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23/02/2014

(J-Drama) Pan to Supu to Neko Biyori (Bread and Soup and Cat Weather) : une fiction emplie d'une chaleur humaine communicative


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Pour finir le week-end, un peu de réconfort : direction le Japon afin de revenir sur une série qui constitue une véritable petite bulle d'air frais dans les programmations télévisuelles. C'est une de ces fictions, pleine de chaleur, qui prend son temps et met du baume au cœur. Pan to Supu to Neko Biyori (Bread and Soup and Cat Weather) a en effet été un de mes visionnages coups de cœur de ces derniers mois. Il était donc grand temps que j'écrive quelques mots dessus.

Diffusé par la chaîne câblée WOWOW (qui se situe ici loin de son classique registre sombre "politico-médiatico-policier" de prédilection), du 21 juillet au 11 août 2013, ce drama est très court : il ne compte en effet que quatre épisodes de 50 minutes chacun. Il s'agit de l'adaptation d'un roman du même nom de Mure Yoko. La réalisation a été confiée à la cinéaste Matsumoto Kana. Et le travail de cette dernière est à saluer, car Pan to Supu to Neko Biyori est une expérience aussi bien visuelle que narrative. Il offre une invitation empreinte de calme et d'une certaine nostalgie à la culture japonaise. 

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Pan to Supu to Neko Biyori raconte le parcours d'Akiko et de tout un ensemble de personnages gravitant autour d'elle. Lorsque le drama débute, elle travaille pour une maison d'édition, aimant prendre part à la création de livres. De son côté, sa mère tient un restaurant, avec une ambiance qui lui est propre, dans une petite rue passante. Mais un jour, la mère d'Akiko décède brusquement. Akiko hérite alors du restaurant. Au même moment, une restructuration dans son entreprise l'éloigne du contact quotidien des écrivains.

Même si elle a déjà une carrière bien avancée, Akiko décide de quitter son travail et de reprendre le restaurant maternel. Dans ce nouvel établissement ainsi ouvert, elle choisit de ne servir que deux types de plats : des sandwichs et des soupes. Pour l'aider, elle se trouve vite une assistante dont la façon de fonctionner correspond à l'atmosphère qu'elle veut insuffler dans ce petit espace. Akiko tente peu à peu de trouver son style, mais aussi de se positionner par rapport à sa mère, et à la relation parfois compliquée qu'elles ont pu avoir sur laquelle elle réfléchit toujours...

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Pan to Supu to Neko Biyori est un drama à part. C'est une fiction d'ambiance, assez contemplative, qui nous introduit dans les existences d'une poignée de personnages s'interrogeant sur leur vie, les choix qu'ils ont fait et ceux qu'ils leur restent à faire. L'intrigue y apparaît minimaliste : elle est faite d'instantanés du quotidien, de petites anecdotes inattendues et de rencontres. Le récit prend volontairement son temps, capturant les détails d'une scène et l'ensemble des échanges qui peuvent en résulter. Si le téléspectateur se laisse happer par cette narration particulière qui déjoue tout sensationnalisme et s'affranchit du format sériel un peu à la manière d'un Going My Home il y a deux ans, c'est parce que Pan to Supu to Neko Biyori sait lui parler, l'impliquer et le toucher. Le drama brasse en effet, avec pudeur et subtilité, des thèmes universels, cherchant à éclairer la manière dont chaque individu se construit peu à peu, et comment il appréhende, au fil de sa vie, l'empreinte laissée par la famille et le passé. Une de ses interrogations constante est notamment celle de la part d'héritage que chacun est prêt à accepter.

