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19/05/2010

(K-Drama) Dong Yi : l'irrésistible ascension sociale d'une esclave


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En ce mercredi asiatique, revenons à mes premiers amours téléphagiques de ce continent, les productions en provenance de Corée du Sud. Alors que de nouvelles séries sont ou s'apprêtent à être lancées (Giant, My Country Calls (ou Call of the country), Coffee House ou encore Bad Guy pour ce seul mois de mai - j'aurais l'occasion d'y revenir, suivant la disponibilité de sous-titres et mes affinités), arrêtons-nous aujourd'hui sur une série qui a débuté en mars dernier : Dong Yi. Ce drama appartient au genre des sageuk, c'est-à-dire des kdramas historiques. Qui dit sageuk, dit aussi souvent marathon téléphagique, car vaste fresque épique. Cinquante épisodes sont a priori prévus pour cette série, conduisant la fin de la diffusion de la série à septembre prochain. Il n'est donc pas trop tard pour s'y mettre ! Les "pauses" estivales sont faites pour ça (certes, le terme "pause" est tout relatif par rapport à la situation d'il y a quelques années, mais ce sont des séries qui se suivent toutes seules une fois que l'on est rentré dans l'histoire).

Pour ma part, j'ai pour le moment vu les dix premiers épisodes (un peu trop avancée pour parler de simple critique de "pilote" donc), sur les dix-huit à ce jour diffusés par MBC.

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A priori, Dong Yi est le type-même de drama à l'égard duquel l'addiction du  téléspectateur se construit de façon exponentielle au fil des épisodes visionnés ; une histoire qui s'inscrit résolument dans la durée et dont la pleine dimension s'acquiert dans les détours et la complexité de la réalisation d'une destinée, celle de l'héroïne. Il faut savoir que même si leur nombre d'épisodes effraye plus d'un courageux amateur occidental de kdrama, les sageuk ont plutôt la côte auprès des ménages coréens. L'an dernier, par exemple, Queen Seon Duk avait plusieurs fois dépassé les 40% de part d'audience. En début d'année, dans un style très différent mais toujours historique, Chuno (Slave Hunters) a également cartonné, dépassant allègrement la barre des 30%. Dong Yi, après avoir débuté modestement, tourne actuellement autour de 25% de part d'audience.

Vous savez aussi que, de manière générale, peu importe la nationalité, je garde toujours une affection particulière pour toute fiction touchant à l'Histoire. Il est donc logique que j'apprécie ce genre. Je crois d'ailleurs que c'est le moment où je dois confesser que j'ai acheté, cet hiver, plusieurs livres d'histoire sur la Corée, justement pour mieux cerner la culture et apprécier un peu mieux ce type de dramas. Cependant, précisons quand même que la recette ne prend pas à chaque fois ; à l'automne dernier, je n'avais pas dépassé les 4-5 premiers épisodes de Queen Seon Duk, n'ayant jamais réussi à accrocher aux enjeux du récit et aux personnages. En revanche, avec Dong Yi, l'introduction s'est faite plus aisément, naturellement. Rapidement, je me suis laissée entraîner par cette histoire qui met en scène, à nouveau, une figure centrale féminine forte que nous allons voir mûrir sous nos yeux.

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Se déroulant au XVIIe siècle, ce drama se situe à l'époque de la dynastie du Joseon, plus précisément sous le règne du roi Suk-Jong. Il est basé sur une histoire vraie, celle de Dong Yi, qui, de basse extraction, gravira les échelons sociaux pour devenir concubine royale. Le fils qui naîtra de cette liaison, Yeong-Jo, deviendra le 21e roi de Joseon. C'est donc le récit d'une irrésistible ascension sociale que se propose de nous conter la série, à travers le destin de cette jeune femme finalement lié à celui du royaume. Dong Yi se présente ainsi presque sous les traits d'un faux conte de fée, une ascension sociale fulgurante quand on pense à la rigidité de la hiérarchie sociale dans la société coréenne de cette époque-là.

Logiquement, la série s'ouvre sur certains évènements fondateurs qui vont conditionner la destinée de l'héroïne. Ce sont ainsi des faits tragiques de son enfance qui nous sont d'abord relatés. Il est à noter que cette entrée en matière se rélève particulièrement efficace : rythmée, contenant beaucoup d'action, tout en introduisant une première fois tous les protagonistes, elle s'attache à poser les fondations de l'histoire. Les quatre premiers épisodes sont ainsi consacrés à ce tournant de l'enfance de Dong Yi ; ce qui, sur une série de 50 épisodes, est relativement court et bien dosé. Les ingrédients du récit prennent rapidement : il n'y a pas d'inutile exposition, on rentre immédiatement dans le vif du sujet.

Je précise également que les questions géopolitiques se révèlent plutôt aisées à suivre dans la série, avec des clans assez facilement identifiables et clairement divisés. Le téléspectateur s'y retrouve sans souci ; et nul besoin de garder un schéma à côté de soi, pour se souvenir de tout, comme dans certains dramas historiques (tel Bicheonmu, par exemple).

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Ce drama démarre en utilisant des ficelles classiques. Petite et grande histoires se rejoignent et la vie personnelle de Dong Yi va se retrouver emportée dans le tourbillon des jeux de pouvoir des puissants du Royaume qui se livrent à une lutte d'influence sans merci. La série débute alors que le pays est  ébranlé par les meurtres de plusieurs hauts dirigeants, appartenant à la faction du Sud. Dong Yi découvre l'une des victimes, agonisant sur les berges d'une rivière. Avant de mourir, l'homme a le temps de mimer un étrange signal avec ses mains, dont elle ne comprend pas le sens, et de lui confier une plaque d'identification qu'il a peut-être arraché à son meurtrier. Cette rencontre ne va être que le premier déclencheur de ses malheurs ; car c'est toute la famille de Dong Yi qui est entraînée dans les filets d'un complot, dont ils vont devenir les victimes collatérales autant que les bouc-émissaires. Le père de la petite fille, ancien instructeur de l'actuel chef de la police, se voit en effet confier les corps des dignitaires tués afin de les autopsier, pour aider à la progression de l'enquête.

Or, tous les indices pointent vers une organisation secrète de plus en plus agitée dernièrement, la Fraternité de l'Epée. Composée d'individus appartenant au bas de la hiérarchie sociale, ses membres ont appris à manier les armes et aident les esclaves en fuite à échapper à ceux qui les pourchassent. Ils sont surveillés depuis quelques temps par le chef de la police. Même si l'assassinat de nobles n'a encore jamais fait partie de leurs activités, une attaque de la Fraternité de l'Epée a eu lieu à proximité de l'un des assassinats. Pour appuyer ces soupçons, en coulisses, les vrais responsables tirent habilement les ficelles, orientant l'enquête en semant des indices qui accusent l'organisation.

Si le père de Dong Yi comprend la machination, se reposant sur la confiance du chef de la police, il se trouve malheureusement au centre d'un conflit d'intérêts qui lui sera fatal. En effet, il enquête, certes, pour le compte des autorités ; mais il est également le leader de la Fraternité de l'Epée, cette organisation émancipatrice tant redoutée et à laquelle on finit par attribuer les pires actions. Chaque camp avançant ses pions dans l'ombre, de complots en quiproquos, tout finit dans le sang. Injustement accusés, ces combattants qui rêvaient d'une certaine égalité sociale, parmi lesquels le père et le frère de Dong Yi, seront ainsi exécutés pour des crimes qu'ils n'ont pas commis.

