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21/09/2013

(Mini-série UK) What remains : isolement et secrets derrière des portes closes

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Cette semaine, un des responsables de Sky déclarait dans une interview qu'il trouvait les dramas diffusés sur la BBC ou Channel 4 trop déprimants, voire moroses, et qu'a contrario, sa chaîne comptait justement développer des séries avec une tonalité plus nuancée. Une chose est sûre, ce n'est pas en s'installant devant la dernière mini-série de BBC1, What remains, que le téléspectateur anglais lui donnera tort sur ce constat de noirceur.

Écrite par Tony Basgallop (Inside Men), cette fiction compte en tout 4 épisodes, proposée du 25 août au 15 septembre 2013. Cette année, la télévision anglaise ayant véritablement regorgé de crime dramas ambitieux, il apparaissait difficile pour elle de se faire une place. Pourtant, à l'instar de ses prédécesseurs, What remains a su décliner un certain nombre de codes traditionnels au genre dans un registre qui lui est propre, glissant le téléspectateur dans le quotidien des habitants d'un immeuble.

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Un corps est découvert dans le grenier d'une maison, par un couple venant d'aménager dans un des appartements du haut. Les analyses montrent qu'il s'agit des restes de Melissa Young, une jeune femme à qui appartenait l'habitation du dernier étage. Cela faisait plus de deux ans que ses voisins ne l'avait plus croisée, mais personne n'avait donné l'alerte sur sa disparition, ni cherché à savoir ce qui était advenu d'elle. Compte-tenu de l'état avancé de décomposition du cadavre, la police reste prudente, incapable de conclure de manière certaine à l'homicide ou au suicide.

Cependant, le détective Len Harper, à contre-courant de sa hiérarchie, s'implique tout particulièrement dans cette affaire, persuadé qu'il s'agit d'un meurtre. Partant à la retraite, il décide malgré tout de poursuivre l'enquête de son côté, alors même que ses collègues s'en désintéressent. Peu à peu, à mesure qu'il apprend à connaître chacun des habitants des lieux, les apparences lisses et les phrases toutes faites qui lui ont été servies pour évoquer Melissa s'effritent. Chaque appartement a ses secrets consciencieusement dissimulés. C'est dans un de ces secrets que se trouve peut-être les raisons de la mort de la jeune femme...

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Derrière ses atours de fiction d'enquête classique, What remains se démarque tout d'abord par l'angle avec lequel la mort de Melissa Young est abordée. La jeune femme étant décédée depuis plus de deux ans, les services de police se retrouvent quelque peu démunis. De plus, personne n'ayant rien réclamé pendant tout ce temps, qui se préoccupera que toutes les diligences soient bien réalisées ? Melissa Young est tombée dans l'oubli. C'est cet isolement si profond que révèle cette situation qui touche profondément le policier Len Harper. L'idée qu'une disparition puisse être si longtemps ignorée le déroute, et surtout, elle le renvoie à sa propre solitude et à ses craintes.

La fragilité actuelle du lien social interpelle d'autant plus Harper qu'il part à la retraite. Melissa Young est sa dernière affaire. Il laisse derrière lui des collègues, un quotidien, tout un réseau sur lequel s'est construite sa vie. Même ses liens familiaux se diluent, puisqu'il est veuf et qu'il assiste, dans le même temps, impuissant, à la lente agonie de son frère à l'hôpital. Contre cette société qui semble si facilement avoir effacé l'existence de la jeune femme, il ressent une responsabilité : il lui doit de découvrir la vérité. C'est pourquoi il poursuit inlassablement son investigation, malgré la retraite, malgré les avertissements de son ancienne partenaire. Cette motivation particulière traverse toute la série, conférant une tonalité à part à l'ensemble.

