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21/03/2010

(J-Drama) Chakushin Ari : vous ne regarderez plus votre téléphone de la même façon


Il y a quelques semaines, je vous avez raconté comment j'avais réussi à me traumatiser en regardant Coma. Avant cette première vraie série d'horreur - je ne crois pas que mes nerfs supporteront une nouvelle avant quelques mois, voire années -, la seule incursion timide que j'avais réalisée dans ce genre, était un drama japonais, beaucoup plus soft, adaptation télévisée d'une suite de films à succès éponymes, s'inscrivant dans la longue tradition de l'horreur asiatique : il s'agissait de Chakushin Ari (One Missed Called). Diffusé sur TV Asahi en fin d'année 2005, il comprend en tout 10 épisodes.

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Le premier préalable à mettre au clair au regard de cette série, c'est qu'en en dépit de sa source d'inspiration première, Chakushin Ari n'est pas un drama destiné à vous faire dormir la lampe de chevet allumée pour le reste de la semaine suivant le visionnage. Il attire par sa thématique en apparence fantastique, l'aspect policier des enquêtes qu'il met en scène, ou encore le suspense, diffus, qu'il sait très bien distillé... Mais, concrètement, pour ce qui est de sa capacité à nous faire cauchemarder, ce drama n'en a manifestement pas ni les moyens, ni même le but. En effet, il faut plutôt le voir comme une occasion offerte aux téléspectateurs un brin frileux - dont je fais partie - de flirter avec les codes scénaristiques typiques de l'horreur, sans pour autant devoir ensuite s'imposer une thérapie afin de surmonter la frayeur ressentie devant son petit écran. Certes, Chakushin Ari reprend un grand classique asiatique : une malédiction qui se propagerait à travers une technologie. Si les cassettes de The Ring sont sans doute les plus connues en Occident, ici, la transmission létale s'opère via les téléphones portables. Une sonnerie a priori innocente, que vous trouverez rapidement lugubre et entêtante, retentit. Le destinataire de l'appel qui décroche s'entend alors mourir à l'autre bout du fil, d'une façon généralement assez violente. Il s'agit d'un aperçu du futur, les morts ainsi annoncées semblant ensuite se reproduire de façon invariable.

Au milieu de la propagation de cette malédiction fatale (le drama jouant admirablement bien sur l'interrogation de savoir s'il y a ou non une explication fantastique - ou très rationnelle - derrière cette mise en scène), la série va parvenir à fidéliser le téléspectateur grâce à la tension diffuse et intrigante qu'elle va parvenir à générer, bien aidée par la dimension humaine apportée par ses personnages. Si les seconds rôles, assez caricaturaux, offrent surtout prétexte à plus de légèreté, avec un côté assez déjanté très marqué manga, le duo central d'enquêteurs, étrange paire très dissemblable, fonctionne bien à l'écran. Yumi (Kikukawa Rei), journaliste scientifique affectée à un magazine d'un genre très particulier, traquant les légendes urbaines, se révèle d'une force de caractère particulièrement solide confrontée à l'adversité, sachant prendre ses responsabilités pour parvenir à ses fins. Tandis que Sendo (Ishiguro Ken), le policier en charge officiellement de l'enquête, a paradoxalement souvent bien plus de mal à maintenir les apparences lorsqu'il se retrouve confronté à la réalité du terrain. Si cette paire reproduit la dynamique des plus classiques de l'association forcée, dont les ratés et non-dits initiaux forgent une complémentarité ultérieure, les deux personnages s'affirment peu à peu et vont constituer à la fois le point fixe du téléspectateur, afin de naviguer à travers ces morts brutales, mais aussi une partie du mystère qui s'épaissit au fil des épisodes. Le téléspectateur n'a ainsi aucun mal à les accompagner dans les détours d'un scénario qui prend plaisir à distiller le doute, nous amenant à nous interroger avec eux sur les multiples fausses pistes et rebondissements sur lesquelles les scénaristes les envoient au cours de leur enquête, pour découvrir l'origine et la cause de ces mystérieux appels.

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Chakushin Ari joue donc bien avec un contexte marqué par les codes de la fiction d'horreur. En toile de fond, les morts violentes s'enchaînent, quelque fois sanguinolentes à souhait, mais dans l'ensemble, les évidentes restrictions budgétaires n'auront pas permis à la série de vraiment exploiter cet aspect, l'obligeant à rester relativement soft dans cette marche macabre exécutée au pas de course. Cependant, plus généralement, en dépit de ce décor funèbre, si Chakushin Ari crée une tension chez le téléspectateur qui pique sa curiosité et retiendra son attention tout le long du drama, il ne va pas pour autant jusqu'à véritablement faire peur. On reste bien souvent dans un suggestif de façade, inquiétant seulement. Au final, le drama paraît plus chercher à divertir en exploitant cette thématique populaire, qu'à réellement tenter de s'imposer comme une histoire d'horreur. C'est d'autant plus vrai qu'il paraît jouer sur les tonalités, enchaînant des scènes à suspense, d'autres toutes droit issues d'enquête policière classique, mais proposant aussi des parenthèses décalées plus humoristiques. Au fond, il permet surtout une incursion dans le suspense fantastique, sans véritablement franchir la ligne qui lui ferait embrasser réellement le genre avec lequel il flirte. A mon sens, cette approche reste un point fort - même si les amateurs de frisson en seront sans doute pour leurs frais - car elle constitue son originalité première, tranchant avec l'univers classique des j-drama.