Par-delà la suite d'introspections personnelles dans laquelle la série nous glisse, c'est le relationnel qui reste au cœur de l'histoire. Rarement une fiction aura pris soin de cultiver une chaleur humaine communicative comme peut le réussir Pan to Supu to Neko Biyori. Il y a quelque chose de profondément réconfortant qui émane de ce drama. Ce dernier s'emploie à renouer des liens, notamment ceux distendus du passé, tout en étant aussi une invitation à s'ouvrir à de nouvelles connaissances. Le restaurant joue dans ce registre de socialisation un rôle clé : il apparaît à la fois comme un lieu de rencontres et un espace de travail. A partir de ce parti pris, le scénario se bâtit sur des conversations qui prennent souvent une tournure intime : il s'agit de mieux connaître l'autre, mais aussi d'apprendre à se connaître. Pour parachever la tonalité particulière, l'ensemble se développe suivant un fil culinaire que ne renierait aucun food drama. L'attention réservée au contenu des repas confirme à quel point cette série joue sur le ressenti du téléspectateur, pour lui offrir une incursion lente et posée dans un petit bout de société japonaise.

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Pan to Supu to Neko Biyori mise beaucoup sur sa faculté à toucher le téléspectateur. Si la série y parvient aussi efficacement, elle le doit également au style formel adopté. La réalisation est en effet particulièrement réussie : la caméra se réapproprie pleinement l'espace, maîtrisant très bien les plans larges et offrant aussi quelques jolis instantanés esthétiques de scènes du quotidien. Le récit respire une chaleur humaine qui est renforcée par une photographie soignée dans laquelle domine les teintes claires et les couleurs chaudes. Le tout est en plus accompagné par une bande-son discrète, mais parfaitement dosée, d'où ressortent notamment les chansons accompagnant les génériques de fin. Tout concourt donc à cultiver une ambiance très particulière qui laisse difficilement indifférent.

Enfin, Pan to Supu to Neko Biyori peut aussi s'appuyer sur un casting solide qui est au diapason de la tonalité recherchée. Il s'agit avant tout de faire ressortir la spontanéité, l'humanité, mais aussi la vulnérabilité de ces personnes qui s'interrogent, se cherchent - et finissent par se trouver en prenant des décisions. C'est Kobayashi Satomi (Don Quixote) qui interprète, avec une justesse jamais prise en défaut, Akiko. A ses côtés, on retrouve Kana, qui joue son assistante, Mitsuishi Ken (Lady Joker, Henshin Interviewer no Yuuutsu), Shiomi Sansei (Rondo, BOSS), Minami, Ichikawa Miwako (Mother, Kumo no Kaidan), Kase Ryo (Camouflage), Motai Masako (My Boss, My Hero) et Kishi Keiko (99-nen no Ai ~ Japanese Americans). Tous ces acteurs forment un casting homogène qui donne une assise solide au récit.

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Bilan : Fiction calme, emplie de chaleur humaine, Pan to Supu to Neko Biyori est un drama qui s'affranchit en partie des contraintes calibrées du format sériel. Doté d'une écriture simple et pudique, il nous introduit avec sobriété dans le quotidien de différents protagonistes. Par sa façon de chérir les relations humaines et de s'interroger sur l'héritage que chacun doit au passé, il est une forme de retour aux sources, tout autant qu'une invitation à s'accomplir personnellement. S'il nous glisse dans un pan de culture japonaise, les questionnements existentiels qu'il fait partager, sur les choix à faire et la manière dont chacun peut trouver sa place, ont une résonance universelle qui interpellera tout téléspectateur. D'autant plus que, par-delà son sujet, la série se démarque par l'ambiance très particulière qu'elle parvient à installer.

En résumé, c'est un mets sériephile japonais à part, mais que je conseille de consommer sans modération.


NOTE : 8,25/10


L'ultime générique (chorégraphié) concluant la série (qui confirme le côté un peu "à part" du drama) :

21/02/2014

(UK) Inside No. 9 : rebondissements et humour noir pour une anthologie enthousiasmante

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Depuis le 5 février 2014, BBC2 diffuse une nouvelle comédie, Inside No. 9, signée Reece Shearsmith et Steve Pemberton (deux des co-créateurs de The League of Gentlemen). Avec cette fiction, ces derniers poursuivent une expérience qu'ils avaient initiée dans leur précédente série, Psychoville : il s'agit en fait ici d'explorer plus avant le concept qui avait sous-tendu l'épisode 4 de cette dernière, à l'inspiration Hitchcock-ienne revendiquée (en référence au film La Corde, de 1948). La saison 1 de Inside No. 9 comptera six épisodes, d'une demi-heure chacun ; une saison 2 a d'ores et déjà été annoncée -avant même le début de la diffusion.