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Dong Yi parviendra à échapper au destin funèbre de ses proches, avec l'aide des derniers fidèles de sa famille. Déjà très obstinée, elle choisira cependant de ne pas s'enfuir, se jurant de mettre à jour cette conspiration qui provoqua une telle tragédie et de découvrir la vérité. Pour cela, son seul indice est le fameux signal que le dignitaire mourant lui indiqua sur la berge de la rivère. Or, quelques jours plus tard, en ville, elle vit une dame du palais reproduire le même geste. Décidée à retrouver cette femme afin de comprendre ce que signifie ce signe, Dong Yi entre au service du palais, comme esclave rattachée au Département Royal de Musique (où travaillait d'ailleurs son frère).

Se concluant sur ses évènements fondateurs tragiques, le drama reprend ensuite le fil de l'histoire six ans après ces faits. Dong Yi entre dans l'âge adulte, devenue une jeune femme encore très immature, mais qui a su se rendre progressivement indispensable auprès des musiciens. Grâce aux connaissances enseignées par son père, qui lui avait notamment appris à lire, elle est beaucoup plus éduquée que ce que son rang d'esclave ne le laisserait penser. Elle dispose ainsi de ressources insoupçonnées, qu'elle va devoir mettre à profit pour se sortir de situations complexes dans un palais où plusieurs camps se livrent une âpre lutte sans merci.

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Si les premiers épisodes avaient laissé une large place à l'action, à partir du moment où l'histoire se recentre sur le palais, le drama renoue avec la tradition des intrigues de Cour les plus classiques.

Au détour des corridors et des différents bâtiments composant la vaste résidence royale, sorte de ville dans la ville, les complots reprennent en effet de plus belle lorsque le roi décide de reconvoquer à ses côtés Lady Jang, une de ses favorites, pour qu'elle devienne une de ses concubines. Nous retrouvons, plusieurs annéess après, les mêmes jeux de pouvoirs entre factions rivales que ceux qui avaient coûté la vie au père de Dong Yi. Au-delà des clans du Sud et de l'Ouest, c'est entre les deux femmes les plus proches du Roi qu'a lieu l'affrontement direct, la Reine mère faisant tout ce qui est en son pouvoir pour piéger Lady Jang et obtenir son renvoi de la Cour. Au milieu de cette lutte que Dong Yi va devoir essayer de ne pas être, une nouvelle fois, sacrifiée, victime collatérale anecdotique du combat des puissants. Faisant preuve d'un esprit vif, d'un sens de l'initiative rarement pris au dépourvu et d'une loyauté obstinée, Dong Yi se fait remarquer à plusieurs reprises, attirant l'attention de Lady Jang, mais aussi du roi...

Si les enjeux sont toujours très élevés dans les intrigues en cours, le téléspectateur amateur d'action risque cependant de trouver certains développements un peu longuet. Nous sommes ici dans un sageuk au sens traditionnel du terme, où tout suit un théâtralisme codifié, avec une réalisation posée, et où les dialogues prennent plus de place que les combats. L'affrontement n'en est pas moins létal ; mais entre gens de Cour, les moyens de parvenir à ce résultat sont plus détournés et compliqués.

Personnellement, mise à part deux ou trois petites baisses de rythme vite rattrapées, je ne trouve rien à redire à ce début : la série trouve le bon dosage entre les complots et le façonnement des relations qui unissent les différents protagonistes.

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Cette dimension plus humaine constitue d'ailleurs sans doute un des atouts majeurs de Dong Yi. Le formalisme relativement figé de ce drama ne l'empêche pas de jouer dans l'émotionnel et de réussir ainsi à faire vibrer le téléspectateur devant les dilemmes et les épreuves que doivent traverser les différents protagonistes. Pour le moment, ce sont surtout - et logiquement - Dong Yi et Lady Jang qui s'imposent, deux figures féminines aux destinées finalement plus proches que leurs différences de statuts actuels ne le laisseraient penser. Lady Jang était elle-aussi de basse extraction sociale, mais éduquée et pleine de ressources, elle est parvenue à gagner sa place auprès du roi. Dong Yi n'est encore qu'une adolescente, souvent naïve et trop spontanée ; mais le drama donne justement envie au téléspectateur de suivre sa progressive mâturation, sa transformation qui va lui permettre d'accomplir une destinée insoupçonnée.

Le personnage du roi a pour le moment laissé entrevoir un potentiel intéressant, qu'il faudra exploiter. S'il est entouré de courtisans comploteurs, sa figure demeure sacrée pour chaque faction. Tous les clans s'affrontent entre eux, mais le roi se situe au-dessus de la mêlée. Se plaçant souvent en arbitre des évènements, essayant d'influer sur les rapports de force au sein de son gouvernement, afin d'atteindre un équilibre précaire, mais nécessaire, dans l'intérêt du royaume, Suk-Jong gouverne en alternant autoritaire reprise en main de ses ministres et action indirecte via quelques fidèles. Il se pose donc en maître de l'échiquier du pouvoir, que le drama symbolise par le biais du Jeu de Go.

J'ai beaucoup apprécié le fait que les rapports entre les différents personnages se révèlent généralement bien caractérisés. Ce que j'ai préféré le plus jusqu'à présent, c'est l'habile contraste proposé par les intéractions très différentes du roi avec les deux autres personnages féminins de la série. Ses relations avec Lady Jang se situent dans un registre très digne, remplies de confiance et de sentiments. Tandis qu'avec Dong Yi, simple esclave qui, surtout, ignore qui il est, pensant côtoyer un simple officier de la garde royale, il y a une spontanéité et une certaine forme d'innocence, le roi se laissant emporter par l'enthousiasme pas toujours mesuré de la jeune femme. Ces différentes facettes contribuent à donner au drama une atmosphère très rafraîchissante, appréciée par le téléspectateur et qui lui permet de s'attacher à ces protagonistes.

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Sur la forme, Dong Yi est une belle série, dotée d'une réalisation classique, mais enrichie par des décors et une reconstitution d'époque très aboutis. Le fait de s'intéresser au Département Royal de Musique permet d'offrir plusieurs belles représentations ; ces spectacles prennent la couleur du folklore par moment. C'est chatoyant et c'est un vrai plaisir pour les yeux. Cela offre un magnifique dépaysement pour le téléspectateur.

La bande-son de Dong Yi est également très bien fournie, en musiques adaptées aux différentes ambiances rencontrées. Quelques balades tristes pour illustrer le deuil, des morceaux épiques pour donner un souffle supplémentaire à certaines scènes d'action... Tout y est, tout en restant suffisamment en retrait pour ne pas empiéter sur l'histoire, évitant d'être trop envahissant.

Enfin, du côté du casting, rien à redire. Dong Yi est interprétée, à l'âge adulte, par Han Hyo Joo, l'héroïne de Brilliant Legacy l'an dernier. Ji Jin Hee (He Who Can't Marry) incarne le roi Suk-Jong. Lee So Yeon (Temptation of an Angel) est Lady Jang Hee Bin. Bae Soo Bin (Temptation of an Angel, Brilliant Legacy, Jumong) joue un ancien membre de la Fraternité de l'Epée à qui Dong Yi doit la vie. Le rôle du chef de la police revient à Jeong Jin Yeong (Kingdom of the Wind). Et, enfin, Park Ha Seon incarne la reine, et épouse officielle de Suk-Jong.

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Bilan : Dong Yi est un beau drama historique, dont les intrigues de cour sont soutenues par une intéressante dimension humaine. La série parvient à jouer sur l'affectif du téléspectateur, en dépeignant avec une certaine finesse les relations entre ses différents personnages. Si les amateurs d'action risquent de rester un peu sur leur fin au vu de ces dix premiers épisodes, les amoureux de belles reconstitutions devraient y trouver leur compte. Il émane de ce drama un souffle rafraîchissant des plus dépaysants.


