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31/03/2012

(UK) Being Human, saison 4 : un nouveau départ pour une série fidèle à elle-même

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Bien négocier cette saison 4 était sans doute le plus grand défi qu'ait jamais relevé Being Human depuis sa création. Ayant toujours fait de ses personnages son atout principal et les garants de la fidélité du public, la série allait devoir prouver sa capacité à se renouveler. Car, dans la continuité du final sur lequel elle nous avait quitté, le premier épisode de la saison 4 sera celui qui referme définitivement un chapitre : celui de la première ère de Being Human. En effet, du trio original, seule Annie demeure fidèle au poste, protectrice autoproclamée du bébé laissé derrière eux par George et Nina, Eve, un War Child qui suscite tant d'attentions.

Le téléspectateur pouvait naturellement craindre que la série ne s'égare dans une sorte de re-boot maladroit, devenant un ersatz sans saveur de ce qui avait fait cette fiction. Mais les scénaristes feront le bon choix : celui de rester fidèle au cadre conceptuel de la série, cette idée, un peu farfelue sur le papier, d'une cohabitation entre un vampire, un loup-garou et un fantôme, chacun s'entraidant pour supporter leurs conditions respectives. Et parvenant à introduire de nouveaux protagonistes ou en développant de plus anciens, comme Tom désormais esseulé, la saison 4 n'aura pas démérité. Certes, certains schémas narratifs invariables ont perdu un peu de leur charme, mais dans l'ensemble, la greffe tentée aura permis de passer 8 épisodes très sympathiques.

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Si Annie symbolise la continuité et la fondation sur laquelle s'appuyer, la première réussite de cette saison 4 tient à sa faculté à reformer des dynamiques au sein d'un nouveau trio principal reconstitué dans les deux premiers épisodes. On y retrouve des éléments familiers, mais aussi certaines approches très différentes, notamment dans le duo loup-garou/vampire qui s'esquisse. En effet, lorsque le téléspectateur avait rencontré pour la première fois George et Mitchell, ces derniers avaient déjà une solide amitié établie en dépit de leur nature respective. Ici, l'association de départ est plus malaisée et difficile. La saison va nous permettre d'assister à la construction d'une confiance fragile, se consolidant peu à peu. Du respect qui s'installe naîtra même une véritable amitié. Ainsi, non seulement la paire formée par Tom et Hal, véritable valeur ajoutée de la saison, fonctionne très bien, mais de plus, tout en ne reniant pas les thématiques classiques liées à leur antagonisme de loup-garou et de vampire, la série ne se contente pas d'un simple copier-coller du passé.

L'éducation de Tom au milieu d'un environnement surnaturel hostile omniprésent et ses réflexes de combattant rendent le personnage très différent des incertitudes que pouvait manifester George. Sa jeunesse est également un facteur non négligeable : il va devenir adulte au fil de la saison. A l'opposé, si Hal a des problèmes typiquement vampiriques, devant combattre cette soif de sang jamais assouvie, c'est aussi un vampire très âgé (un "Old one"), qui a du recul par rapport à sa condition et aussi à ses illusions. Enfermé depuis longtemps dans un cycle qui semble insurmontable, où à des décennies de sevrage succèdent des décennies de sauvagerie indescriptible, il cherche constamment à maintenir un équilibre. La ritualisation de son quotidien, qui confine à des troubles obsessionnels compulsifs, ainsi que son ouverture progressive sur le monde que lui permettent ses nouveaux colocataires, apportent une complexité à ce personnage très intéressant se dévoilant peu à peu.

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Fidèle à ce qui fait le charme de la série depuis ses débuts, la saison 4 s'attache donc à développer une dimension humaine très appréciable. Elle se rappelle aussi que c'est à la croisée des tonalités, dans ces oscillations entre passages légers et drama horrifique, que Being human s'est créée une identité à part dans le registre du fantastique. Evitant toute sur-dramatisation, la série trouve un juste équilibre. Si les évènements causeront leur lot de morts, et en dépit d'un fil rouge clairement apocalyptique, la saison 4 sera néanmoins moins sombre et désespérée que la troisième. Peut-être est-ce parce que, malgré toutes les menaces, elle donnera toujours la priorité à l'exploration et au développement des personnages principaux, ne négligeant pas non plus les créatures surnaturelles de passage le temps d'un épisode. Rafraîchissante et humaine, elle suscite l'attachement du téléspectateur, fidélisant un public qui, finalement - et presque par surprise en ce qui me concerne -, en vient à apprécier le sang neuf permis par ce nouveau départ.

Au-delà de ses atouts inchangés, Being human conserve aussi ses faiblesses. En premier lieu, c'est la mythologie de la saison, centrée sur Eve et l'arrivée prochaine des Old Ones, anciens vampires décidés à s'approprier le monde, qui peine à convaincre. Si les perspectives apocalyptiques sont efficaces, le mystère autour du War Child sonnera toujours un peu trop creux. Par ailleurs, la série laissera entrevoir de bonnes idées, avec un potentiel intéressant, mais la chute finale ne sera pas toujours à la hauteur, à l'image de Nick Cutler, vampire pragmatique censé nous faire patienter jusqu'aux Old Ones et qui finira par leur voler la vedette et le titre de méchant le plus réussi de la saison. Outre ses excellentes lignes de dialogues ("They're eating my focus group !"), c'est un personnage qui va acquérir une vraie dimension au fil des épisodes, pour rencontrer une fin aussi expéditive que décevante dans le dernier épisode. Le fil rouge aura donc eu ses promesses inachevées, sans pour autant que cela porte préjudice à la saison en elle-même.

