van Gogh. Nos deux amis lui permettent de découvrir sa renommée posthume et ce qu'il laissera aux générations futures. En accédant à la postérité après sa mort, il gagnera une forme d'immortalité. Non, il ne sera pas oublié. Oui, son talent sera un jour reconnu, célébré même. Mais cette incursion dans le futur, si elle l'émeut profondément, ne changera pas l'histoire. D'ailleurs le Docteur aurait-il cédé à l'impulsion d'Amy s'il avait pensé un instant que cela pourrait remettre en cause un élément sans doute à jamais fixé dans la ligne temporelle, le suicide de Van Gogh ? Il y a une fatalité, une immutabilité, dans cette fin tragique.

Ses espérances déçues, Amy semble affectée, mais le Docteur lui délivre un discours  comme toujours chargé d'une vitalité qui reboosterait quiconque. Ils lui ont offert de belles choses, lui permettant d'entrevoir quelque chose au-delà même de sa mort, n'est-ce pas déjà précieux ?

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Dans cette ambiance qui oscille entre une légèreté de façade et une thématique plus pesante en arrière-plan, ce qui frappe peut-être le plus durant l'épisode, c'est l'omniprésence, latente la plupart du temps, de la mort. La symbolique des tournesols, sur lesquels Amy insiste lourdement, est à ce titre particulièrement révélatrice et forte. Ce n'est pas un épisode "classique" suivant le décès d'un personnage, mais nous sommes projetés dans une zone trouble, une espèce de "faux deuil", perceptible sans être exposé au grand jour. L'inconscient d'Amy pleure son fiancé oublié. Le Docteur est plus prévenant que jamais, la conduisant là où elle le souhaite, essayant de la satisfaire. Mais, lui-aussi, souffre en secret d'une situation dont il se sent responsable. Son lapsus, lorsqu'il lâche tout haut le prénom de Rory, montre bien à quel point ce dernier occupe encore ses pensées.

La force de l'épisode est finalement de parvenir à conserver omniprésent un souvenir qui n'est plus et ne peut plus être énoncé à voix haute. Derrière les apparences, s'opére un travail de deuil  silencieux. Ce caractère implicite se révèle peut-être encore plus touchant encore qu'un traitement classique, sans doute parce qu'il joue sur la fibre émotive du téléspectateur, qui se retrouve à ressentir les regrets non formulés par les personnages, à commencer par Amy.

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Car cet épisode est effectivement chargé de regrets, une continuation inavoué du drame qui s'est vécu et sur lequel on ne peut faire le travail de deuil attendu. L'intrigue fil rouge des failles spatio-temporelles est d'ailleurs mise entre parenthèses. Aucune mention n'y est faite, aucun indice n'apparaît. Au fond, cela paraît logique. Il n'y a plus besoin de justifier de son importance, cette craquelure fatale est dans tous les esprits, du téléspectateur comme du Docteur. Tout le monde a saisi ce qui est à l'oeuvre, inutile d'y revenir pour le moment. Elle s'efface donc presque pudiquement afin de permettre à chacun d'apprécier cette aventure, mais aussi, en son for interne, de dire au revoir à Rory.

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Billan : Vincent and the Doctor est un épisode subtile, riche en ambivalences et en émotions. L'aventure est classique mais rythmée, elle se suit de façon plaisante. Cependant l'enjeu véritable est ailleurs. Alternant les touches fantaisistes pleines de légèreté et les moments plus touchant, l'épisode nous amène à la découverte d'un peintre à la destinée tragique, artiste mal aimé en son temps auquel nos deux voyageurs tenteront d'apporter une brève paix intérieure. Mais dans le même temps, s'opère un travail de deuil implicite à la fois troublant et touchant. Il s'agit incontestablement d'une réussite, petite mine d'or dans laquelle on retrouve tout ce qui fait la série. Cela se savoure sans modération.


NOTE : 9,5/10


La bande-annonce du prochain épisode :

Commentaires

ton article est magnifique, tout comme l'épisode..qui est indéniablement un des plus réussi de cette nouvelle saison qui a hélas manqué de nombreuses fois de subtilités. La thématique du deuil y est diluée de manière vraiment intelligente et émouvante..bref, une totale réussite, rien a dire!

Écrit par : cybellah | 10/06/2010

Personnellement j'ai adoré cet épisode, c'est un de mes préférés pour cette saison, je pense même pouvoir dire que c'est celui que je préfère cette année; comme toi, je regarde et je savoure chaque épisode sans penser au prochain ou à la fin , ce qui est très bon signe comme tu le dis!

Écrit par : Trillian | 10/06/2010

Un truc m'a beaucoup déçu dans cet épisode : étant Arlésienne, j'étais trop heureuse de voir que le Tardis allait se poser dans ma ville ! En fait, non seulement le nom d'Arles n'est pas cité une seule fois, mais en plus, je n'ai rien reconnu d'autre de la ville que le café où ils rencontrent Van Gogh (et encore !^^)
Bon, tout le monde s'en fout, mais voilà, c'était le coup de gueule chauvin ! :)

Écrit par : Saru | 11/06/2010

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