NOTE : 7/10


La bande-annonce de la série :

Le générique :

17/05/2010

(UK) Doctor Who, series 5, episode 7 : Amy's Choice

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Amy's Choice est un épisode atypique, qui sort du schéma narratif habituel. Derrière ses premiers abords quasi-anecdotiques, ronronnant sans véritablement trouver son rythme de croisière, il bénéficie d'une chute finale qui éclaire sous un jour entièrement différent les évènements que l'on vient de vivre et change notre perspective, et presque notre jugement, sur ces 40 minutes. Son apport introspectif se révèle donc plus ambitieux que ce qui nous est présenté tout au long de l'épisode. En posant les enjeux à la toute fin, il serait presque opportun pour le téléspectateur de s'offrir un revisionnage dans la foulée.

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Amy's Choice s'ouvre sur un changement de cadre original, signe d'une aventure déjà commencée, déstabilisant à dessein les repères du téléspectateur. En effet, le Docteur débarque à bord de son Tardis dans la campagne anglaise. Cinq ans ont passé depuis qu'il a ramené Amy et Rory sur Terre. Ces deux derniers sont toujours ensemble. Seul signe du temps écoulé, Rory s'est "négligemment" laissé pousser les cheveux de façon à pouvoir les attacher ; un fashion attentat dont le téléspectateur met un instant à se remettre. Il faut dire que la deuxième information à digérer est plus énorme encore : Amy "have swallowed a planet", ou plutôt, est enceinte ! La visite du Docteur est imprévue, il s'est en réalité embrouillé dans les commandes du Tardis. Les retrouvailles passent par une promenade aux alentours. Tout paraît si calme dans ce village. Irréellement détaché de la civilisation. Les quelques remarques sur le sujet du Docteur sont d'ailleurs salvatrices : elles prêtent à sourire et leur piquant confère un peu de relief à la platitude caricaturale que ce cadre recrée.

Mais il ne s'agit que d'une réalité possible. Car nos trois héros s'endorment soudain sur le banc pour se réveiller... à bord d'un Tardis à la dérive. Dans leur "présent" apparent. Glacés. Ils dérivent et sont attirés par l'énergie d'une "étoile froide". Si imaginer Amy accepter de faire sa vie loin de tout dans un endroit aussi reculé de cette campagne anglaise, en y menant une vie aussi peu animée, semble peu coller au personnage ; l'hypothèse de l'étoile froide défie encore plus effrontément les lois de la science. C'est là que se révèle un nouveau protagoniste. Moqueur, perspicace, arrogant, faussement joueur, il se présente sous la qualité de "Dream Lord", en écho au "Time Lord" qu'est le Docteur. Il se pose en maître d'un jeu létal dans lequel il a entraîné nos trois héros. Il les met en effet au défi de choisir entre ces deux mondes où le sommeil les guide. Un est la réalité, l'autre un rêve. Les règles sont simples. S'ils meurent dans le rêve, ils seront libérés et réintègreront la réalité. En revanche, s'ils sont tués dans le monde réel, la mort sera définitive.

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Se réappropriant des schémas narratifs classiques de jeux entre plusieurs réalités/univers, l'épisode va au final assez peu développer ce matériau, préférant se concentrer sur ses personnages. Les deux mini-aventures mises en place, comportant chacune leurs dangers, reprennent des thématiques traditionnelles de la série, qu'il s'agisse d'une rencontre imprévue du Tardis avec un astre dangereux, ou des aliens réfugiés sur Terre, ayant infiltré le club du 3e Âge du coin. Il n'y a pas la moindre originalité proposée dans leurs développements, celle sur Terre offrant juste un peu plus d'animation. C'est sans doute à ce niveau-là que se situe la faiblesse principale de l'épisode. Le téléspectateur est bien conscient que l'enjeu est ailleurs, ces micro-intrigues peinent à trouver une réelle dimension. Elles demeurent cantonnées dans du cliché anecdotique, dans lequel il est difficile de s'investir. Heureusement, les dialogues - et plus particulièrement, les tirades du Docteur -, piques au second degré savoureux ou analyses détachées de la situation empreinte d'un sarcasme détaché, permettent par intermittence de rompre cette léthargie. Mais l'épisode ne trouve jamais vraiment l'équilibre entre ces histoires-prétextes et le réel enjeu poursuivi par le scénariste ; ce qui a une incidence sur son homogénéité, le cocktail peinant à prendre.

L'attention du scénariste est ailleurs, et ça se ressent donc. Car Amy's Choice est en fait un épisode destiné à prendre le temps de s'intéresser à la psychologie de chacun de ses personnages. Nous sommes (déjà!) à mi-saison ; nous commençons à les connaître, mais voici un épisode entier où les intrigues et autre fil rouge sont mis entre parenthèses pour explorer de plus près les motivations de chacun. Cette introspection est une initiative somme toute louable, permettant d'entériner la nature des différentes relations unissant les personnages, en commençant par définitivement refermer la parenthèse ouverte par le final du cinquième épisode, lorsque s'était posé un dilemne jusqu'alors sous-jacent : la position d'Amy par rapport à ses "deux docteurs", l'un qui a passé sa vie à essayer de ressembler à cet ami imaginaire idéal des rêves d'une petite fille, et l'autre qui est revenu après tant d'années pour enfin remplir sa promesse passée.

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Le titre de l'épisode, Amy's Choice, fait donc référence, tant à la décision d'Amy de sacrifier sa vie sur cette Terre futuriste où elle est enceinte, suite à la mort de Rory, qu'à sa réalisation finale que l'homme de sa vie n'est pas le héros avec lequel elle s'est enfuie la veille de son mariage, mais bien son fiancé. Être partie à bord du Tardis était sa dernière tentative pour ne pas grandir ; le parallèle avec les univers féériques, la mythologie de Peter Pan notamment, n'est pas une constante de ce début de saison pour rien. Le mariage symbolise l'entrée dans l'âge adulte, entrée à laquelle Amy n'était pas encore prête, en dépit de ses fiançailles. Elle n'avait pas fait le deuil de son enfance ; il existait encore en elle cette part de petite fille rêvant d'explorer des horizons lointains avec son ami imaginaire.

Les retrouvailles avec le Docteur avaient fragilisé sa relation avec Rory en apparence ; mais elles étaient finalement nécessaires pour définitivement tourner cette page ouverte durant son enfance, idéalisée depuis au-delà du raisonnable. Amy a fait la paix avec ses démons du passé et ses rêves non réalisés. Désormais, alors même qu'elle vit ce conte de fées de science-fiction, elle a enfin grandi. Au gré des quelques aventures qu'elle vient de vivre, elle s'est posée des questions sur sa vie ; elle a été amené à réfléchir sur ses priorités, confrontée à des dangers contre lesquels elle a manqué de tout perdre. Au final, c'est un personnage qui, en quelques épisodes, a gagné, non en confiance en elle ou en assurance, mais en maturité. Ajoutons à cela l'opportunité que lui a offerte le Docteur de voyager avec Rory afin de pouvoir partager l'intensité et l'euphorie qui accompagnent les voyages à bord du Tardis ; et, logiquement, les choix d'Amy au cours de cet épisode tombent sous le sens et nous découvrons à travers eux la vraie Amy, qui a réussi à se comprendre et savoir ce qu'elle recherche.

