31/03/2010
(US) Caprica, mi-saison 1 : le futur de l'humanité toujours en attente d'un vrai début
Vendredi dernier s'est terminée la diffusion de la première partie de la saison 1 de Caprica. Neuf épisodes, pour une durée bien brève venue corser un peu plus le travail des scénaristes, en leur imposant le format rigide et a-sériephile de deux mi-saisons devant être construites de façon quasi-indépendante. Cette mauvaise habitude prise par certaines chaînes de proposer une programmation qui va, par nature, contre les atouts potentiels d'un format d'une vraie saison de 20 épisodes n'a guère aidé Caprica à trouver son rythme. Au contraire. Je serais tentée de penser que cet ajout de contraintes supplémentaires a surtout entravé le développement de la série. Cela se ressent avec d'autant plus d'acuité que, disons-le franchement, cette dernière aura éprouvé quelques difficultés pour trouver ses marques, en pratiquant longtemps une forme de navigation en vue, au sein des grands éléments du scénario, sans que la cohésion d'ensemble ne prenne véritablement forme.
En effet, après neuf épisodes, le premier constat assez paradoxal qui s'impose, c'est l'étrange impression que Caprica n'a pas encore véritablement commencé. Le final du neuvième épisode et les différents évènements qu'il comporte entre-ouvrent peut-être la porte vers les vrais débuts de l'Histoire. Jusque là, la série aura usé la patience du téléspectateur attendant patiemment qu'elle embrasse pleinement le coeur de son sujet et cesse de tourner autour. Au fond, cette première partie de saison lui aura permis de maintenir son rang un prequel intrigant centré, sur un univers qui exerce son attrait sur le téléspectateur, mais nous n'aurons fait qu'entre-apercevoir un potentiel encore inexploité. Bref, ces neuf premiers épisodes ont gardé un fâcheux arrière-goût d'exposition dont la lente progression aura paru trop souvent vaine, se perdant dans des effets de style dilatoires assez frustrants au bout d'un moment.
Si bien que, sans pour autant avoir eu envie de laisser la série s'en aller sans moi, j'avoue restée très mitigée, pas pleinement convaincue des options narratives adoptées et encore plus perplexe face au traitement de certains personnages. Cela me chagrine assez car, a priori, Caprica aurait eu tout pour me plaire ; mais elle n'est pour l'instant que cette série dans laquelle je fais le choix conscient de m'investir "sur le long terme" (en espérant une saison 2, que le cocktail prenne avec le temps, et que ces idées soient enfin concrétisées !), cependant au sortir de laquelle, je suis généralement proportionnellement plus frustrée que satisfaite...
Comme je l'ai dit, le problème de cette première partie n'est pas une question de concept. Ce dernier demeure des plus solides. Mais ce sont les options prises pour le mettre en scène qui coincent. En fait, Caprica regorge de bonnes idées, qu'il s'agisse de grands thèmes généraux posés par la série ou bien d'éléments moins importants, petits détails qui aiguiseront la curiosité des plus attentifs. Leur intérêt n'est pas démenti. Pensez donc : l'intelligence artificielle, la robotique, les rapports entre réel et virtuel... tout cela ne figure pas parmi les grands classiques de la science-fiction pour rien. Ils exercent une fascination certaine et proposent un potentiel de départ aux possibilités très riches pour toute fiction envisageant de les traiter. Saupoudré l'ensemble de problématiques existentielles où pointent un soupçon de rhétorique religieuse et de thèmes plus ou moins mystiques, et vous obtenez un cocktail forcément des plus intrigants. Ajoutez à cela le fait que vous connaissez la fin de l'histoire et la tragédie qui va se prépare sous vos yeux, et vous voilà captivé. Certes, en dépit de certains questionnements communs, le résultat est très différent du penchant "space-opera", façon appel de l'espace post-apocalyptique, de la série mère, Battlestar Galactica, mais cette évolution ne surprend pas et s'impose logiquement au vu du récit envisagé.