En fait, le principal écueil rencontré par cette série réside dans les moyens qui lui ont été alloués pour porter cette histoire à l'écran. Si elle n'est pas si vieille que cela, sa réalisation, et surtout la teinte de ses images, renvoie une impression de drama très cheap, renforçant son aspect "série B". Sans doute dotée d'un budget assez restreint, la mise en scène demeure donc assez limitée, avec des effets spéciaux assez rares, qui ne cherchent pas vraiment à être convaincants, mais plutôt à créer une ambiance un peu à part, assez décalée. Ces limites formelles peuvent sans doute quelque peu rebuter dans un premier temps. Cependant, elles accentuent le côté quelque peu intimiste de la série, dédramatisant son sujet d'horreur et permettant donc d'apprécier l'histoire avec plus de distance ; et, pour les plus endurcis des téléspectateurs, cela fait probablement naître un certain second degré qui confinerait presque à de l'humour. Ce côté étriqué ne m'a pas dérangé, au contraire. Si j'ai toujours pris soin d'éteindre consciencieusement mon téléphone avant d'oser lancer un épisode, et si la sonnerie glaçante a résonné quelques temps dans ma tête, j'ai apprécié la forme comme un parti pris afin d'alléger un peu l'ambiance. Volontairement ou non (je soupçonne fortement que cela n'a pas été fait à dessein), elle laisse ainsi au téléspectateur le choix de rentrer dans l'intrigue et de se laisser entraîner dans cet enchaînement macabre. Ce qui fait que ceux qui rechercheraient un vrai drama d'horreur pourront peut-être déçu en découvrant Chakushin Ari.

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Bilan : Chakushin Ari est un divertissement fantastique, qui s'approprie les codes de l'horreur, sans pour autant embrasser totalement ce genre. Tranchant dans les sujets classiques des séries japonaises, elle propose une histoire prenante, assez tendue, dans laquelle le téléspectateur n'a aucun souci pour s'immerger, en dépit de limites formelles un peu dommageable. Bref, pour qui cherche à élargir son horizon téléphagique au-delà des univers classiquement portés à l'écran par la télévision japonaise, Chakushin Ari est une expérience intéressante (et non traumatisante !).


NOTE : 6/10


(Suite à une rédaction technique et temporelle assez compliquée aujourd'hui - vous avez été à deux doigts de ne  pas avoir de dimanche asiatique -, je n'ai pas pu faire de screen-captures afin d'illustrer cet article. La photo centrale est issue de l'article consacré à ce drama sur le blog de Nakayomi (qui ne m'en voudra pas j'espère), que je vous invite à aller lire : ici.)

20/03/2010

(Mini-série US) John Adams : à la genèse des Etats-Unis d'Amérique


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L'arrivée, dimanche passé, de la nouvelle mini-série de prestige de HBO, The Pacific, a ranimé chez moi le souvenir de la dernière production de ce type que la chaîne câblée américaine avait diffusée, il y a deux ans. En effet, les diverses news d'audience ont repris l'information selon laquelle ce récit sur la Second Guerre Mondiale sur le front Pacifique, a démarré avec un audimat de 22% supérieur à John Adams, en 2008.

En ce qui me concerne, si The Pacific parvient à me faire ressentir la moitié de la fascination qu'a exercé John Adams sur la téléphage férue d'Histoire que je suis, je pense qu'il s'agira d'une réussite. Car, mine de rien, même si elles ne sont pas si nombreuses que cela, les mini-séries découvertes sur cette chaîne ont toutes trouvées une place à part dans mon coeur de téléphage : de Angels in America à The Corner, en passant donc par John Adams.

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Adaptation assez fidèle d'une biographie que David McCullough (livre que j'avais acheté et lu, dans la foulée du visionnage, avec beaucoup d'intérêt)  consacra à celui qui fut le deuxième Président des Etats-Unis d'Amérique, John Adams est pourtant bien plus qu'un simple biopic aux consonances historiques. Couvrant une période charnière de la naissance de ce pays, la mini-série suit le parcours de cet avocat, que les circonstances ont fait devenir politicien et qui négocie sa vie au travers les tumultes de l'Histoire.

La mini-série s'inscrit sur une durée relativement longue, ce qui lui permet de prendre le temps de bien cerner son sujet, l'homme sur lequel elle se concentre. mais aussi d'apprécier pleinement les transformations de fond qui traversent ce nouveau pays et dont le téléspectateur devient un témoin privilégié. Elle s'ouvre en 1770, avec une des premières grandes agitations marquantes et symboliques, celle du massacre de Boston. Ce fut aussi un des premiers faits d'armes permettant d'asseoir la notoriété de l'avocat John Adams, déjà prêt à affronter l'opinion : il y défendit les soldats anglais accusés. La narration des évènements nous conduira jusqu'à sa mort, le 4 juillet 1826, cinquante ans, jour pour jour, après la Déclaration d'indépendance.

Originaire du Massashussets, très tôt fervent partisan de la rupture avec l'Angleterre, il passera après la guerre plusieurs années en Europe, fréquentant les Cours française, puis anglaise, en y jouant les apprentis diplomates qu'il n'est pas. Puis, son retour au pays consacrera son orientation vers une carrière politique qui demeure atypique, participant, à sa manière, à la mise en place d'un paysage politique moderne, genèse des dynamiques et clivages qui parcourront les Etats-Unis au cours des décennies ultérieures. D'abord vice-président de George Washington, il lui succède en 1797. Puis, battu aux élections suivantes par Thomas Jefferson, il se retirera sur ses terres jusqu'à son décès en 1826. Il n'aura que l'occasion d'assister à l'accession à la présidence des Etats-Unis, de son fils, John Quincy Adams, en 1825, pour son seul mandat.

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Si le cadre historique ainsi posé est une source intarissable et particulièrement riche de sujets de réflexion, cette fiction va acquérir une dimension qui dépasse la simple reconstitution. John Adams, c'est, en effet, tout d'abord, une histoire personnelle, celle d'un homme plongé dans les soubresauts de son temps et dont l'action va influer sur les évènements.