Avec Amy's Choice, elle cesse de chasser un rêve inaccessible pour enfin commencer vraiment à vivre et à grandir.

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Mais, et de façon peut-être plus marquante pour une téléspectatrice telle que moi qui est quand même assez encline à suivre en priorité le personnage du Docteur, l'épisode offre également de nouveaux éléments dévoilant un peu plus la complexe personnalité de ce dernier, toujours magistralement interprété par Matt Smith. L'acteur aura vraiment réussi à s'imposer avec une aisance et une présence à l'écran à saluer : je pourrais consacrer un entier paragraphe, dans chacune de mes reviews, à louer la richesse et l'ambivalence que son jeu apporte à Eleven, collant parfaitement à l'écriture des scénaristes. Amy's Choice est une étape importante dans cette caractérisation, car il met en lumière la facette la plus obscure du Docteur. Il le fait sans que le téléspectateur se doute, avant la chute finale, de la réelle nature du duel auquel il est en train d'assister entre le Time Lord et le Dream Lord. Il faut souligner que cette ignorance est à double tranchant : d'une part, cela renforce l'impact et le choc de la révélation finale, mais d'autre part, cela empêche de saisir immédiatement tous les enjeux d'un épisode dont l'importance se cache derrière cette apparence trompeusement trop banale.

Dans la chute finale, l'explication de ce double rêve hallucinatoire cède à une certaine facilité scénariste, mais est en revanche particulièrement bien trouvée l'idée selon laquelle le Dream Lord n'était en réalité qu'une émanation du Docteur lui-même, de cette part sombre qui sommeille en lui mais qui s'est logiquement développée au cours des neuf siècles d'expérience qui sont derrière lui. Et le téléspectateur prend conscience, a posteriori, que c'est un épisode qui mériterait d'être psychanalysé qui nous fut proposé. Toutes les "vérités", souvent blessantes, assénées par le Dream Lord sur la façon de vivre et d'opérer du Docteur, ses réflexions sur ses "amis" par exemple, prennent soudain une autre dimension. Tout comme cette affirmation, lâchée par un Docteur qui avait deviné plus tôt la nature de ce Dream Lord sans la partager avec Amy et Rory : "there's only one person in the universe who hates me as much as you do", avait-il dit... Cruelle et paradoxale réalisation. Est également très révélateur le silence et le brusque changement de sujet qui accueille la question d'Amy, en fin d'épisode, faisant écho aux préoccupations des téléspectateurs. La jeune femme est incapable de concilier les deux facettes du Docteur qu'elle a vue, l'enjouée et la cynique ; et, soudain, elle s'interroge : le Docteur tient-il pour vrais, consciemment ou dans une part de son subconscient, les jugements proférés par le Dream Lord ?

Le personnage d'Eleven continue de s'étoffer, devenant chaque épisode, plus intriguant, plus ambivalent, et toujours plus intéressant. Une caractérisation réussie !

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Amy's Choice s'avère donc être finalement un épisode paradoxal. Derrière une apparence de routine  assez anecdotique, peinant à se mettre en place, il propose une introspection profonde des personnages. La résolution finale change radicalement la perspective du téléspectateur, soudain presque tenté de se lancer dans un revisionnage immédiat pour bien appréhender la portée de l'épisode et ce qu'il signifie pour le Time Lord. Car même si l'évolution d'Amy est intéressante, cela reste un "à côté" par rapport à l'envergure du Docteur qui demeure l'aspect le plus accrocheur de la série. C'est un euphémisme que d'écrire que j'aime beaucoup l'exploitation de la part plus sombre du personnage qui est proposée avec Eleven. Le "Dream Lord" est un élément supplémentaire qui vient s'ajouter à la suite d'aperçus très tangibles du côté plus obscur du Docteur, que nous avons pu voir depuis le début de la saison. Son ambiguïté, très bien mise en valeur par Matt Smith, apporte une profondeur supplémentaire et surtout accentue la fascination qu'exerce le Time Lord.

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Bilan : Si le changement de perspective offert par la chute finale apporte à l'épisode une légitimité dans l'introspection qu'il a proposée, cela intervient peut-être un peu trop à retardement. L'aventure n'est pas déplaisante à suivre, mais elle se révèle trop bancale pour être pleinement satisfaisante. Cependant, la lumière nouvelle que jette la révélation finale sauve finalement l'épisode de la tentation de le classer comme une simple aventure anecdotique. Il offre un éclairage sur ses personnages et leurs rapports qui permet au téléspectateur de mieux les comprendre. Enfin, il confirme aussi la volonté d'exploiter cette saison une facette plus sombre du Docteur, ce qui nourrit l'ambivalence du personnage de la plus convaincante et intéressante des manières.


NOTE : 7,5/10


La bande-annonce du prochain épisode :


15/05/2010

(UK) Ashes to Ashes : series 3, episode 6

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L'échéance se rapproche et les tensions construites tout au long de la saison s'exacerbent. Ce sixième épisode d'Ashes to Ashes, d'une richesse mythologique vertigineuse, brouille les cartes et nos certitudes, proposant un épisode inattendu en bien des points, chargé de symboliques de plus en plus omniprésentes. Le téléspectateur en ressort troublé comme rarement, l'esprit perdu dans des théories les plus abracadabrantesqes et des hypothèses qu'il retourne dans tous les sens... Etonnant épisode donc, perturbant et magistralement mené, qui va nous conduire à une issue tragique aussi originale que marquante.

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La construction de l'épisode rejoint le schéma narratif classique de la série, au sens où, l'évènement auquel nos héros sont confrontés sert de révélateur pour mettre en lumière la dynamique d'équipe et accentuer ses failles éventuelles. En l'espèce, ce sont des évasion et mutinerie à l'intérieur de la prison de la ville qui vont être les catalyseurs d'un engrenage létal. La thématique de la loyauté de chacun des policiers officiant dans l'équipe de Gene Hunt demeure centrale, déclinaison sans doute déterminante d'un affrontement fatal en cours dont le téléspectateur ne cerne pas encore tous les enjeux réels.

Cet épisode marque une nouvelle étape dans la confrontation entre Gene Hunt et Jim Keats, au cours duquel la faillite du premier place le second en position de force. En effet, Gene échoue à plusieurs niveaux. La scène de l'assaut de la prison, dont il assure le commandement, d'un surréalisme tout Ashes-ien, sur fond musical de Sunday Bloody Sunday, se clôture sur un échec des plus cinglants. La mutinerie se transforme en prise d'otages, Viv étant laissé sur place lors du replis des troupes policières. Ce personnage va d'ailleurs symboliser tout ce qui s'enraye et déraille au cours de cet épisode. Dans ses priorités, le lien familial a malheureusement primé sur le lien policier. Jamais il n'aura l'occasion de s'en expliquer, ni d'être absous. De la plus symbolique des manières, Gene échoue à son égard par trois fois au cours de l'épisode dans sa mission de responsable de ses hommes : tout d'abord, il ne peut l'empêcher de commettre l'irréparable, pour essayer de sauver son cousin ; il le laisse ensuite en arrière, aux mains des mutins, lorsque l'assaut tourne mal... et enfin, il ne peut le sauver à la fin, Viv payant de sa vie ces évènements.