Inside No. 9 étant une anthologie, cela rend l'exercice du critique plus difficile : les épisodes sont en effet extrêmement différents les uns des autres, et mériteraient presque de se voir consacrer une suite de critiques indépendantes, tant le concept de départ y est décliné sous des facettes diverses. Écrire un billet sur le "pilote"/premier épisode aurait donc été trop limité. J'ai patienté. Après trois épisodes, nous voilà déjà à mi-chemin de la première saison. Et Inside No. 9 confirme, semaine après semaine, qu'elle sait entraîner le téléspectateur vers des chemins aussi déroutants que savoureux.

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Le point commun de tous les épisodes de Inside No. 9 est qu'ils se déroulent à huis clos dans un lieu situé au numéro 9 : il peut s'agir d'un appartement, d'une maison ou d'une villa, le cadre pouvant ainsi considérablement changer. Chaque histoire est indépendante, dotée d'une construction également très variable : certaines se déroulent sur une très courte période, presque en temps réel -une soirée par exemple-, d'autres couvrent au contraire une durée beaucoup plus longue, permettant de suivre l'évolution de personnages. Partant d'un tel cadre quasi théâtral, Inside No. 9 offre un véritable condensé de twists et de rebondissements, servis par une écriture noire, humoristique à l'occasion, régulièrement déroutante, qui nous conduit invariablement jusqu'à une chute finale, toujours sombre, parfois proprement jubilatoire.

Parmi les trois premiers épisodes, le plus marquant est incontestablement le deuxième (A Quiet Night In). Il relate une soirée animée dans une riche villa, au sein de laquelle tentent de s'introduire deux cambrioleurs guère doués convoitant un précieux tableau. Cet épisode est un véritable exercice de style comique, maîtrisé de bout en bout. En dehors de la dernière scène, il s'agit d'une demi-heure entièrement muette (une forme d'hommage au cinéma muet), parfaitement cadencée par une bande-son qui exploite les divers bruits de la maisonnée (musique, télévision, outils de cuisine...). L'humour y est résolument burlesque, rythmé par de multiples rebondissements, où l'inattendu surgit fréquemment comme un ressort comique efficace. A Quiet Night In est en résumé une expérience télévisuelle, assez fascinante, qui se vit devant son petit écran. C'est l'épisode incontournable de cette première moitié de saison : celui qui mérite à lui-seul le détour.

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Les deux autres épisodes de Inside No. 9 ont cependant aussi leurs atouts. Ce sont des essais dans des registres très différents, qui partagent tous une même maîtrise d'écriture et un sens du twist qui savent provoquer plus d'un moment jubilatoire. Le premier épisode est clairement le plus déroutant et surprenant : toute son histoire tourne autour d'un étrange jeu de cache-cache dans une maison familiale, aboutissant à faire s'entasser dans une grande armoire tous les protagonistes. A l'opposé complète du deuxième, c'est entièrement sur les dialogues que la demi-heure repose. Ces derniers sont joyeusement ciselés, oscillant entre piques et flottements, entre malaises et silences, le tout avec cette gêne inhérente à des retrouvailles quelque peu forcées. La chute, très noire, offre une conclusion pesante à ce qui a longtemps semblé la déclinaison d'une idée volontairement loufoque, voire absurde.