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Enfin, côté casting, Being Human peut une nouvelle fois s'enorgueillir d'accueillir quelques guest stars particulièrement convaincantes, comme Mark Gatiss (Sherlock) dans le dernier épisode. Cependant, celui qui a le mieux tiré son épingle du jeu est indéniablement Andrew Gower (Monroe) qui, tout au long de la saison, a bénéficié des ces quelques répliques qui marquent. Il aura fait un très bon travail pour incarner, avec aplomb et distance, Cutler, vampire adepte des nouvelles technologies ne manquant pas de ressources. Dans un autre registre, Kate Bracken s'est également très bien imposée en potentielle petite amie, puis fantôme au fort caractère.

Parmi le trio principal, Lenora Crichlow est restée fidèle à elle-même, dans un rôle parfois un peu agaçant mais qui garde sa logique. Michael Socha interprète avec une spontanéité bienvenue Tom ; il a l'art de savoir nous rappeler soudain, au détour d'une réaction immature, qu'en dépit des épreuves et des horreurs, Tom reste un jeune homme qui a tant à apprendre. Mais ma révélation personnelle de la saison aura été Damien Molony, acteur irlandais charmant que je n'avais jamais eu l'occasion de croiser jusqu'à présent dans le petit écran. Il réussit à retranscrire de manière convaincante toutes les facettes de Hal, du vampire maniéré avec son quotidien entièrement ritualisé au charismatique et puissant buveur de sang. Jouant sur l'ambivalence de son rôle, mais aussi sur sa transformation progressive au contact des deux autres membres du trio, il aura vraiment réussi à trouver très vite ses marques dans l'univers de la série.

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Bilan : La saison 4 de Being Human a offert à la série un nouveau départ. Au vu de la place déterminante qu'ont toujours occupée les personnages, redistribuer les rôles et repartir avec de nouveaux protagonistes principaux était loin d'être un pari gagné d'avance. Pourtant, en restant fidèle à elle-même, à son fantastique à la tonalité mi-drama, mi-comédie, à sa mise en valeur soignée de personnages attachants, la série a réussi à relativement bien négocier ce tournant difficile, conservant également ses limites mythologiques structurelles. Ce n'est plus le Being Human que nous connaissions, mais elle a précieusement conservé l'âme du show. C'est le plus important.

Une saison 5 de 6 épisodes a d'ores et déjà été commandée ; et s'il est acquis qu'Annie ne reviendra pas, je serai au rendez-vous pour la suite des aventures de Hal, Tom et des autres...!


NOTE : 7/10 


La bande-annonce de la saison :

Le prequel de Hal : 

 

28/03/2012

(K-Drama / Pilote) The King 2 Hearts : des relations pimentées sur fond de rapprochement des deux Corées


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Le printemps est là ! Il ne se limite pas au ciel bleu et à ces températures tempérées. En Asie, les saisons télévisuelles suivent le rythme du climat. C'est donc l'arrivée dans les grilles de nouvelles séries. Si l'hiver m'avait assez peu emballé en Corée du Sud (hormis History of the Salaryman), les projets des grandes chaînes annoncés pour ce printemps aiguisent déjà plus ma curiosité. Sauront-ils me convaincre ? C'est une autre histoire. La semaine dernière avait lieu la première grande confrontation entre les chaînes qui lançaient toutes leurs nouveautés des mercredi et jeudi soirs. Dans cette lutte des audiences, c'est King 2 Hearts qui en est sortie vainqueur, avec plus de 16% d'audience. 

Ce drama n'était pas forcément celui que j'attendais le plus, même si la seule présence de Ha Ji Won l'avait logiquement placé en haut de la pile à découvrir. Ce sera donc la première série du printemps asiatique évoquée sur ce blog. Lancée le 21 mars 2012 et diffusée sur MBC, elle est à ce jour prévue pour 20 épisodes. Si son genre (comédie, drame, romance, action ?) demeure pour le moment flou, le thème ne vous sera pas inconnu : on va encore parler de Corée du Sud, de Corée du Nord, et de mariage et d'amour, avec une approche cependant très différente de Korean Peninsula (Hanbando), ou même de Myung Wol the Spy l'an dernier. Les deux premiers épisodes n'auront pas suscité de coup de coeur, mais le drama a cependant quelques atouts...

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King 2 Hearts se situe dans une réalité alternative, dans laquelle la Corée du Sud est une monarchie constitutionnelle ; les deux Corées y sont pareillement séparées, avec une histoire passée semblable à celle de la réalité. Nous sommes dans une période de détente et d'esquisse de coopération entre les deux régimes, dans l'optique de consolider la paix dans la péninsule (même si cela ne plaît pas à tout le monde, et que certains spéculateurs ont au contraire intérêt à souffler sur les braises des différences entre les deux pays). Pour marquer cette alliance, rien de tel qu'une compétition durant laquelle les sud et nord-coréens se battront au sein d'une seule équipe et sous les mêmes couleurs. Ce sera la World Officer Championship (WOC) : une épreuve internationale qui voit s'affronter des militaires issus de différents pays.

Il est prévu que le Nord et le Sud fournissent 3 soldats chacun pour constituer l'équipe de six officiers qui représentera la nation coréenne dans son ensemble. Parmi les représentants du Nord, Kim Hyang Ah, une instructrice de fer dans les forces spéciales, se laisse convaincre par son supérieur de participer à l'épreuve. Au Sud, outre deux officiers sélectionnés sur leur mérite, le roi décide de faire un geste symbolique fort : il contraint son jeune frère, Lee Jae Ha, à être le troisième représentant de la Corée du Sud. Mais Jae Ha est avant tout un héritier irresponsable et frustrant qui n'a aucun sens de l'intérêt général...