Si les enjeux historiques sont toujours perceptibles en toile de fond, la mini-série s'arrête également sur sa vie privée, qui révèle d'importants éléments pour comprendre le personnage. L'aspect le plus réussi s'avère être ici la mise en scène de sa relation avec son épouse, Abigail, femme intuitive et cultivée, dont l'indépendance d'esprit la place bien en avance sur son temps et, surtout, dont les conseils toujours avisés se révèleront précieux. Canalisant les agitations perpétuelles de son impulsif mari, elle saura mettre l'accent sur la nécessité des compromissions, mais aussi le recadrer quand il se coupera de tous soutiens. Si la mini-série accentue peut-être un peu excessivement la modernité d'Abigail par rapport à la réalité, elle permet à cette femme d'acquérir une aura assez fascinante à l'écran, parfait complément à son époux avec lequel elle entretient une dynamique unique très bien retranscrite à l'écran.

Mais si Abigail s'impose en figure incontournable, le portrait familial des Adams, dressé par la mini-série, est un constant rappel des usages et coutumes de ce temps. D'un naturel autoritaire, John Adams se présente comme un patriarche gérant en autocrate, sans supporter la contradiction, sa petite tribu. Les drames familiaux qui marqueront cette moitié de siècle que le téléspectateur sera amené à vivre à leurs côtés contribueront à bien ancrer le récit dans son époque. S'ils viendront obscurcir quelque peu la facette déjà sombre et colérique de l'homme d'Etat, cela complètera sa présentation de façon cohérente, parfois touchante et émouvante, d'autre fois profondément glaçante, mais jamais manichéenne. John Adams apporte ainsi une dimension humaine et sociale à la grande Histoire politique qui se joue sous nos yeux, trouvant un juste équilibre très intéressant pour le téléspectateur.

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Cependant, John Adams reste une mini-série historique, où les vies personnelles des protagonistes sont transportées au gré des tourbillons de l'Histoire. Un des attraits incontestables de la fiction tient évidemment à la force et à la richesse des évènements relatés. Le sujet est vaste et ambitieux : l'indépendance des Etats-Unis et les premières années fondatrices de cette toute jeune nation, parcourue des tensions contradictoires. Le traitement se révèle à la hauteur des enjeux ainsi racontés. Comme le récit se concentre sur un des protagonistes, c'est à travers son action que nous nous immergeons véritablement dans ces années charnières. Le téléspectateur est ainsi amené à vivre certains évènements historiques au plus près, dans les coulisses, comme les tractations acharnées autour du vote de la Déclaration d'Indépendance. Mais, parfois, c'est seulement par des références indirectes, de loin, qu'il voit se construire ce pays, comme pour l'adoption de la nouvelle Constitution.

Cette option scénaristique, conséquence de l'aspect biographique de la mini-série, se révèle un choix pédagogique opportun, car elle permet d'éviter l'impression d'un exposé didactique et fait glisser le téléspectateur au sein de cette course de l'Histoire de façon naturelle. Les reconstitutions sont soignées, en particulier du côté américain. Si la parenthèse européenne n'évitera pas quelques poncifs sur la vision de la Cour de France pré-révolutionnaire, cependant, cela permet de marquer un peu plus le contraste entre l'esprit rigoriste et puritain de cet homme issu de la Nouvelle-Angleterre, et les excès somptuaires et fastueux de la Cour de Louis XVI. Aucun détail n'est laissé au hasard, et ces scènes offriront des confrontations fascinantes et étonnantes à la portée symbolique forte, telle la première rencontre avec George III, le roi d'Angleterre.

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L'Europe sera aussi au coeur d'une autre dynamique, qui mêle la grande et la petite histoire, à travers le traitement des amitiés des différents Pères Fondateurs américains. Au-delà des incompatibilités flagrantes de caractère avec un Benjamin Franklin haut en couleurs, la mini-série prendra le temps de s'intéresser à l'amitié contrastée et fluctuante que nouera John Adams avec une autre figure clé de l'indépendance, à la postérité plus marquée, Thomas Jefferson. Cette amitié instinctive des débuts, née lors de la convention de Philadelphie, mutera peu à peu, à mesure que leurs opinions se feront plus tranchées et leurs divergences politiques de plus en plus évidentes. Au respect réciproque succèdera une opposition politique acharnée. Cela occasionnera les meilleurs échanges de toute la série, grâce à des dialogues chargés d'une dimension historique et philosophique fascinante. Car, progressivement, tous les sujets les opposeront : de leur rapport à la Révolution française, forme de consécration de la liberté telle qu'avaient pu la rêver les Américains pour l'un, source intarissable de désordre dont il faut se méfier pour l'autre, jusqu'à leur conception de la place de l'Etat fédéral par rapport aux Etats fédérés, tout sera prétexte à discorde pour le plus grand plaisir du téléspectateur que l'ambiguïté de leurs rapports ne cessera d'intriguer.

De ce point de vue, il faut saluer cet effort de reconstitution historique, dressant un tableau non seulement évènementiel, mais aussi idéologique de l'Amérique de l'époque. Alors que la sphère politique n'en est encore qu'à ses balbutiements, que toutes les conséquences du système de gouvernement choisi n'ont pas encore été tirées, la mini-série parvient avec brio et beaucoup de soin, à esquisser le paysage politique de l'époque et les enjeux, parfois encore non formulés, qui troublent déjà la toute jeune démocratie américaine. A travers les oppositions de vues, ce sont les tensions des décennies futures du nouvel Etat qui paraissent déjà perceptibles. La ligne de fracture entre le Nord et le Sud, au-delà même de la seule question de l'escalavage, semble ainsi déjà tracée.