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La construction de l'intrigue de What remains suit la mode narrative actuelle des timelines qui s'entremêlent, nous faisant vivre les derniers mois de Melissa Young en écho à la progression de l'investigation dans le présent. S'employant à montrer toujours plus l'isolement de la jeune femme, la mini-série entrouvre peu à peu les secrets que cache chacun des habitants de l'immeuble. Le cadre choisi d'une vieille et grande maison est ici très opportun pour susciter inquiétude et mystère. La haute bâtisse apparaît en effet comme une véritable métaphore des vies qui s'y déroulent. En dépit de la promiscuité, chacun semble si loin des autres. L'escalier central n'offre qu'une vision partielle de toutes ces portes closes qui sont autant de barrières empêchant des vérités inavouables de sortir, un moyen de s'isoler mais aussi d'isoler.

L'enquête agit comme un révélateur, c'est un catalyseur qui va faire ressortir tout ce que les habitants ont enfoui. Il ne s'agit pas seulement pour Harper de chercher un tueur, c'est la mémoire même de Melissa qu'il veut réhabiliter et préserver contre ceux qui souhaiteraient l'effacer. Réveiller le souvenir de la jeune femme provoque des réactions en chaîne inattendues. Démontrant combien tous ont contribué à conduire à cette mort anonyme, la mini-série souligne l'hypocrisie sociale, mais aussi la manière dont chacun transige pour fuir la solitude qui menace. D'anciens démons rejaillissent, ranimant chez certains une part d'ombre bien éloignée de l'image lissée initiale. Tandis que les apparences tombent, c'est tout leur quotidien qui menace de s'effondrer. Loin de se réduire à un simple whodunit, What remains propose ainsi un éclairage des plus troublants sur une communauté humaine, amenant à s'interroger sur les liens - et l'absence de liens - existant dans ce cadre citadin moderne.

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Sur la forme, What remains est une mini-série très solide. La réalisation a été confiée à Coky Giedrovc : elle est parfaitement maîtrisée avec un visuel abouti très appréciable. Elle entreprend de construire l'atmosphère particulière dans laquelle évolue le récit, avec une ambiance tour à tour intriguante et inquiétante qui retient l'attention du téléspectateur. La bande-son, bien dosée et sans excès, complète cet effort.

Enfin, What remains rassemble un casting choral des plus convaincants. Dans le rôle du détective Len Harper, le téléspectateur retrouve avec plaisir David Threlfall, évoluant ici dans un registre très différent du Frank Gallagher de Shameless. Parmi les habitants de la maisonnée, on retrouve Steven Mackintosh (Inside Men, The Jury II, Luther), Russell Tovey (Little Dorrit, Being Human, Him & Her), Indira Varma (Rome, Luther, Human Target), David Bamber (Rome, Collision), Amber Rose Revah (The Bible), Denise Gough (Titanic : Blood and Steel) et Victoria Hamilton (The Time of your Life, Lark Rise to Candleford). A noter que, après avoir bien sur jouer l'ambiguïté dans A Mother's Son, le jeune Alex Arnold (Skins) retrouve ici un rôle guère éloigné. Quant à Melissa Young, elle est interprétée par Jessica Gunning (White Heat, Law & Order : UK).

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Bilan : Tout en réunissant les ingrédients classiques d'un solide crime drama, l'enquête de What remains agit en réalité comme un révélateur permettant d'évoquer la communauté humaine qui vit dans la grande bâtisse mise en scène. Derrière son intrigue criminelle, c'est surtout une fiction qui interpelle par la manière dont elle traite ce thème central qu'est la solitude. Elle rappelle combien on peut être isolé en dépit de la promiscuité urbaine, tout en soulignant également la hantise, existant en chacun, que représente cette crainte d'être seul. Cette peur conduit à faire bien des compromis derrière des portes closes qui préservent secrets et non-dits, permettant de s'isoler et isolant l'autre. Laissant ainsi le téléspectateur songeur, la mini-série dépasse la seule fiction policière et retient l'attention du début à la fin. A découvrir.