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C'est après quarantes premières minutes relativement poussives que King 2 Hearts démarre véritablement. Dès le départ, un défaut récurrent du drama est perceptible : cette façon des scénaristes de céder trop souvent à la facilité et aux raccourcis. Ainsi, l'aperçu du passé du prince Jae Ha et de de son frère, puis l'introduction rapide des premiers enjeux, vont à l'essentiel, mais se déroulent de manière trop expéditive pour permettre de s'attacher en dépit de quelques scènes qui auraient mérité d'être approfondies. Une fois dans le présent, avec la situation du WOC et de cette union entre le Nord et le Sud posée, la série gagne considérablement en vitalité, se construisant sur les confrontations entre les personnages. Ce sont alors les dynamiques s'installant entre les deux protagonistes principaux qui retiennent l'attention : pimentées comme il se doit, rythmées par un sens de la répartie des plus piquants, cette relation conflictuelle saura provoquer quelques francs éclats de rire et même toucher. 

Cependant, paradoxalement, si Hyang Ah et Jae Ha partagent de manière convaincante toute sorte de scènes - aussi bien comiques et excessives, que intimes et dramatiques -, leurs personnages peinent à s'imposer individuellement. Le problème vient de la tendance des scénaristes à toujours vouloir forcer et grossir leurs traits de caractère. Si l'insolence et l'inconséquence de Jae Ha sonnent vite un peu répétitives, c'est surtout Hyang Ah qui frustre le téléspectateur. Le personnage se retrouve enfermé dans une psychologie binaire, oscillant entre la femme d'action et la trentenaire célibataire désespérée : loin de lui donner la moindre épaisseur, ce manque de subtilité de l'écriture empêche toute cohérence dans sa personnalité. Tiraillée entre des postures opposées et caricaturales, Hyang Ah sonne faux ; et l'on peine donc à s'attacher à elle. Ce manque d'empathie émotionnelle reste d'ailleurs la conséquence la plus problématique de ces débuts hésitants, même si le relationnel laisse entrevoir du potentiel.

king2heartsl.jpg Au-delà d'une dimension humaine demandant quelques ajustements - ce que le temps lui permettra peut-être -, c'est par sa tonalité très changeante que King 2 Hearts se révèle la plus déroutante. La série entreprend en effet, au cours de ces deux premiers épisodes, de brouiller les attentes du téléspectateur, se maintenant volontairement à la croisée de genres a priori sans rapport. C'est ainsi qu'elle alterne, souvent sans la moindre transition, et parfois au cours d'un seul et même échange, les passages dramatiques et les échanges plus comiques. Plus d'une fois, la tonalité bascule de manière inattendue, passant d'un registre grave et sérieux, à un scène légère qui pourrait tout droit être issue d'une comédie romantique. De la même façon que le personnage de Ha Ji Won, le drama y perd en cohésion, car les scènes aux tonalités très différentes sont souvent trop déconnectées entre elles pour parvenir à proposer un tout homogène.

Ce parti pris des scénaristes a cependant un objectif très clair : en tentant de jouer sur tous les tableaux, King 2 Hearts essaye de parler au plus large public possible. En effet, chacun y trouve obligatoirement en partie son compte durant ces deux premières heures : le drama réussit à trouver le temps de s'adresser aussi bien à l'amateur de drama sérieux avec un arrière-plan géopolitique accrocheur qu'à celui de comédies volontairement absurdes et excessives (ne me demandez pas dans quelle catégorie se classe la M society...). Il y en a pour celui qui rêve de future romance fleur bleue, comme pour celui qui savoure les séries d'action. Cette ambition "généraliste" a cependant ses limites : à refuser de choisir, la série entretient un flou agaçant sur son orientation future : quelle est donc la logique narrative à l'oeuvre ? Ce scepticisme qui naît au fil des deux épisodes est renforcé par le fait que si les styles sont très divers, l'écriture reste malheureusement très traditionnelle : il n'y a pas d'originalité, ni d'étincelle, dans un contenu qui manque de relief - hormis durant quelques rares moments réussis (comme la confrontation du prince avec son frère pour le force à rejoindre l'équipe de la WOC) - et ne surprend quasiment jamais.  

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Sur la forme, King 2 Hearts dispose d'un visuel soigné, et d'importants moyens mais qui ne sont pas toujours utilisés à bon escient. La réalisation est travaillée ; la caméra sait certainement mettre en valeur ses décors et dispose d'un certain oeil pour la mise en scène. Cependant le drama donne parfois le sentiment d'en faire trop. Plus que l'esthétique, c'est la bande-son qui frise l'overdose en morceaux de musique classique : à force d'omniprésence, ils tendent à devenir très pompeux. Cela produit sur le téléspectateur l'effet inverse de ce qui est recherché : cet étalage ostentatoire agace, et réduit sa patience vis-à-vis du drama sur le fond. J'aurais donc juste une demande pour la suite : un peu de sobriété !

Enfin, King 2 Hearts bénéficie d'un casting où chacun se voit attribuer un registre dont on sait qu'il le maîtrise parfaitement. Lee Sung Ki (Shining Inheritance, My Girlfriend is a Gumiho), en héritier inconséquent, remplit sa part du contrat ; tandis que Ha Ji Won (Damo, Secret Garden) renoue avec un rôle qu'elle connaît bien, même si malheureusement écrit de façon quelque peu schizophrène, alternant sans transition entre la femme d'action endurcie et celle qui se nourrit de rêves de mariage inaccessibles. Les deux acteurs fonctionnent en tout cas efficacement ensemble, et leurs scènes communes ne manquent pas d'une certaine alchimie. A leurs côtés, on retrouve Jo Jung Suk (What's up) - qui se rappelle au bon souvenir de nos oreilles dès le deuxième épisode -, Lee Yoon Ji (Heading to the ground) et Yoon Je Moon. 