Un personnage, même secondaire, qui décède constitue en soit un choc dans l'univers souvent policé d'Ashes to Ashes, où les interventions, dont la mise en scène est marquée d'une profonde nostalgie 80s', sont souvent chaotiques, mais où les membres appartenant à l'équipe de Gene ont toujours été assimilés à des piliers inaltérables. Ils peuvent vaciller, les tensions peuvent éclater, mais ils semblent toujours intégrer à ce cadre prédéfini qu'est cette réalité dans laquelle Alex a été parachuté. Dans cette perspective, ils ont toujours paru intouchables, ne pouvant, au bout du compte, être remis en cause. Or, avec la mort de Viv, un tournant s'opère dans la stabilité de cet univers : la série franchit une étape supplémentaire à un niveau avant tout mythologique. Et c'est un processus au cours duquel l'influence de Jim Keats est aussi inquiétante qu'incontournable.

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Si la fin tragique marque une rupture avec l'image d'univers préconstitué et immuabe, l'élément le plus important de l'épisode se rattache aux actions de Jim Keats. Tout n'est que conséquence de ses initiatives. Ce dernier, de façon bien plus directe que par le passé, manipule et orchestre les évènements de façon à conduire à cette conclusion, cherchant à saper toujours plus les fondations de l'unité de police officiant sous les ordres de Gene Hunt. Si Alex n'a pas encore une vision claire des camps et des enjeux en présence, les masques commencent cependant à tomber.

Le téléspectateur est le témoin privilégié du glissement qui est en train de se produire. En effet, le personnage de Keats a pu jusqu'à présent entretenir une certaine ambivalence, se construisant une aura de mystère autour de lui, tandis que nous observions, intrigués, sa croisade entreprise contre Gene Hunt. Or, avec ce sixième épisode, l'affrontement gagne un autre niveau. Viv n'est qu'un pion sacrifiable, dans une partie d'échecs que nous ne nous comprenons pas encore, mais qui concerne, sans nul doute, le coeur de l'énigme que renferme cet univers policier des 80s recréé sous nos yeux.

Toutes les actions de Keats, au cours de l'épisode, visent à obtenir une tragédie. Par sa présence faussement passive, il empêche Viv de se confier à Gene au début, il sème ensuite les graines du doute dans les esprits des membres de l'équipe à l'encontre de leur chef ; enfin, il appuie sur les blessures fraîches des échecs de ce dernier pour l'enfoncer... Mais, la scène où l'affrontement qui a lieu prend une toute autre dimension, c'est lors du dernier face-à-face avec un Viv mourant. Keats est le premier à arriver sur les lieux. Se penchant sur le blessé, il pose ses mains sur sa nuque. On pourrait croire, vu de loin, que c'est une forme de réconfort, mais l'impression laissée au téléspectateur est toute autre. Comment le décrire ? C'est comme si Keats faisait passer Viv dans l'au-delà, accélérant le processus ou aspirant sa vie. Keats l'éjecte de cette réalité. Lorsque Gene arrive, il est déjà trop tard. Viv est mort, ou, du moins, n'est plus de ce monde/cette réalité. D'une manière un peu similaire, Gene prendra la tête de Viv entre ses mains, pour essayer vainement de le réveiller. La question de Keats, "What are you trying to achieve ?", posée sur un ton presque narquois, laisse place à tant d'interprétations possibles, qui se bouscule dans la tête d'un téléspetateur interloqué. Gene aurait-il pu tenter d'inverser le processus ? Est-ce une simple question rhétorique ou, plus largement, une interrogation sur le pourquoi de continuer une lutte que Keats considère perdue d'avance pour Gene ?

Toujours est-il que le personnage de Keats prend une allure encore plus inquiétence que ses ambiguïtés passées. Ses interventions sont désormais de plus en plus directes. Le maintien des apparences est de plus en plus secondaire ; car une fin approche incontestablement. Mais la fin de quoi ? De qui ?

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Quelque soit cette issue, les choix d'Alex auront une influence sur celle-ci. Keats la presse de partager avec lui ses découvertes sur la mort de Sam et d'autres éléments troublants qu'elle a pu découvrir au cours de son investigation. Exploitant la moindre parcelle de doute de la jeune femme, Keats cherche à réveiller et à nourrir ses suspicions instinctives afin de lui faire changer de camp. Lui faire soupçonner suffisamment Gene pour qu'elle soit prête à abandonner toute loyauté et à se confier à Keats, renversant les rapports de force actuellement existants. Le projet semble d'autant plus envisageable que la relation existant entre Alex et Gene est devenue au mieux chaotique, au pire, assortie d'une méfiance réciproque. Nous sommes très loin des flirts des débuts de Ashes to Ashes, de cette tension sexuelle qui pouvait exister dans certaines scènes. Les deux personnages se sont éloignés, chacun poursuivant des objectifs différents qu'il n'a pas pu ou su partager avec l'autre. La complémentarité professionnelle existe toujours ; la complicité a cependant laissé place à un fossé qui se creuse chaque épisode un peu plus. On tend vers le moment où Alex ne pourra plus reculer et devra faire un choix : avoir foi en Gene et lui offrir sa confiance aveugle, ou rejoindre Keats et l'oeuvre destructrice qu'il est en train de réaliser.

Dans cet épisode, le regain de tension ne provient pas tant des erreurs de Gene dans sa gestion des évènements, que d'un nouvel intervenant qui vient brouiller un peu plus des cartes déjà très floues. Un détenu est parvenu à s'évader. Il s'agit d'un petit escroc, Thordy, qui a la particularité d'avoir été la dernière arrestation de Sam Tyler avant sa mort. Mais, surtout, ce dernier prétend être Sam lui-même. Un Sam mis hors-jeu pour avoir touché la vérité. Est-ce un mensonge pour semer le doute dans l'esprit d'Alex ? Est-il sincèrement convaincu de cela ? Ses affirmations peuvent-elles être vraies ? Il sème en tout cas le trouble chez Alex, en évoquant certains symptômes très caractéristiques de la situation de cette dernière. Mais le futur est trop dilué dans sa mémoire pour qu'il puisse y puiser des informations concrètes pour confirmer sa version. Il affirme cependant avoir résolu l'énigme de cette réalité, avoir compris sa nature ; et c'est cela, qui lui fut fatal. Considérant avec désinvolture et détachement tout ce qui appartient à cet univers, il propose à Alex un marché : la vérité contre sa liberté. Si l'indice finalement donné par Thordy n'apporte pas de réponse immédiate, cette offre permet de vérifier vers qui la jeune femme continue de se tourner en dernier ressort. Elle re-affirme (pour le moment du moins) sa loyauté envers Gene lorsque cela est important, puisque c'est en collaboration et en accord avec lui qu'elle libère Thordy.

Une fidélité aux fondations parfois tremblante cette saison, mais qui pour le moment n'a bel et bien pas été remise en cause au cours de la saison.

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Ainsi, l'épisode propose une réelle accélération dans l'exploration mythologique de la série. Sa richesse vertigineuse en symboliques des plus diverses, qu'il s'agisse de références dans les dialogues, les chansons ou bien encore simplement le simple cadre de certaines images, rend un revisionnage sans doute nécessaire pour pouvoir pleinement les recenser et les apprécier à leur juste valeur. Pour le moment, elles attisent surtout les questionnements d'un téléspectateur presque déstabilisé par une telle intensité. Le final approche, les réponses également. Mais ce qui marque pour le moment, c'est l'impression d'arriver au bout d'un cycle, à la fin d'une histoire.