NOTE : 7,5/10


La bande-annonce de la série :

13/01/2012

(UK) Sherlock, saison 2, épisode 2 : The Hounds of Baskerville

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L'avantage de la brièveté des saisons comportant seulement trois épisodes, c'est que cela confère à chaque aventure une saveur particulière qu'il faut prendre le temps d'apprécier à sa juste valeur. L'inconvénient, c'est que la saison 2 de Sherlock se clôture déjà dimanche soir prochain sur BBC1 et qu'il faudra bientôt se résoudre à se contenter de l'intégrale en DVD pour sevrer notre accoutumance Sherlockienne.

Ce deuxième épisode de la saison ambitionnait d'adapter une des affaires les plus connues - si ce n'est la plus connue - du détective créé par Sir Arthur Conan Doyle, The Hound of Baskerville (Le chien des Baskerville en version française). C'est à Mark Gatiss, co-créateur de Sherlock aux côtés de Steven Moffat, qu'a été confié le soin d'adapter cette histoire familière. Si, comme durant la première saison, ce deuxième épisode se situe un peu en retrait par rapport à la flamboyance du premier, il n'en demeure pas moins jubilatoire et enthousiasmant comme Sherlock nous a habitué.

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The Hounds of Baskerville s'ouvre sur un Sherlock Holmes encore plus agité qu'à l'accoutumée en raison d'un sevrage de cigarettes. Il attend avec anxiété une nouvelle enquête digne de lui. Si les sollicitations via son site web l'exaspèrent par leur futilité, il en va autrement lorsque Henry Knight passe la porte du 221B Bakerstreet. Le jeune homme vient lui parler de l'ancien traumatisme qui le poursuit depuis son enfance : il a vu son père tué sous ses yeux, déchiqueté par ce qu'il estime être une gigantesque créature aux yeux rouges. Depuis, ces souvenirs ne cessent de le hanter, tandis que dans la région où il vit, son histoire sert plutôt d'argument touristique.

La curiosité de Sherlock est piquée par la présentation, et surtout le vocabulaire choisi par Henry pour relater les évènements. Son intérêt est d'autant plus éveillé lorsqu'il apprend qu'à côté de Baskerville existe un site militaire dans le laboratoire duquel des expériences sont menées sur des animaux. L'affaire entraîne donc Sherlock et John loin de Londres, dans la campagne du Dartmoor, où Lestrade viendra les rejoindre, tandis que l'aide indirecte de Mycroft - ou du moins de son pass de sécurité - sera également requise pour percer le mystère de Dewer's Hollow.

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Adapter The Hound of Baskerville était un challenge à plus d'un titre. Mark Gatiss opte pour un mélange des genres judicieux. Pour exploiter l'idée qu'une créature rôde peut-être dans les parages de Baskerville, l'épisode emprunte en parallèle deux voies toutes aussi prenantes. D'une part, l'intervention de l'armée et de possibles expériences scientifiques conduites dans les laboratoires proches esquissent un argument rationnel pouvant aller jusqu'à fonder les inquiétudes des plus sceptiques. D'autre part, l'histoire flirte avec des éléments tendant vers l'horreur et le fantastique en nous faisant rôder la nuit tombée dans les sombres bois du Dartmoor, et partager les frayeurs de Henry Knight.

Par sa construction, The Hounds of Baskerville est une aventure plus linéaire et posée que le tellement volatile A Scandal in Belgravia. Le scénario y est moins dense, plus prévisible aussi, le téléspectateur anticipant l'orientation de l'histoire. Si la résolution même de l'intrigue cède à certaines facilités critiquables, l'épisode n'en est pas moins conduit sur un rythme enlevé - une des marques de la série - avec une maîtrise narrative à saluer. Une partie de son attrait tient à son atmosphère particulièrement sombre : Mark Gatiss n'a pas son pareil pour exploiter ce cadre isolé loin de la ville et jouer sur un registre plus suggestif, distillant une tension appréciable tout au long de l'aventure.