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Bilan : Après un début quelque peu poussif, King 2 Hearts trouve progressivement son rythme en exploitant d'intéressantes dynamiques relationnelles qui se nouent entre les personnages. Navigant volontairement à la croisée des tonalités, le drama se veut rassembleur : chaque public qui y trouvera partiellement satisfaction. Cependant, doté d'une écriture manquant singulièrement de subtilité et de nuances, cédant trop souvent à des raccourcis faciles, il peine à trouver son identité. La série semble s'égarer entre les différents genres sans réussir à convaincre pleinement dans aucun des registres auxquels elle s'essaie. A la fois trop dispersée et trop calibrée, il lui manque une direction claire. 

C'est donc un drama peut-être à poursuivre pour encore quelques épisodes afin de voir comment évoluera la gestion des rapports au sein du duo principal, mais cela ne sera sans doute pas mon k-drama de la saison !


NOTE : 5,75/10


Une bande-annonce :

Une chanson de l'OST : 

25/03/2012

(Pilote EST) Klass - Elu pärast (La Classe) : le traumatisme d'un massacre dans un lycée... et la vie après ?

 
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Aujourd'hui, petit évènement, car My Télé is Rich! accueille un nouveau pays : l'Estonie ! Une nouvelle étape dans mon exploration de l'Europe du Nord permise grâce à Eurochannel qui continue de nous faire voyager : après la danoise Lulu & Leon en février, elle va proposer en ce mois d'avril consacré à l'Estonie, Klass - Elu pärast. Et pour ma première série estonienne, je ne pouvais sans doute pas mieux tomber ! Il faut dire qu'elle n'est pas une inconnue, puisqu'elle s'est fait remarquer dans divers festivals sur la fiction européenne : elle a ainsi été récompensée par le Reflet d'Or au Festival Cinéma Tous Ecrans en 2009, et a remporté deux awards au  Roma Fiction Fest 2010.

Plus précisément, la série est en réalité la suite d'un film estonien de 2007, Klass. S'il peut être recommandé d'avoir vu le film pour bénéficier d'une vue d'ensemble des évènements dès les premières scènes du pilote, la série ("Klass - Elu pärast" signifiant "La classe : la vie après") s'apprécie également indépendamment, traitant des suites du drame sur lequel se conclut le film. Initialement, le projet télévisuel devait voir le jour en 2009 et était envisagé pour une durée de 12 épisodes. Mais la crise économique a gelé un temps la production. Finalement, ce seront sept épisodes qui seront écrits par Margit Keerdo. La diffusion eut lieu à la fin de l'année 2010 en Estonie, sur ETV.

En France, Klass - Elu pärast (La Classe en VF) arrivera sur Eurochannel (canal 89 des bouquets SFR) le 29 avril prochain, à 20h. Et si la suite est à la hauteur de ce premier épisode, j'ai juste envie de vous donner un seul conseil : à vos agendas !

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Klass - Elu pärast se déroule à Tallinn, la capitale de l'Estonie. Elle s'ouvre sur une tragédie qui va bouleverser tout un lycée, et plus généralement tout le pays, résultat dramatique d'une escalade de violences que nul n'aura pu arrêter à temps. Souffre-douleurs de leur classe, suite à des tourments plus humiliants encore lors d'une soirée à la plage, deux adolescents, Kaspar et Joosep, se sont laissés emporter dans une folie meurtrière auto-destructrice. S'étant procurés des armes, ils ont ouvert le feu en plein lycée, abattant à bout portant cinq de leurs camarades de classe et en blessant trois. Si le film traite des évènements qui conduisent à cette fusillade tragique, la série va, elle, s'intéresser aux suites de ce drame : peut-il y avoir une vie après pour les survivants ou les proches des victimes ?

La construction narrative de Klass - Elu pärast va lui permettre de balayer tous les points de vue pour traiter du traumatisme en lui-même, comme du travail de reconstruction de chacun, en s'intéressant à un personnage différent par épisode. Le pilote, traitant de l'immédiat après les coups de feu, suit ainsi Kerli, une adolescente à part dans la classe, qui va se battre pour que les véritables raisons du geste des deux meurtriers soient connues. L'épisode éclaire les réactions des élèves face à leurs responsabilités dans l'engrenage ayant abouti à la fusillade. Au fil de la série, Klass - Elu pärast traitera des conséquences des évènements aussi bien du point de vue des lycéens, de leurs parents (le deuxième met en scène le parent d'un des tués), de leur enseignant et, pour le dernier épisode, du tireur survivant.

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Abordant sans détour un sujet difficile et très fort, la première chose qui marque devant Klass - Elu pärast, c'est son habileté à parfaitemennt négocier l'extrême sensibilité de son thème. Si la tragédie aurait pu entraîner un glissement lacrymal facile, il n'en est rien dans ce pilote qui fait preuve d'une justesse et d'une retenue impressionnantes. La force du récit tient ici à la sobriété de son écriture : c'est avec beaucoup de pudeur qu'est évoqué le traumatisme subi par les élèves, mais aussi par leur enseignant. Le soin apporté à la dimension psychologique se révèle impressionnant d'authenticité et de nuances. Si seuls quelques flashs au début de l'épisode montre au téléspectateur la fusillade, l'ombre de cette dernière pèse sur tout l'épisode. Il parvient à être à la fois sombre et poignant, sans éprouver jamais le besoin d'en faire trop, réussissant à proposer quelques scènes d'une intensité émotionnelle bouleversante par un simple échange de regards ou par un silence révélateur. Le pilote laissera au téléspectateur un arrière-goût amer (et quelques larmes salées).