L'enjeu n'est plus le sort d'Alex, il n'est plus un hypothétique retour dans un présent presque oublié, même si elle le mentionne parfois comme un simple réflexe. Désormais, ce qui est au coeur de tout, c'est le devenir de cet univers des années 80. Ses fondations semblent en effet se fissurer sous nos yeux. Ou, plus encore, cette réalité paraît se dissoudre sur place. Avec ce sixième épisode, nous ne sommes plus dans le domaine abstrait et incertain des visions. La mention des étoiles, qui continue d'être récurrente, demeure un indice, s'apparentant à des failles dans ce décor qui peine à se maintenir. Mais, maintenant, les joueurs qui paraissent "actifs" dans cette partie d'échecs dont nous ignorons encore la nature, à savoir Gene Hunt, mais aussi Jim Keats, agissent véritablement sur cet univers. La mort de Viv, sa "mise hors-jeu", ou peu importe le qualificatif auquel il faut recourir, marque la fin de l'impression d'immutabilité qui régnait autour de Gene. Elle met à jour une faille, prouvant que les choses sont passées à un autre niveau. A cela s'ajoute, l'utilisation de phrases toujours plus ambiguës, chargées en double sens, dont la portée mythologique reste encore à révéler, mais qui épaississent toujours plus le mystère.

Les thématiques de la vie et de la mort sont plus que jamais au coeur de tout. La fin de Viv confirme la fin de la stabilité de cette réalité des années 80, en exposant en plus au grand jour ce thème jusqu'à présent sous-entendu. L'univers de Ashes to Ashes va-t-il se dissoudre et s'ouvrir sur ces étoiles, porte sur le néant ? Quels sont les réels enjeux en cause ?

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Bilan : Avec ce sixième épisode, Ashes to Ashes capitalise pleinement sur le mystère qui constitue son coeur. Preuve de la maturité des scénaristes, l'épisode se révèle d'une richesse mythologique à la fois troublante et fascinante, déstabilisant volontairement le téléspectateur, tandis que toutes nos certitudes, tous les piliers que nous connaissions, disparaissent peu à peu, laissant entre-apercevoir une partie d'échecs mystérieuse dont nous ne connaissons ni la nature, ni les enjeux. Tout se dissout, l'ordre et le chaos ne paraissent plus l'apanage d'un seul camp. Ce tourbillon entraîne le téléspectateur avec beaucoup d'efficacité. Bluffant.


NOTE : 9/10

13/05/2010

(Mini-série UK) Strike Back, episodes 1 et 2 : un condensé d'action, en quête de rédemption


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Mercredi dernier a débuté sur Sky One une nouvelle mini-série, plutôt orientée action, Strike Back. Adaptée des romans de Chris Ryan, elle comportera six épisodes, dont la diffusion sera regroupée sur trois soirées (les épisodes 3 et 4 étaient diffusés hier soir). La chaîne de Rupert Murdoch semblait avoir vu les choses en grand pour cette fiction, dont le casting était également des plus accrocheurs. Les téléspectateurs friands de fiction militaire et de géopolitique musclée y retrouvent ainsi Richard Armitage (actuellement dans Spooks sur BBC One) ; même si, à titre personnel, je vous avoue que j'étais plus curieuse de découvrir le rôle attribué à Andrew Lincoln. Reste qu'en dépit de toute cette débauche de moyens, Strike Back peine cependant à justifier ses ambitions affichées.

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Aucun doute n'est laissé au téléspectateur sur le genre dans lequel Strike Back entend s'inscrire. Elle s'impose d'emblée, dès les premières scènes, comme une série résolument tournée vers l'action, en nous plongeant dans l'extraction mouvementée d'un otage, en pleine guerre d'Irak, en 2003. La réalisation est fluide, l'adrénaline monte, les balles volent, l'hémoglobine gicle : aucun effet n'est épargné au téléspectateur pour bien établir le créneau que la mini-série va investir. La construction scénaristique de ces deux premiers épisodes (qui forment ensemble une aventure) se déroule sans anicroche. Mais on garde cependant un arrière-goût de frustration, tant les schémas suivis sont d'un classique qui confine presque au cliché.

Tout débute donc en 2003, au cours d'une opération qui va mal tourner et marquer un tournant dans la vie de John Porter. Lors d'une mission derrière les lignes ennemies, John se contente de mettre hors d'état de nuire un jeune garçon portant une ceinture d'explosif, l'assommant sans le tuer. Or, quelques minutes plus tard, une fusillade retentit. John n'assiste pas à la scène, mais sur les quatre soldats l'accompagnant, seul l'officier de renseignement, Hugh Collinson, échappe aux balles fatales. Deux hommes sont laissés pour mort, un troisième est grièvement blessé et ne s'en remettra jamais. Hugh confirme les craintes de John, affirmant avoir vu le gamin, que ce dernier n'avait pu tuer, se déplacer avec une mitraillette.

S'ensuit une logique descente aux enfers progressive pour John Porter. Ejecté de l'armée, où ses compagnons d'armes ont perdu toute confiance en lui, incapable de se ré-adapter à la vie civile, sa famille se désagrège sous son regard impuissant, tandis que les regrets le rongent de l'intérieur. Sept années passent ainsi. Ne vivant plus avec les siens, John travaille désormais dans la sécurité des bâtiments du MI-6. Mais un évènement va finalement provoquer l'électrochoc attendu et offrir cette possibilité d'expiation espérée. Une journaliste britannique, Alexandra Porter, fille d'un ancien ministre des Affaires étrangères anglais, est en effet enlevée en Irak, dans la zone où l'opération fatale avait eu lieu en 2003. La jeune femme n'a que le temps d'envoyer la photo d'un de ses kidnappeurs : un jeune homme portant une cicatrice très distinctive sur un côté du visage. Or, John n'a jamais oublié cette marque, que l'enfant-kamikaze arborait sept ans plus tôt. Il reconnaît en lui le meurtrier de ses trois hommes ; mais aussi le gamin qui lui doit une dette d'honneur pour ne pas l'avoir abattu cette nuit-là.

Recontactant Hugh Collinson, désormais en charge d'une division spéciale au MI-6, John Porter obtient d'être envoyé sur place, pour aider au sauvetage de la journaliste. Sa quête de rédemption peut commencer.

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C'est donc presque un euphémisme que d'affirmer que Strike Back se situe sur des sentiers balisés. Suivant des développements prévisibles, les grandes lignes de l'histoire semblent déjà être écrites à l'avance. Certes, l'ensemble est efficace, mené énergiquement et sans temps mort inutile. Le téléspectateur n'a aucun souci pour accrocher à l'intrigue. Mais reste un regret principal : Strike Back peine à se démarquer des dizaines de fictions similaires qui l'ont précédé. Trop convenue dans ses grandes lignes, elle réussit seulement à s'affirmer par intermittence. Ainsi, les scènes entre la journaliste otage et le chef de ses ravisseurs figurent parmi les plus réussies, à la fois glaçantes et étrangement ambivalentes, elles traduisent efficacement la force des antagonismes et les excès suscitées par la radicalisation de chaque camp. Et la réaction du groupe terroriste à la demande de rançon fait figure d'électroc.

En fait, sur le plan du scénario, en dépit de quelques petits tressautements, le réel démarrage de la mini-série semble s'opérer à la toute fin du deuxième épisode (ce qui implique une certaine patience). Le twist final, salvateur, ré-injecte un intérêt à l'ensemble et donne finalement une raison au téléspectateur pas certain de vouloir poursuivre l'aventure, de découvrir où la confrontation ainsi promise va nous conduire.