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De plus, l'intérêt de cette ambiance inquiétante, c'est qu'elle vient faire vaciller quelque peu nos héros, déstabilisant un instant Sherlock, et permettant d'éclairer la dynamique du duo qu'il forme avec John. Dans la droite lignée de la série, The Hounds of Baskerville maîtrise l'art de ciseler ses dialogues comme peu de fictions. Prenant le temps d'explorer les rapports de ces deux personnages phares, l'épisode recelle de passages qui sont de véritables bijoux riches en réparties jubilatoires, qu'il s'agisse de moments de tension ou des instants où ils retrouvent leur complicité. Au-delà du rire qui ne peut que fleurir aux lèvres du téléspectateur assistant à des excuses formulées avec une diplomatie et une maladresse relationnelles toute Sherlockienne, ce sont les fondements d'une amitié que l'épisode rappelle avec une justesse rare.

Enfin une partie du charme de The Hounds of Baskerville tient tout simplement au dépaysement qu'il procure en s'éclipsant exceptionnellement de la capitale anglaise. Et l'escapade champêtre offerte par le Dartmoor, ainsi que l'atmosphère particulière qui règne durant l'épisode, n'auraient sans doute pas eu la même saveur sans le travail de Paul McGuigan, qui aura réalisé les deux premiers épisodes de cette saison 2 de Sherlock. La photographie est superbe, la mise en scène déborde d'inventivité : un vrai plaisir pour les yeux ! Et puis, du côté du casting, je pourrais me perdre une nouvelle fois en superlatifs pour qualifier les prestations de Benedict Cumberbatch et de Martin Freeman dont la complicité transparaît vraiment à l'écran. Quant au guest-star de l'épisode, le toujours attachant Russell Tovey, quoique restant logiquement en retrait, il prouve, comme souvent, qu'il n'a pas son pareil pour susciter l'empathie du téléspectateur.

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Bilan : Sans atteindre la perfection (trop?) flamboyante du premier épisode, The Hounds of Baskerville sait habilement tirer parti de toutes les facettes de l'aventure prenante proposée : l'idée qu'une créature puisse errer dans ce coin de campagne anglaise mêle en effet secrets scientifico-militaires et horreur pour un cocktail au parfum inquiétant. Si la résolution de l'intrigue ne sera pas complètement satisfaisante, Sherlock reste fidèle à elle-même avec son rythme enlevé et ses répliques jubilatoires, saisissant l'occasion de cette escapade loin de Londres pour explorer un peu plus cette étrange amitié qui unit Sherlock et John. A savourer !


NOTE : 8,75/10


La bande-annonce de l'épisode :


28/01/2011

(UK) Being Human, series 3, episode 1 : Lia

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Dimanche soir dernier commençait sur BBC3 la saison 3 de Being Human (la vraie version). A la différence de l'an dernier, je n'ai plus le temps de me consacrer à des reviews épisode par épisode ; mais je vous propose d'adopter le même système que pour Spooks (MI-5) cet automne : une review si jamais l'épisode de la semaine s'avère marquant - soyons optimiste, dans un sens positif ! - et un bilan en fin de diffusion pour faire le point sur la saison entière.

J'avoue que j'étais plutôt impatiente et assez contente de retrouver Being Human. Si je reconnais sans peine les insuffisances et inégalités qualitatives récurrentes qui parsèment la série, je me suis mine de rien très attachée à cette fiction, à ses personnages comme à son casting. C'est un divertissement honnête, sans prétention, dont la force majeure reste l'empathie que ses thèmes sont capables de susciter. Au fond elle me donne souvent l'impression de constamment verser dans une sorte de narration expérimentale, d'où sortent indistinctement de superbes scènes et d'autres plus confuses. Mais le téléspectateur sait à quoi s'attendre quand il s'installe devant Being Human ; et ces débuts vont parfaitement illustrer les hauts - mais aussi les bémols inhérents - de la série, pour offrir une entrée en matière plutôt réussie.