Si la série peut être très dure en raison des évènements passés dont elle explore les conséquences, pour autant, elle entend aussi se tourner résolument vers l'avenir. Comme l'explique Margit Keerdo sur son blog, à mesure que Klass - Elu pärast va s'éloigner de la fusillade, les épisodes pourront être moins pesants, cependant le fil conducteur demeurera toujours ce futur en pointillé promis à ceux qui ont vécu d'une façon ou d'une autre l'évènement. Il s'agit de se demander quelle va pouvoir être la vie après ce basculement dans l'horreur tragique... est-elle d'ailleurs seulement possible ? Comment dépasser ce traumatisme tellement profond pour réapprendre à vivre ? Les insomnies de Kerli, ses flashbacks du jour du drame, illustrent bien les premières difficultés à surmonter. Au-delà de cet aspect, il est évident que les pistes de réflexion sont multiples à partir d'un tel sujet, et les thèmes à traiter particulièrement riches. Le potentiel est donc là : le premier épisode constitue une vraie claque dont le téléspectateur ne ressort pas indemme ; et on peut espérer que la suite de la série se poursuivra sur ces mêmes bases.

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De plus, il faut saluer la double ambition dont fait preuve Klass - Elu pärast : non seulement elle entend explorer les suites d'une fusillade dans un lycée, mais en plus, elle ne va pas hésiter à complexifier et à troubler les statuts de victimes et de bourreaux. Aucune lecture purement manichéenne n'est en effet possible : le geste de folie meurtrière des deux adolescents est aussi un geste de désespoir contre des camarades qui ont d'abord été leurs tortionnaires du quotidien. Par les nuances et questionnements qu'elle met en scène, la série parvient ici à une force et une intensité rares. Celui qui connaît le film d'origine sait déjà quel fut le dernier élément déclencheur du carnage, cette soirée à la plage qui aura été l'humiliation de trop pour les deux jeunes tireurs, il a donc sans doute une empathie plus immédiate pour ces derniers. Mais pour un téléspectateur qui découvre les faits dans le pilote, la mise au jour de ce douloureux partage des torts est sans doute encore plus dérangeante et bouleversante.

Indirectement, Klass - Elu  pärast exploite dans ce pilote un thème que je rapprocherais des séries japonaises centrées sur l'ijime (nom donné dans les écoles nippones à ces persécutions et brimades physiques et/ou morales subies par un élève). Pour avoir l'expérience de ces dernières, je dois dire que c'est vraiment la première fois que je regarde une série occidentale (et non asiatique) qui capture aussi admirablement toutes les dynamiques relationnelles à l'oeuvre - et leur violence - au sein de cette classe marquée par la tragédie. Le pilote traite avec beaucoup d'authenticité du déni dans lequel les élèves s'enferment, refusant de reconnaître leur responsabilité individuelle et collective dans le drame. Par la suite, la série pourra s'affranchir du cadre du lycée selon le personnage principal suivi (qui peut être un adulte) ; mais la subtilité apportée tant à la caractérisation des protagonistes qu'à leur psychologie laisse entrevoir de belles promesses pour prendre pleinement la mesure du sujet.

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Marquante par la maîtrise de son sujet sur le fond, Klass - Elu pärast est également très intéressante sur la forme. Un réel soin est apporté à la réalisation, réactive et proche des protagonistes mais aussi capable de plans d'ensemble où la symbolique de la mise en scène apparaît maîtrisée. Le visuel de la série est travaillé jusqu'à la photographie épurée, où l'on retrouve des teintes dominantes froides. Certes, c'est une série estonienne : les moyens et le budget limités sont perceptibles, quelques micros passent parfois dans le champ de la caméra ; mais dans l'ensemble, la série se révèle solide sur le plan formel. De plus, elle bénéficie d'une bande-son nerveuse qui reflète bien la tonalité ambiante, entre déchirements et reconstruction ; à l'image de son générique (cf. première vidéo en bas du billet).

Enfin, Klass - Elu pärast dispose d'un casting homogène qui se met au diapason de l'atmosphère dramatique. C'est sur Triin Tenso qu'est centré le pilote : elle délivre une interprétation sobre qui sonne authentique. Mais la dimension chorale de la série permettra à plusieurs acteurs de s'imposer au fil  des épisodes. Au Roma Fiction Fest 2010, Margus Prangel a ainsi remporté l'award du meilleur acteur dans une fiction dramatique pour sa performance de père de famille dans le deuxième épisode. En outre, on retrouve également parmi la galerie de protagonistes mis en scène, Vallo Kirs, Paula Solvak, Joonas Paas, Laura Peterson, Erik Ruus, Laine Mägi, Virgo Ernits, Kadi Metsla, Märt Meos ou encore Leila Säälik.

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Bilan : Forte d'un sujet riche et poignant sur l'après d'une tragédie humaine bouleversante, Klass - Elu pärast est une série qui ne manque pas d'ambitions. Elle se démarque par l'authenticité de son écriture et la sobriété générale de son ton. Tout en révélant la face la plus sombre des dynamiques relationnelles adolescentes, il s'agit plus généralement d'une série qui traite avec subtilité du deuil et de la reconstruction après un traumatisme, lequel est dû autant aux drames provoqués par l'explosion soudaine de violence, qu'au poids de la part de responsabilité que chacun porte dans le déroulement des évènements.

En résumé, une série qui mérite le détour tant pour son sujet que pour la justesse de son approche humaine et psychologique. Et la preuve qu'on trouve des séries intéressantes jusqu'en Estonie !


NOTE : 8/10


Le générique :

La chanson de la série (avec quelques images) :

24/03/2012

(Pilote SE) Kommissarie Winter (Les enquêtes du commissaire Winter) : une série policière humaine et visuellement superbe


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Arte est en train de me réapprendre à m'installer devant la télévision un soir de semaine. Et elle devient vraiment ma chaîne préférée : après Borgen, Whitechapel... ce jeudi soir marquait les débuts de Kommissarie Winter (Les Enquêtes du Commissaire Winter). A priori, les séries policières non feuilletonnantes ne sont pas ma tasse de thé, mais vous connaissez mes tendances un peu monomaniaques : de la même façon que le Danemark avait marqué mon année 2011, la Suède est la révélation 2012. Ma lune de miel sériephile suédoise est donc actuellement à son zénith. Et comme en plus, il semblerait que cette fin de mois soit dédiée au policier, puisque j'ai même craqué pour un cop show sud-coréen, c'était donc le moment où jamais d'apprécier Kommissarie Winter.