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Si John Adams se révèle particulièrement dense sur le fond, le show bénéficie également d'une forme à la hauteur de son contenu. La réalisation est particulièrement soignée, avec des plans assez larges et bien cadrés, mais aussi des images à la photo travaillée. Les costumes restent sobres tout en posant un décor naturel à l'histoire.

Enfin, le dernier atout de poids de la mini-série réside bien évidemment dans son casting. Paul Giamatti propose une prestation très intense pour retranscrire la complexité du personnage de John Adams, toujours impulsif, trop souvent impétueux, mais réfléchi quand il le faut, il ne départit jamais d'une ambivalence intrigante. Laura Linney se révèle superbe de classe et de grâce, dans son rôle d'épouse posée et réfléchie, pendant parfait aux réactions excessives qui peuvent animer son époux. A côté de ce couple central, les autres acteurs se montrent, eux-aussi, à la hauteur, même s'ils n'ont pas toujours l'occasion ou le temps de s'affirmer. Celui qui s'en sort de façon la plus convaincante est sans conteste Stephen Dillane, offrant un Thomas Jefferson tout en contradictions et en nuances, assez énigmatique et particulièrement fascinant. Tom Wilkinson, s'il bénéficie de moins de temps, est également particulièrement pétillant et dynamique, en un Benjamin Franklin étonnant. Enfin, David Morse se retrouve un peu plus en retrait, les scénaristes n'ayant jamais trop su quelle option prendre pour mettre en scène le personnage de George Washington, qui semble destiné à rester à part.

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Bilan : Bien plus qu'un simple biopic, John Adams se révèle être une mini-série fascinante, par sa dimension historique, politique, mais aussi profondément humaine, pour nous plonger aux origines de la démocratie américaine. Dotée de personnages forts, elle constitue une reconstitution dense et très riche, qui parvient à jouer sur les deux tableaux de la petite et de la grande histoire. Admirablement bien maîtrisée scénaristiquement, même si quelques épisodes supplémentaires auraient pu lui permettre d'aérer certains passages, elle est une incontournable du petit écran américain de ces dernières années.


NOTE : 9,5/10


La bande-annonce de la mini-série :


Le générique proposé :

 

18/03/2010

(Pilote US) Justified : Héros anachronique d'un polar hors du temps


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Un vent d'excitation souffle sur mes programmes téléphagiques : cette semaine, je me suis réconciliée avec les séries américaines (ou presque) ! Car hier soir, j'ai regardé ce qui est probablement, jusqu'à présent, le plus prometteur pilote de toute la saison US 2009-2010 (il serait temps, nous sommes bientôt fin mars), en découvrant les débuts de Justified sur FX . La téléphage qui sommeille en moi est restée, je l'avoue, une inconditionnelle de Deadwood ; si bien que la perspective de retrouver Timothy Olyphant dans un rôle à sa mesure, ainsi que les échos assez positifs qui émanaient des critiques américaines ces derniers jours, avaient fait monter en flèche mes attentes. Eh bien, une fois n'est pas coutume : le résultat fut à la hauteur.

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Se proposant de nous plonger dans les terres reculées du Kentucky, au sein des services de l'US Marshall officiant au niveau de l'Etat, Justified se présente dans un cadre atypique : sous un vernis moderne se cache un western qui revendique sa filiation à ce genre autrefois prisé du petit écran américain. Son personnage principal, Raylan Givens, est à l'image de cette atmosphère, se situant au croisement des tonalités. Sous un extérieur lisse, à l'attitude toujours posée et au calme presque surréalistes, se cache une personnalité complexe, aux motivations bien plus ambivalentes que les premières images auraient pu le laisser croire.

A la suite d'une fusillade au faux goût de duel d'une époque révolue, Raylan Givens se retrouve réaffecté d'office de la chaude Floride à sa région natale. Un brusque retour forcé qui le ramène sur les traces d'un passé qui comprend ses zones d'ombre, et où de nombreux comptes sont restés non réglés, suite à son départ il y a plusieurs années. Reviennent ainsi des anciens amis devenus embarassants, des ex-flirts pour qui les sentiments sont toujours vivaces, et, en arrière-plan, une figure paternelle, simplement mentionnée dans ce pilote, mais dont l'ombre pèse déjà sur Raylan et ses actions, paraissant offrir des débuts d'explication pour cerner ce personnage finalement très énigmatique. D'une personnalité a priori unidimensionnelle à l'excès, Raylan révèle progressivement des contradictions qui font prendre une toute autre dimension au personnage, et permettent ainsi au téléspectateur d'adopter presque instantanément ce nouvel héros du petit écran.

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Le confronter, dès sa première enquête, à d'anciennes connaissances est un choix avisé des scénaristes. Ce retour aux sources permet de poser efficacement le cadre assez particulier qu'offre ce petit bout perdu du Kentucky et de présenter les multiples paradoxes prenant vie en Raylan. Pourtant, les intrigues ne présentent rien d'original a priori : un solde de comptes conjugaux avec le meurtre d'un mari violent ; une affaire qui navigue entre racisme et trafic de drogue, avec une église d'un genre assez particulier rayée de la carte par une arme de guerre... La délinquance mise en scène suit les classiques, mais il y flotte le parfum atypique d'une Amérique profonde qu'accentue à dessein l'ambiance de western moderne que l'épisode entreprend de recréer. Ces différents cas conduisent Raylan auprès d'un ancien ami, avec lequel il partagea beaucoup du temps de leur jeunesse.