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Ce premier épisode a pour objet principal de boucler les éléments encore en suspens de la saison passée, tout en posant les fondations des intrigues à venir. L'enjeu n'est pas tant d'assurer une transition travaillée que de se tourner vers le futur. Ainsi, l'emménagement dans une nouvelle ville -  qui s'explique dans la réalité par un déménagement du tournage à Cardiff - est géré de manière relativement expéditive et anecdotique : tout le monde a déjà trouvé un travail à l'hôpital de la ville ; et la maison qu'ils découvrent offre tous les avantages pratiques auxquels ils pourraient aspirer, à commencer par une pièce au sous-sol insonorisée qui intéresse forcément les loup-garous de la maison. De même, la gestion du "pseudo" cliffhanger de fin de saison dernière n'apparaît jamais véritablement comme un enjeu central : le retour d'Annie ne fait aucun doute, c'est plutôt la façon dont il va s'effectuer qui retient l'attention.

Et dans cette storyline, Being Human fait du Being Human. A défaut d'être réellement solide ou travaillée, elle s'approprie une mythologie minimaliste à la simplicité un brin désarmante, mais qui a au moins le mérite de ne pas parasiter inutilement le récit. Elle préfère se concentrer sur l'essentiel : prendre un tournant introspectif, en explorant plus avant les états d'âme d'un personnage, en l'occurence Mitchell. Le purgatoire d'Annie se transforme en douloureux retour sur certains crimes passés du vampire. On retrouve ici ce thème familier du décalage entre les aspirations utopiques des personnages à l'humanité et la nature qui les rattrape, mais qui ne doit pas les déresponsabiliser pour autant. La force de ce passage est de ne jamais prendre une tournure expiatoire. D'autant que l'épisode met bien l'accent sur un point de non retour franchi l'an passé : une rupture nette avec ses rêves d'humanité a eu lieu durant ce massacre dans le train, dont l'omniprésence jusque dans les infos qui tournent en boucle sur BBC News indique bien que les faits vont hanter toute la saison.

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Aussi artificiellement amenées qu'elles puissent être, ces scènes au purgatoire sont incontestablement une des grandes réussites de ce premier épisode, reflet de cet éternel paradoxe constitué par cette série capable d'alterner maladresses et scènes d'une intensité émotionnelle troublante. Il faut dire que question "personnage torturé", Mitchell avait déjà quelques longueurs (décennies) d'avance sur ses deux amis. Les évènements de la saison passée n'ont fait qu'aggraver les choses. Et dans ce lieu où il met les pieds pour sauver Annie, la donnée narrative qui change, c'est l'obligation soudaine d'une franchise imposée. Pour une fois, il ne peut pas fuir. Pas plus que se réfugier dans ses défenses habituelles, celle d'une nature de tueur qui l'emporte en raison de circonstances exceptionnelles. Et si tout cela fonctionne aussi bien, ces scènes le doivent en grande partie à une figure faussement tutélaire qui va pousser Mitchell dans ses derniers retranchements : Lia.

La jeune femme apparaît initialement avec tous les attributs du guide classique, sensé accompagner voire guider Mitchell dans sa "quête". La longue lignée des meurtres qu'a pu commettre le vampire les conduit dans ce fameux wagon, théâtre de cette tragédie sanglante. Mais Lia n'est pas là pour être compréhensive ou offrir une nouvelle épaule pour pleurer à Mitchell : elle est morte dans ce train, victime anonyme d'un déchaînement vampirique d'une ampleur rare. Elle ne va pas accorder un pardon, ni ne veut déclencher la pitié (son ton oscillant entre sarcasme et détachement est parfait), mais elle entend froidement placer Mitchell devant ses responsabilités, et stopper cette fuite perpétuelle constituée par ce jeu de balance macabre, où une bonne action effacerait tel crime passé. Leur dialogue dans le train est un des grands moments de cet épisode, parvenant avec sobriété à retranscrire une intensité et une force émotionnelle qui ne laissent vraiment pas indifférents. L'actrice (Lacey Turner) délivre une performance vraiment remarquable à saluer.