Cette série a été diffusée a été diffusée en Suède, sur SVT, en 2010. Ce n'est pas la première fois que les romans de Ake Edwardson sont portés à l'écran, puisqu'au début des années 2000, ils avaient déjà fait l'objet d'une série. Mais cette fois, c'est Magnus Krepper (déjà repéré ce mois-ci dans Bron/Broen) qui reprend le rôle du commissaire Erik Winter. La série comporte 8 épisodes, nous relatant en tout 4 affaires différentes (couvrant 2 épisodes), dont la première, Väneste Land, était diffusée ce jeudi. Pour en savoir plus, je vous conseille chaudement la lecture de l'interview du réalisateur, Trygve Allister Diesen, faite par LadyTeruki, lors d'un Scénaristes en Séries passé : elle a achevé d'aiguiser ma curiosité. Et au terme de la soirée, sans aller jusqu'à parler de coup de coeur, je dois dire que j'ai passé un bon moment devant mon petit écran !

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Kommissarie Winter se déroule dans la ville de Göteborg, une cité portuaire importante du sud-ouest de la Suède. La série se propose de nous faire suivre, couvrant à chaque fois deux épisodes, les enquêtes du commissaire Erik Winter et de son équipe. Ce policier instinctif, père de famille, ne manque généralement pas d'empathie envers les affaires, parfois très sordides et sanglantes, dont il a la charge, comme vont d'ailleurs très bien l'illustrer ces deux premiers épisodes.

Väneste Land s'ouvre sur la découverte de trois cadavres, aux visages massacrés ; employés abattus de nuit dans une petite supérette. L'affaire se transforme le lendemain en quadruple meurtre, lorsque la femme d'une des victimes est retrouvée égorgée chez elle. Leurs investigations obligent les policiers à intervenir dans un quartier sensible de l'agglomération, où la loi du silence semble régner, peu de personnes étant disposées à coopérer avec eux. Ecartant l'hypothèse d'un crime raciste, Erik Winter s'intéresse plus particulièrement à la communauté kurde. Autant que le ou les coupables, il cherche à comprendre quels motifs ont pu conduire à de tels crimes.

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Si la lecture du synopsis laissait entrevoir une série policière aux ingrédients très classiques, dès les premières minutes, le téléspectateur comprend que Kommissarie Winter ne va pas se contenter de ce seul matériau de base. L'ampleur du travail réalisé (notamment par le "concept director" mentionné dans l'interview de Trygve Allister Diesen) pour se contruire une identité propre au sein du genre policier se perçoit à tous les niveaux, aussi bien formels que dans la construction narrative de l'intrigue. Sur ce plan, si l'enquête est complexe, restant cependant toujours solide au-delà des fausses pistes, c'est la progression lente de l'histoire qui marque : les scénaristes prennent volontairement leur temps. 

Ce rythme peut dans un premier temps déstabiliser qui n'y est pas habitué, mais la série maîtrise parfaitement l'art des silences. Tous ces non-dits, ces plans parfois presque contemplatifs, apparaissent vite plus parlants, et surtout plus forts, que des discours précipités qui pointeraient des évidences. Car un des grands atouts de la série réside dans sa capacité à capturer l'ambiance du cadre dans lequel elle se déroule. C'est véritablement un récit dont le téléspectateur s'imprègne, se laissant immerger dans l'atmosphère patiemment construite, et dont chaque détail est travaillé. Presque paradoxalement, si tout tourne véritablement autour de l'enquête, la série renvoie l'impression que cette dernière n'est pas pour autant une fin en soi.   

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Dans cette perspective, une des forces de Kommissarie Winter va justement être que l'investigation n'y efface jamais l'humain. Loin du policier mécanique, c'est au contraire une série qui porte un intérêt sincère aux protagonistes qu'elle met en scène. Sur ce point, sans négliger les rôles secondaires, ni les témoins ou suspects de l'épisode, elle repose en grande partie sur les épaules de ce personnage assez fascinant qu'est Erik Winter. S'il ne manque pas de charisme, il n'en demeure pas moins toujours profondément humain. N'embrassant jamais le rôle du héros monolithique qui serait vite sans saveur, il conserve au contraire une forme d'ambivalence, une certaine faillibilité, qui permet au téléspectateur de s'attacher. 

L'inclinaison naturelle de Winter à mettre en avant un facteur humain, son intérêt obstiné pour comprendre tous les tenants et aboutissants, sa sensibilité instinctive aux passions et déchirements qu'il devine sous la surface, confèrent au personnage une épaisseur et une dimension appréciables. S'il apparaît logiquement désillusionné du fait de son métier, il ne peut rester indifférent à certaines situations ; s'il s'obstine à mener à bien son enquête jusqu'à mettre sa vie en danger, son vernis d'assurance peut brusquement se fissurer. Toutes ces ambiguïtés dévoilent ainsi un personnage très intéressant. A ce titre, l'insertion, tout au long des deux épisodes, de scènes durant lesquelles il lit un témoignage poignant, sans que l'on sache avant la fin précisément ce dont il s'agit, est parfaitement révélatrice du parti pris. Elle montre à la fois cette empathie qui rejaillit sur le téléspectateur, mais également la volonté de la fiction, en dépit de la noirceur de son histoire, de chérir une part d'humanité salvatrice.