Quant au troisième épisode, diffusé ce mercredi soir en Angleterre, il s'échappe presque du genre comique pour offrir un récit pourtant fidèle, dans l'esprit, aux précédents. En une demi-heure, le téléspectateur assiste à la descente aux enfers d'un enseignant qui se coupe peu à peu de la société, sous l'influence d'un individu qui s'est invité chez lui. C'est la construction narrative qui est ici déterminante, l'histoire prenant cette fois le temps de s'étaler sur plusieurs semaines. Celle-ci paraît, par rapport aux deux premières, presque prévisible. Mais le scénario nous conduit admirablement à une suite de twists dans le dernier tiers de l'épisode, durant lequel s'enchaînent des rebondissements surprenants, pour aboutir à une chute, toujours sombre, qui, sorte d'ultime pied de nez, correspond parfaitement à la tonalité de l'ensemble.

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Enfin, s'il vous faut une dernière raison pour vous convaincre de vous installer devant l'intrigante Inside No. 9, ce sera son casting. Reece Shearsmith et Steve Pemberton (The League of Gentlemen, Psychoville) apparaissent dans beaucoup d'épisodes, mais les deux ne sont pas présents dans tous. A leurs côtés, l'épisode 1 est celui qui rassemble le plus de protagonistes : c'est ainsi l'occasion de croiser Anne Reid (Five Days, Last Tango in Halifax), Katherine Parkinson (The IT Crowd, Whites), Anna Chancellor (Spooks, The Hour), Julian Rhind-Tutt (Green Wing, The Hour), Timothy West (Bleak House), Ophelia Lovibond (Titanic : Blood and Steel), Ben Willbond (Rev, The Thick of It), Tim Key ou encore Mark Wootton (La La Land, Delocated). Dans le deuxième épisode, on retrouve Oona Chaplin (The Hour, Game of Thrones, Dates) -un casting doublement parfait pour cet essai d'épisode muet- et Denis Lawson (Jekyll, Marchlands). Quant au troisième, c'est Gemma Arterton (Tess of the D'Urbervilles) qui intervient aux côtés du duo principal. 

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Bilan : Avec son concept de huis clos qui lui confère une dimension presque théâtrale, Inside No. 9 fait preuve d'une solide maîtrise de sa narration pour manier des rebondissements multiples et une bonne dose d'humour noir, tout en cultivant un sens aiguisé de la chute finale. Comme toute anthologie, la diversité des épisodes proposée fait que tous ne marquent pas pareillement, mais ce format permet à la série de constamment se renouveler. Ces trois premiers épisodes peuvent dérouter, mais ils ne déçoivent pas. En particulier le deuxième, qui offre un sacré moment de télévision comique (il mérite au moins de prendre une demi-heure pour le regarder comme un unitaire).

Quant au public visé, ceux qui apprécient les œuvres de Reece Shearsmith et Steve Pemberton devraient se laisser embarquer facilement. Plus généralement, Inside No. 9 ne devrait pas laisser indifférent les téléspectateurs curieux qui souhaiteraient glisser dans leurs programmes une dose de comédie britannique inventive. 


NOTE : 7,75/10


Un extrait de l'épisode 1 :

Un extrait de l'épisode 2 :

16/02/2014

(Pilote EST) ENSV: Eesti Nõukogude Sotsialistlik Vabariik (RSSE) : une comédie familiale en république soviétique


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Aujourd'hui, reprenons nos excursions sériephiles (européennes) : direction l'Estonie ! Les plus anciens lecteurs parmi vous s'en souviennent, ce n'est pas la première fois que My Télé is rich! pose ses valises dans ce pays d'Europe du Nord. En effet, il y a deux ans, le visionnage de Klass - Elu pärast avait été une véritable claque téléphagique ; il s'agit d'une de ces séries dont on ne ressort pas tout à fait indemne, mais à l'égard de laquelle on reste admiratif et marqué. C'était déjà Eurochannel qui avait permis cette découverte, et c'est à nouveau cette même chaîne qui nous entraîne en Estonie en ce début d'année, cette fois pour ENSV: Eesti Nõukogude Sotsialistlik Vabariik (RSSE en version française).