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Cependant, au-delà de ces quelques passages qui sortent du lot, la mini-série se contente de suivre les actions du personnage principal, héros brisé par les évènements, mais dont la compétence à gérer ces situations de crise ne saurait être remise en cause. John Porter ne se démarque pas vraiment de ses prédécesseurs dans ce créneau : il leur emprunte les blessures passées et le traumatisme, comme le sens des responsabilités et une éthique professionnelle chevillée au corps. En somme, une psychologie binaire des plus classiques qui donne un héros parfaitement calibré, mais sans originalité particulière. Il est entouré par des personnages secondaires peu développés pour le moment, en apparence très monolithiques. Chacun s'insère dans un stéréotype, correspondant à des protagonistes trop souvent rencontrés dans des fictions de ce genre. Seule la journaliste tire réellement son épingle du je, sans doute en raison des épreuves qu'elle doit affronter et qui lui offrent l'occasion de s'affirmer dans l'adversité.

Reste qu'au final, Strike Back souffre d'un important déficit de dimension humaine. Certes, dans le cadre d'une mini-série d'action, cet élément n'était sans doute pas un des objectifs des scénaristes, qui ont préféré se concentrer sur les grandes lignes de l'intrigue, plutôt que de développer la psychologie des personnages. Cependant, il en résulte une impression de fiction quelque peu déshumanisée, alors qu'il y avait matière intéressante pour étayer cet aspect. Derrière ses recettes de blockbuster télévisuel, Strike Back aurait probablement gagné en prenant le temps de se construire une identité propre.

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Sur la forme, la mini-série s'inscrit dans la lignée du côté calibré et épuré qui ressort de son contenu. La réalisation est de bonne facture. Si les angles choisis par la caméra sont classiques, les images sont  de qualité, propres, avec des couleurs qui ressortent bien à l'écran. En somme, tout est fait pour proposer un esthétique abouti et plutôt attractif.

Enfin, Strike Back rassemble un casting des plus solides, dont on ne doute pas qu'ils puissent mener à bien l'intrigue, si tant est qu'on leur propose un scénario à la hauteur. En tête d'affiche, on retrouve Richard Armitage (Robin Hood, Spooks) dans un créneau qui lui convient bien : un rôle d'action, où il incarne un héros brisé en quête de rédemption et qui va probablement mûrir sa vengeance. A ses côtés, Laura Greenwood (Echo Beach) incarne la journaliste Alexandra Porter ; elle profite pleinement d'être sans doute celle qui dispose des scènes les plus marquantes de ce double épisode. Le très lisse Hugh Collinson est joué par Andrew Lincoln (This Life, Teachers, Afterlife) qui n'a pour le moment pas grand chose à faire. La confrontation qui s'esquisse à la fin du deuxième épisode entre ces deux anciens amis de combats promet cependant beaucoup. Parmi les autres têtes connues, on croise également Shelley Conn (Party Animals, Dead Set, Mistresses), Colin Salmon (Hex, Party Animals), Jodhi May (The Amazing Mrs Pritchard, Emma) ou encore Nicola Stephenson (Northern Lights, The Chase).

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Bilan : Strike Back est une honnête série d'action tout autant qu'un efficace divertissement. Mais tout aussi huilés que ses rouages scénaristiques apparaissent, elle se révèle frustrante pour le téléspectateur qui pouvait légitimement en attendre plus qu'une simple reproduction de stéréotypes du genre soigneusement calibrés. La mini-série ne surprend que trop rarement. Elle se contente le plus souvent de dérouler un scénario très convenu, manquant d'une réelle valeur ajoutée par rapport à toutes les déclinaisons de la fiction d'action militaire, sans prendre le moindre risque. Au final, on ne passe pas un moment  désagréable, mais c'est très léger au vu des ambitions initialement affichées. Le twist final qui conclut ces deux épisodes permettra-t-il d'injecter un peu de piment dans cet ensemble ?


NOTE : 5,5/10


La bande-annonce de la mini-série :

12/05/2010

(J-Drama / Pilote) Mother : un drame humain fascinant et bouleversant

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En ce mercredi asiatique, poursuivons la découverte des nouveautés de ce printemps 2010 au Japon, avec une série diffusée depuis le 14 avril 2010 sur la chaîne NTV, Mother. S'il est rare qu'un pilote atteigne directement une telle dimension, ce premier épisode m'a tout simplement laissée sans voix, tout autant bouleversée que fascinée par l'histoire qu'il esquisse.