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Le charme de Kommissarie Winter repose également beaucoup sur l'identité visuelle que la série se construit. Sur ce plan, la série est une bien belle réussite - que dis-je, une merveille ! Non seulement la photographie, travaillée et aux teintes claires et plutôt chaleureuses, est superbe, mais la caméra use d'une large palette d'effets pour construire l'ambiance et mettre en valeur les paysages suédois du côté de Göteborg. Un peu à la manière de Bron/Broen (je ne suis pas encore suffisamment familière du petit écran suédois, pour vous dire s'il s'agit d'une constante), la série s'approprie véritablement son cadre, exploite pleinement tous ses décors et nous offre quelques beaux plans en guise de transitions qui sont un vrai régal pour les yeux du téléspectateur. C'est le genre de fiction qui transmet une part du parfum du pays au sein duquel elle se déroule. De plus, la série bénéficie d'une bande-son également soignée, qui contribue à la tonalité d'ensemble, et s'ouvre sur un joli générique (cf. deuxième vidéo en bas du billet).

Enfin, si Kommissarie Winter fonctionne, elle le doit aussi à son interprète principal, Magnus Krepper. L'acteur avait déjà retenu mon attention dans un rôle très différent, et beaucoup plus inquiétant, dans Bron/Broen. Ici sa présence à l'écran, à la fois forte mais jamais dénuée d'une certaine ambivalence, sied parfaitement au personnage d'Erik Winter. Et si l'humanité du policier est une des caractéristiques qui marque le téléspectateur, c'est aussi parce que l'acteur est capable de laisser transparaître toutes les nuances contenues dans le scénario. A ses côtés, il est entouré par un casting homogène qui, s'il reste en retrait, trouve cependant aisément ses marques. Amanda Ooms incarne sa femme, tandis qu'au sein de la police, on retrouve Peter Andersson, Jens Hultén, Sharon Dyall, Viktor Trägårdh, Stig Engström ou encore Anna Åström

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Bilan : Série policière solide reposant sur un personnage principal assez fascinant, Kommissarie Winter se démarque et trouve sa place dans le genre des fictions d'enquêtes grâce à un soin particulier apporté à tous les niveaux. Sur le fond, sa narration volontairement lente, quasi-contemplative et privilégiant l'humain sans négliger le crime, tombe souvent juste, tandis que sur la forme, l'identité visuelle et esthétique de la série se révèle particulièrement réussie. Plus généralement, c'est une série qui surprend par sa capacité à créer une empathie avec le téléspectateur, misant beaucoup sur le ressenti de ce dernier pour le fidéliser. A découvrir. 


NOTE : 7,25/10


Une bande-annonce :

Le générique : 

21/03/2012

(K-Drama / Pilote) Special Affairs Team TEN : une intéressante série policière

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Restons en Corée du Sud en ce mercredi asiatique ! J'écris souvent que je n'aime plus guère les séries purement procédurales. Comme toutes les affinités téléphagiques, cela n'a rien de bien figé, et je ne demande qu'à croiser justement des séries qui bousculent mes préconceptions. C'est ce qu'il s'est passé samedi soir lorsque je me suis installée devant le (long !) pilote de Special Affairs Team TEN. Initialement, je l'avoue, j'avais laissé mes préjugés l'emporter à la fin de l'année dernière (du procedural policier? non merci...), mais quelques échos plus récents ont fini par éveiller ma curiosité.

Special Affairs Team TEN a été diffusé sur la chaîne du câble OCN, du 18 novembre 2011 au 13 janvier 2012. Elle occupait un créneau tardif, puisque programmée le vendredi à minuit. De quoi permettre au gestionnaire du stock d'hémoglobine de la chaîne de laisser libre cours à son âme d'artiste pour reconstituer les crimes les plus sanguinolants. La série compte un pilote, qui est un douple épisode de 2 heures, et 8 épisodes ensuite d'1 heure (comptabilisés comme un total de 10). Après quatre épisodes vus (sur 10), la série a vraiment su me fidéliser. J'irai jusqu'à son terme !   

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La Special Affairs Team TEN est une unité spéciale de la police criminelle qui va être formée au terme du pilote. Elle a pour but de s'occuper des plus violents crimes qui ont été commis dans le pays ; ceux qui sont les plus complexes et restent souvent non résolus. Sa direction a été confiée à Yeo Ji Hoon. Ce professeur est un ex-détective de renom, à la réputation trouble, qui avait quitté son poste au sein de la police pour des raisons qui restent floues au début de la série. La première affaire, à laquelle se consacre le pilote, va permettre à Ji Hoon de rassembler autour de lui une équipe aux talents complémentaires. 

C'est en effet un trio efficace qui se constitue sous ses ordres. On y retrouve de jeunes recrues : Park Min Ho, un nouveau policier qui ne demande qu'à apprendre, et Nam Ye Ri, une jeune détective qui se morfondait jusqu'à alors dans des tâches subalternes, mais dont les qualités pour comprendre les gens et dresser leur profil lui ouvrent la voie vers cette unité. A l'opposé, le dernier membre, Baek Do-Sik, est un vétéran expérimenté, très obstiné et qui sait faire confiance à son instinct. La série nous propose donc de suivre ce quatuor dans leurs investigations, tandis que peu à peu, ils deviennent une "équipe".

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La première force de Special Affairs Team TEN tient à la tonalité choisie par le drama. Proposant un mélange des styles assez bien dosé, il alterne en effet entre drame pur et comédie avec un naturel qui rend le visionnage très agréable. Ainsi, lorsque l'épisode se focalise sur l'intrigue du jour, les passages sont généralement pesants, mettant en scène des crimes violents et/ou poignants. En revanche, lorsqu'il s'arrête sur les actions des personnages eux-mêmes, il est fréquent qu'il se permette des scènes soudain plus légères, voire même qui prêtent vraiment à sourire. Ces parenthèses ne remettent jamais en cause le liant du scénario, si bien que ce curieux cocktail fonctionne étonnamment bien à l'écran. Il rompt tout risque de monotonie et permet au téléspectateur de s'investir non seulement dans l'histoire du jour, mais plus globalement dans l'atmosphère de la série.