Avec ENSV, nous nous situons dans un registre très différent, celui de la comédie. Et même de la comédie dite "historique" pourrait-on dire, puisque la série entreprend de nous ramener trois décennies en arrière au temps d'une Estonie soviétique et du quotidien que connaissait le pays au début des années 80. A partir du thème soviétique, c'est donc pour une fois l'occasion de quitter l'espionnage exploré avec The Americans ou Seventeen Moments of Spring pour découvrir un nouveau genre. Réalisée par Ain Mäeots et Marko Piirsoo, la série a trouvé son public en Estonie, puisque, diffusée depuis 2010, elle compte à ce jour déjà quatre saisons. C'est la première qui débutera le dimanche 23 février prochain sur Eurochannel. Les épisodes sont courts : ils durent une petite demi-heure. C'est le moment d'être curieux...

[La review qui suit a été écrite après le visionnage des deux premiers épisodes.]

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ENSV renvoie le téléspectateur au temps de la RSSE (la République Socialiste Soviétique d’Estonie). La série s'ouvre en effet en novembre 1982. Elle se propose de nous faire suivre le quotidien d'une famille estonienne ordinaire. Ainsi, chez les Kadak, il y a tout d'abord la mère, membre du parti communiste. Elle a installé chez elle son nouveau compagnon, tandis que son mari, absent, vogue en mer. Elle a aussi deux enfants, désormais grands adolescents ; la passion de l'un d'eux pour tout ce qui vient de l'Ouest et notamment de Finlande ne manque jamais de causer quelques problèmes. Il faut dire que le grand-père non plus ne souscrit guère au régime, et ne rate plus généralement jamais une occasion de s'élever contre tout ce qui est russe... Or la famille doit partager son appartement avec une vraie communiste intransigeante, dont le fils fait partie de la militsia. Face à de tels protagonistes, les petites tranches de vie promettent donc d'être animées.

Assez logiquement, c'est sur la dimension historique de son récit que ENSV se démarque en premier lieu. L'objet de la fiction est clairement une œuvre de reconstitution de la société estonienne des années 80. Il s'agit de jeter un éclairage -avec une touche d'humour décalé, fonctionnant souvent à froid- sur tout ce qui caractérisait la vie d'alors, sous ce régime autoritaire. Chaque épisode est donc rempli de références, voire de petits clins d’œil à des spécificités d'époque. Il est important de signaler que ces derniers ne sont jamais perdus pour le téléspectateur étranger car, par souci d'accessibilité aux plus jeunes générations estoniennes qui n'ont pas vécu cette période, se glissent dans le récit de petites parenthèses explicatives qui présentent en accéléré, avec des schémas, certains aspects du quotidien, tels, par exemple, les programmes télévisés. De même, le premier épisode choisit un point de démarrage emblématique : il s'ouvre le 11 novembre 1982, avec l'annonce de la mort de Brejnev. Entre réaction endeuillée officielle et préoccupations toutes personnelles bien éloignées, l'épisode se construit sur cette dualité sur laquelle il va pleinement jouer.

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L'originalité de ENSV tient toute entière dans ce cadre soviétique et les problématiques particulières, voire les anecdotes d'époque, qu'il permet d'évoquer. Sinon, la série emprunte les ficelles narratives les plus traditionnelles de la comédie familiale, revenant ici sur un terrain connu du téléspectateur : l'ensemble est assez prévisible, mais sympathique. L'inspiration des codes des sitcoms occidentales est d'ailleurs perceptible. La série est quasiment entièrement tournée en intérieur. Au cours des deux premiers épisodes, l'action se concentre sur un espace limité : l'appartement partagé, pouvant exceptionnellement nous entraîner jusqu'au bureau où travaille la mère, voire au pied de l'immeuble. La promiscuité causée par le partage du lieu de vie entre deux familles multiplie les sources de tension potentielles, en plus de celles liées à une famille Kadak "recomposée", les enfants n'acceptant qu'avec réticence le nouveau compagnon de leur mère. Cette dernière est d'ailleurs le personnage qui s'impose avec le plus de force au cours de ces deux premiers épisodes ; elle régit en effet sa vie et sa carrière avec poigne.