Ce dernier vit désormais en marge de la société ; frayant avec les groupuscules d'extrême-droite, tels les White Supremacists, arborant fièrement une croix gamée tatouée sur sa poitrine. Ces retrouvailles, empreintes d'une ambiguïté subtile admirablement bien maîtrisée par les scénaristes, constituent le pivot de l'épisode et servent surtout de révélateur à l'égard de Raylan. C'est l'occasion d'en apprendre plus sur lui et de souligner la complexité qui l'anime. Les scènes communes entre les deux personnages sont parmi les plus réussies, parce qu'elles retranscrivent et captent parfaitement ce qui semble destiné à être l'essence de Justified : ces ambivalences morale, mais aussi temporelle, sur lesquelles la série paraît vouloir jouer. Leurs évolutions respectives les amènent désormais à s'opposer. Sans se départir des civilités de façade, mais aussi d'une étrange complicité naturelle lorsqu'ils sont ensemble, cela n'empêchera pas les deux hommes, peut-être plus semblables qu'ils ne voudraient bien l'admettre, de recourir aux extrêmes dans une scène finale dans la plus pure lignée du western.

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Nous touchons, dans cette filiation hybride à ce genre traditionnel, à la spécificité et au premier atout incontestable de Justified. Il réside en effet dans son ambiance, réussissant à capter instantanément l'attention du téléspectateur par ce mélange osé, ersatz indéfinissable naviguant entre le western et le cop show se déroulant loin du décor habituel des grandes villes. S'inscrivant dans un cadre temporel moderne, où les préoccupations de chacun sont des plus classiques, la série n'hésite pas à utiliser un certain nombre de codes scénaristiques propres aux westerns. Ce n'est pas seulement l'évocation de ces répliques "cultes" sur le débat "who pulled first", mais cela se reflète de façon plus global dans l'atmosphère générale de la série. Par exemple, cela se traduit par le recours à de nombreuses confrontations face à face, forme d'opposition, pas forcément armée, où chacun défie l'autre de ciller le premier. Et puis, il y a évidemment aussi cette figure anachronique du justicier solitaire, à part, qu'incarne, consciemment ou non, Raylan.

Sur la forme également, le réalisateur exploite à merveille ce parti pris scénaristique. Cela passe par une caméra qui prend le temps de se concentrer sur chacun des protagonistes en tant qu'individualité, et sur leur regards lors des moments critiques. De plus, une musique fortement marquée western accompagne le téléspectateur tout au long de l'épisode. Elle n'est pas envahissante et bénéficie d'une utilisation sobre et judicieuse, mais elle marque cependant bien sa présence. Et puis, évidemment, Justified jouit d'un décor propice à ces digressions qui prennent un faux air d'appel de l'Ouest : dans ce Kentucky reculé, les scénaristes exploitent ces vastes étendues et leurs secrets, égarées entre les deux pôles attractifs que constitue chacune des côtes du pays, afin de mettre en scène cet aspect souverainiste que l'on ne retrouve nulle part ailleurs. Une forme d'indépendance anachronique qui imprègne ces coins retirés, voire retranchés; et donne le ton à l'ambiance de ce pilote.

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Pour porter l'ensemble, la série dispose d'un solide casting, conduit d'une main de maître par un excellent Timothy Olyphant (Deadwood) qui délivre ici une prestation à la hauteur du scénario. Personnage complexe, hors du temps, masquant ses démons intérieurs derrière une assurance inaltérable, il cache, au-delà de cette fausse façade placide et de ce calme à toute épreuve, des émotions intenses. C'est une colère non formulée que souligne par sa propension à se servir de son arme. Cette figure de l'homme de loi, au caractère complexe, jouant sur une pseudo-apparence lisse au premier abord, n'est évidemment pas sans rappeler Seth Bullock, de Deadwood ; et il est difficile pour le téléspectateur, déjà encouragé par le cadre, de ne pas faire quelques comparaisons somme tout flatteuses. Reste que Timothy Olyphant trouve, dans ce pilote, le ton juste, jouant sur une ambivalence plus subtile qu'il n'y paraît a priori, pour proposer un personnage qui ne  manque pas d'aiguiser la curiosité du téléspectateur.

A ses côtés, l'épisode met surtout en avant, par la confrontation qui permet au personnage de Raylan de s'affirmer dans toute sa complexité, un ancien ami de l'homme de loi, interprété par un acteur bien connu des téléspectateurs de FX, Walt Goggins (The Shield). Le pilote introduit également des figures féminines de poids, avec Joelle Carter en veuve meurtrière, victime autant que coupable, et Natalie Zea (Dirty Sexy Money), ancien flirt qui exerce toujours un certain attrait sur Raylan. De l'équipe d'US Marshall que rejoint le héros au début de l'épisode, c'est surtout le patron, incarné par Nick Searcy, qui sort du lot, cadrant avec l'image stéréotypée que l'on peut se faire d'un tel dirigeant de ce service dans le Kentucky.

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Bilan : Justified délivre un pilote très solide et particulièrement prometteur. Se déroulant dans un cadre assez atypique, à l'intersection de plusieurs genres, il souffle sur l'épisode un faux air de Far West moderne, auxquels se mêlent les préoccupations d'un cop show moderne se déroulant dans les grands espaces proposés par le Kentucky. Introduisant un solide personnage principal, complexe et surtout intriguant, l'épisode aiguise la curiosité du téléspectateur en laissant entrevoir une ambivalence sombre, derrière cette façade de justicier solitaire presque cliché. Le pilote semble d'ailleurs prendre beaucoup de plaisir à jouer sur les apparences, mettant en scène des dynamiques bien plus complexes que ce que l'on imagine hâtivement à première vue.

En somme, mission parfaitement remplie avec ce pilote, qui donne très envie de s'investir dans la série et d'en découvrir la suite.


NOTE : 8,5/10


Une bande-annonce de la série :

16/03/2010

(Pilote / Mini-série US) The Pacific, Part One : Guadalcanal / Leckie

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Beaucoup d'excitation téléphagique pour cette semaine qui constitue une des charnières de mon premier semestre sériephile 2010, avec l'arrivée de deux des trois nouveautés américaines, dans lesquelles je place plus ou moins tous mes espoirs outre-Atlantique : The Pacific et Justified (ce soir, sur FX) (la troisième étant Treme, au mois d'avril sur HBO).