Le deuxième aspect qui permet à Special Affairs Team TEN de s'imposer dans son registre tient plus simplement à ses enquêtes. Celle du pilote, particulièrement complexe (d'aucuns diraient alambiquée), est d'une intensité psychologique qui ne saurait laisser le téléspectateur insensible. Le deuxième épisode est plus quelconque, mais à nouveau le troisième renoue avec ce jeu constant des fausses pistes multiples, face à une affaire compliquée dont on ne sait trop par quel bout la prendre. Dans l'ensemble, le scénario apparaît donc toujours bien travaillé. Et non seulement l'ensemble offre un lot de rebondissements suffisant pour ne pas s'ennuyer, mais le téléspectateur se laisse aussi surprendre par certaines issues ; la première enquête est un modèle du genre en terme de complexité ! Sans être brillante, la série soigne de façon très correcte son assise policière.

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Si le curieux mélange entre noirceur et détente adopté par Special Affairs Team TEN constitue sans doute sa valeur ajoutée la plus attractive, il convient également de ne pas négliger l'importance des personnages. Le drama semble porter un intérêt sincère à ses quatre protagonistes principaux. Il réussit à éviter l'écueil majeur où viennent s'échouer tant de cop shows de ce genre, celui de présenter un chef quasi-omniscient dont les subordonnés ne seraient réduits qu'à de simples faire-valoirs. Ici, au contraire, chacun a son rôle et trouve généralement sa place au cours de l'enquête menée. Cette complémentarité soulignée permet une réelle homogénéité, et le mot "équipe" prend finalement tout son sens.

Pour autant, cela ne signifie pas que Special Affairs Team TEN se démarque totalement de la structure classique à ce type de fiction. A la fois arrogant (parfois aux limites de l'antipathique) mais aussi brillant dans son genre, Ji Hoon a souvent un temps d'avance sur ses subordonnés, auxquels il communique rarement ses dernières intuitions. Dès le départ, la série insiste sur certains des traits les plus ambivalents de sa personnalité. Ses méthodes de travail discutables, sa façon de se placer dans la tête du tueur, en allant parfois jusqu'à des reconstitutions musclées, sont autant d'éléments qui indiquent qu'il y a sans doute quelque chose de sombre à explorer en lui. Les quelques indices donnés sur son passé ne font que renforcer cette impression.

Ji Hoon remplit donc parfaitement son rôle pour aiguiser la curiosité du téléspectateur, mais c'est tout à l'honneur de la série - et c'est sans doute ce qui fait sa force - de ne pas réduire l'intérêt humain de Special Affairs Team TEN à ce seul personnage principal, mais d'aménager un espace à chacun. Cela explique que l'on puisse, sans s'en rendre compte, s'attacher très vite à ce quatuor !

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Globalement solide sur le fond, Special Affairs Team TEN est également intéressante sur la forme. La réalisation est vraiment bien maîtrisée, avec un travail perceptible aussi bien au niveau de certains plans, que du montage global des épisodes découpés en chapitre. La photographie est belle : les teintes aux couleurs saturées soulignent la versatilité d'une atmosphère, tour à tour oppressante, puis légère. Quant à la bande-son, elle constitue un réel atout pour le drama. Non seulement elle utilise des musiques qui empruntent au rock ses morceaux les plus classiques, mais elle glisse également quelques morceaux originaux, souvent assez déchirants, qui contribuent grandement à construire la tonalité de la série. Cela faisait quelques temps que je n'avais pas eu de vrais coups de coeur en écoutant une OST : Breath, de Mad Soul Child aura été une belle découverte (cf. seconde vidéo après le billet) !

Enfin, Special Affairs Team TEN bénéficie d'un casting homogène, où les quatre acteurs principaux se révèlent convaincants dans le registre qui est attendu d'eux. Joo Sang Wook (That Fool, Giant, actuellement dans Feast of the Gods) joue parfaitement sur la froideur et la distance de ce professeur aux méthodes particulières. Jo An (Three Sisters) a la fraîcheur, mais aussi la nuance qu'il convient, pour interpréter cette jeune détective qui sait instinctivement comprendre ses interlocuteurs. Choi Woo Sik (à venir dans Rooftop Princess) se glisse aisément dans un rôle d'apprenti qui va beaucoup observer, mais aussi démontrer qu'il sait se débrouiller (même s'il s'agit dans un premier temps de courcircuiter les délais d'attente en allant draguer les secrétaires des autres services). Mais celui qui m'a le plus convaincu reste sans doute Kim Sang Ho (Prosecutor Princess, City Hunter) qui a une sacrée présence à l'écran : il joue un personnage de vétéran haut en couleur, laissant la part belle, mais sans pour autant en faire trop, à ses excès de théâtralisme comme à son pragmatisme. 

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Bilan : Série policière solide et intéressante, Special Affairs Team TEN doit beaucoup à son ambiance qui entremêle habilement les tonalités : à la fois très dure et sombre par moments, le drama est aussi capable de passages de détente bienvenue. Il trouve ainsi son style propre au sein de ce genre sur-exploité du cop show. Ne négligeant pas non plus ses personnages qui bénéficient d'une vraie épaisseur dans leur caractérisation, elle devrait séduire non seulement les amateurs de formula show policier, mais peut-être aussi au-delà, j'en suis l'exemple même. A surveiller !


NOTE : 7/10


Une bande-annonce :


Une chanson de l'OST (Breath, de Mad Soul Child) :