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Pour contrebalancer ces passages très sombres, l'épisode suit une répartition classique des tonalités, introduisant un pendant plus léger grâce à George et Nina. Le couple s'efforce de retrouver un équilibre après tous les bouleversements de ces derniers mois, une dynamique que la présence de Mitchell n'encourage pas vraiment. De soirées spéciales interrompues (la scène du lit étant absolument savoureuse) à l'exploration d'un nouveau territoire boisé qui mène George directement en prison, on retrouve dans ces petites anecdotes chaotiques du quotidien le charme plus humoristique de la série, capable de prendre de la distance et de faire sourire de la condition de ses héros, à travers des passages tragi-comiques assez jubilatoires. La complicité entre George et Nina n'a jamais semblé plus aboutie que dans cet épisode.

Pour autant, la thématique des loup-garous n'est pas seulement synonyme de comédie. Il existe d'autres créatures surnaturelles dans cette nouvelle ville. Et si l'entente vampire/loup-garou semble toujours aussi peu concluante, l'épisode introduit deux nouveaux personnages, ayant leur lot de problèmes quotidiens et qui s'efforcent tant bien que mal de survivre : deux loup-garous, respectivement incarnés par Robson Green (Wire in the blood) et Michael Socha (This is England 86'). L'ambiance de leurs scènes tranche avec la relative insouciance de celles de George et Nina ; ce qui ne fait qu'accentuer l'envie du téléspectateur pour une première rencontre. Prometteur.

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Bilan : C'est une reprise dans la droite lignée de la fin de saison passée que nous propose Being Human, soldant les comptes tout en posant les fondations des intrigues à venir. Expédiant le "cliffhanger" constitué par la perte d'Anny en le transformant en confrontation introspective pour Mitchell, l'épisode place également comme thème central la question des rapports entre loup-garous et vampires, en introduisant de nouveaux protagonistes. Alternant les tonalités, entre semi-comédie et passages très sombres, les anciens enjeux d'humanité apparaissent cependant désormais bien loin pour certains. Mitchell va sans doute vivre son propre purgatoire cette saison ; avec une mort déjà prophétisée pour couronner le tout.

En résumé, on retrouve toutes les recettes qui font le charme de la série : de bonnes idées dans la dynamique relationnelle et l'introspection des personnages, des scènes marquantes, des facilités pour résoudre les crises et toujours un certain éclatement des intrigues et une différence de tonalités très importante qui donne parfois l'impression d'un manque de cohésion d'ensemble. Bref Being Human est de retour. Ni plus, ni moins. Mais ça fait quand même sacrément plaisir !


NOTE : 6,75/10


La bande-annonce de ce premier épisode de la saison 3 :

13/09/2010

(Pilote UK) Him & Her : entre essai conceptuel et fiction expérimentale sur le couple

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S'il est bien un mystère de la télévision britannique qu'il me reste encore à percer à ce jour, c'est le créneau dans lequel s'inscrivent certaines comédies que propose chaque année la BBC. Elles ont l'art de me faire passer une demi-heure de perplexité devant mon petit écran, incapable de véritablement classer la fiction qui se déroule sous mes yeux, ni de savoir comment réagir alors que les minutes s'étirent en longueur, promptes à générer de vertigineuses introspections téléphagiques. Car elles suscitent souvent en moi une rafale de questionnements que la lecture des reviews des médias UK ne parvient jamais véritablement à éclaircir. Était-ce vraiment pensé comme une comédie devant faire rire ? Y-a-t-il comme un décalage culturel qui m'échappe ?

Vous connaissez mon faible attrait pour le genre "comédie" dans sa globalité. Cependant j'essaie de faire des efforts. Histoire d'avoir ma conscience téléphagique en paix, une manière de m'excuser par avance de rayer automatiquement des nouveautés à tenter toutes les sitcoms américaines. Je continue donc, de façon régulière sans pour autant verser dans l'exhaustif, à m'installer devant certains pilotes de ces fictions d'outre-manche, généralement plus motivée par le casting que par le concept qui verse rarement dans l'originalité. Je ne m'explique pas vraiment cette obstination, si ce n'est un optimisme déraisonnable qui me fait espérer qu'un jour, je trouverai une comédie à regarder.