Seulement, une fois ces problématiques posées, notamment au cours d'un pilote très correct en terme d'exposition des enjeux, Caprica passe malheureusement les huit épisodes suivants à enregistrer au ralenti les conséquences du drame initial, comme si les scénaristes craignaient de trop donner tout de suite. Si les grandes thématiques demeurent, elles paraissent ensuite presque égarées dans l'arrière-plan : maintenues dans la série de façon implicite, par les parallèles automatiques faits par un téléspectateur qui bénéficie de plus de recul et d'une vision d'ensemble lui permettant de garder à l'esprit le caractère fondamental de la genèse qui se déroule sous ses yeux. Il manque ainsi à la série la force d'une cohésion globale entre toutes ses storylines. Elle passe une trop grande partie de cette mi-saison à broder sur des intrigues à la marge, nous laissant songeur sur la manière de comprendre ces éléments anecdotiques qui relèvent plus de la contextualisation, aussi "sexy" qu'elle soit grâce l'univers proposé, celui de Caprica, aux technologies et aux moeurs à part.
Mais au-delà de cet effort, en parallèle, à une progression concrète des storylines, la série préfère user d'un recours à la symbolique, s'employant à réaliser des mises en scène à la portée particulièrement forte (ex. l'image de la Trinité évoquée avec Zoe, le caractère angélique d'une des scènes du final..). L'idée est intéressante ; seulement, encore une fois, les scénaristes ne transforment pas toujours leur essai et le téléspectateur garde l'impression désagréable qu'il y a trop de choses qui sont laissées en chantier, trop de bonnes idées juste esquissées. Il en ressort ainsi un sentiment de dispersion frustrant.
Cette impression est renforcée par le second reproche majeur que j'adresserais à la série : le traitement de ses personnages. Sans vouloir absolument aller jusqu'à ressentir de l'empathie pour ces individus touchés de plein fouet par des drames et qui se débattent au sein de cette société "futuriste" (même si le terme est littéralement anachronique dans le cas présent), beaucoup restent très difficiles à cerner, marqués par des évolutions inconsistantes, manquant de cohérence. S'il est compréhensible qu'Adama père subisse de plein fouet le deuil de sa fille, fallait-il le faire évoluer à une vitesse disproportionnée de l'homme de loi, reniant presque ses origines, à celui qui serait prêt à ordonner une exécution, puis à celui qui se perd dans New Cap City ? Si tout peut se justifier théoriquement, et apparaître a priori cohérent sur le papier, porté à l'écran, cela donne surtout l'impression d'une psychologie un peu bâclée, cédant aux poncifs du genre et construite façon girouette... Ce côté un peu brouillon, qui n'est pas propre à Adama, fait qu'il est difficile d'éprouver quoique ce soit pour des personnages dont les dilemmes sont traités au pas de charge. En terme d'évolution, les différents visages d'Amanda Graystone ont également de quoi déstabiliser, même si le couple Graystone est incontestablement l'élément le plus solide du scénario : de mère éplorée à épouse forte sortant son mari de certains bourbiers, à la régression finale vers un passé où elle avait perdu le sens de la réalité...
C'est assez paradoxal de se plaindre du ralenti excessif du développement des storylines, tout en pointant un approfondissement des personnages insuffisamment posé. En fait, toutes ces remarques soulignent surtout les difficultés qu'ont éprouvé les scénaristes pour calibrer correctement cette première partie de saison. Etait-ce dû à la brièveté des 9 épisodes ? Est-ce une période d'ajustement par laquelle ils ont dû passer pour maîtriser ensuite leur sujet ? Reste que cette écriture brouillonne donne l'impression de progresser par à-coups. Encore une fois, on perçoit toujours ce que les scénaristes avaient en tête, quel était leur projet... Mais le manque de subtilité dans l'écriture lui confère un côté très factice, qui sonne un peu faux, comme si c'était forcé. De plus, à côté, il y a également des personnages vraiment difficiles à apprécier, dont la place laisse perplexe, à l'image de Sister Clarice. Si l'idée du S.T.O., ou l'introduction globale du monothéisme soulignent l'existence de bases intéressantes, il manque un élément pour assurer la cohérence et la pleine portée...
On garde la désagréable impression que les scénaristes eux-mêmes ne savent pas trop où ils vont : dispersion et manque de cohésion semblent les reproches auxquels on se heurte dans tous les aspects du show.