Initialement, je pense avoir plutôt tendance à me tourner vers la télévision asiatique en quête de dépaysement et de détente. Cependant, ce serait très réducteur de ne retenir que cet aspect "divertissement léger" dans le paysage particulièrement éclectique qui y est proposé. Si j'ai l'habitude de ne faire que picorer dans les offres de la télévision japonaise, il y a une chose que cette expérience m'a fait retenir, c'est cette capacité inimitable des Japonais pour relater de véritables drames humains, parvenant à faire vibrer d'émotions le téléspectateur, sans jamais tomber dans un pathos larmoyant excessif et pesant. Avec une sobriété admirable, Mother s'inscrit dans cette lignée.
Cette série ne ressemble à aucun j-drama que j'ai pu voir par le passé. Mais devant ce pilote à la narration parfaitement maîtrisée, on ne peut que rester considérablement impressioné par la force du récit mis en scène. J'ai bien envie de sortir de ma réserve habituelle pour vous le conseiller chaudement, amateur de série asiatique ou non, il s'agit d'une histoire à la portée universelle.
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A la lecture de son synopsis, Mother laissait ouverte de nombreuses options dans la façon dont elle aborderait la thématique sensible qu'elle se proposait de traiter : maltraitance, enlèvement d'enfant, voire même interrogation sur la nature de la cellule familiale. Rien ne préjugeait de la tonalité qu'elle allait adopter. Les écueils à éviter étaient nombreux : du lourd mélodrame indigeste jusqu'à la dédramatisation glissante et inadéquate. C'était une histoire difficile, dans laquelle trouver le ton juste allait être déterminant. Or, le résultat dépasse en bien des points mes attentes. En adoptant une dimension à la fois intimiste et poignante, dans le cadre d'une narration admirable de retenue, cette transposition à l'écran renvoie une impression d'authenticité rare, qui accentue la force du récit ainsi délivré.
Mother raconte une histoire atypique et troublante. Suzuhara Nao est devenue une institutrice remplaçante dans une école primaire, à la suite de la perte de son emploi de biologiste à l'université. D'un naturel distant, elle ne s'anime que lorsqu'elle évoque ses chers oiseaux migrateurs, préférant s'isoler pour les observer plutôt que de rechercher le contact humain du quotidien. Elle n'éprouve ainsi aucune affinité à l'égard des enfants, ne voyant dans son travail qu'un salaire de subsistance, une parenthèse professionnelle qui devrait bientôt se clôturer. Le contact n'est pas des plus faciles avec ses élèves, mais l'attention de Nao va être attirée par l'une d'entre elles, Michiki Rena.
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Parfois dissipée, toujours très dynamique, l'enfant la prend en affection dès leurs premiers échanges. A mesure qu'elles se croisent, en dehors du cadre scolaire, maladroitement mais sûrement, des rapports privilégiés se nouent entre ces deux êtres, perdus chacun à leur manière sur le chemin de la vie. Aussi enjouée soit-elle en apparence, Rena subit un quotidien compliqué. Nao la découvre ainsi traînant dans les rues à la nuit tombée, ou se nourrissant régulièrement de crème glacée et de soda. Les soupçons de maltraitance se précisent à la vue des bleus qui marquent tout le corps de la petite fille. Mais les services sociaux, excessivement prudents, ne réagissent pas.
Un jour, Nao se rend chez Rena à l'improviste. Elle découvre l'enfant enfermée dans un sac poubelle jeté dans l'allée, avec les autres détritus. Sur la plage où elle la conduit ensuite pour lui faire admirer ses oiseaux migrateurs, Nao prend alors une décision radicale, agissant de manière impulsive. Elle annonce à Rena son intention de l'enlever, l'invitant à partir avec elle loin de cette région connue, dans un lieu où elles pourront former, ensemble, une "famille". Planifiant une mise en scène pour expliquer la disparition de Rena, l'adulte et la petite fille prennent ensuite un train, partant dans l'inconnu mener une vie basée sur le mensonge, et laissant derrière elles des soucis familiaux auxquelles elles ne pourront probablement pas éternellement échapper.
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Tout en nous narrant cet enchaînement d'évènements qui conduit à la prise de décision irrémédiable de Nao, c'est dans ses personnages principaux que ce pilote trouve sa première richesse. En effet, Mother fait preuve d'un tact et d'une nuance particulièrement matûres pour  dépeindre chacun des protagonistes.
Par quel qualificatif commencer pour décrire Rena ? Adorable et attachante, elle semble en apparence pleine de vie. Pourtant, en elle, quelque chose s'est déjà brisé. On frôle l'irréparable à plusieurs reprises au cours de ce pilote, tandis que le cercle vicieux s'accélère au sein de son cercle familial. Le petit ami de sa mère entraîne cette dernière toujours plus loin sur une voie dangereuse, la dressant progressivement contre son enfant. Le téléspectateur ne peut que sentir son coeur se serrer en assistant, impuissant, aux efforts faits naturellement par Rena pour maintenir un semblant de normalité dans un quotidien où la peur règne. Le simple plan de la caméra montrant le regard de Rena qui fixe un instant les chaussures du petit ami, laissées à l'entrée de la maison, lui indiquant qu'il est donc bien sur place, est plus fort et poignant que tous les discours. Entre brimades, humiliations et restrictions alimentaires, Rena survit, avec un pragmatisme enfantin. Elle a déjà perdu l'innocence de son âge ; mais elle reste capable de rechercher des chemins d'évasion pour continuer à aller de l'avant.
Mother contient des scènes particulièrement marquantes, voire choquantes, qui ne pourront laisser insensibles le téléspectateur, témoin privilégié du dérapage de plus en plus dangereux que prennent les choses. Rena voit ses livres et jouets jetés dehors, afin de s'en débarasser avec les ordures. Puis, c'est son cher hamster, qui ne la quittait pas, qui disparaît. Au-delà de la maltraitance, c'est à une progressive réification de la petite fille à laquelle on assiste. Réification qui culmine lors de ce face-à-face, d'une perversité malsaine, entre Rena et le petit-ami, où ce dernier la maquille. L'explosion de violence de la mère lorsqu'elle rentre entérine cette déshumanisation de l'enfant. L'habitude aidant, sa mère ne voit plus en elle qu'un poids dans sa vie, la réduisant à une simple chose avec laquelle on peut s'amuser, mais le plus souvent ennuyeuse et inutile.
Ce sont des moments qui sont particulièrement durs à regarder. La force de la série est de les relater avec une mise en scène d'une sobriété presque glaçante. Pas de pathos inutile, pas de mélodrame excessif, simplement des fragments bruts d'une réalité inavouable, qui laisse sous le choc.
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Si Rena joue impeccablement sur le registre le plus sensible, Mother prend également le temps d'explorer son autre personnage principal, adulte lui. Le pilote nous retrace ainsi l'évolution de Nao. En porte-à-faux avec son milieu professionnel, sans tendresse particulière pour les enfants, elle cache derrière cette apparence froide ses propres soucis et blessures personnelles. Son progressif attachement, puis sa prise de conscience du quotidien de l'enfant, sont des processus qui sont relatés avec beaucoup de justesse et de retenue. Sans assister à un épanchement sentimental inutile, le téléspectateur ressent pleinement l'implication émotionnelle de la jeune femme qui grandit, au fil de ses rapports avec Rena. Nao a pourtant aussi un passif conséquent qu'elle révèle en fin d'épisode à la petite fille et qui éclaire sous un jour nouveau sa terrible décision : la jeune femme a été abandonnée quand elle était enfant, et a été ensuite adoptée. Sa mère adoptive l'aime ; nul doute là-dessus, elle l'a toujours bien traitée. Mais quelques scènes nous apprennent à quel point leurs rapports sont détériorés, comme si le lien entre elles n'avait jamais pu être établi.
Mother est aussi un drame humain qui se joue à plusieurs niveaux, sur un plan personnel, mais aussi relationnel. Ce pilote nous raconte la rencontre de deux êtres, avec chacun un lourd passif, très différent. En toile de fond, se dessine une réflexion sur la famille, sur son immutabilité, et, plus généralement, sur les rapports et confusions pouvant naître entre les liens biologiques, juridiques et affectifs. Dans ce premier épisode, on retrouve une première réflexion des plus troublantes sur l'ambivalence des sentiments que l'on peut éprouver pour des personnes que nous sommes pourtant "programmés" à aimer. Avec beaucoup de tact et de nuance, sans préjugés moralisateurs, ce drama dresse un portrait d'une authenticité rare et d'une force fascinante.
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La forme se met parfaitement au service du fond, à la hauteur de la dimension atteinte par le contenu du drame qui nous est relaté. La tonalité d'ensemble de la série trouve en effet un reflet parfait dans sa bande-son. La musique consiste principalement en un superbe accompagnement au piano, tout en retenue. Magnifiant les scènes qu'elle accompagne, elle n'est jamais envahissante et ne verse à aucun moment dans la surenchère instrumentale pour souligner plus que de raison la portée de certains passages. En somme, tout est juste comme il faut, complément parfait à la sobriété globale de la série.

La réalisation est également de bonne facture, avec une image assez épurée et des teintes globalement froides qui cadrent bien avec l'atmosphère du drama. La caméra profite aussi pleinement du décor glacial et dépaysant de la petite ville portuaire où se déroule l'action pour proposer quelques très beaux plans en extérieur, entre neige et mer.
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Enfin, le casting se révèle très solide, même si, pour le moment, le pilote nous a surtout permis d'apprécier ses deux figures centrales. Matsuyuki Yasuko (First Kiss) incarne avec une certaine ambiguïté et une retenue savamment dosée cette institutrice qui n'est pas d'un relationnel facile, mais qui va progressivement s'ouvrir au contact de Rena. Cette dernière est interprétée, avec une innocence et un enthousiasme communicatif à l'écran, par la petite Ashida Mana, absolument adorable.
A leurs côtés, on retrouve des habitués du petit écran japonais, tel Yamamoto Koji, Sakai Wakana, Kurashina Kana, Kawamura Yosuke, Ichikawa Miwako ou encore Otoo Takuma.

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Bilan : Le pilote de Mother pose les bases d'un superbe drama humain, d'une sobriété poignante. Bénéficiant d'un cadre assez intimiste, la série se révèle d'une grande justesse pour aborder le difficile sujet de la maltraitance. Tout en esquissant une réflexion sur la cellule familiale, sa nature et les sentiments qui peuvent la traverser, ce drama réunit deux personnages très différents, une adulte et une enfant, dans une relation étonnante d'authenticité et de naturel.

Fascinante dans la mise en scène de son récit, Mother est aussi un drama très dur, chargé émotionnellement, mais qui contient également des scènes difficilement supportables. On ne ressort pas indemne du visionnage de ce pilote. Cependant, la découverte de ce drama est sans doute à classer dans les indispensables.


NOTE : 8,5/10


Une vidéo reprenant quelques images du pilote, avec en fond sonore la chanson principale de la série (Nakigao Smile, interprétée par Hinaco) :