En fait, c'est presque un euphémisme d'écrire que j'attendais avec impatience The Pacific. Depuis l'époque où le projet a été simplement annoncé, mon impatience n'a fait que croître. Ce n'est pas forcément une bonne chose, j'en suis consciente. Tout téléphage le sait : l'espérance est le meilleur moyen de finir déçu. Pire, on peut se gâcher le visionnage d'une fiction honnête, simplement parce que l'on avait imaginé monts et merveilles. Certes, de mon côté, j'avoue aussi n'avoir pas eu non plus une stratégie très avisée. Le revisionnage de Band of Brothers en ce début d'année m'a bien rafraîchi la mémoire et rappelé à quel point j'aimais cette mini-série.

Bref, j'ai eu beau me promettre de ne pas placer mes espoirs trop hauts, j'avais quand même souligné la date du 14 mars sur mon agenda. Restait à mettre de côté tous mes préjugés, m'installer devant la télé... et alea jacta est !

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The Pacific s'ouvre sur un épisode dont la construction se découpe en deux parties. Il débute par une longue introduction, ayant une pure fonction d'exposition parfaitement assumée. Après un rappel des évènements de décembre 1941, avec l'utilisation d'images d'archives et la voix de Roosevelt en fond sonore, nous voici immédiatement plongés dans cette Amérique encore sous le choc, traumatisée par Pearl Harbor, et qui mobilise ses soldats afin d'entrer en guerre. Cette mini-série va nous faire suivre la Seconde Guerre Mondiale sur un front moins connu pour un Européen : le front Pacifique, à travers les destins croisés de trois militaires. L'exposé pédagogique initial, un brin didactique, a l'avantage de poser clairement le contexte et la situation historique dans laquelle nous allons être plongés. Ce souci de partir sur des bases claires, afin que le téléspectateur ne rencontre aucun obstacle pour rentrer dans l'histoire, se retrouve également dans le premier quart d'heure de l'épisode. Il est en effet utilisé par les scénaristes comme une parenthèse introductive, présentant les trois personnages qui constitueront nos points de repères à travers les soubresauts meurtriers à venir. Ce sont leurs parcours qui nous feront vivre cette guerre.

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Ces rapides portraits dressés se révèlent de facture somme toute très classique, esquissant en un minimum de temps les bases de leurs personnalités, sur un format sans originalité particulière. Chacun dispose d'un background très différent. John Basilone, fils d'immigrés italiens, est déjà un militaire de carrière, qui a plusieurs années de service derrière lui, notamment un séjour aux Philippines. Il rejoint les marines à l'aube de cette guerre. Un milieu populaire très différent de celui d'Eugene Sledge, jeune homme tout juste sorti de l'adolescence du haut de ses 18 ans. Il est issu d'une riche famille du Sud, originaire de l'Alabama. Pour le moment, il ne fait qu'exprimer son désir de rejoindre l'armée, confronté à l'opposition de son père, qui lui diagnostique un souffle au coeur permettant de tranquilliser sa mère. Enfin, Robert Leckie est un homme de lettres, qui a grandi sur la côte Est, en Pennsylvanie. C'est aux côtés de ce dernier que le téléspectateur va véritablement rentrer dans la réalité du conflit au cours la seconde partie de l'épisode.

Ainsi, nous avons trois protagonistes aux parcours séparés, mais qui vont tous les conduire dans le Pacifique. Le seul lien relationnel entre existant dans ce pilote, se situe entre deux de ces trois personnages principaux et va prendre une forme indirecte : le meilleur ami d'Eugene, Sidney Phillips, se retrouve en effet affecté à l'unité de Robert Leckie. En raison de cet éventail éclaté, ce temps de présentation en rupture se justifie. Mais il est aussi la raison pour laquelle ce premier épisode met un peu de temps à atteindre son rythme de croisière. C'est un choix délibéré d'avoir ainsi débuté ; du point de vue du téléspectateur, pour qui personne ne se ressemble plus que deux soldats portant leur harnachement et leur casque, couverts de terre et de sang, c'est aussi une attention bienvenue, afin de bien enregistrer qui est qui, avant que le récit ne commence vraiment. 

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C'est avec le début officiel des hostilités sur le terrain, que l'épisode prend toute son ampleur et acquiert sa pleine dimension, rappelant ses ambitions  au bon souvenir du téléspectateur. Ce qui marque, c'est l'aisance avec laquelle, après cette première parenthèse introductive très neutre, l'épisode bascule, sans transition, dans un récit de guerre aux accents empreints d'une authenticité qui sonne très naturelle. Car les scénaristes trouvent instantanément le ton adéquat pour nous immerger aux côtés d'une unité qui s'apprête à débarquer sur le premier objectif stratégique américain, l'île de Guadalcanal. Les Japonais l'ont conquise au cours de leur offensive de décembre 1941 : s'ils réussissent à y construire une base aérienne, ils couperaient les Etats-Unis de l'Australie, et s'assureraient ainsi une hégémonie sans partage sur la zone du Pacifique.