Bilan : Le souci de Caprica ne provient pas d'un manque de fond ; au contraire, qu'il s'agisse des concepts généraux ou bien des petits détails de reconstitution de l'univers des colonies, on croise des tas de bonnes idées. Le problème intervient dans leur mise en scène, trop souvent inconsistante et brouillonne. Les initiatives intrigantes ne sont pas toujours transformées, les scénaristes ne vont pas toujours au bout des choses et paraissent régulièrement se disperser sans cohésion d'ensemble. Le recours aux symboles ne peut occulter le fait que la série passe ses neuf premiers épisodes sans réelle progression concrète, ponctuée par deux brusques accélérations - celle du pilote et celle du dernier épisode. Tout cela laisse un arrière-goût de profonde vanité s'installer.
En somme, Caprica a le potentiel. A elle de parvenir à dépasser cette première phase d'exposition, où elle aura effectué un certain nombre de réglages, pour pleinement concrétiser les bonnes idées que l'on voit esquissées.
NOTE : 6/10
Le générique de Caprica :
Une bande-annonce de la série :
07:23 Publié dans (Séries américaines) | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : caprica, syfy, eric stoltz, esai morales, paula malcomson, alessandra torresani, magda apanowicz, sasha roiz, polly walker | Facebook |
Commentaires
Je rajoute un point pour Eric Stoltz... hm, bref. Non je suis d'accord avec toi. Je crois que plus que l'approfondissement de la psychologie des personnages, c'est l'exploration de l'univers, la culture et le contexte social qui monopolisent l'énergie des scénaristes. Un exemple tout bête : ce fichu V-world. On n'en avait même pas encore fait le tour (loin de là) que déjà nous voilà embarqués dans le cas particulier de New Cap City. Intrigue qui elle-même finit en eau de boudin (et grâce à quelques partis pris bien commodes, genre "et on dirait qu'on pourrait plus jamais revenir une fois qu'on est mort"). Mais voilà, les histoires rajoutent des strates dans les différents éléments du contexte dans lequel se déroule Caprica, et c'est ça qui noie complètement le poisson. Il suffit de compter le nombre d'heures que le Dr Graystone passe à tourner autour de Zoe (ou d'autres membres de son staff) sans qu'il n'en ressorte quoi que ce soit, préférant inventer un rival à Daniel et leur bras de fer autour de l'équipe de pyramide, ou de voir comment Sister Clarice vole des données dont on ignore ce qu'elles donnent et dont on explore les luttes intestines avec la faction de Barnabus. On comprend bien que les scénaristes se masturbent intellectuellement à l'idée d'inventer une société dense et complexe, au lieu d'utiliser les bases déjà jetées pour faire avancer les intrigues et explorer leurs personnages.
Je comprends pourquoi j'entendais des échos négatifs. Caprica n'est pas à brûler au bûcher mais il lui faudra redresser sérieusement la barre pendant sa saison 1,5.
Écrit par : ladyteruki | 31/03/2010
Je me suis lancé dans Caprica ce weekend (après avoir laborieusement terminé BSG : The plan) et après 3 épisodes (le pilote + les deux épisodes suivants), j'aime plutôt bien.
Certes, la série prend son temps à s'installer mais pour l'instant, ça ne me gêne pas.
De manière un peu paradoxale, ce que j'aime dans la série est aussi ce que je lui reproche.
J'aime bien le parti pris de faire quelque chose qui reprend le goût de BSG pour l'anticipation sociale (sous leurs oripeaux de science-fiction, BSG et Caprica laissent largement part à des commentaires sur le monde dans lequel nous vivons) mais dans un cadre très différent. Le drame familial remplace le space-opéra, le rythme est beaucoup plus posé (voire inerte pour certains), les intrigues se développent sans micro-cellules auto-conclusives (problème de payoff chez certains),...
J'aime bien cette volonté de sonner différemment, mais malheureusement je trouve que c'est cela qui constitue le problème de Caprica parce que que cette volonté de se différencier et d'affirmer son unicité face à l'encombrant héritage de BSG est appliqué de manière trop voyante et manifeste.
On a trop souvent l'impression en regardant Caprica que les scénaristes nous glissent à l'oreille "eh, regardez comme ce que l'on fait est différent de BSG !" et paradoxalement cette volonté trop clairement affichée conduit plutôt à nuire à l'affirmation d'une réelle identité pour la série.
Mais je reste malgré tout plutôt confiant pour la suite.
Écrit par : Fred | 31/05/2010
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