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Him & Her
, dont le premier épisode était diffusé lundi dernier, ne sera cependant probablement pas celle qui me réconciliera avec cette télévision-là. De quoi envisageait-elle de nous parler ? Se présentant comme volontairement a-romantique, souhaitant bousculer les images idéalisant la vie de couple afin d'en croquer une vision plus "réaliste" et terre-à-terre, elle met donc en scène le quotidien de deux jeunes amoureux, ayant autour de la trentaine, Steve et Becky. Aucune originalité particulière, si ce n'est donc la volonté d'afficher un profond attachement à relater une réalité assez neutre, mais sensée sans doute trouver un écho particulier auprès du public visé.

Ce pilote nous relate une matinée de farniente pour nos deux personnages principaux, où le projet envisagé de passer du bon temps au lit est perturbé par leurs connaissances qui ne cessent de les importuner, de la soeur en pleine crise amoureuse au voisin envahissant. Au vu de la minceur du concept de départ et de la thématique qui allait être centrale lors de ce premier épisode (le sexe), Him & Her va pourtant faire preuve de plus d'habileté que ce que les premières minutes m'avaient fait craindre. S'inscrivant dans un registre volontairement intimiste, l'écriture parvient à un étrange et fragile équilibre, pas inintéressant, entre une approche directe à l'excès et une certaine innocence dans la façon d'être des personnages. Il y a une forme de tact, presque une pudeur, assez indéfinissable dans la tonalité adoptée, comme une étrange retenue qui confère à l'ensemble un parfum proche de l'innocence, donnant un rendu assez étonnant, plus recherché qu'il n'y parait.

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La série ne cherche pas à provoquer, optant pour un déroulement suivant un ronronnement sans accroc. Nul ne doute qu'elle revendique et assume cette sobriété brandie en étendard ; seulement, si on ne peut pas lui reprocher d'en faire trop, elle va s'échouer sur l'écueil majeur de son parti pris narratif. Vouloir présenter sans le romancer un quotidien quelconque, pourquoi pas. Sauf que nous sommes quand même dans une série, cadre dans lequel il est nécessaire de maintenir un minimum de rythme, avec un contenu présentant un minimum de consistance pour retenir l'attention du téléspectateur. Or, au cours de ce pilote, Him & Her se noie surtout dans une routine creuse que l'on ne sait trop comment appréhender.

Cette impression diffuse d'électro-encéphalogramme désespérement plat - source de relatif ennui transformant votre perception du temps qui s'écoule - est confortée par l'absence de ce qui devrait, en théorie, être le coeur d'une comédie, à savoir, l'humour. Oh, l'épisode suscite bien quelques vagues sourires, les rares fois où il y a une rupture de rythme réussie - la scène de l'araignée ou la façon dont Becky s'y prend pour faire accepter la venue de sa soeur à Steve -, mais c'est trop peu pour 30 minutes de huis clos dans ce petit appartement qui sert de seul décor. Les acteurs n'y pourront rien, alors même qu'il n'y a vraiment rien à redire sur l'interprétation solide du duo phare, Russell Tovey (Little Dorrit, Being Human) et Sarah Solemani (Roman's Empire) trouvant instantanément le ton juste et parvenant à retranscrire une belle complicité à l'écran. 

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Bilan : Ce pilote de Him & Her laisse donc une impression très mitigée. D'une part, il fait preuve d'un réel tact et d'une certaine habileté à mettre en scène un quotidien, avec une atmosphère où pointe une certaine innocence ou insouciance, alors même que les sujets abordés auraient pu être propices à des développements lourds et indigestes. Mais, d'autre part, il échoue à intéresser à la monotonie de cette routine ordinaire, qui sonne finalement trop creuse pour retenir l'intérêt du téléspectateur.

Him & Her, c'est une approche télévisée expérimentale sur le couple dont l'intention n'était pas mauvaise (et l'équilibre dans la tonalité notamment mériterait d'être revu), mais le résultat est trop inconsistant pour le format d'une série, même avec peu d'épisodes.


NOTE : 4/10


Un extrait (une histoire d'araignée...) :