Sur la forme, la réalisation prend assez peu d'initiative notable, tout au plus s'efforce-t-elle de retranscrire le dynamisme impulsé par un rythme de narration toujours vif. Quelques images d'archives se glissent également dans le montage, renforçant cette volonté d'une reconstitution authentique. Le générique, très simple, est d'ailleurs à cette image (pour un aperçu, je vous renvoie au premier épisode en ligne sur YouTube, disponible par là). Côté casting, au sein de la famille dont les représentants sont les protagonistes principaux, on retrouve Laine Mägi (déjà croisée dans Klass - Elu pärast), Mait Malmsten (Kelgukoerad), Tiit Sukk, Liisa Pulk, Feliks Kark et Indrek Taalmaa (Tuulepealne maa). Dans le rôle des voisins envahissants avec qui les Kadak partagent leur appartement, on retrouve Argo Aadli (Nurjatud tüdrukud) et Helene Vannari (Wikmani poisid). Tandis que Paul Laasik (Kelgukoerad) interprète un membre du parti, collègue de travail de la mère.

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Bilan : Comédie familiale calibrée et sympathique, ENSV se démarque au sein de ce genre assez balisé par le décor soviétique qu'elle plante en arrière-plan. En effet, à travers le quotidien d'une famille estonienne du début des années 80, c'est la reconstitution d'une époque que vise la série, le récit multipliant les références et les anecdotes sur ce qui parsemait alors la vie en régime soviétique. Cette dimension culturelle et historique particulière est ce qui fait la spécificité de la fiction. La brièveté des épisodes, et le rythme narratif rapide avec lequel les épisodes sont menés, rendent l'ensemble très accessible.

En somme, c'est une curiosité, de tonalité légère, qui jette un éclairage intéressant sur l'Europe soviétique et la vision que peut en cultiver, aujourd'hui, un pays balte comme l'Estonie.


NOTE : 6,75/10


La bande-annonce de la série (en VOSTF) :

14/02/2014

(US) Sleepy Hollow, saison 1 : cavalier sans tête, Apocalypse et duo de choc

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Débarquée cet automne 2013 sur la Fox, Sleepy Hollow est la bonne surprise de la saison parmi les nouveautés des grands networks américains. J'avoue pourtant que c'était d'un œil quelque peu perplexe que j'avais parcouru son synopsis lorsque la série avait été commandée. En guise de libre adaptation de la nouvelle de Washington Irving, j'avais vaguement en tête le film de Tim Burton, mais le résultat du pitch proposé laissait songeur... Treize épisodes plus tard, les doutes ont été balayés : la série s'est imposée comme un divertissement fantastique aussi décomplexé que rafraîchissant. Très plaisant.

Pour les retardataires, rappelons brièvement que Sleepy Hollow met en scène deux personnages aux destinées liées, un soldat de la fin du XVIIIe siècle ayant participé à la guerre d'indépendance des États-Unis et une policière contemporaine. Ils se retrouvent confrontés à des forces démoniaques œuvrant pour rien moins que... l'Apocalypse.

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Servis à un téléspectateur qui, au cours des deux dernières décennies a vu évitées plus d'une apocalypse, de Buffy à Supernatural, les bases de départ sonnent logiquement familières. Il faut cependant reconnaître que Sleepy Hollow parvient à se réapproprier cette idée de lutte ultime pour en proposer sa propre version. La série entremêle et revisite joyeusement les références bibliques (les cavaliers de l'Apocalypse) et celles de l'Histoire américaine (la guerre d'Indépendance), faisant par exemple de Washington, non plus seulement un père fondateur du pays, mais aussi un combattant contre des forces occultes à l’œuvre. La fiction offre ainsi une relecture de divers passages des premières années d'indépendance des États-Unis à la lumière d'un conflit surnaturel combattu dans l'ombre. Dans ces flashbacks historiques, comme dans le présent, elle décline toujours avec enthousiasme ses classiques du folklore fantastique, voire de l'horreur, entre démon, cavalier sans tête/de l'Apocalypse et sorcières.