C'est donc sur ce petit bout de terre exotique, en plein hémisphère sud, que vont se dérouler les premiers contacts et combats terrestres avec les Japonais. Au-delà de Robert Leckie, figure centrale de la narration auquel le téléspectateur s'attache rapidement, c'est toute une unité qui prend vie sous nos yeux, avec beaucoup de facilité. La dynamique des rapports entre les différents soldats se révèle inspirée et bien écrite, développée sans accroc. Aussi classique qu'apparaisse ce récit, il trouve facilement une tonalité juste et convaincante : on ressent, avec les soldats, l'attente, les fausses angoisses, les incertitudes et, enfin, les émotions fortes des premières escarmouches... Tout paraîtrait presque trop calibré si l'épisode ne nous offrait pas également ces premières scènes vraiment marquantes, qui nous rappellent que nous ne sommes pas devant n'importe quelle fiction de guerre, comme nous aurions pu un instant l'imaginer après ce début ronronnant. La confrontation directe avec les Japonais donne lieu à un résultat horrifiant. Plus que le combat en lui-même, c'est aussi la différence culturelle qui frappe, avec notamment ce rapport à la mort et au sacrifice qu'ont les Japonais. Elle s'illustre de la plus glaçante des façons avec cette plage couverte de cadavres une fois le soleil levé, conséquence du fait que ces soldats continuaient d'avancer alors même que la voie était définitivement bouchée par les mitrailleuses américaines. Mais ce rapport à la mort passe aussi par le choix de ce blessé qui préfère se faire exploser à la grenade plutôt que d'être pris par l'ennemi. De part et d'autre, déjà, l'horreur et l'absurdité des combats révèlent des pans de la nature humaine que l'on préfère cacher dans l'ombre. Des scènes où le regard de Robert Leckie apporte une dimension plus humaine qui permet au téléspectateur d'apprécier d'autant plus le repère que constitue ce personnage.

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Ces premiers combats sont également l'occasion de souligner la spécificité du décor dans lequel se déroule The Pacific, et que la mini-série, par son esthétisme soigné, va parfaitement savoir exploiter. Il y a cet océan bleu à perte de vue, ces plantes exotiques, ce climat humide et chaud... Tous ces éléments qui évoquent instinctivement ces lieux rêvés loin des soucis du quotidien. Si bien qu'un contraste saisissant s'impose d'emblée entre le cadre de cette île tropicale, aux fausses apparences paradisiaques, et les horreurs qui ont lieu derrière cette végétation touffue. The Pacific choisit à dessein de mettre en avant ce cadre où une guerre pourrait presque paraître déplacée, permettant d'en souligner avec force le paradoxe à la fois glacial, cruel et fascinant. Dans cette perspective, l'image de la plage jonchée de cadavres à perte de vue restera gravée dans la rétine du téléspectateur : elle constitue une réussite symbolique qui interpelle. Car ce tableau, à la belle esthétique presque indécente au vu de l'horreur ainsi mise en scène, reflète pourtant déjà la noirceur la plus extrême de cette guerre. 

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Avec l'exploitation du décor proposé par l'île de Guadalcanal, nous touchons également à un autre des atouts de The Pacific : il s'agit bien évidemment de la forme. Projet ambitieux, disposant d'un budget conséquent qui lui permet de voir les choses en grand, la mini-série nous propose une réalisation particulièrement soignée. Encore une fois, la caméra n'est jamais meilleure que lorsqu'il s'agit de porter à l'écran les scènes de guerre. Ces dernières lui permettent en effet de renouer avec ce raffinement assez fascinant, où la beauté première des images se heurte à la froide réalité de la barbarie ainsi dépeinte. Plaçant ainsi le téléspectateur presque en porte-à-faux, suscitant inconsciemment un certain malaise, cela confère une dimension supplémentaire au récit, retenant l'attention jusque dans les moindres détails des scènes de transition. Ici, la forme n'est pas seulement un moyen au service du fond. Elle est un composant à part entière qui le complète, conférant un impact encore plus décisif à certains passages clés. Parvenir à faire fonctionner en harmonie l'histoire et le visuel est l'objectif théoriqe de toute fiction télévisée, The Pacific y réussit avec beaucoup de maîtrise dans la seconde partie de l'épisode. De bonne augure pour la suite.

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Bilan : Ce premier épisode prend son temps pour introduire le cadre de cette mini-série, en commençant par nosu présenter les protagonistes. Cette fonction d'exposition, sous une forme très classique, retarde quelque peu le début réel de l'histoire, mais offre une parenthèse bienvenue qui fournit toutes les clés au téléspectateur pour comprendre la suite. Puis, dans ses deux derniers tiers, The Pacific se révèle à la hauteur de ses ambitions, en acquérant peu à peu toute sa dimension, parvenant instantanément à trouver le ton juste pour relater les premiers combats, avec des images qui restent déjà gravées dans notre mémoire, bien servies par le soin accordé à la forme, bénéficiant d'une réalisation et d'une photo très travaillées.

Ce premier épisode lance donc la mini-série sur de bons rails et légitimise les attentes initiales, nous laissant avec une bonne impression d'ensemble et le sentiment que le récit devrait être capable de mûrir et d'exploiter efficacement son cadre dans les prochains épisodes.


NOTE : 8,5/10


Le superbe (et très long) générique :

Une bande-annonce diffusée sur HBO :


14/03/2010

(K-Drama / Pilote) The Birth of The Rich : le monde des riches héritiers


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L'approche du printemps va amorcer le premier renouvellement des programmes du petit écran coréen et l'arrivée de plusieurs nouveautés récemment débarquées ou à venir. Parmi celles qui ont pris leurs quartiers depuis le début de ce mois de mars en Corée du Sud, on retrouve des dramas aux thématiques assez diverses, mais qui restent en terrain très connu. J'avoue que, pour le moment, rien ne m'a vraiment convaincu parmi les deux que j'ai testés. D'une part, il y a le kitsh d'action très marqué 80s', adaptation d'un manhwa à voir au second degré, avec A Man Called God, d'autre part, la comédie romantique avec en toile de fond l'univers fantasmé des sphères les plus riches du pays, The Birth of The Rich. C'est de cette dernière, qui a débuté le 1er mars 2010 sur KBS2, dont je vais vous parler en ce dimanche asiatique.