Pour exploiter cet univers, Sleepy Hollow repose sur une construction feuilletonnante où le toutélié est bien calibré. C'est-à-dire que les épisodes proposent des affaires/enquêtes qui peuvent sembler au départ indépendantes, mais qui finissent par rejoindre d'une façon ou d'une autre la trame principale, apportant ainsi de nouveaux développements aux grandes manœuvres en cours. La série tire ici partie d'un format de 13 épisodes, utilisé à bon escient, qui n'a opportunément pas été rallongé par la Fox. S'il y a bien quelques épisodes plus creux, l'intrigue progresse vite, sans temps mort, avec une mythologie qui s'étoffe rapidement. La fiction assume crânement son concept et, surtout, trouve l'approche et la tonalité qui conviennent : ne pas se prendre excessivement au sérieux, être capable de piques et de réparties plus légères, tout en ne négligeant pas une dimension plus dramatique et émotionnelle -car les personnages vont traverser des épreuves éprouvantes.

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Cette écriture entraînante est rythmée par les nombreux rebondissements et révélations sur lesquels la série sait parfaitement jouer pour ne jamais risquer de faire du surplace -le final est à ce titre un modèle d'exécution particulièrement enthousiasmant. Cependant le charme de Sleepy Hollow doit aussi beaucoup à la dynamique d'un duo principal qui fonctionne immédiatement à l'écran. Par-delà le caractère improbable de leur association, tant les deux personnages sont différents, la série exploite très bien la source inépuisable de décalages, humoristiques ou non, qu'offre l'idée de parachuter un homme du XVIIIe siècle dans le présent, sans pour autant trop en faire. A mesure que la confiance et l'estime se construisent entre Ichabod et Abby, sont peu à peu posées les bases d'une amitié solide entre ces deux figures réunies par le destin. Sans ambiguïté, ni la moindre tension sexuelle, leur complicité est extrêmement plaisante à suivre et constitue probablement la fondation la plus pérenne sur laquelle peut miser la série.

Côté casting, Tom Mison (Lost in Austen, Parade's End) déclame son texte avec un côté théâtral qui sied parfaitement à ce personnage d'un autre temps. Son accent, comme ses habits (la mode moderne lui restant viscéralement étrangère), renvoie l'image d'un personnage échappé d'un costume drama et propulsé dans un présent auquel il se heurte à bien des changements, mais dans lequel il va peu à peu prendre pied, mobilisé par la lutte en cours, mais aussi par son espoir de retrouver/délivrer son épouse Katrina (interprétée par Katia Winter (Dexter)). Face à lui, Nicole Beharie interprète avec aplomb une jeune femme déterminée, dont la façade assurée cache aussi des blessures plus anciennes. En ce qui concerne les personnages plus secondaires, en positif, il faut signaler la présence de John Noble (Fringe) pour un rôle à multiples facettes. En plus négatif, le temps d'écran d'Orlando Jones aurait sans doute pu être réduit sans peser sur le développement de la trame principale...

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Bilan : Réjouissant divertissement surnaturel, la saison 1 de Sleepy Hollow doit beaucoup à une écriture directe et efficace, qui exploite pleinement et sans détour le concept de la série, en trouvant la tonalité qui convient. Elle ne tergiverse jamais : on entre immédiatement dans le vif du sujet et l'histoire progresse vite. Chaque épisode est utilisé pour apporter une pierre supplémentaire à l'édifice en construction, ce qui permet à la mythologie de se densifier rapidement. Cependant, si le téléspectateur se laisse happé par ce rythme narratif très vif, c'est la dynamique du duo principal qui fait la petite différence supplémentaire. La série propose en effet sa propre déclinaison de l'association improbable de deux figures dissemblables, unies pour une même cause ; et cela fonctionne.

Jusqu'au terme de son treizième épisode, Sleepy Hollow a ainsi su conserver son style et son énergie des débuts. Le final a été à la hauteur. Rendez-vous donc pour une saison 2 afin de voir si les scénaristes confirment et continuent de développer cet ensemble fantastique.


NOTE : 7/10


La bande-annonce de la série (en VOSTF) :