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Placée sous le signe de l'ascension sociale, The Birth of The Rich met en scène un héros aux rêves matérialistes déjà très tôt ancrés dans son esprit : il est persuadé d'être le fils d'une riche famille et raconte, dès son plus jeune âge, comment sa mère croisa un jour la route du président d'un Chaebol (ensemble industriel familial d'entreprises très diverses) et en fut séparé par le hasard et les circonstances, sans que ce dernier soit informé du fait que, de la nuit qu'ils avaient passé ensemble, allait naître un enfant. Seulement, sa mère resta également dans l'ignorance de l'identité de celui qui fut, le temps de quelques heures, son amant.

Profondément marqué par cette histoire fondatrice, en dépit de sa condition très modeste, Ji Hyun Woo s'est mis en tête de retrouver ce père biologique mystérieux. Le seul lien qu'il conserve est une médaille, cadeau précipité d'au revoir fait à sa mère. Pour découvrir qui il est, le jeune homme choisit de côtoyer les individus les plus fortunés du pays en travaillant dans un hôtel de luxe. Souhaitant rapidement quitter la condition sociale qu'il occupe actuellement, il étudie en parallèle le monde des affaires, de loin, avec ses moyens, cachant mal sa fascination pour ce milieu.

Son quotidien à l'hôtel va être quelque peu bouleversé par l'arrivée de Lee Bo Young, l'héritière caractérielle et intransigeante d'une riche famille, qui veut s'imposer dans ce monde de businessmen très masculin. Avec des habitudes très atypiques pour une personne ayant plus d'argent qu'elle ne peut en dépenser, sa rencontre avec Ji Hyun Woo va instantanément faire des étincelles et se changer en confrontation.

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En posant dès le départ les certitudes animant son héros imperturbable, The Birth of the Rich brasse, de la plus classique des manières, de grandes thématiques traditionnelles des séries coréennes. Avec en toile de fond les hasards de la vie et ses coïncidences uniques, ce drama se positionne dans la droite ligne de ces histoires récurrentes de destinée que, par une attitude active, le personnage principal souhaite aider à s'accomplir. Oeuvrant souvent à la limite de l'arrogance presque insolente, Ji Hyun Woo manoeuvre et se donne tous les moyens, sans compromission, en vue d'atteindre l'objectif qu'il s'est fixé. La fascination ainsi mise en scène pour les hautes sphères des affaires et les riches palaces est également un décor assez connu, rejouant les gammes classiques des dynamiques d'opposition entre héritiers et parvenus, travailleurs et opportunistes.

Dotée de protagonistes ayant chacun un fort caractère, la série s'amuse évidemment des oppositions et des confrontations inévitables qui vont en résulter. Mais elle ne parvient pas à se départir de l'impression tenace d'un déroulement trop convenu et balisé. Les clashs prêtent à sourire, cependant ils sont construits d'une façon sans doute excessivement artificielle, ce qui donne parfois le sentiment d'assister à des passages un peu forcés, manquant de relief et de spontanéité. A la différence d'autres comédies romantiques proposées cette année (Pasta, The Woman Who Still Wants To Marry), tirant avec dextérité leur épingle du jeu, en misant sur une authenticité rafraîchissante et des personnages attachants dans lesquels on peut s'identifier, The Birth of the Rich reste pour le moment en retrait. Avec ses protagonistes assez froids et ses ressorts scénaristiques sans surprise, elle se révèle trop timorée ou péchant peut-être par manque d'ambition.

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Si le pilote se révèle assez plat sur le fond, avec un déroulement trop prévisible dans lequel il manque une petite touche de personnalité qui permettrait à The Birth of The Rich de s'imposer en tant que telle, le casting se montre pour le moment, également, assez banal et plutôt effacé ; même si ce drama marque quand même quelques retours au petit écran après plusieurs années d'absence pour deux de ses acteurs.

Ji Hyun Woo, vu l'an dernier dans la comédie Invicible Lee Pyung Kang, incarne avec une certaine sobriété ce jeune homme qui s'imagine héritier d'un Chaebol, persuadé d'être appelé à connaître un destin fortuné. Il fait le travail, mais sans plus pour le moment. Son pendant féminin, Lee Bo Young (Queen of the Game, qui date de 2007), héritière atypique et intransigeante, parvient plus efficacement à mettre en avant la force de caractère de son personnage. Les deux acteurs n'ont eu que quelques scènes ensemble, dans ce pilote, et il est trop tôt pour affirmer que l'alchimie prendra entre ces deux-là.

Pour compléter le casting principal, nous retrouvons Nam Goong Min (lui aussi de retour après une longue période sans drama, son dernier, datant de 2006, était One fine day), en héritier puissant, homme d'affaires déjà très impliqué dans le monde de la finance. Sa brève apparition ne permet pas de juger le personnage, si ce n'est qu'il correspond a priori au stéréotype parfait, à l'image que l'on peut se faire d'un second rôle masculin dans une série coréenne romantique. Enfin, Lee Si Young (croisée l'an dernier dans Loving you a thousand times) complète ce quatuor.

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Bilan : The Birth of The Rich nous offre un premier épisode assez convenu, qui déroule sur un rythme régulier sans vraiment interpelé, ni retenir l'attention du téléspectateur. Si tout est bien huilé, le drama cherche encore sa tonalité et une identité. La dynamique entre les personnages principaux se présente comme une énième déclinaison de confrontations entre opposés, mais aucun ne s'impose vraiment à l'écran, conservant une certaine froideur qui empêche tout attachement ou identification.
En somme, voici un pilote qui ronronne doucement, se suit sans trop de difficulté, mais peine à aiguiser la curiosité du téléspectateur pour l'intéresser à la suite. Je ne pense pas continuer la découverte.


NOTE : 4/10


La bande-annonce :